AFAFI Nord : la réception provisoire des travaux d’aménagement du périmètre irrigué de Sahalampona marque une étape décisive pour le développement agricole durable dans la SAVA
- TAHINISOA Ursulà Marcelle

- 16 oct.
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Les 2 et 3 octobre 2025 resteront gravés dans la mémoire des habitants de la commune rurale d’Ambohitralanana, dans le district d’Antalaha, région SAVA. Ces journées ont marqué la réception provisoire des travaux d’aménagement hydraulique du périmètre irrigué de Sahalampona, réalisés dans le cadre du Programme AFAFI-Nord, financé par l’Union européenne et coordonné par le Ministère de l’Économie et des Finances à travers le BACE. Derrière cet événement technique se cache une transformation profonde du quotidien de nombreuses familles paysannes, longtemps confrontées aux difficultés de l’agriculture pluviale et à la pression sur les ressources naturelles. Désormais, grâce à ces infrastructures hydrauliques, une nouvelle ère d’agriculture durable s’ouvre pour la région, conciliant production et préservation de la biodiversité exceptionnelle du Parc Masoala.

Un programme ambitieux pour dynamiser le nord de Madagascar
Le Programme AFAFI-Nord (Appui à la Filière Agricole et à la Formation Inclusive) s’inscrit dans une vision de long terme pour soutenir le développement rural des régions septentrionales de Madagascar. Né d’une coopération étroite entre l’Union européenne et le gouvernement malgache, ce programme vise à renforcer la sécurité alimentaire, améliorer les revenus des agriculteurs et protéger les écosystèmes fragiles. Il s’agit d’un dispositif intégré qui combine aménagements agricoles, formation des producteurs, structuration des filières et accompagnement institutionnel.
Dans la région SAVA, AFAFI-Nord concentre ses efforts sur la modernisation de l’agriculture paysanne, en particulier dans les zones où la dépendance à la culture sur brûlis reste forte. L’objectif est clair : offrir des alternatives viables à cette pratique destructrice en permettant aux populations rurales d’intensifier durablement leurs productions. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’aménagement du périmètre irrigué de Sahalampona, un projet exemplaire qui illustre la capacité du programme à concilier développement économique et respect de l’environnement.
Financé par l’Union européenne et mis en œuvre sous la supervision du BACE (Bureau d’Appui à la Coordination des Efforts), le programme repose sur une approche participative. Les communautés locales sont associées à chaque étape : de la planification des infrastructures à leur gestion future. Ce choix d’impliquer directement les bénéficiaires garantit non seulement l’appropriation des ouvrages, mais aussi leur durabilité. La région SAVA, connue pour sa richesse naturelle et sa biodiversité, représente un terrain d’expérimentation privilégié pour ce type d’initiatives de développement durable.
Sahalampona : un exemple concret de transformation agricole durable
Le périmètre irrigué de Sahalampona, situé dans la commune rurale d’Ambohitralanana, district d’Antalaha, est l’un des sites pilotes de cette politique d’aménagement agricole. Les travaux du Lot n°7, réalisés par l’entreprise TSILANIZARA et contrôlés par le bureau d’études BRL, ont consisté à mettre en place des infrastructures hydrauliques modernes capables d’assurer une gestion optimale de l’eau. Ces installations comprennent notamment des canaux d’irrigation, des bassins de rétention, des ouvrages de régulation et des dispositifs de drainage adaptés aux conditions locales.
Avant ces aménagements, les habitants dépendaient essentiellement des pluies pour cultiver leurs rizières et leurs champs. Les saisons sèches provoquaient régulièrement des pertes de récoltes, tandis que les pluies excessives entraînaient des inondations et des glissements de terrain. Grâce aux nouveaux dispositifs, l’eau peut désormais être distribuée de manière rationnelle, garantissant une irrigation constante même en période de sécheresse.
Ce changement structurel a des effets immédiats sur la production agricole. Les paysans peuvent envisager plusieurs cycles de culture par an, diversifier leurs productions et sécuriser leurs revenus. Riz, légumes, maïs, mais aussi cultures de rente comme la vanille ou le girofle, bénéficient d’une meilleure gestion de l’eau. Cette amélioration technique s’accompagne d’une mutation sociale : les jeunes, souvent tentés par l’exode rural, redécouvrent dans l’agriculture locale une activité rentable et valorisante.
Mais l’impact le plus significatif reste environnemental. En permettant une production accrue sur des surfaces limitées, les infrastructures de Sahalampona réduisent la pression sur les zones forestières environnantes. Ainsi, les familles peuvent renoncer progressivement à la culture sur brûlis, cause majeure de déforestation, et contribuer à la protection du Parc Masoala, l’un des joyaux écologiques de Madagascar.
Un partenariat technique et institutionnel exemplaire
La réussite du projet de Sahalampona repose sur une synergie remarquable entre plusieurs acteurs. L’entreprise TSILANIZARA, en charge des travaux, a su respecter les exigences techniques et environnementales fixées par le cahier des charges. Sous la supervision du bureau de contrôle BRL, reconnu pour son expertise en ingénierie hydraulique, les ouvrages ont été conçus pour résister aux aléas climatiques et s’adapter aux réalités locales.
Au-delà de la dimension technique, le projet illustre l’efficacité du partenariat entre les institutions malgaches et les bailleurs internationaux. Le Ministère de l’Économie et des Finances, à travers le BACE, assure la coordination administrative et financière, garantissant la transparence des opérations et la cohérence avec les politiques publiques nationales. De son côté, l’Union européenne apporte non seulement le financement, mais aussi un accompagnement méthodologique et une exigence de qualité qui renforcent la crédibilité de l’ensemble du dispositif.
Cette coopération multilatérale s’inscrit dans un cadre plus large de développement inclusif. En favorisant la création d’infrastructures de base et en soutenant la formation des communautés rurales, AFAFI-Nord contribue à l’émergence d’une gouvernance locale participative. Les comités d’usagers de l’eau, mis en place dans chaque périmètre, assurent la gestion quotidienne et la maintenance des ouvrages. Cette approche participative, basée sur la responsabilisation des acteurs locaux, garantit la pérennité des investissements réalisés.
Le chantier de Sahalampona constitue donc un modèle de collaboration réussie entre le secteur public, le secteur privé et les partenaires techniques et financiers. Il démontre qu’un développement agricole durable peut être atteint lorsque l’ensemble des parties prenantes agissent dans un même esprit de solidarité et de complémentarité.
Des impacts socio-économiques déjà perceptibles
Quelques semaines à peine après la réception provisoire des travaux, les premiers effets positifs sont déjà observés dans la région. Les agriculteurs, désormais capables de planifier leurs cultures avec plus de précision, constatent une hausse significative de leurs rendements. Cette amélioration de la productivité se traduit par une meilleure sécurité alimentaire pour les familles, mais aussi par des perspectives économiques plus favorables.
Les marchés locaux bénéficient directement de cette nouvelle dynamique. L’abondance des récoltes stimule le commerce, favorise les échanges entre villages et attire de nouveaux acteurs économiques. Certains producteurs envisagent même la transformation artisanale de leurs produits, notamment le riz et les légumes, ouvrant la voie à une économie rurale plus diversifiée.
Sur le plan social, les retombées sont également notables. L’accès à l’eau facilite les activités domestiques, allégeant la charge des femmes, souvent responsables de la corvée d’eau. Par ailleurs, les emplois créés pendant la phase de construction ont permis à de nombreux jeunes de trouver une activité rémunérée, renforçant ainsi la cohésion communautaire.
Au-delà des bénéfices immédiats, l’aménagement du périmètre irrigué de Sahalampona redonne espoir à une population longtemps marginalisée. L’eau, autrefois source de conflits et de précarité, devient un vecteur de paix et de prospérité partagée. Les habitants, conscients de l’importance de préserver cet acquis, s’organisent désormais pour entretenir collectivement les infrastructures et garantir leur bon fonctionnement.
Cette dynamique vertueuse s’étend progressivement aux communes voisines, où d’autres projets similaires sont à l’étude. L’expérience de Sahalampona sert de référence et prouve qu’un développement rural intégré, respectueux de l’environnement et centré sur les besoins des populations, est non seulement possible, mais souhaitable pour l’avenir du pays.
Préserver la forêt et la biodiversité du Parc Masoala : un enjeu vital
L’un des aspects les plus stratégiques du projet AFAFI-Nord dans la région SAVA réside dans son impact sur la préservation de l’environnement. Le Parc Masoala, qui borde plusieurs zones agricoles, abrite une biodiversité unique au monde, comprenant de nombreuses espèces endémiques menacées. Cependant, la pression humaine, notamment à travers la culture sur brûlis et l’exploitation illégale du bois, menace cet équilibre fragile.
En offrant une alternative agricole durable, les infrastructures hydrauliques de Sahalampona contribuent directement à la réduction de la déforestation. Les familles paysannes peuvent désormais produire davantage sur des terres déjà exploitées, sans empiéter sur les zones forestières. Cette évolution constitue un changement profond dans les pratiques culturales et les mentalités locales.
Le programme AFAFI-Nord intègre également une dimension éducative et de sensibilisation à la protection de l’environnement. Des sessions de formation sont organisées pour expliquer aux communautés les liens entre la gestion de l’eau, la fertilité des sols et la conservation de la biodiversité. Les bénéficiaires apprennent à utiliser des techniques agricoles respectueuses de l’écosystème, telles que l’agroforesterie, la rotation des cultures ou l’utilisation d’engrais organiques.
Le maintien de la couverture forestière autour du parc ne bénéficie pas uniquement à la faune et à la flore. Il permet aussi de stabiliser les sols, de réguler le cycle de l’eau et de prévenir les catastrophes naturelles, comme les crues ou les glissements de terrain. En d’autres termes, protéger la forêt, c’est aussi protéger l’agriculture elle-même.
À long terme, cette approche intégrée entre développement rural et conservation environnementale pourrait servir de modèle pour d’autres régions de Madagascar confrontées aux mêmes défis. L’expérience de Sahalampona montre qu’il est possible de concilier les impératifs de production et les exigences écologiques dans un équilibre bénéfique pour tous.
Vers une généralisation du modèle AFAFI-Nord
La réception provisoire du périmètre irrigué de Sahalampona n’est pas une fin en soi, mais le point de départ d’une dynamique appelée à se renforcer. D’autres périmètres sont en cours d’étude ou de construction dans différentes communes de la région SAVA et au-delà. L’objectif est de reproduire le modèle AFAFI-Nord sur une plus grande échelle, en adaptant les solutions aux spécificités locales.
Les leçons tirées de Sahalampona serviront à améliorer la conception des futurs projets : meilleure anticipation des besoins en eau, renforcement de la participation communautaire, formation accrue des comités de gestion et appui technique durable. Le gouvernement malgache, en collaboration avec ses partenaires, envisage déjà d’intégrer ces approches dans les politiques nationales de développement rural et de gestion de l’eau.
À terme, le succès du programme pourrait inspirer d’autres régions confrontées aux mêmes problématiques : insécurité alimentaire, pauvreté rurale et dégradation de l’environnement. La clé du succès réside dans la continuité du financement, l’engagement des autorités locales et la responsabilisation des bénéficiaires.
Le cas de Sahalampona illustre à merveille cette convergence entre développement humain, durabilité écologique et gouvernance participative. C’est une démonstration concrète qu’avec des moyens adaptés, une planification rigoureuse et une volonté collective, le monde rural malgache peut se transformer en profondeur.
Conclusion
L’inauguration des ouvrages hydrauliques du périmètre irrigué de Sahalampona symbolise bien plus qu’une simple réalisation technique : c’est un tournant historique pour les habitants de la région SAVA. À travers le programme AFAFI-Nord, financé par l’Union européenne et coordonné par le Ministère de l’Économie et des Finances, le développement agricole malgache prend une nouvelle direction, fondée sur la durabilité, la solidarité et la résilience.
Les canaux d’irrigation inaugurés en octobre 2025 ne transportent pas seulement de l’eau : ils véhiculent l’espoir d’une prospérité retrouvée, d’une forêt préservée et d’une ruralité réinventée. Sahalampona devient ainsi le symbole d’une agriculture intelligente, respectueuse de l’homme et de la nature, et trace la voie vers un avenir où développement et préservation de l’environnement ne seront plus perçus comme des antagonismes, mais comme les deux piliers d’une même ambition nationale.


