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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Affaire des 11 milliards d’ariary : la CNaPS reprend la SMGD après un défaut de remboursement

L’affaire des 11 milliards d’ariary opposant la CNaPS (Caisse Nationale de Prévoyance Sociale) à la société SMGD (Société Municipale de Gestion et de Développement) refait surface. Ce dossier, né d’un accord tripartite signé en février 2021 entre la CNaPS, la SMGD et la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA), connaît aujourd’hui un tournant décisif. Accusée de ne pas avoir respecté ses engagements financiers, la SMGD se voit désormais menacée d’une reprise totale par la CNaPS. Retour sur les faits, les enjeux et les implications de cette affaire qui ébranle la gestion des fonds publics à Madagascar.

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Un accord de financement ambitieux signé en 2021

En février 2021, la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, institution publique chargée de la protection sociale des travailleurs, a consenti à octroyer un prêt colossal de 11 milliards d’ariary à la Société Municipale de Gestion et de Développement. Cette dernière, créée en collaboration avec la Commune Urbaine d’Antananarivo, avait pour objectif de mener à bien plusieurs projets de développement urbain, notamment dans la capitale malgache.

L’accord prévoyait que la SMGD rembourse ce prêt sur une durée de 60 mois, à partir de février 2022. Les paiements devaient être effectués mensuellement, intérêts inclus, conformément aux modalités fixées par les deux parties. Le directeur général de la CNaPS, Vimbina Rahaingonjatovo, avait alors présenté cet accord comme une initiative stratégique visant à soutenir des investissements à long terme tout en garantissant la sécurité financière de la caisse.

Cette collaboration tripartite entre la CNaPS, la SMGD et la CUA symbolisait une forme de partenariat public-public destiné à renforcer les infrastructures locales et à promouvoir la croissance économique dans la capitale. Mais derrière cette ambition, la réalité financière allait rapidement se heurter à des difficultés majeures.

Des remboursements réguliers mais insuffisants

Conformément à l’accord conclu, la SMGD a entamé ses paiements à partir de février 2022. Durant les deux premières années, la société a respecté les échéances mensuelles, assurant ainsi la confiance de la CNaPS dans la solidité du partenariat. Les paiements se sont poursuivis régulièrement jusqu’en avril 2024, date à laquelle la SMGD a effectué son dernier versement.

Selon les déclarations officielles du directeur général de la CNaPS, le montant total déjà remboursé s’élève à 5 milliards d’ariary. Si cette somme paraît significative, elle ne représente pourtant qu’une partie du prêt initial de 11 milliards. En d’autres termes, plus de 7 milliards d’ariary demeurent impayés à ce jour.

Cette situation a provoqué une vive inquiétude au sein de la CNaPS, dont les fonds proviennent en grande partie des cotisations sociales des travailleurs malgaches. Pour l’institution, un tel retard compromet la bonne gestion des ressources destinées à la sécurité sociale. D’autant plus que ces fonds sont censés servir à garantir les prestations sociales et les retraites, et non à financer indéfiniment des projets non rentables.

Un défaut de paiement qui entraîne une reprise de contrôle

Face au non-remboursement des 7 milliards d’ariary restants, la CNaPS a décidé d’activer les clauses prévues dans l’accord initial. Selon le directeur général Vimbina Rahaingonjatovo, le contrat stipule clairement qu’en cas de non-paiement, la CNaPS deviendrait propriétaire à 100 % de la SMGD. Cette disposition visait à protéger la caisse contre tout risque de perte de capital.

Ainsi, après plusieurs relances infructueuses, la CNaPS a officiellement entamé la procédure de reprise de la société. Cette mesure, qualifiée de légale et conforme à l’accord signé en 2021, marque un tournant important dans cette affaire. En exerçant son droit de propriété totale, la CNaPS reprend non seulement la gestion de la SMGD, mais aussi l’ensemble de ses actifs et de ses opérations.

Cette décision, bien que justifiée sur le plan contractuel, suscite néanmoins des interrogations sur la capacité de la CNaPS à gérer directement une entité commerciale dont la vocation initiale n’était pas liée à la prévoyance sociale. Certains observateurs s’inquiètent également des conséquences de cette reprise sur les projets en cours de la SMGD, notamment ceux entrepris avec la Commune Urbaine d’Antananarivo.

Des implications économiques et politiques notables

L’affaire des 11 milliards d’ariary ne se limite pas à un simple différend financier entre deux entités publiques. Elle soulève de profondes questions sur la gouvernance, la transparence et la gestion des ressources publiques à Madagascar.

D’un point de vue économique, cette situation illustre les risques encourus lorsque des institutions sociales investissent massivement dans des projets à caractère commercial sans garanties suffisantes de rentabilité. Les cotisations sociales, qui devraient être utilisées pour le bien-être des travailleurs, se retrouvent ainsi exposées à des aléas financiers qui menacent la stabilité de la caisse.

Sur le plan politique, la reprise de la SMGD par la CNaPS pourrait avoir des répercussions dans la sphère municipale. La Commune Urbaine d’Antananarivo, partenaire initial de l’accord, se retrouve indirectement impliquée dans ce dossier sensible. Les relations entre les institutions publiques risquent de se tendre davantage, surtout si des soupçons de mauvaise gestion ou de favoritisme venaient à émerger.

De plus, la perte du contrôle de la SMGD par la commune pourrait impacter la continuité des projets urbains en cours, notamment ceux destinés à améliorer les services publics dans la capitale. Certains craignent que la reprise par la CNaPS ne provoque un ralentissement, voire un arrêt temporaire de ces initiatives, en attendant une nouvelle réorganisation interne.

Une affaire qui interroge la gouvernance publique

Cette affaire met en lumière la fragilité des mécanismes de contrôle et de suivi des investissements publics à Madagascar. En confiant une somme aussi importante que 11 milliards d’ariary à une société publique sans garantie de remboursement suffisante, la CNaPS a pris un risque majeur. Le cas de la SMGD illustre à quel point la gestion de ces partenariats nécessite une rigueur exemplaire et une transparence totale.

De nombreux économistes et analystes appellent désormais à une révision des procédures d’octroi de prêts par les institutions publiques. Ils estiment qu’avant tout engagement financier, des études approfondies de faisabilité, des audits indépendants et un suivi régulier devraient être imposés pour éviter de telles situations.

L’affaire soulève également une question fondamentale : dans quelle mesure les institutions de prévoyance sociale doivent-elles participer à des opérations d’investissement hors de leur champ traditionnel ? Si la CNaPS cherche à diversifier ses revenus, elle doit le faire avec prudence, afin de préserver la confiance des cotisants et d’assurer la pérennité de ses missions principales.

Vers une restructuration inévitable

Avec la reprise totale de la SMGD, la CNaPS se trouve désormais face à un défi de taille : redresser une société en difficulté tout en préservant ses propres équilibres financiers. Cette opération de reprise ne sera pas sans conséquence, tant sur le plan administratif que sur le plan social.

Une restructuration de la SMGD paraît inévitable. La CNaPS devra non seulement évaluer les actifs et passifs de la société, mais aussi revoir sa stratégie de gestion. Des licenciements ou des réaffectations de personnel pourraient intervenir, de même qu’une réévaluation des projets en cours pour déterminer leur rentabilité réelle.

Cette nouvelle étape pourrait aussi ouvrir la voie à un audit global de la société et de ses relations passées avec la Commune Urbaine d’Antananarivo. Une telle démarche permettrait de faire la lumière sur les causes du défaut de paiement et d’identifier les éventuelles responsabilités internes.

Pour la CNaPS, cette reprise est à la fois une mesure de sauvegarde et une épreuve de gouvernance. Si elle parvient à redresser la SMGD tout en récupérant progressivement les fonds engagés, elle pourrait renforcer sa crédibilité. Dans le cas contraire, elle s’exposerait à de nouvelles critiques concernant la gestion de ses placements financiers.

Conclusion : une affaire emblématique des défis de la gestion publique

L’affaire des 11 milliards d’ariary entre la CNaPS et la SMGD met en exergue les failles et les défis auxquels sont confrontées les institutions publiques malgaches dans la gestion de leurs ressources. Ce dossier, qui semblait au départ relever d’un simple partenariat de développement, s’est transformé en un cas emblématique de risque financier mal maîtrisé.

La CNaPS, en reprenant la SMGD, cherche à protéger les intérêts de ses cotisants et à éviter une perte définitive de plusieurs milliards d’ariary. Toutefois, cette décision ne règle pas pour autant les questions de fond liées à la gouvernance, à la transparence et à la responsabilité des dirigeants publics.

Cette affaire devrait servir de leçon pour l’ensemble des acteurs institutionnels : la gestion des fonds publics exige une vigilance constante, des contrôles rigoureux et une reddition de comptes permanente. Dans un contexte économique fragile, chaque décision financière engage non seulement l’avenir d’une institution, mais aussi celui des citoyens qu’elle est censée protéger.

Ainsi, au-delà du simple différend financier, l’affaire CNaPS–SMGD incarne les défis structurels de la gestion publique à Madagascar : la conciliation entre développement économique, responsabilité sociale et bonne gouvernance. Seule une réforme en profondeur des pratiques administratives et financières permettra d’éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir.

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