Un ancien membre des forces de gendarmerie du Rwanda est traduit devant la justice française pour répondre de charges de génocide et de crimes contre l'humanité.
Vingt-neuf ans après le génocide de 1994 au Rwanda, Philippe Hategekimana, ancien adjudant-chef à la gendarmerie de Nyanza et naturalisé français en 2005 sous le nom de Philippe Manier, fait face à des accusations de « génocide, crimes contre l'humanité et participation à une entente » devant la cour d'assises de Paris à partir de ce mercredi 10 mai. À l'âge de 66 ans aujourd'hui, Philippe Manier est poursuivi pour son présumé rôle dans les meurtres de nombreux Tutsis dans la préfecture de Butare, notamment celui du bourgmestre de Ntyazo qui s'opposait au génocide dans sa commune. On lui attribue notamment l'ordre de mettre en place plusieurs « barrières », des barrages routiers utilisés pour contrôler et assassiner les civils tutsis.
L'accusation reproche également à Philippe Manier d'avoir participé, en donnant des ordres, voire en étant directement impliqué sur le terrain, à trois massacres : celui de la colline de Nyabubare, où environ 300 personnes ont été tuées le 23 avril 1994 ; celui de la colline de Nyamure, où des milliers de Tutsis s'étaient réfugiés quatre jours plus tard ; et celui de l'Isar Songa, l'Institut des sciences agronomes du Rwanda, où des dizaines de milliers de victimes ont été recensées.
Philippe Manier conteste formellement toutes ces accusations. Après avoir quitté le Rwanda à la suite du génocide, alors connu sous le nom de Philippe Hategekimana, il est arrivé en France en 1999 et a obtenu le statut de réfugié sous une fausse identité. Il s'est ensuite reconverti en agent de sécurité à l'université de Rennes, dans l'ouest de la France, et a été naturalisé en février 2005 sous le nom de Manier. Après que le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR) a déposé plainte contre lui en 2015, Philippe Manier a quitté la France pour le Cameroun à la fin de 2017. Il a été arrêté en mars 2018 et extradé un an plus tard.
Déjà incarcéré depuis plus de quatre ans, Philippe Manier se présente à son procès avec confiance, déterminé à faire valoir sa version des faits, selon ses avocats Emmanuel Altit et Alexis Guedj. Me Altit souligne que cette période était marquée par l'atrocité et le chaos, avec la guerre en cours. Il affirme que son client a fait de son mieux dans ce contexte difficile, en tant qu'honnête homme. Il indique également que Philippe Manier a accompli des actions positives durant cette période extrêmement complexe et estime que les allégations de l'accusation ne sont pas étayées.