Banky Foiben’i Madagasikara maintient son taux directeur à 12 % : une décision prudente face aux incertitudes économiques
- TAHINISOA Ursulà Marcelle

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L’annonce du Comité monétaire de Banky Foiben’i Madagasikara (BFM), le 4 novembre 2025, marque une nouvelle étape dans la stratégie monétaire nationale. En maintenant le taux directeur à 12 %, la banque centrale malgache choisit la prudence et la stabilité, dans un contexte économique mondial et national marqué par des signes contrastés. Cette décision intervient après les mesures d’assouplissement prises en octobre 2025, destinées à améliorer la liquidité des banques et à soutenir le financement de l’économie.

Une conjoncture mondiale en ralentissement
L’économie mondiale, en 2025, évolue dans un climat d’incertitude. Selon les dernières estimations publiées en octobre, la croissance mondiale devrait atteindre 3,2 %, légèrement en deçà des 3,3 % enregistrés en 2024. Ce recul s’explique par la baisse de régime de plusieurs grandes économies, notamment les États-Unis, la zone euro et la Chine.
Aux États-Unis, le ralentissement des activités économiques reflète l’impact des politiques monétaires restrictives adoptées pour contenir l’inflation. En Europe, la reprise reste fragile, tandis que la Chine connaît une croissance atone, affectée par la faiblesse de la demande intérieure et les tensions commerciales persistantes.
L’inflation mondiale poursuit néanmoins sa décrue, bien que de manière inégale selon les régions. Face à ces tendances, la plupart des grandes banques centrales ont préféré maintenir leurs taux directeurs inchangés. La Réserve fédérale américaine (FED) fait figure d’exception, ayant abaissé son taux de 50 points de base au cours des deux derniers mois, pour soutenir la croissance.
Ce contexte international, fait d’incertitudes et de prudence, influence inévitablement les orientations de politique monétaire des pays émergents, dont Madagascar.
Une économie nationale en perte de vitesse
Sur le plan intérieur, les indicateurs économiques confirment un ralentissement marqué au troisième trimestre 2025. L’activité économique nationale s’est contractée, affectée par les tensions politiques survenues en septembre et octobre. Ces événements ont fragilisé la confiance des acteurs économiques, comme l’ont révélé les dernières Enquêtes de Conjoncture Économique (ECE).
La baisse de la confiance des ménages et des entreprises a pesé sur la consommation, l’investissement et l’emploi, entraînant une contraction dans la plupart des secteurs productifs. Les activités agricoles, industrielles et de services ont toutes subi les effets combinés de cette conjoncture défavorable et des perturbations politiques.
Pour autant, la BFM et plusieurs institutions économiques anticipent une amélioration progressive de la situation dès 2026. Un redressement graduel de l’activité est attendu, soutenu par le retour de la stabilité politique et la reprise des investissements publics et privés.
Des évolutions contrastées sur le marché des changes
Le marché des devises malgache a connu une évolution contrastée entre la fin de 2024 et l’automne 2025. L’ariary s’est déprécié face à l’euro mais s’est apprécié face au dollar américain. Au 31 octobre 2025, un euro valait 5 157,3 ariary contre 4 873,4 ariary dix mois plus tôt, soit une perte de 5,8 % de la valeur de la monnaie nationale face à la devise européenne.
En revanche, sur la même période, le dollar est passé de 4 692,4 ariary à 4 487,8 ariary, traduisant une appréciation de 4,4 % de l’ariary face à la monnaie américaine. Cette divergence reflète la forte volatilité du taux de change euro/dollar sur les marchés internationaux.
Le déficit commercial du pays, quant à lui, continue de se creuser, conséquence directe d’une demande d’importations élevée et d’une faible progression des exportations. Toutefois, les rentrées de devises issues des projets de développement ont permis de renforcer les réserves officielles de change, qui couvraient jusqu’à 6,2 mois d’importations à la fin septembre 2025. Cette situation confère une certaine marge de manœuvre à la BFM pour maintenir la stabilité du système financier.
Une croissance monétaire soutenue mais appelée à ralentir
La BFM observe avec attention la dynamique de la masse monétaire. En septembre 2025, sa croissance annuelle s’établissait à 12,9 %, un rythme soutenu et conforme aux prévisions formulées lors de la précédente réunion du Comité monétaire. Cette progression s’explique par deux facteurs principaux : la hausse des réserves en devises et le dynamisme du crédit bancaire au troisième trimestre.
Malgré cette expansion, la BFM prévoit un ralentissement de la croissance monétaire d’ici la fin de l’année. Les conditions monétaires actuelles, jugées restrictives, devraient contribuer à tempérer cette évolution. L’objectif est clair : maintenir un équilibre entre le soutien à l’activité économique et la maîtrise de l’inflation.
Les mesures adoptées en octobre 2025, notamment l’assouplissement des conditions de dépôts des banques auprès de la BFM, visent à libérer davantage de liquidités. Ces liquidités supplémentaires doivent permettre aux établissements bancaires de renforcer le crédit au secteur privé. Cependant, avant d’ajuster à nouveau sa politique, la BFM souhaite observer les effets réels de ces mesures sur les crédits et les agrégats monétaires.
L’inflation en recul : un signe encourageant mais fragile
L’un des points positifs du bilan économique de 2025 réside dans la maîtrise progressive de l’inflation. Depuis le début de l’année, un processus de désinflation s’est enclenché. En septembre, le taux d’inflation annuel atteignait 7,5 %, contre 9,5 % en janvier. Ce recul, plus marqué que prévu, résulte principalement de la baisse des prix de l’énergie et des produits non alimentaires.
L’inflation sous-jacente, excluant le riz et l’énergie, s’est fixée à 6,6 %. Ce chiffre traduit l’effet des conditions monétaires restrictives mises en œuvre par la BFM depuis plusieurs trimestres. Ces efforts visent à réduire les tensions sur les prix sans pour autant freiner excessivement la croissance.
Les projections pour la fin de 2025 confirment la poursuite de cette tendance baissière. Une croissance économique modérée, conjuguée à une expansion monétaire maîtrisée, devrait contribuer à limiter les pressions inflationnistes. Cependant, les autorités monétaires reconnaissent que cette amélioration reste fragile. La décélération actuelle n’est pas encore suffisante pour garantir une stabilité durable des prix.
Des risques persistants pour l’économie
Malgré les signaux positifs, de nombreuses incertitudes pèsent encore sur l’économie malgache. Sur le plan international, les tensions géopolitiques, la montée du protectionnisme et la volatilité des cours des matières premières constituent autant de risques susceptibles d’affecter la stabilité macroéconomique du pays.
Au niveau national, la situation politique demeure un facteur déterminant. Les événements récents ont montré à quel point la confiance des agents économiques pouvait être rapidement ébranlée. Les tensions internes, si elles se prolongeaient, pourraient retarder la reprise prévue pour 2026.
Les autorités monétaires doivent donc composer avec un environnement complexe, où la moindre perturbation externe ou interne peut remettre en cause les équilibres fragiles de l’économie.
Une stratégie de stabilité et d’observation
Face à ces incertitudes, la décision de la BFM de maintenir son taux directeur à 12 % s’inscrit dans une logique de prudence. Le Comité monétaire a privilégié une période d’observation afin d’évaluer les effets des mesures prises en octobre 2025. Ces dispositions visaient à renforcer le financement de l’économie par le biais d’une meilleure circulation de la liquidité dans le système bancaire.
La BFM entend ainsi donner le temps nécessaire pour que ces ajustements produisent leurs effets sur le crédit, l’investissement et la consommation. Ce choix s’explique également par la volonté d’éviter toute volatilité supplémentaire sur les marchés financiers, dans un contexte où la confiance des acteurs reste fragile.
En parallèle, la banque centrale réaffirme son double engagement : garantir la stabilité des prix et préserver la solidité du système financier. Elle s’attache également à soutenir, dans la mesure du possible, la reprise de l’activité économique à moyen terme.
Une perspective de reprise progressive en 2026
Les perspectives pour 2026 demeurent globalement optimistes. Les prévisions de la BFM tablent sur un redressement graduel de l’activité économique, porté par la normalisation du climat politique et l’impact positif des mesures de soutien monétaire.
Cette reprise devrait s’appuyer sur plusieurs leviers : la relance des projets d’investissement public, la stimulation du crédit au secteur privé et le renforcement des exportations. Toutefois, les autorités mettent en garde contre tout excès d’optimisme. Les défis structurels – dépendance aux importations, vulnérabilité du secteur agricole, faiblesse du tissu industriel – demeurent des obstacles majeurs à une croissance durable.
Dans ce contexte, la BFM se montre déterminée à poursuivre une politique monétaire équilibrée, alliant rigueur et flexibilité. L’objectif à moyen terme est d’instaurer un environnement propice à la stabilité des prix et à la confiance des investisseurs.
Conclusion : entre prudence et engagement pour la stabilité
La décision du 4 novembre 2025 illustre la posture mesurée de Banky Foiben’i Madagasikara face à une conjoncture économique délicate. En maintenant le taux directeur à 12 %, la BFM choisit d’observer les effets de ses récentes mesures avant d’envisager de nouveaux ajustements.
Cette approche pragmatique, fondée sur la stabilité et la prudence, vise à préserver la confiance dans le système financier tout en accompagnant la reprise de l’économie nationale. Les signaux encourageants sur l’inflation et les réserves de change confirment la pertinence de cette stratégie. Toutefois, la banque centrale reste consciente des risques externes et internes qui pourraient remettre en cause cet équilibre fragile.
L’année 2026 s’annonce décisive. Si les conditions politiques et économiques s’améliorent, Madagascar pourrait renouer avec une croissance plus solide et durable. La BFM, en maintenant le cap de la stabilité monétaire, entend jouer pleinement son rôle dans cette dynamique de redressement.

