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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Baobab Banque Madagascar : la microfinance qui prend racine dans l’économie malgache

À Madagascar, où une large partie de la population reste tenue à distance des services bancaires classiques, Baobab Banque Madagascar s’est hissée au rang d’acteur central de la microfinance. Née de l’aventure du groupe Microcred devenu Baobab, la banque a progressivement installé un modèle basé sur le crédit aux micro-entrepreneurs, l’épargne de proximité et une présence au plus près des marchés urbains et périurbains. Dans un environnement économique instable, marqué par l’inflation, la vulnérabilité climatique et un tissu entrepreneurial majoritairement informel, l’établissement revendique une trajectoire de croissance et d’impact. Ses résultats 2023, l’appui financier de Proparco, et la montée en puissance de ses programmes d’inclusion, notamment en faveur des femmes, dessinent le portrait d’une banque qui veut concilier rentabilité, prudence et mission sociale.

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Une implantation ancienne et une mission d’inclusion financière devenue structurelle

Baobab Banque Madagascar est l’une des premières implantations africaines du groupe aujourd’hui connu sous le nom de Baobab. L’histoire commence avec Microcred, créé en 2005 pour développer une microfinance professionnelle et adossée à des actionnaires internationaux. Madagascar est devenu dès 2006 un terrain d’expansion stratégique, en phase avec l’objectif de toucher des entrepreneurs exclus du système bancaire traditionnel. Le rebranding de Microcred en Baobab, officialisé en 2018, a consolidé cette identité : celle d’un groupe se voulant robuste, enraciné localement et tourné vers l’accès aux services financiers pour les populations sous-bancarisées.

À Madagascar, la logique d’inclusion répond à une réalité persistante : la majorité des micro-entreprises, des petits commerces et des acteurs informels peinent à obtenir crédit, assurance ou solutions d’épargne adaptées. Baobab Banque Madagascar s’est positionnée sur ce segment intermédiaire, entre les nano-prêts numériques émergents et les banques commerciales s’adressant surtout aux entreprises déjà structurées. Son offre s’articule autour de services simples : prêts professionnels de faible à moyenne taille, produits d’épargne sécurisés, et accompagnement de clientèle. La banque revendique une approche de proximité, soutenue par le réseau et les équipes locales du groupe.

Cette orientation s’inscrit dans un cadre plus large : celui d’une microfinance qui, au fil des années, a cessé d’être un outil marginal pour devenir une composante de l’économie urbaine et rurale. En visant particulièrement les micro-entrepreneurs, souvent propriétaires individuels ou entreprises familiales, l’établissement assume un profil de risque plus élevé que celui du système bancaire traditionnel, mais cherche à le maîtriser par la connaissance fine du terrain et l’analyse des flux réels d’activité.

Des résultats 2023 en hausse dans un contexte économique difficile

L’exercice 2023 a constitué un marqueur pour Baobab Banque Madagascar. Selon un communiqué du groupe, l’établissement a clôturé l’année avec un portefeuille de crédits atteignant 312 milliards d’ariary — environ 63 millions d’euros — soit une progression de près de 15 % par rapport à 2022. Dans le même temps, la banque annonce un résultat net de 14,79 milliards d’ariary, équivalant à environ 2,9 millions d’euros.

Ces chiffres interviennent dans un environnement décrit comme exigeant : hausse des prix, tensions sur le pouvoir d’achat et volatilité macroéconomique. Au niveau du groupe Baobab, 2023 est présentée comme une année de performance robuste malgré l’inflation, les risques de change et les difficultés politiques rencontrées dans plusieurs pays d’implantation. Le groupe a dépassé le seuil des 500 000 clients actifs, avec une croissance de l’encours de prêts et une progression des dépôts, traduisant une volonté de renforcer la collecte d’épargne pour stabiliser les ressources.

Pour Madagascar, la dynamique du crédit reflète un marché où la demande de financement reste vive, notamment dans les secteurs du petit commerce, de la production artisanale, de la restauration informelle ou de l’agro-transformation à petite échelle. La banque met en avant une « performance exceptionnelle » présentée lors d’une conférence de presse locale, insistant sur la hausse simultanée du portefeuille et du nombre de clients.

La progression n’efface pas pour autant les fragilités : la microfinance demeure exposée aux chocs climatiques affectant les revenus agricoles, aux hausses de coûts des intrants, et à la faible protection sociale des ménages entrepreneurs. Mais la banque présente ses ratios de risque comme sous contrôle au niveau du groupe, avec des indicateurs de qualité de portefeuille jugés solides. Ce contexte de maîtrise constitue un argument clé pour attirer des partenaires et refinanceurs internationaux.

La garantie Proparco, levier pour élargir l’accès au crédit

Dans cette logique de consolidation, Baobab Banque Madagascar a obtenu l’appui de Proparco, filiale du groupe Agence française de développement dédiée au secteur privé. L’accord prend la forme d’une garantie de portefeuille d’environ 2 à 2,1 millions d’euros, destinée à partager les risques liés aux prêts accordés aux micro-entrepreneurs malgaches.

Le mécanisme vise un objectif précis : permettre à la banque d’accroître son offre de financement à destination d’une clientèle considérée comme risquée par les banques classiques. Proparco souligne que la garantie doit renforcer l’inclusion financière auprès de micro-entreprises qui font vivre des populations urbaines vulnérables, et contribuer à réduire les inégalités économiques dans le pays.

Du côté de Baobab Banque Madagascar, la direction estime que cet appui sécurise une partie des encours et ouvre une marge de manœuvre pour élargir la portée des prêts. Le partenariat est intégré à un programme européen de soutien aux financements garantis, ce qui place l’action malgache dans une architecture régionale plus vaste d’appui à la microfinance.

Ce type de garantie a aussi une valeur symbolique : il signale la confiance d’un acteur public de développement dans la capacité de la banque à générer à la fois impact social et solidité financière. Pour une institution de microfinance, l’accès à des instruments de partage de risque est un moyen de maintenir un taux de croissance du crédit sans dégrader sa qualité. C’est également un outil pour résister aux cycles conjoncturels, en sachant que les micro-entrepreneurs, souvent sans actifs suffisants pour garantir des prêts, constituent une population particulièrement sensible aux aléas économiques.

À Madagascar, l’enjeu est d’autant plus important que la demande de financement porte sur des montants modestes mais indispensables à la survie des activités : achat de stock, renouvellement d’équipement, trésorerie de campagne agricole, ou modernisation d’un petit point de vente. La garantie doit donc agir comme un multiplicateur, en faisant levier sur des prêts qui, sans cela, resteraient jugés trop risqués.

Ampela et l’entrepreneuriat féminin, une priorité affirmée

Parallèlement aux instruments financiers, Baobab Banque Madagascar insiste sur la dimension sociale de ses activités. Le projet Ampela — « femme » en langue malgache — occupe une place centrale dans cette stratégie. Selon le rapport d’impact du groupe, ce programme vise à soutenir l’autonomisation économique des femmes et à promouvoir l’égalité de genre dans l’entrepreneuriat.

La banque met en avant une progression nette de la clientèle féminine dans son portefeuille. Des articles de presse locaux rappellent que l’initiative a été conçue pour reconnaître le rôle des femmes dans le développement de la banque et pour renforcer leur accès aux financements, à un moment où l’égalité des chances est présentée comme une pratique mesurée dans les statistiques internes.

En 2024, Baobab Banque Madagascar a franchi une étape supplémentaire en lançant le Trophée Ampela, concours national destiné à récompenser et appuyer des projets portés par des entrepreneures. L’appel s’adresse à des femmes ayant un projet en cours ou en phase de croissance, et s’inscrit dans un dispositif d’accompagnement financier et de visibilité.

L’angle féminin répond à des constats récurrents : les femmes représentent une part très importante de la micro-économie malgache, en particulier dans les marchés, la transformation agroalimentaire artisanale, ou les services de proximité. Pourtant, elles restent confrontées à des obstacles d’accès au crédit — absence de garanties formelles, revenus irréguliers, lourdeurs administratives. En mettant en avant Ampela, la banque cherche à transformer ce bassin d’activité en segment prioritaire de financement, tout en affichant un rôle social.

Cette orientation est cohérente avec les critères internationaux de la microfinance dite responsable, où la mesure d’impact, la transparence de l’offre et la réduction des inégalités constituent des références. Le groupe Baobab souligne d’ailleurs la conduite régulière d’évaluations sociales au niveau de ses filiales afin de suivre les progrès en matière de performance sociale.

Digitalisation, partenariats et perspectives de croissance

La trajectoire de Baobab Banque Madagascar est aussi marquée par la digitalisation progressive des services. Le rapport annuel 2023 du groupe insiste sur les efforts réalisés pour automatiser certains processus et préparer une croissance durable, tout en conservant une relation de proximité avec les clients via le réseau d’agents.

À Madagascar, cette transition numérique s’accompagne d’une diversification des partenariats. En novembre 2025, la banque a annoncé une collaboration avec le FOM (Forum de l’Entrepreneuriat Malagasy), présentée comme une étape vers des solutions plus adaptées aux entrepreneurs locaux. Les deux parties mettent en avant la volonté de construire un partenariat inclusif et durable, en proposant des réponses concrètes aux besoins des petites entreprises.

Ce mouvement s’inscrit dans une vision de long terme du groupe : « approfondir ses racines dans les communautés », combiner échelle et confiance locale, et étendre les services au plus grand nombre. L’idée est de conserver l’intimité du terrain tout en utilisant la technologie pour réduire les coûts et accélérer l’accès aux produits financiers.

La stratégie de croissance se veut prudente mais ambitieuse. Le groupe Baobab parle de développement naturel dans ses pays d’implantation, avec extension des services et des canaux pour répondre aux clients encore mal servis. Pour Madagascar, cela signifie probablement élargir la gamme d’épargne, renforcer les solutions de paiement, et soutenir davantage de PME en phase de structuration, sans quitter le cœur de cible des micro-entrepreneurs.

La présence de Baobab+ — filiale du groupe dédiée à l’accès à l’énergie et au numérique via des solutions pay-as-you-go complète également le paysage. Des partenariats locaux, comme celui avec une institution de microfinance en 2024, illustrent l’idée d’un écosystème où la banque ne se limite pas au crédit mais participe à l’équipement économique des ménages.

Reste que les défis sont considérables. L’économie malgache demeure exposée à la faiblesse des infrastructures, à l’étroitesse du marché formel, et à une instabilité sociale qui fragilise les revenus des ménages. La microfinance, elle, doit composer avec l’augmentation possible du coût des ressources, et avec le risque de surendettement si la croissance n’est pas accompagnée d’un suivi attentif. C’est pourquoi le groupe insiste sur la professionnalisation continue, sur la gestion du risque et sur la mesure d’impact.

Dans ce contexte, Baobab Banque Madagascar apparaît comme un acteur pivot : assez grand pour attirer partenaires internationaux et garanties de portefeuille, assez proche du terrain pour rester connecté aux réalités du petit entrepreneuriat. Sa performance 2023, combinée au soutien de Proparco et à la priorité donnée à l’entrepreneuriat féminin, confirme l’orientation d’une microfinance qui cherche à faire levier sur la résilience des micro-entrepreneurs malgaches. Si la banque parvient à maintenir ce fragile équilibre entre expansion et prudence, elle pourrait continuer d’occuper une place structurante dans l’économie quotidienne du pays, là où les grandes banques restent souvent absentes.

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