Commune urbaine de Toliara : Salaires impayés depuis seize mois
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
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Depuis plusieurs mois, la tension monte à Toliara, dans le sud-ouest de Madagascar. Ce 12 novembre 2025, les employés de la Commune urbaine ont de nouveau décidé de fermer la Mairie pour dénoncer une situation devenue insoutenable : seize mois de salaires impayés. Malgré des promesses répétées des autorités locales, rien ne semble avoir été entrepris pour résoudre cette crise sociale qui plonge des centaines de familles dans la précarité.

Une grève relancée après de vaines promesses
La reprise du mouvement de grève marque un tournant dans le bras de fer entre les agents communaux et leurs responsables administratifs. Le 15 octobre dernier, un premier mouvement avait déjà secoué la ville. À l’époque, la mobilisation des employés avait entraîné des discussions entre les représentants du personnel et les autorités locales, suscitant un court espoir de résolution. Ces échanges avaient conduit à une suspension temporaire de la grève, dans l’attente de mesures concrètes.
Mais aujourd’hui, la déception est totale. Selon les employés, aucune des promesses formulées n’a été tenue. Ils affirment que les engagements pris par les responsables municipaux n’étaient que des paroles sans effet. Aucune somme n’a été débloquée, aucune garantie de paiement n’a été donnée. Le sentiment d’abandon domine au sein du personnel, dont beaucoup peinent désormais à subvenir à leurs besoins essentiels.
Les travailleurs dénoncent un mépris flagrant de leurs droits les plus élémentaires. Certains assurent qu’ils continuent malgré tout d’assurer un service minimal pour éviter la paralysie complète de la commune, tandis que d’autres estiment qu’il est temps d’arrêter tout travail tant qu’ils ne seront pas payés. La fermeture totale de la Mairie ce 12 novembre symbolise ainsi une rupture définitive entre les employés et leur hiérarchie.
Seize mois sans salaire : une situation humaine dramatique
Derrière la protestation, il y a surtout des drames individuels. Seize mois sans rémunération représentent une épreuve que peu de foyers peuvent supporter. Plusieurs employés témoignent de leur désarroi : certains ont dû s’endetter pour nourrir leur famille, d’autres ont été contraints de retirer leurs enfants de l’école faute de moyens pour payer les frais de scolarité.
Cette situation a également entraîné des problèmes de santé. Des agents évoquent l’impossibilité d’acheter des médicaments ou de consulter un médecin. La majorité d’entre eux survivent grâce à la solidarité entre collègues ou au soutien de proches. Mais cette entraide a ses limites, et la fatigue morale est désormais palpable.
Les travailleurs rappellent qu’ils ont toujours accompli leurs missions au service de la population de Toliara, malgré des conditions précaires et un manque de moyens récurrents. Ils se disent trahis par l’absence de réaction des autorités, qui semblent ignorer la gravité de leur détresse. Pour beaucoup, il s’agit moins d’une revendication salariale que d’une lutte pour la dignité.
Un blocage administratif au cœur du conflit
Au-delà du retard de paiement, les employés désignent un responsable précis : le Directeur Administratif et Financier (DAF) de la Commune. D’après plusieurs témoignages, ce dernier serait un obstacle majeur au déblocage des fonds nécessaires au versement des salaires et des pensions. Les retraités, également touchés par la situation, pointent directement sa responsabilité.
Selon eux, le DAF ferait preuve d’une mauvaise volonté manifeste, voire d’une gestion opaque des finances de la Commune. Ils demandent sa destitution immédiate, estimant qu’il empêche volontairement la régularisation de leur situation. Plusieurs employés évoquent des tensions internes entre services, ainsi qu’un manque de transparence dans la gestion budgétaire.
Des sources locales rapportent que des discussions auraient été menées pour tenter de débloquer la situation, mais aucune issue favorable n’a été trouvée. L’absence de décisions concrètes alimente la méfiance des agents. Ces derniers redoutent que la crise s’enlise encore davantage, au détriment des services publics et de la population.
L’attente d’un Président Délégué Spécial pour rétablir l’ordre
Face à ce désordre institutionnel, les employés réclament désormais la nomination rapide d’un Président Délégué Spécial (PDS). Cette fonction, prévue par les textes, vise à assurer la continuité administrative et à rétablir une gestion normale des affaires communales. Selon les grévistes, seul un PDS disposant d’une autorité réelle pourrait remettre de l’ordre dans la gouvernance locale et rétablir la confiance entre les agents et leur direction.
Pour eux, la vacance de direction actuelle ne fait qu’aggraver le chaos. Sans responsable exécutif clairement identifié, les décisions traînent, les fonds restent bloqués et les conflits internes se multiplient. La nomination d’un PDS constituerait, selon les employés, la première étape vers une sortie de crise durable. Ils appellent donc les autorités centrales à agir sans délai pour rétablir la stabilité au sein de la Commune urbaine de Toliara.
Plusieurs observateurs locaux partagent ce constat. Ils estiment que la situation actuelle nuit gravement à l’image de la ville et freine son développement. L’absence de gouvernance effective empêche la mise en œuvre de projets essentiels, tandis que la colère des agents compromet le fonctionnement des services municipaux.
Une crise sociale symptomatique des dysfonctionnements institutionnels
Le conflit à Toliara ne constitue pas un cas isolé. Dans plusieurs communes du pays, des agents publics dénoncent des retards de paiement, une gestion financière chaotique et une absence de transparence. Ces difficultés traduisent des dysfonctionnements plus profonds au sein des institutions locales.
Les experts en gouvernance publique soulignent que les communes malgaches souffrent souvent d’un manque de ressources propres et d’une dépendance excessive vis-à-vis de l’État central. Les transferts de fonds se font tardivement, et les procédures administratives, parfois lourdes, retardent encore davantage les paiements.
Cependant, dans le cas de Toliara, la durée exceptionnelle de l’impayé – seize mois – révèle une crise structurelle bien plus grave. Elle met en lumière des carences dans la supervision administrative, mais aussi un déficit de responsabilité au niveau local. Sans intervention rapide, le risque est grand de voir la situation dégénérer en conflit social durable.
Des associations locales et des syndicats de fonctionnaires expriment leur soutien aux employés en grève, tout en appelant à un dialogue constructif entre les parties. Ils insistent sur la nécessité de restaurer la confiance, condition indispensable pour relancer la commune et répondre aux besoins des habitants.
Une population prise en otage d’un conflit institutionnel
Au-delà des employés eux-mêmes, ce sont les habitants de Toliara qui subissent les conséquences directes de cette paralysie administrative. La fermeture de la Mairie entraîne la suspension de nombreux services essentiels : délivrance d’actes administratifs, gestion des marchés, entretien des voiries, collecte des ordures. La vie quotidienne de la population s’en trouve fortement perturbée.
Certains citoyens expriment leur compréhension vis-à-vis du mouvement de grève, reconnaissant la légitimité des revendications. D’autres, en revanche, s’impatientent face à la dégradation des services publics. Les tensions risquent de s’accroître si la situation perdure, notamment dans les quartiers les plus défavorisés où la présence des services municipaux est cruciale.
Les habitants craignent également des conséquences économiques plus larges. La paralysie de l’administration locale freine les investissements et retarde la mise en œuvre de projets urbains nécessaires à la modernisation de la ville. Pour une commune côtière comme Toliara, qui dépend en partie du tourisme et des activités portuaires, cette instabilité institutionnelle pourrait avoir un impact durable.
Une issue incertaine mais urgente
À ce stade, aucune solution concrète n’a encore été annoncée. Les discussions précédentes entre employés et responsables locaux n’ont pas abouti, et la reprise du travail dépend désormais d’actes tangibles, notamment du paiement immédiat d’une partie des salaires dus. Les agents affirment qu’ils ne reprendront pas leurs fonctions tant qu’aucune mesure sérieuse ne sera prise.
Le gouvernement central est appelé à intervenir pour débloquer la situation et garantir les droits des travailleurs. Plusieurs syndicats envisagent d’élargir la mobilisation à d’autres communes si la crise de Toliara n’est pas résolue rapidement.
La colère des employés témoigne d’un profond malaise institutionnel qui dépasse le cadre local. Elle interpelle les autorités sur la nécessité d’une réforme de la gestion communale, d’un meilleur contrôle des finances publiques et d’une responsabilisation accrue des dirigeants locaux.
Tant que ces problèmes structurels ne seront pas traités, le risque de voir se reproduire de telles crises restera élevé. Pour les employés de Toliara, seize mois sans salaire représentent bien plus qu’un simple retard administratif : c’est la perte de confiance dans un système censé les protéger et les rémunérer pour leur travail.
Conclusion
La grève des employés de la Commune urbaine de Toliara illustre la profondeur d’une crise sociale et administrative qui mine la gouvernance locale. Seize mois de salaires impayés, une gestion financière contestée, un vide institutionnel persistant : autant de symptômes d’un dysfonctionnement systémique qui appelle des réponses urgentes.
Face à la détresse des employés et à la paralysie des services publics, les autorités doivent agir avec responsabilité et transparence. La population de Toliara, déjà confrontée à de nombreuses difficultés économiques, ne peut être tenue davantage en otage de querelles administratives. Le règlement rapide de cette situation est devenu une nécessité absolue pour restaurer la confiance, la dignité et le fonctionnement normal de la commune.