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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Coupures massives d'électricité à Madagascar : la JIRAMA plonge certains ville dans le noir

Les tensions sociales au sein de la compagnie nationale d’eau et d’électricité Jirama ont atteint un point critique. Hier, les employés ont déclenché un mouvement d’une ampleur inédite, entraînant aujourd'hui la coupure totale de l’électricité à Toamasina et la suspension de lignes stratégiques dans plusieurs grandes villes du pays. Ces actions spectaculaires, motivées par un appel collectif à la démission du Directeur général, ont provoqué la stupeur parmi la population et les autorités, alors que Madagascar traverse déjà une période économique et énergétique particulièrement tendue.

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Une paralysie sans précédent dans la capitale économique de l’Est

À Toamasina, principal port du pays et centre vital pour l’économie nationale, la coupure d’électricité opérée par les employés de la Jirama a plongé la ville dans le noir pendant de longues heures. Dès les premières heures du matin, les habitants ont constaté l’interruption totale du courant, touchant les foyers, les commerces, les hôpitaux et les administrations. La situation a rapidement été qualifiée de crise énergétique majeure, d’autant que la Jirama demeure le seul fournisseur d’électricité du pays.

Les témoignages recueillis sur place décrivent une atmosphère de confusion et d’inquiétude. Dans plusieurs quartiers, les générateurs privés se sont mis en marche pour assurer un minimum de continuité dans les activités économiques, mais les coûts du carburant ont rendu cette alternative difficilement tenable. Les petites entreprises, déjà fragilisées par les coupures récurrentes de ces dernières années, redoutent de lourdes pertes financières.

Selon les représentants syndicaux de la Jirama à Toamasina, cette action radicale a été décidée après plusieurs semaines de tensions internes. Les employés dénoncent ce qu’ils qualifient de « gestion défaillante et opaque » de la direction générale. Ils affirment que leurs revendications, notamment concernant la transparence financière et les conditions de travail, sont restées sans réponse malgré de multiples tentatives de dialogue. Cette coupure, disent-ils, se voulait un signal fort à destination des autorités.

Des perturbations étendues à Fianarantsoa, Mahajanga et Toliara

Les conséquences du mouvement ne se sont pas limitées à Toamasina. Dans un élan de solidarité interrégionale, les agents de la Jirama de Fianarantsoa, Mahajanga et Toliara ont eux aussi suspendu certaines lignes stratégiques. Ces actions coordonnées ont mis en évidence l’ampleur nationale de la contestation. Dans plusieurs localités, les services essentiels ont été perturbés, notamment les systèmes d’approvisionnement en eau et les infrastructures hospitalières.

À Fianarantsoa, la coupure partielle du réseau a affecté plusieurs quartiers périphériques, créant un désarroi palpable parmi les habitants. Les autorités locales ont tenté de rassurer la population en affirmant que des discussions étaient en cours avec les représentants syndicaux pour rétablir progressivement le courant. Cependant, la tension demeure vive. Mahajanga, de son côté, a vu une partie de ses zones industrielles paralysées, ce qui a eu un impact direct sur les activités portuaires et commerciales. À Toliara, les coupures ont également touché les établissements scolaires et les services administratifs, aggravant un climat social déjà fragile.

Ce mouvement coordonné montre que la grogne dépasse les simples frustrations locales. Elle traduit une crise de confiance profonde entre les employés et la direction générale de la Jirama. Plusieurs syndicalistes ont déclaré que tant que le Directeur général resterait en poste, les mobilisations ne faibliraient pas. Ils affirment également que la population doit comprendre que leur action vise à provoquer un changement structurel nécessaire, même si les conséquences immédiates sont difficiles.

Des revendications centrées sur la démission du Directeur général

Le cœur du mouvement repose sur une exigence claire : la démission du Directeur général de la Jirama. Les employés l’accusent de mauvaise gestion, d’absence de dialogue social et de décisions jugées contraires à l’intérêt public. Selon les syndicats, la situation financière de l’entreprise se serait encore détériorée ces derniers mois, entraînant des retards de paiement, une dégradation du matériel et une baisse de la qualité du service.

La Jirama, déjà fragilisée par des décennies de difficultés structurelles, fait face à une dette colossale et à des infrastructures vieillissantes. Les promesses de redressement successives n’ont pas permis de restaurer la confiance, ni de stabiliser la fourniture d’électricité. Les employés affirment qu’ils ont été contraints d’en arriver à ces extrêmes face à l’inaction de la direction et au manque de transparence sur les plans de réforme internes.

De son côté, la direction générale n’a pas encore publié de déclaration officielle détaillant sa position, mais plusieurs sources internes évoquent une tentative de conciliation en urgence. Des réunions auraient été convoquées pour tenter d’apaiser la situation et rétablir le dialogue social. Cependant, la fermeté affichée par les employés laisse présager un bras de fer prolongé. Le syndicat national de la Jirama a annoncé que le mouvement pourrait s’étendre à d’autres régions si aucune mesure concrète n’était prise rapidement.

Une population prise en otage par le conflit interne

Les conséquences de ce mouvement se font sentir bien au-delà du cercle professionnel. La coupure généralisée à Toamasina a été perçue comme une véritable prise d’otage par la population, contrainte de subir les répercussions d’un conflit dont elle n’est pas partie prenante. Dans les quartiers populaires, de nombreux habitants dénoncent une situation insoutenable : réfrigérateurs hors service, impossibilité de pomper l’eau, interruption des activités économiques et sentiment d’abandon par les autorités.

Les hôpitaux et cliniques, dépourvus de sources d’énergie alternatives suffisantes, ont dû limiter certaines interventions. Les autorités sanitaires locales ont exprimé leur inquiétude face aux risques pour les patients dépendant d’équipements électriques. Dans les zones commerciales, les pertes de denrées périssables s’accumulent, accentuant la colère des petits commerçants.

Plusieurs associations de défense des consommateurs ont appelé à une intervention urgente de l’État pour protéger la population des conséquences de ce conflit. Elles soulignent que la Jirama, en tant qu’entreprise publique, a une mission de service essentiel qui ne peut être suspendue sans mesures d’urgence. « Les citoyens ne peuvent être pris en otage dans un conflit interne », a déclaré l’un des représentants associatifs. Ce sentiment est partagé par de nombreux habitants qui demandent que des solutions soient trouvées rapidement, sans pour autant ignorer les revendications légitimes des employés.

Les autorités appelées à agir pour éviter l’escalade

Face à la gravité de la situation, plusieurs voix se sont élevées pour exiger une intervention rapide des autorités. Le ministère de l’Énergie et des Hydrocarbures a convoqué une réunion d’urgence pour évaluer la situation et envisager des mesures de rétablissement progressif du courant dans les zones les plus touchées. Les représentants du gouvernement reconnaissent la légitimité de certaines revendications mais appellent les employés à reprendre le travail afin d’éviter une crise nationale.

Dans un communiqué, les autorités locales de Toamasina ont dénoncé la « prise d’otage de la population » et demandé aux manifestants de faire preuve de responsabilité. Les forces de l’ordre ont été déployées à proximité de certains sites stratégiques de la Jirama pour prévenir tout acte de sabotage supplémentaire. Pour l’heure, aucune confrontation directe n’a été signalée, mais la tension reste palpable dans les zones industrielles et autour des centrales électriques.

Plusieurs observateurs estiment que cette crise pourrait marquer un tournant décisif dans l’histoire récente de la Jirama. Si le gouvernement ne parvient pas à rétablir le dialogue social, le risque d’une paralysie durable de l’approvisionnement énergétique est réel. À court terme, les pertes économiques pourraient être considérables, tant pour les entreprises que pour les ménages. À long terme, cette crise met en lumière la nécessité d’une réforme en profondeur du secteur énergétique national, souvent critiqué pour son manque d’efficacité et de transparence.

Une crise symptomatique des dysfonctionnements structurels du secteur public

La situation actuelle de la Jirama ne peut être comprise sans replacer les événements dans le contexte plus large des difficultés structurelles du service public à Madagascar. Depuis plusieurs années, la compagnie fait face à une gestion complexe marquée par un déséquilibre chronique entre la production et la demande, des pertes techniques importantes et une dépendance élevée aux subventions de l’État. Les employés, souvent en première ligne face aux usagers, ressentent fortement les effets de cette instabilité.

La gouvernance de la Jirama a été régulièrement critiquée par les observateurs économiques pour son manque de planification à long terme et pour des décisions jugées incohérentes. Plusieurs projets de modernisation ont été lancés puis interrompus, faute de financements suffisants ou de coordination institutionnelle. Cette accumulation de retards et de dysfonctionnements a conduit à une détérioration du service, provoquant des coupures fréquentes dans plusieurs régions du pays.

Le mouvement social actuel révèle aussi un malaise plus profond au sein de la fonction publique malgache. Les syndicats dénoncent une absence de reconnaissance du travail des agents et une politique salariale jugée inéquitable. Pour beaucoup d’employés, cette grève est un cri d’alarme contre des décennies de promesses non tenues. La direction de la Jirama, quant à elle, semble isolée, prise entre la pression du gouvernement, les exigences des bailleurs internationaux et la colère de ses propres salariés.

Une issue incertaine, entre dialogue et durcissement

À l’heure où la coupure persiste dans plusieurs régions, la question d’une sortie de crise reste entière. Les négociations annoncées entre le gouvernement et les représentants syndicaux pourraient constituer une première étape vers l’apaisement, mais la défiance demeure forte. Les employés exigent des engagements écrits et des garanties sur la mise en œuvre d’une réforme réelle de la direction de l’entreprise. Sans ces assurances, ils menacent de prolonger le mouvement, voire de l’intensifier.

Dans la population, l’inquiétude grandit. Les coupures répétées de ces dernières années avaient déjà entamé la confiance envers la Jirama, mais cette fois, la colère se mêle à la lassitude. Certains habitants évoquent même la nécessité d’une refonte totale du modèle de gestion de l’énergie dans le pays, voire une ouverture partielle à des opérateurs privés sous contrôle public. D’autres appellent à une médiation nationale incluant les autorités religieuses, la société civile et les partenaires économiques.

Quoi qu’il en soit, cette crise met en lumière les fragilités d’un système énergétique essentiel pour le développement du pays. Sans réponse rapide et concertée, les conséquences sociales et économiques risquent d’être profondes. Les prochaines heures seront déterminantes pour savoir si la voie du dialogue l’emporte sur celle de la confrontation.

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