En 2017, le président français Emmanuel Macron, premier chef d'État à s'exprimer à la Cour européenne des droits de l'homme, soulignait la menace du terrorisme comme le principal défi en Europe. Cependant, il insistait sur la nécessité de lutter "dans le cadre de l'État de droit" et sous le "contrôle du juge". En 2023, lors du quatrième sommet du Conseil de l'Europe, il défendait une "conception européenne de l'humanisme, fondée sur le droit et la liberté".
Le paradoxe actuel : silence et non-respect des règles républicaines
Pourtant, quelques mois plus tard, un silence assourdissant règne au sommet de l'État face à un ministre de l'Intérieur qui semble s'affranchir du respect des règles républicaines fondamentales. La question qui se pose est de savoir comment expliquer cette dichotomie entre les discours prônant l'État de droit et la réalité du non-respect de ces principes au sein du gouvernement.
Les faits à rappeler : un ministre qui outrepasse les décisions juridiques
Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, a pris la décision d'expulser un ressortissant ouzbek considéré comme radicalisé, malgré une mesure provisoire de la Cour européenne des droits de l'homme datant de mars 2022. Cette mesure vise à prévenir des traitements inhumains en cas de renvoi vers un État tiers. Le Conseil d'État, le 7 décembre 2023, a ordonné son retour en France, arguant que la décision de renvoi violait ses droits constitutionnels et ceux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme. Le ministre a répondu par un mépris déconcertant : "J'ai décidé de le renvoyer dans son pays (...), qu'importent les décisions des uns et des autres."
Violation constitutionnelle : le ministre contre le droit international
Cette décision du ministre de l'Intérieur soulève une question cruciale : comment un représentant de l'État peut-il ignorer délibérément des décisions judiciaires, violant ainsi la Constitution qui garantit le principe de séparation des pouvoirs et accorde au droit international une autorité supérieure à la loi nationale ?
Stratégie déstabilisatrice : les risques pour l'ordre et la paix sociale
Face aux limites posées par le droit, Gérald Darmanin semble espérer des gains politiques supérieurs à l'indignation causée par son mépris des décisions juridictionnelles. Cette stratégie, si elle devait se reproduire dans d'autres domaines que la lutte antiterroriste, pourrait s'avérer profondément déstabilisatrice pour l'ordre et la paix sociale, des éléments que le ministre est censé protéger.
Entre principes républicains et défis actuels
Le non-respect par le ministre de l'Intérieur des décisions juridiques obligatoires met en lumière une tension majeure entre les principes républicains prônés au sommet de l'État et les actions concrètes qui semblent les contredire. Comment l'État peut-il garantir l'État de droit tout en tolérant de tels écarts de la part d'un de ses membres les plus éminents ? Cette question souligne les défis actuels auxquels la France est confrontée dans la préservation de ses valeurs fondamentales.
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