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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Deux ministères visités : AmCham Madagascar annonce une coopération pour la formation des jeunes

À deux jours d’intervalle, le président de la Chambre de commerce et de coopération américano-malagasy (AmCham Madagascar) a rencontré deux membres du gouvernement en charge de l’éducation et de la formation. Le 3 décembre 2025, il s’est rendu au Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (METFP). Le lendemain, le 4 décembre, il a été reçu par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESupRes). Ces échanges successifs dessinent l’ébauche d’une coopération structurée entre un acteur du secteur privé tourné vers les États-Unis et deux piliers publics de l’orientation et de l’insertion des jeunes Malgaches. Les objectifs affichés sont clairs : renforcer l’employabilité, développer des compétences pratiques, ouvrir davantage d’opportunités aux étudiants, et appuyer le positionnement international de Madagascar, notamment dans le cadre de l’AGOA. Derrière ces annonces, c’est aussi la place de la langue anglaise, la diplomatie économique et le rôle des partenariats public-privé dans l’éducation qui se trouvent remis au centre du débat.


Une séquence symbolique : deux ministères, un même message


La chronologie des visites offre déjà un sens politique et institutionnel. Le président de l’AmCham a choisi de commencer par le METFP. L’enseignement technique et la formation professionnelle constituent, par nature, le premier sas entre l’école et le travail. Y aller en premier revient à souligner la priorité donnée à l’insertion rapide des jeunes sur le marché du travail, et à la nécessité de faire correspondre les compétences formées aux besoins économiques. Lors de la rencontre du 3 décembre 2025, les salutations adressées au ministre TSILEFA Antonio s’accompagnent d’un cadre de discussion explicite : le METFP vise à augmenter le taux de jeunes intégrant le marché du travail et à favoriser leur employabilité. Ce rappel d’objectif n’est pas un simple décor protocolaire. Il structure le sens même de la collaboration envisagée.


Le lendemain, la visite au ministère en charge de l’enseignement supérieur élargit d’un cran le champ d’action. Le président de l’AmCham, M. Russell J. Kelly, a annoncé au Pr RAVONIMANANTSOA Ndaohialy Manda-Vy que la Chambre de commerce américaine à Madagascar s’ouvrirait désormais à l’enseignement supérieur et à la recherche. La formulation marque une inflexion. Jusqu’ici, l’AmCham était associée principalement au commerce, à l’investissement et aux échanges économiques. En s’invitant dans le domaine universitaire, elle affirme que la question de la formation et de la production de connaissances est aussi stratégique que celle des transactions commerciales.


Le double déplacement, serré dans le temps, agit comme une séquence cohérente : de la formation professionnelle à l’enseignement supérieur, un continuum se construit. L’AmCham se propose comme partenaire à différents niveaux de la chaîne éducative. Le message sous-jacent est que l’employabilité ne se joue pas uniquement à la fin du parcours scolaire, mais dans l’ensemble du système, du lycée technique jusqu’à l’université. Dans un pays où la jeunesse représente une part majeure de la population active potentielle, la portée de ce signal est lourde.


Le METFP et l’AmCham : l’employabilité comme terrain commun


La rencontre du 3 décembre 2025 met en avant une convergence d’intérêts. Le METFP a pour mission d’accroître l’accès des jeunes au marché du travail. L’AmCham, organisation placée sous l’égide des États-Unis, affirme sa disponibilité à collaborer avec ce ministère. Le contenu annoncé de la coopération éclaire les priorités immédiates : le commerce, l’enseignement de l’anglais, le commerce international vers les États-Unis et le renforcement de la place de Madagascar dans l’AGOA.


Visite du Président de l'AmCham Madagascar au METFP
Visite du Président de l'AmCham Madagascar au METFP

Cette liste, à elle seule, donne le ton. D’un côté, un ministère orienté vers la professionnalisation. De l’autre, une chambre de commerce tournée vers l’ouverture internationale. Le point de jonction est la compétence concrète. Pour intégrer le marché du travail, il ne suffit pas de disposer de savoirs généraux. Il faut des aptitudes directement mobilisables dans un environnement économique réel. Or, les secteurs ciblés par l’AmCham sont ceux qui relient Madagascar à des marchés extérieurs, et plus particulièrement aux États-Unis.


L’enseignement de l’anglais apparaît comme levier central. Il ne s’agit pas d’un simple ajout culturel ou linguistique. Dans cette perspective, l’anglais devient une compétence professionnelle en soi. Il permet d’accéder à des formations, à des documents techniques, à des relations commerciales et à des standards parfois dominés par cette langue. Le fait que l’AmCham insiste sur ce point montre qu’elle identifie une barrière concrète à l’insertion dans des chaînes de valeur internationales : la maîtrise de l’anglais.


Le commerce international vers les États-Unis et l’AGOA se retrouvent au cœur de la proposition. Cela signifie que l’effort de formation que l’AmCham veut soutenir est conçu pour rendre les jeunes capables d’opérer dans un cadre d’exportation et d’échanges transfrontaliers. On peut y voir une stratégie à double détente. D’abord, doter les apprenants de compétences valorisables auprès d’entreprises locales et étrangères. Ensuite, soutenir la capacité du pays à tirer profit d’accords et de cadres commerciaux favorables.


Le METFP, en s’ouvrant à ce partenariat, reçoit potentiellement un appui pour adapter ses filières aux besoins des secteurs d’avenir. La mention du commerce laisse entendre des formations à la vente, à la logistique, à la gestion, aux services liés aux échanges. L’AmCham, de son côté, renforce son rôle d’intermédiaire entre le monde de l’entreprise et le monde de l’école. Si cette coopération se structure, elle pourrait permettre d’aligner plus finement les programmes sur les réalités du marché.


Dans cette alliance, l’enjeu est de transformer un objectif politique en résultats mesurables : plus de jeunes embauchés, plus de compétences reconnues, et une meilleure capacité à participer à des opérations commerciales internationales. La logique est simple : au moment où le METFP veut accélérer l’employabilité, un partenaire privé vient proposer un accès à des opportunités et des standards internationaux.


L’ouverture au supérieur : une nouvelle étape pour l’AmCham


La visite du 4 décembre 2025 au MESupRes franchit un cap. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a reçu le président de l’AmCham, qui a annoncé que la Chambre de commerce s’ouvrira désormais au domaine universitaire et à la recherche. Ce moment, qualifié de premier aperçu avant renforcement futur, laisse entendre une démarche progressive mais assumée.


Visite du Président de l'AmCham Madagascar au MESupRes
Visite du Président de l'AmCham Madagascar au MESupRes

Le fait de rappeler que le commerce reste l’axe principal de l’AmCham est important. Cela veut dire que l’incursion dans l’enseignement supérieur ne constitue pas une sortie de mission, mais une extension logique. Dans une économie où les transformations technologiques, logistiques et managériales exigent des compétences élevées, l’université devient une pièce maîtresse de la compétitivité. Si l’AmCham veut promouvoir les échanges économiques, elle a intérêt à encourager l’élévation du niveau de formation, la création de compétences rares et l’innovation.


L’annonce d’opportunités offertes aux étudiants, notamment des formations et l’apprentissage de l’anglais, suit la même logique que celle exposée au METFP. La différence est d’échelle. Ici, il ne s’agit pas seulement de préparer à des métiers opérationnels, mais aussi de relier l’enseignement supérieur à des perspectives de carrière, de recherche appliquée, et d’interaction avec le monde économique.


L’ouverture à la recherche scientifique mérite attention. Le vocabulaire utilisé est prudent, mais l’idée est là : la coopération AmCham–MESupRes pourrait encourager des projets liés à l’innovation, à la modernisation de pratiques commerciales, à l’analyse de marchés, ou à l’étude de chaînes d’approvisionnement. Dans ce cadre, les étudiants ne seraient plus uniquement des bénéficiaires de cours, mais des acteurs d’une production de solutions. Cette perspective transforme le rôle de l’université, qui ne se contente pas d’enseigner, mais accompagne le développement économique.


Le caractère « premier aperçu » de la rencontre peut être lu comme une phase de cadrage. Les deux parties affichent leur volonté d’approfondir. La prudence est classique dans ce type de partenariat : on prend acte des intentions, puis l’on travaille à leur déclinaison concrète. Reste que le signal politique est fort : l’AmCham affirme qu’elle ne limite plus son action à la sphère commerciale stricte, et le MESupRes accepte l’idée d’une coopération où le secteur privé international occupe une place de soutien et d’ouverture.


Anglais, commerce et AGOA : le triptyque stratégique


Les deux visites, malgré des interlocuteurs différents, reposent sur un ensemble cohérent de priorités. Trois éléments reviennent comme des piliers : le renforcement de l’anglais, l’orientation commerciale des formations, et le positionnement de Madagascar dans l’AGOA avec une ouverture vers le marché américain. Ce triptyque donne de la lisibilité à la stratégie de l’AmCham.


L’anglais est la clé transversale. Que ce soit au METFP ou au MESupRes, il est présenté comme un outil direct de développement de compétences. L’intérêt est double : il est à la fois un savoir à part entière et une passerelle vers d’autres savoirs. Dans les filières techniques, il permet de comprendre des standards, de dialoguer avec des partenaires, d’accéder à des manuels et à des formations extérieures. Dans le supérieur et la recherche, il représente la langue de travail d’une grande partie de la production scientifique et de la coopération internationale. L’insistance sur l’anglais ne relève donc pas du symbole, mais d’une nécessité fonctionnelle.


Le commerce, deuxième pilier, sert de terrain d’application. L’AmCham reste une chambre de commerce ; elle conserve son ADN économique. En proposant une coopération éducative orientée sur le commerce, elle vise à former des jeunes capables d’évoluer dans des secteurs qui structurent les échanges, l’entreprise et l’exportation. Le commerce au sens large englobe aussi des compétences de gestion, de marketing, de négociation, de service client, et de compréhension des flux internationaux. Les formations annoncées vont dans le sens d’une transformation des cursus pour les arrimer davantage à l’économie réelle.


Le troisième pilier est l’AGOA et l’ouverture vers les États-Unis. L’AmCham met en avant le renforcement du positionnement de Madagascar dans ce cadre. Cette mention n’est pas anodine. Elle signifie que l’objectif éducatif est explicitement relié à une finalité commerciale internationale. Il ne s’agit pas seulement d’améliorer l’employabilité en interne, mais de créer des capacités nationales à intégrer des circuits d’exportation vers un partenaire majeur.


Ce triptyque se tient : l’anglais comme compétence de base, le commerce comme domaine d’expertise, et l’AGOA comme horizon d’application. En somme, on cherche à former une jeunesse capable de fonctionner dans un contexte de mondialisation ciblée. L’originalité est que cette ambition est portée à la fois par une institution privée et par des ministères éducatifs. Le langage des deux couches se rejoint autour d’un objectif pratique : rendre les formations plus utiles, plus connectées, plus ouvertes.


Il faudra observer comment cette cohérence se traduira. Les défis ne manquent pas : adaptation des programmes, formation de formateurs, mobilisation d’acteurs privés, sélection des filières prioritaires, et cadrage précis des opportunités promises aux étudiants. Mais à ce stade, le texte de référence montre une direction claire et assumée.


Vers un partenariat public-privé éducatif : promesses et attentes


Au-delà des éléments annoncés, ces deux visites posent une question plus large : quelle place pour un acteur économique international dans la construction de politiques éducatives nationales ? L’information disponible indique que la volonté est partagée par les deux parties. Mais l’enjeu sera de transformer la volonté en mécanismes durables.


Le METFP a un objectif chiffré et social : augmenter le taux de jeunes qui intègrent le marché du travail. L’AmCham offre un accès à un réseau d’entreprises, à une culture commerciale tournée vers l’international, et à des ressources de formation linguistique et professionnelle. Le bénéfice espéré, pour le ministère, est un soutien à l’insertion. Pour l’AmCham, c’est la constitution d’un vivier de talents mieux formés, aptes à répondre aux besoins d’acteurs économiques malgaches et américains. Les intérêts se croisent de manière logique.


Du côté du MESupRes, la coopération ouvre une fenêtre vers l’employabilité des étudiants de l’enseignement supérieur et vers un rôle plus appliqué de la recherche. Les opportunités de formation et d’apprentissage de l’anglais annoncées ciblent un besoin bien identifié : beaucoup d’étudiants, même diplômés, peinent à traduire leurs acquis académiques en compétences directement reconnues par le marché. Une chambre de commerce peut jouer un rôle de trait d’union. Elle peut offrir des programmes complémentaires, des immersions, et des passerelles.


L’idée de renforcement futur, citée comme volonté des deux parties, signifie que le partenariat n’est pas pensé comme un geste ponctuel. Il s’inscrit dans le temps, avec une ambition de consolidation. Là encore, les attentes sont fortes : l’État attend des retombées en termes d’emploi, de compétences et d’ouverture. L’AmCham attend un environnement économique plus favorable, appuyé par des ressources humaines mieux formées.


Reste la question de la mise en œuvre. À ce stade, aucune modalité précise n’est donnée. On sait les axes, pas encore les instruments. Or, dans ce type de partenariat, tout dépendra des détails : quels programmes d’anglais, pour quels niveaux, avec quelles méthodes ? Quelles formations commerciales seront proposées : certificats, ateliers, stages, modules insérés dans les cursus ? Quel lien exact avec l’AGOA : sensibilisation, formation aux normes, accompagnement à l’export ? Et côté recherche, quels domaines seront appuyés, quelles collaborations universitaires seront valorisées, quels projets seront priorisés ?


Ces inconnues ne diminuent pas l’importance de la séquence. Elles marquent simplement le passage du politique au technique. Les annonces ministérielles et institutionnelles sont une première étape. Les mois à venir diront si la coopération devient un programme structuré, visible, et doté de résultats tangibles.


Ce qui ressort néanmoins, c’est la volonté d’articuler le système éducatif malgache avec des opportunités économiques plus larges. Les ministères concernés, chacun à son niveau, affichent une préoccupation pour l’employabilité. L’AmCham, de son côté, montre qu’elle veut investir dans la formation comme condition de la réussite commerciale et de l’intégration internationale. Le dialogue engagé les 3 et 4 décembre 2025 trace donc une perspective : celle d’une jeunesse mieux formée, plus à l’aise avec l’anglais, plus connectée au commerce mondial, et mieux préparée à contribuer à la place de Madagascar dans les échanges internationaux. Ce n’est encore qu’un début, mais un début qui, par sa cohérence et sa symbolique, pourrait compter.

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