C’est une nomination qui surprend autant qu’elle inspire. Herintsalama Rajaonarivelo, figure emblématique du secteur privé malgache et consultant de réputation internationale, a été choisi par le colonel Michaël Randrianirina pour diriger le gouvernement de la Refondation. Un choix audacieux, qui rompt avec les habitudes politiques du pays et trace les contours d’une nouvelle ère fondée sur la compétence, la transparence et la relance économique.Dans un contexte où les citoyens réclament plus d’efficacité, moins de corruption et davantage de résultats concrets, ce virage technocratique ouvre une page inédite de l’histoire politique malgache. Entre attentes immenses et espoirs de changement, Madagascar retient son souffle.
Un visage neuf pour une ère nouvelle
À Iavoloha, la nomination d’Herintsalama Rajaonarivelo a résonné comme un signal fort : celui d’un retour à la rigueur, à la méthode et à la technicité dans la gestion publique. Contrairement à la majorité de ses prédécesseurs, cet homme n’est pas issu des rangs politiques, mais du monde de l’entreprise et du conseil. Un profil atypique, presque déroutant, dans un paysage où les alliances partisanes, les négociations de coulisse et les équilibres politiques ont longtemps dicté la composition des gouvernements.
Ancien président du Conseil d’administration de la BNI Madagascar, Herintsalama Rajaonarivelo a siégé dans plusieurs institutions clés : Aro Assurances, Madarail, Galana Raffineries, l’Ostie ou encore l’EDBM (Economic Development Board of Madagascar). Ce parcours dense et varié a forgé un dirigeant pragmatique, familier des réalités économiques du pays, mais aussi conscient des contraintes administratives qui freinent l’investissement.
À cette solide expérience locale s’ajoute un ancrage international remarquable. Comme consultant pour la Banque mondiale, l’Union européenne et la Banque africaine de développement, il a participé à des projets majeurs de modernisation économique et de réforme institutionnelle. Ces expériences lui ont permis de comprendre les mécanismes complexes de la coopération internationale, d’évaluer les attentes des bailleurs et d’intégrer les standards mondiaux de bonne gouvernance.
De Bruxelles à Addis-Abeba, de Washington à Antananarivo, Herintsalama Rajaonarivelo a su construire un réseau respecté et une réputation de sérieux. Il n’est pas de ceux qui promettent : il analyse, structure et propose. C’est peut-être là l’un des traits qui séduisent le plus dans un contexte politique souvent dominé par la rhétorique.
Sa réputation d’homme intègre, sans appartenance partisane, a pesé lourd dans la décision du colonel Randrianirina. En choisissant un Premier ministre issu du privé, le président de la Refondation envoie un message clair : l’heure est à la compétence, non à la compromission. Une rupture nette avec les logiques de clientélisme qui ont trop longtemps miné la gouvernance du pays.
Un technocrate à la croisée des mondes
Herintsalama Rajaonarivelo se situe à la jonction du monde des affaires, des institutions internationales et de la gouvernance nationale. Véritable passeur entre ces univers souvent cloisonnés, il a bâti sa carrière sur la recherche d’équilibres : entre efficacité économique et justice sociale, entre modernité et pragmatisme, entre ambition nationale et ouverture internationale.
Son nom reste indissociable du Fivmpama, le Groupement du patronat malgache, qu’il a présidé à trois reprises. Sous sa direction, l’organisation a défendu une vision proactive du développement : faire du secteur privé un moteur, non un spectateur, de la croissance nationale. Il a su créer un espace de dialogue entre entrepreneurs, décideurs publics et partenaires étrangers, rappelant sans cesse que l’économie ne peut prospérer sans confiance mutuelle.
Au-delà de ses fonctions représentatives, il a activement contribué à l’élaboration de programmes structurants pour le développement économique. Le Fonds d’appui au secteur privé, le Programme d’appui au développement du secteur privé soutenu par le Fonds européen de développement, ou encore les dispositifs de portage et de privatisation ont tous porté sa marque. Ces outils visent à renforcer la compétitivité des entreprises locales et à encourager l’investissement, tout en accompagnant les réformes de l’État.
Cette double casquette – chef d’entreprise et expert technique – lui permet aujourd’hui d’aborder la primature avec une approche inédite. Il ne s’agit plus seulement de gouverner, mais de manager un pays, selon les principes d’efficacité et de redevabilité. Son credo : définir des objectifs clairs, mesurer les résultats et corriger les erreurs sans complaisance.Dans un pays où les décisions se perdent souvent dans la bureaucratie, cette culture du résultat représente une révolution silencieuse.
Un pays en attente de résultats concrets
Le nouveau Premier ministre hérite d’un contexte politique et social complexe, où les attentes dépassent largement le champ économique. Le Parlement entame sa session budgétaire tandis que la population, confrontée à la précarité et à la hausse du coût de la vie, attend des mesures fortes. Dans les rues d’Antananarivo comme dans les campagnes, les discussions tournent autour des mêmes sujets : emploi, prix, électricité, routes, eau. Les citoyens ne demandent plus des promesses, mais des solutions.
Le secteur privé, quant à lui, réclame un climat de confiance pour investir et créer des emplois. Les entrepreneurs malgaches espèrent qu’un homme issu de leurs rangs saura briser la méfiance historique entre l’État et le monde des affaires. Les défis économiques sont nombreux : moderniser les infrastructures, stabiliser l’approvisionnement en électricité, garantir l’accès à l’eau potable, relancer la production agricole et industrielle, et restaurer la compétitivité à l’export.
Herintsalama Rajaonarivelo connaît ces réalités. Son credo est clair : replacer l’entreprise au cœur du développement, en soutenant l’initiative privée et en simplifiant la bureaucratie. Il souhaite bâtir une administration au service de la production, non l’inverse. Pour lui, la relance économique passe aussi par une réforme en profondeur de la fiscalité — aujourd’hui jugée lourde, opaque et dissuasive — et par la lutte contre la corruption, véritable fléau pour la confiance et la stabilité.
Les jeunes, eux, attendent un souffle nouveau. Près de 60 % de la population malgache a moins de 25 ans. Cette jeunesse, souvent diplômée mais sans emploi stable, aspire à une gouvernance qui lui ouvre des perspectives d’avenir. Le mouvement Gen Z, particulièrement actif ces derniers mois, a salué la nomination d’un Premier ministre sans étiquette, symbole d’une gouvernance moderne et apolitique.
Mais la route sera longue : la refondation ne se décrète pas, elle se construit. Chaque réforme, chaque geste devra s’accompagner de résultats visibles, tangibles, concrets. C’est à cette condition que la confiance renaîtra.
Une gouvernance fondée sur la compétence et la rigueur
Ce qui distingue Herintsalama Rajaonarivelo, c’est sa conception du pouvoir. Là où d’autres voient la politique comme un espace de rivalités, lui y voit un instrument d’efficacité collective. Sa méthode repose sur trois piliers essentiels : la planification, la coordination et la transparence. Il souhaite appliquer à la sphère publique les principes de gestion du secteur privé : fixer des objectifs clairs, attribuer les responsabilités, mesurer les performances.
Son expérience auprès d’institutions internationales lui confère une compréhension fine des mécanismes de financement et des exigences des bailleurs. Dans un pays où les aides extérieures représentent une part importante du budget national, cette maîtrise est un atout stratégique. Il sait que la crédibilité d’un gouvernement repose d’abord sur la confiance qu’il inspire à ses partenaires.
Le nouveau Premier ministre veut aussi introduire une culture de la performance dans l’administration. L’idée est d’évaluer les ministères, de rationaliser les dépenses publiques et d’inciter les responsables à rendre des comptes. Il entend renforcer le dialogue public-privé afin que les décisions économiques soient concertées, réalistes et durables. Pour lui, l’État doit cesser d’être un obstacle à l’investissement : il doit devenir un catalyseur, un facilitateur de la croissance.
Autre axe fort : la gouvernance participative. Herintsalama Rajaonarivelo prône l’association des collectivités locales, de la société civile et des entrepreneurs à la conception des politiques publiques. Cette approche inclusive, encore rare à Madagascar, pourrait transformer durablement la manière de gouverner, en rapprochant l’État de ses citoyens et en rendant les décisions plus légitimes.
Entre refondation et espoir collectif
La nomination d’un Premier ministre issu du privé dépasse le simple cadre administratif : elle marque un basculement culturel. En confiant les rênes du gouvernement à un technocrate, le colonel Randrianirina rompt avec des décennies de gouvernance partisane et souvent clientéliste.Cette décision s’inscrit dans la philosophie de la “Refondation de la République”, un projet ambitieux visant à rebâtir les institutions sur des bases solides : compétence, éthique, efficacité et responsabilité.
Herintsalama Rajaonarivelo incarne cette refondation. Son profil, alliant rigueur intellectuelle et expérience de terrain, en fait un symbole d’équilibre entre la raison économique et l’action politique. Mais cette mission s’annonce délicate. Sans parti derrière lui, il devra s’appuyer sur la légitimité de ses résultats et sur sa capacité à fédérer les forces vives du pays.
La composition de son gouvernement, très attendue, constituera un test décisif. Il devra y associer des personnalités issues de la société civile, des cadres expérimentés et des jeunes techniciens compétents, afin de bâtir une équipe crédible et représentative.Les premières décisions — notamment en matière de budget, d’énergie et d’emploi — seront scrutées avec attention par l’opinion publique.
Malgré la complexité de la tâche, l’espoir est réel. Dans les milieux économiques, chez les jeunes et jusque dans une partie de la classe politique, cette nomination est perçue comme un tournant. Pour la première fois depuis longtemps, l’idée d’un gouvernement guidé par la compétence, et non par les compromis, semble possible.
Conclusion : un pari sur l’intelligence et la compétence
En confiant la primature à Herintsalama Rajaonarivelo, le colonel Michaël Randrianirina fait un pari rare dans l’histoire politique malgache : celui de l’intelligence, de la compétence et de la neutralité. Ce choix audacieux reflète une volonté de rupture avec les vieilles pratiques, les influences partisanes et les intérêts particuliers. Il place l’économie, la gestion et la performance au cœur du projet national.
Le défi est immense. Il ne s’agira pas seulement de gouverner, mais de redonner confiance. Le peuple malgache, lassé des promesses non tenues, attend des actes, des réformes visibles, des améliorations concrètes dans son quotidien. Si Herintsalama Rajaonarivelo parvient à transformer les attentes en réalisations, il ne sera pas seulement le Premier ministre de la Refondation : il deviendra le symbole d’un nouveau départ, celui d’un Madagascar réconcilié avec lui-même, entre ambition politique et maturité économique.
Cette nomination, au-delà de sa portée institutionnelle, marque une révolution de méthode et d’esprit. Elle traduit la conviction qu’un pays peut se reconstruire non par les slogans, mais par le travail, la compétence et la volonté. Madagascar entre peut-être, avec Herintsalama Rajaonarivelo, dans une ère où gouverner redevient un art de servir.



