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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

JIRAMA : un constat alarmant sur la gestion des carburants et des livraisons d’énergie

La Cour des comptes de Madagascar (CCM) a publié dans son rapport public un audit portant sur la gestion des carburants de la JIRAMA pour la période allant de janvier 2020 à juin 2023. Les conclusions sont sans appel : la quantité de carburants livrée est inférieure à celle achetée, à hauteur de 124 726 litres de fioul (Fuel Oil) et de 47 985 litres de gasoil (Gas Oil). Plusieurs causes sont pointées : retards de livraison, erreur de tenue de stocks, mauvais choix de mode d’achat, et modes contractuels défavorables. Ce déséquilibre met en péril la production thermique et pèse sur la dette de la JIRAMA et sur la fiabilité de l’approvisionnement électrique.

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Manques de carburant et écarts de livraison

L’audit réalisé par la Cour des comptes révèle que la JIRAMA, pour produire l’électricité sur le Réseau Interconnecté d’Antananarivo (RIA) recourt à des centrales thermiques fonctionnant au fioul ou au gasoil, en complément des centrales hydroélectriques et de panneaux solaires.

Entre janvier 2021 et juin 2023, les quantités livrées ont été inférieures aux quantités achetées : il s’agit d’un manque de 124 726 litres de fioul et 47 985 litres de gasoil. Cet écart se traduit dans le rapport par une perte financière estimée à 734 millions d’ariary.

La Cour met également en lumière que l’information sur les stocks est peu fiable : par exemple, un producteur à Ambohimanambola déclare 19,8 millions de litres de fioul en entrée, alors que la JIRAMA n’a pas enregistré cette entrée dans ses comptes.

La conséquence immédiate est un déficit dans la production d’énergie thermique : en 2022, la JIRAMA n’a pas pu produire 27,5 millions de kilowattheures (KWh) en raison de l’absence de carburant.

Les causes profondes du dysfonctionnement

L’audit identifie plusieurs causes au cœur du problème :

Modes d’achat et endettement

La JIRAMA est contrainte d’acheter du carburant par voie de « réquisition », ce qui signifie que le fournisseur fixe le tarif, contribuant à l’endettement de la société. ) Cette fragilité contractuelle renforce la dépendance et la vulnérabilité de l’entreprise publique.

Fiabilité et tenue des stocks

La divergence entre les entrées déclarées par les producteurs privés et celles enregistrées par la JIRAMA témoigne d’un manque de rigueur dans le suivi des stocks et des livraisons. La Cour rappelle que « l’information sur les stocks de carburant n’est pas fiable ».

Retards et chaîne logistique

Le retard dans la réception du carburant, et la non-concordance entre carburant acheté, livré et consommé, génèrent des pertes non seulement financières mais aussi opérationnelles. L’audit a montré que la quantité livrée était inférieure à celle achetée.

Mauvais choix de production énergétique

La part de l’énergie thermique est sensiblement élevée alors que l’hydroélectricité et les panneaux solaires produisent environ 55 % de l’électricité pour le RIA selon l’audit. Le reste devant être assuré par les centrales thermiques. Le recours excessif à la production thermique exacerbe l’impact des manques de carburant.

Impact et enjeux pour la JIRAMA et le pays

Le rapport de la Cour des comptes met en lumière des effets multiples et dangereux :

  • La JIRAMA croule sous une dette cumulée de l’ordre de 2 500 milliards d’ariary.

  • Le déficit de production thermique (27,5 millions de KWh en 2022) traduit une fragilité du système d’approvisionnement énergétique.

  • La non-fiabilité de l’information stockée et des livraisons compromet la transparence et la gestion de l’entreprise publique, posant un risque pour les finances de l’État et des ménages.

  • Le manque de carburant entraîne des coupures d’électricité et affecte la société civile et le secteur privé, alors même que la présentation du rapport s’est déroulée dans la salle de la Cour suprême où trois coupures ont eu lieu en deux heures.

Ces éléments rendent d’autant plus pressante la question de la gouvernance, de la contractualisation avec les producteurs de carburant et de la transition vers des énergies plus fiables et renouvelables.

Recommandations de la Cour des comptes et perspectives

Face à ce constat, la Cour adresse plusieurs recommandations claires à la JIRAMA et aux autorités de tutelle :

  • Réviser les contrats conclus avec les producteurs privés afin d’éviter que la JIRAMA ne soit lésée dans les livraisons ou facturations.

  • Promouvoir et renforcer les énergies renouvelables (hydroélectricité, solaire) et la construction de bassins de retenue ou de barrages afin de réduire la dépendance aux centrales thermiques.

  • Mettre en place un suivi rigoureux des livraisons de carburant, des stocks et de leur consommation, pour garantir la fiabilité des données.

  • Élaborer un planning de production pour chaque centrale thermique et s’assurer que les ressources nécessaires sont disponibles en temps voulu.

Si ces recommandations sont mises en œuvre, la JIRAMA pourrait améliorer sa performance, réduire son endettement et renforcer son rôle dans la stabilité énergétique nationale.

Conclusion

L’audit de la Cour des comptes révèle que la JIRAMA est confrontée à un dysfonctionnement structurel dans sa gestion des carburants : livraisons incomplètes, stocks mal tenus, mode d’achat défavorable, production thermique trop dépendante. Ces problèmes se traduisent par des pertes financières, une dette lourde, et une vulnérabilité du système électrique malgache. Le rapport invite à une réforme urgente qui passe par une meilleure contractualisation, une fiabilité accrue des données, et une orientation renforcée vers les énergies renouvelables. La mise en œuvre effective de ces recommandations est un enjeu majeur pour la gouvernance publique et pour le service aux citoyens à Madagascar.

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