La dualité de la nationalité à Madagascar : le cas d'Andry Rajoelina
- Ravoavahy Raharimalala
- 28 oct. 2023
- 2 min de lecture

Au cœur de la tumultueuse arène politique malgache se trouve une controverse juridique et identitaire : la question de la nationalité de l'ancien président Andry Rajoelina. Central à ce débat est l'article 42 du code de la nationalité malgache, souvent interprété à travers un prisme politique, stipulant que tout Malgache adulte perd automatiquement sa nationalité d'origine s'il acquiert intentionnellement une autre nationalité.
L’écho de la colonisation
L'origine du Code de la Nationalité malgache remonte à une période charnière de l'histoire du pays. Établi peu après l'acquisition de l'indépendance, ce document porte les stigmates de la colonisation et des divisions sociétales qu'elle a engendrées. Pendant l'ère coloniale, la société malgache était clivée entre les citoyens français, incluant une variété de résidents européens et certaines élites locales, et les "indigènes", terme désignant la majorité autochtone de la population soumise à un statut personnel basé sur les coutumes locales.
Cette structure a instauré une hiérarchie sociale et juridique complexe, avec des indigènes aspirant aux droits de citoyenneté que seul le statut de citoyen français conférait. Ces inégalités ont suscité des revendications ferventes pour l'abolition de cette dualité discriminatoire.
Refonte identitaire post-indépendance
Dans le sillage de l'indépendance, l'une des initiatives législatives prioritaires fut l'établissement d'un nouveau code de la nationalité. Ce code était un symbole fort, un moyen de rompre définitivement avec un système de castes hérité de la colonisation et de forger une identité nationale unifiée.
Cette nouvelle législation s'est caractérisée par une approche nationaliste, voire protectionniste. L'objectif premier était de restreindre l'accès à la nationalité malgache pour préserver l'intégrité sociopolitique de l'État nouvellement autonome. Elle visait également à éliminer la distinction coloniale entre citoyenneté et nationalité, affirmant ainsi l'égalité de tous devant la loi.
Parallèlement, le concept de double nationalité était largement réprouvé. Cette réticence était ancrée dans une volonté d'affirmation souveraine et la crainte qu'une allégeance divisée ne dilue l'identité nationale et n'affaiblisse la cohésion du pays.
Le cas Rajoelina : une nationalité sous examen
Le cas d'Andry Rajoelina illustre parfaitement les tensions et les questionnements que suscite la législation sur la nationalité à Madagascar. L'acquisition présumée d'une nationalité étrangère par Rajoelina a ravivé les débats sur la légitimité des dirigeants politiques et les critères d'appartenance nationale.
Ce cas soulève des questions fondamentales : un individu peut-il véritablement servir les intérêts de son pays d'origine tout en possédant la nationalité d'un autre? La double nationalité est-elle un pont entre les cultures ou un obstacle à la loyauté indéfectible envers la patrie?
Vers une réflexion plus profonde
Au-delà de la controverse entourant la figure de Rajoelina, c'est la conception même de la nationalité malgache qui mérite une introspection. Dans un monde globalisé où les identités sont multiples, la rigidité du code de la nationalité peut sembler anachronique. Il appelle à un débat plus nuancé sur la citoyenneté, l'appartenance et la loyauté, en considérant les diasporas et les enjeux géopolitiques contemporains.
La situation de Rajoelina pourrait ainsi être un catalyseur, incitant à repenser les lois sur la nationalité, peut-être en direction d'une reconnaissance de la double nationalité, témoignant d'une ouverture plus grande sur le monde, tout en préservant l'intégrité culturelle et politique de Madagascar.