Depuis sa sortie de prison à la mi-décembre, Alberto Fujimori, ancien président péruvien, a retrouvé une certaine visibilité sur la scène publique. Âgé de 85 ans, Fujimori inonde désormais sa chaîne YouTube de vidéos où il se dédouane des accusations de massacres qui lui avaient valu sa condamnation. Cette stratégie semble viser à préparer sa défense alors qu'il doit encore affronter la justice.
Longtemps plongé dans l'ombre de sa cellule, où il purgeait une peine de vingt-cinq ans pour crimes contre l'humanité et corruption, Alberto Fujimori a été libéré en décembre 2023 grâce à une grâce présidentielle "humanitaire". Accordée initialement en 2017, puis annulée par la Cour suprême, cette grâce a finalement été prononcée par le Tribunal constitutionnel, en dépit des objections de la Cour interaméricaine des droits humains. Cette décision a provoqué une onde de choc internationale, surtout en raison des faits qui l'avaient conduit en prison : sous son mandat, entre 1990 et 2000, deux massacres avaient été perpétrés à Lima en 1991 et 1992, faisant vingt-cinq victimes suspectées d'appartenir au groupe Sentier lumineux.
Un retour sous les projecteurs
Lors de sa sortie de prison après seize années d’emprisonnement, Alberto Fujimori apparaissait affaibli par des troubles respiratoires et une lutte contre le cancer. Il se montrait alors connecté à une bouteille d’oxygène, le pas incertain, et déclarait vouloir se consacrer à sa convalescence. Cependant, quelques mois après cette apparition télévisée diffusée dans tout le pays, une nouvelle image de l’ancien chef d’État émerge. Le 19 février, Fujimori a été aperçu dans un centre commercial, souriant et posant avec des sympathisants. Cette image, largement relayée à la télévision et sur les réseaux sociaux, témoigne de sa résilience et de sa volonté de rester une figure publique influente.
Une défense active sur les réseaux sociaux
Alberto Fujimori, chemise impeccable, buste droit, et diction claire, utilise sa chaîne YouTube pour livrer sa propre version de l’histoire. Dans des vidéos postées à intervalles réguliers, il justifie la politique menée sous son mandat. Ces "video memorias" (vidéos souvenirs), courtes et rythmées, s'appuient sur des images d'archives et ont été visionnées des dizaines de milliers de fois. Fujimori y défend sa "lutte contre le terrorisme" et le "Fujishock", un ensemble de réformes économiques controversées mises en œuvre durant ses années au pouvoir.
Un avenir judiciaire incertain
Bien que libéré, Alberto Fujimori n'est pas encore tiré d'affaire sur le plan judiciaire. Il doit affronter un nouveau procès pour d'autres crimes présumés commis durant son mandat. Ce procès pourrait raviver les tensions et divisions au sein de la société péruvienne, où ses partisans voient en lui un héros national ayant combattu le terrorisme, tandis que ses détracteurs le considèrent comme un autocrate responsable de graves violations des droits humains.
La polarisation de l'opinion publique
Le retour de Fujimori sur la scène publique a intensifié les débats politiques au Pérou. Ses vidéos et apparitions publiques suscitent des réactions mitigées : certains le soutiennent avec ferveur, convaincus de son innocence et de son rôle décisif dans la lutte contre le Sentier lumineux, tandis que d'autres le condamnent vigoureusement, rappelant les abus et les crimes commis sous son régime. Cette polarisation reflète une société péruvienne encore marquée par les années de violence et de répression.
Alberto Fujimori, malgré son âge avancé et ses problèmes de santé, reste une figure centrale et controversée du paysage politique péruvien. Sa libération et son retour sur les réseaux sociaux montrent sa détermination à influencer l'opinion publique et à défendre son héritage. Le nouvel affrontement judiciaire qui se profile pourrait bien être le dernier acte de cette longue saga, marquant un nouveau chapitre dans l'histoire tumultueuse du Pérou.