Madagascar se hisse au 22e rang du classement « Where To Invest in Africa 2025/26 » sur le climat des affaires.
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
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L’édition 2025/26 du rapport « Where To Invest in Africa », publiée par la Rand Merchant Bank (RMB), dresse un panorama détaillé des environnements économiques africains et de leur attractivité pour les investisseurs. Madagascar y figure à la 22e place sur les 31 pays analysés, un positionnement qui traduit à la fois des progrès notables et des fragilités persistantes. Le pays présente un potentiel d’investissement moyen, mais encore entravé par plusieurs défis structurels.

Un potentiel économique en progression modérée
Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour Madagascar un taux de croissance de 3,8 % en 2025. Cette performance, bien qu’en deçà de la moyenne régionale, reflète une progression régulière d’une économie soutenue principalement par les services, l’agriculture d’exportation et le tourisme. Ces trois piliers demeurent les moteurs essentiels du dynamisme économique du pays. Les produits agricoles d’exportation, tels que la vanille, le café ou encore le girofle, continuent de générer des recettes importantes, tandis que le secteur des services, notamment le numérique et les télécommunications, montre un potentiel croissant.
Cependant, malgré ces perspectives, Madagascar reste confrontée à de sérieuses contraintes internes. Les lourdeurs administratives, souvent synonymes de lenteurs bureaucratiques et de manque d’efficacité, freinent les initiatives entrepreneuriales. L’insuffisance des infrastructures, qu’il s’agisse des routes, des ports ou du réseau énergétique, accentue ces difficultés. Le pays demeure également dépendant des aides extérieures, ce qui limite sa marge de manœuvre budgétaire et son autonomie économique.
Un positionnement intermédiaire dans le classement africain
Le rapport de la RMB classe Madagascar entre deux extrêmes : d’un côté, des économies dynamiques et bien structurées comme l’Île Maurice, et de l’autre, des pays en grande difficulté économique et politique comme le Soudan. L’Île Maurice conserve la première place du classement, grâce à sa stabilité politique, sa bonne gouvernance et son environnement fiscal attractif. Ce modèle mauricien illustre ce que peut produire une politique économique cohérente et une gestion rigoureuse.
Madagascar, en revanche, occupe une position intermédiaire, correspondant à un profil d’investissement à risque modéré. Cette situation reflète à la fois les atouts et les limites du pays. Parmi les secteurs à fort potentiel figurent l’énergie renouvelable, les mines et les services numériques. Les efforts récents des autorités pour moderniser les cadres législatifs et renforcer la transparence dans la gestion publique commencent à susciter un intérêt croissant parmi les investisseurs, bien que ces derniers demeurent prudents.
Cette prudence s’explique notamment par la perception encore mitigée du climat des affaires. Les réformes entamées, bien qu’encourageantes, nécessitent une mise en œuvre rigoureuse et une continuité politique pour produire des effets tangibles à long terme.
Une stabilité macroéconomique encore fragile
Sur le plan macroéconomique, la situation de Madagascar reste fragile. L’inflation, estimée à environ 8 %, pèse sur le pouvoir d’achat des ménages et complique la planification financière des entreprises. Le déficit budgétaire, proche de 5 % du produit intérieur brut, illustre les tensions persistantes sur les finances publiques. Ces indicateurs traduisent un contexte économique encore sous pression, où la stabilité repose largement sur les efforts de réforme et sur la bonne gestion des partenariats économiques.
Les autorités malgaches misent sur le développement des partenariats public-privé pour soutenir la croissance. Plusieurs projets d’envergure, notamment dans le domaine énergétique, illustrent cette orientation. Parmi eux, les projets Volobe et Sahofika visent à améliorer l’accès à l’électricité tout en renforçant la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national. Ces initiatives, si elles sont menées à terme, pourraient contribuer à réduire la dépendance énergétique du pays et à améliorer la compétitivité de son économie.
Toutefois, des menaces subsistent. La dépréciation du franc malgache et la volatilité des prix mondiaux constituent des risques importants pour la stabilité économique. Le pays, fortement dépendant de ses exportations, reste vulnérable aux chocs externes. La confiance des investisseurs dépendra donc de la capacité du gouvernement à garantir une gouvernance efficace, une transparence accrue et une exécution rigoureuse des projets publics.
Des réformes structurelles indispensables pour attirer les capitaux
L’un des principaux défis pour Madagascar demeure la consolidation de son cadre institutionnel et réglementaire. Les réformes administratives, fiscales et juridiques entreprises ces dernières années visent à rendre le climat des affaires plus attractif. Ces transformations doivent toutefois s’inscrire dans la durée et s’accompagner d’un suivi concret pour produire des résultats visibles.
Le rapport de la RMB souligne que la perception du risque pays reste déterminante pour les investisseurs. Or, la complexité des procédures administratives, les retards dans les décisions publiques et l’instabilité politique ponctuelle nuisent encore à la confiance. La lutte contre la corruption, la simplification des démarches d’investissement et la sécurisation du foncier figurent parmi les leviers essentiels pour améliorer l’image du pays.
De plus, la mise en place d’un environnement juridique stable et prévisible apparaît comme une condition indispensable pour attirer des capitaux étrangers à long terme. Les efforts engagés pour renforcer la transparence financière et la gouvernance économique sont salués, mais leur concrétisation devra être mesurable dans les années à venir.
Des perspectives à moyen terme prometteuses
Malgré ces contraintes, Madagascar dispose de leviers de développement significatifs à moyen terme. Le pays bénéficie d’une richesse naturelle et humaine considérable. L’amélioration de l’accès à l’énergie constitue une priorité, tant pour les ménages que pour les entreprises. Le développement des infrastructures électriques et la diversification des sources d’énergie, notamment à travers les projets hydroélectriques et solaires, pourraient transformer durablement le paysage économique.
La digitalisation des services publics représente un autre axe stratégique. En facilitant les démarches administratives et en renforçant la transparence, elle contribuerait à créer un environnement plus propice à l’investissement. Le gouvernement a engagé plusieurs initiatives dans ce domaine, visant à moderniser la gestion publique et à renforcer la compétitivité nationale.
Le tourisme durable, enfin, demeure un secteur clé. Madagascar possède un patrimoine naturel et culturel exceptionnel qui attire un nombre croissant de visiteurs. Le développement d’un tourisme respectueux de l’environnement et générateur d’emplois pourrait constituer une source stable de devises, tout en favorisant la croissance inclusive.
Ces orientations, si elles s’accompagnent d’une stabilité politique et institutionnelle, pourraient permettre à la Grande Île de progresser dans les futurs classements d’attractivité économique du continent africain.
Une destination d’investissement encore en construction
Le rapport « Where To Invest in Africa 2025/26 » offre une photographie lucide de la situation économique de Madagascar : un pays en pleine mutation, riche de potentialités mais encore confronté à des obstacles structurels majeurs. Le positionnement au 22e rang illustre une attractivité moyenne, mais en amélioration progressive.
Pour que Madagascar devienne une destination d’investissement pleinement sécurisée et compétitive, il sera essentiel de poursuivre les réformes engagées, de renforcer la gouvernance publique et de garantir la continuité des politiques économiques. Le développement des partenariats avec le secteur privé, la consolidation des institutions et la promotion d’un environnement d’affaires stable et transparent apparaissent comme des conditions déterminantes.
La Grande Île se trouve aujourd’hui à un tournant. Si elle parvient à surmonter ses fragilités et à capitaliser sur ses atouts, elle pourrait s’imposer, à moyen terme, comme un acteur économique majeur dans la région de l’océan Indien. Les bases d’un essor durable sont présentes ; reste à les consolider par une vision claire, des réformes cohérentes et une volonté politique constante.