Mouvement à Toliara : les étudiants de l’IFIRP et les internes en médecine descendent dans la rue pour faire entendre leurs revendications
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
- 13 oct.
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Toliara, octobre 2025 – La Cité du Soleil a vibré, une fois encore, au rythme des revendications étudiantes et médicales. Ce matin, les rues de Toliara ont été le théâtre d’un vaste mouvement de protestation mené par les étudiants de l’Institut de Formation Inter-Régional des Paramédicaux (IFIRP) et les internes en médecine regroupés au sein de l’Union des Internes de Toliara. Tous sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère et réclamer des réponses concrètes à leurs demandes, jugées légitimes mais négligées depuis trop longtemps. Entre revendications salariales, intégration dans la fonction publique, dénonciation des conditions précaires et appel à des réformes structurelles, cette mobilisation illustre un malaise profond dans le secteur de la santé à Madagascar.



Une mobilisation déterminée pour faire entendre des revendications anciennes
Dans la matinée, une foule compacte s’est formée devant les locaux de l’IFIRP avant de converger vers le centre-ville de Toliara. Les banderoles brandies portaient des messages clairs : « Non à l’Examen Unique », « Intégration pour tous les diplômés », « Respectez nos droits ». Cette marche pacifique a rassemblé des centaines d’étudiants et de jeunes professionnels de santé venus de différents établissements, décidés à se faire entendre après des mois d’attente et de promesses non tenues.
Les étudiants de l’IFIRP, piliers de la manifestation, dénoncent la mise en place de l’Examen Unique, qu’ils considèrent comme une mesure injuste et discriminatoire. Selon eux, cet examen ne reflète ni la réalité de leur formation ni leurs compétences professionnelles. Ils réclament en conséquence l’abandon du projet et exigent l’intégration immédiate dans la fonction publique de tous les diplômés depuis 2021.
Pour ces jeunes paramédicaux, l’attente prolongée d’une affectation officielle est synonyme de précarité et de découragement. Beaucoup se retrouvent sans emploi malgré des années d’études et de stages intensifs dans les hôpitaux. Certains, faute de perspectives, envisagent même de quitter le pays. La manifestation de ce jour apparaît ainsi comme un cri d’alarme adressé à un système de santé qui semble avoir oublié ceux qui, demain, seront en première ligne pour soigner la population.
Les internes en médecine réclament dignité et conditions décentes
Aux côtés des étudiants paramédicaux, l’Union des Internes de Toliara a, elle aussi, fait entendre sa voix. Leurs revendications, déjà exprimées lors de précédentes mobilisations, demeurent inchangées : revalorisation de la présalaire, intégration des anciens internes dans la fonction publique, et restitution de la cité des Internes, un espace symbolique qui leur servait autrefois de logement et de lieu d’échange.
Les internes dénoncent également le non-versement des indemnités de stage depuis le début de leurs affectations. Ces indemnités, censées compenser les dépenses quotidiennes engendrées par leurs stages hospitaliers, sont restées impayées pendant des mois. Cette situation, combinée à la cherté de la vie, place de nombreux internes dans une grande détresse financière.
Plusieurs manifestants ont également pointé du doigt la dégradation des infrastructures hospitalières. Ils affirment travailler dans des conditions difficiles, parfois sans matériel de base, avec des hôpitaux vétustes et des équipements obsolètes. Certains services manquent de gants, de seringues ou même de médicaments essentiels, ce qui compromet la qualité des soins et l’apprentissage pratique des étudiants.
« Nous sommes là pour apprendre à sauver des vies, mais comment le faire quand il n’y a même pas le matériel nécessaire ? », s’indigne un interne présent dans le cortège. Ce témoignage illustre la frustration croissante d’une génération de futurs médecins qui se sentent abandonnés par les pouvoirs publics.
Une contestation qui prend une tournure politique
Si le mouvement est d’abord né de revendications professionnelles, il a rapidement pris une dimension plus large. Certains manifestants, notamment ceux rattachés aux cellules de crise locales, ont appelé à la démission du président Andry Rajoelina et à la suppression du « base Toliara », une structure administrative qu’ils jugent inefficace et autoritaire.
Ces slogans, scandés à plusieurs reprises pendant la marche, traduisent un ras-le-bol généralisé vis-à-vis de la gestion nationale des affaires publiques, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. Les protestataires reprochent au gouvernement un manque de dialogue et une absence de vision durable pour l’avenir des jeunes professionnels.
Des observateurs locaux soulignent que cette mobilisation dépasse le cadre purement social : elle devient le symbole d’un mécontentement plus profond qui touche la jeunesse malgache dans son ensemble. Les frustrations liées au chômage, à la précarité et au sentiment d’injustice sociale alimentent une colère latente, aujourd’hui visible dans les rues de Toliara.
Malgré la tension, la manifestation s’est déroulée dans le calme. Les forces de l’ordre, déployées en nombre, ont encadré le cortège sans heurts majeurs. Les organisateurs ont tenu à rappeler que leur action était pacifique et visait avant tout à attirer l’attention du gouvernement sur l’urgence de la situation.
Un malaise profond dans le système de santé malgache
La mobilisation des étudiants et des internes révèle les failles structurelles du système de santé à Madagascar. Derrière les pancartes et les slogans se cache une réalité inquiétante : celle d’un secteur en souffrance, miné par le manque de moyens, la lenteur administrative et la désorganisation institutionnelle.
Les paramédicaux et internes représentent l’avenir du corps médical, mais leurs conditions d’étude et de travail demeurent précaires. Dans plusieurs hôpitaux régionaux, les étudiants en stage se plaignent de l’absence d’encadrement, de la surcharge de travail et de l’absence de reconnaissance officielle de leurs efforts. Beaucoup estiment que leurs droits fondamentaux, notamment le droit à une formation de qualité et à une rémunération équitable, ne sont pas respectés.
Les revendications formulées à Toliara rejoignent celles observées dans d’autres villes du pays, comme Antananarivo, Fianarantsoa ou Mahajanga, où des mouvements similaires ont éclaté ces derniers mois. Partout, les jeunes soignants dénoncent le manque d’écoute et appellent à une réforme en profondeur de la gouvernance du système de santé.
Des experts du domaine soulignent que cette crise est le résultat d’un cumul de retards : insuffisance budgétaire, manque de planification, et absence de politique claire pour l’emploi des jeunes diplômés. Sans réforme structurelle, préviennent-ils, le pays risque de voir s’aggraver la pénurie de personnel médical qualifié, au détriment de la qualité des soins.
Un appel à la responsabilité et au dialogue national
Face à la montée de la contestation, plusieurs voix appellent à l’apaisement et à l’ouverture d’un dialogue constructif entre les autorités et les représentants des étudiants et des internes. Les manifestants, tout en exprimant leur colère, affirment vouloir des solutions concrètes plutôt que des promesses.
Ils réclament la mise en place d’une table ronde nationale regroupant les ministères de la Santé, de l’Enseignement supérieur, des Finances et de la Fonction publique, afin d’élaborer un plan d’action clair et applicable à court terme. L’objectif : garantir l’intégration des diplômés, régulariser les paiements des indemnités en retard, et améliorer les infrastructures hospitalières.
Certains leaders étudiants insistent sur la nécessité d’un engagement politique réel et durable. Pour eux, la situation actuelle ne se résoudra pas par des annonces ponctuelles ou des visites ministérielles, mais par des mesures concrètes inscrites dans une politique nationale cohérente.
Dans les rangs des manifestants, un mot d’ordre revient sans cesse : la dignité. Dignité des soignants, des étudiants, et de tous ceux qui consacrent leur vie à la santé publique. Derrière leurs revendications, c’est une demande de respect et de reconnaissance qui s’exprime.
Toliara, symbole d’une jeunesse en quête de changement
Le mouvement de Toliara s’inscrit dans un contexte social plus large où la jeunesse malgache se mobilise de plus en plus pour défendre ses droits et revendiquer sa place dans la société. Les étudiants de l’IFIRP et les internes en médecine incarnent cette nouvelle génération consciente de ses responsabilités et déterminée à ne plus se taire face à l’injustice.
Leur engagement dépasse le cadre académique ou professionnel : il devient une forme de citoyenneté active, une manière de participer à la construction du pays. En revendiquant de meilleures conditions de formation et de travail, ces jeunes réclament aussi une réforme du rapport entre l’État et la jeunesse, fondée sur l’écoute, le respect et la transparence.
Le mouvement de Toliara pourrait ainsi inspirer d’autres initiatives similaires dans le pays. Déjà, plusieurs syndicats étudiants et associations professionnelles ont exprimé leur soutien aux manifestants. Certains envisagent de rejoindre la mobilisation si aucune avancée n’est constatée dans les prochaines semaines.
Conclusion : le cri d’une jeunesse pour un avenir plus juste
La manifestation de Toliara n’est pas un simple épisode de contestation passagère. Elle révèle une fracture sociale et institutionnelle qui touche profondément le système de santé et, plus largement, la gouvernance nationale. Derrière les slogans et les revendications, se dessine une exigence légitime : celle d’un avenir plus juste pour la jeunesse malgache.
Les étudiants de l’IFIRP et les internes de l’Union des Internes de Toliara rappellent, par leur courage, que le progrès d’un pays repose d’abord sur la reconnaissance de ses jeunes. Leur mobilisation pacifique, empreinte de détermination et de dignité, interpelle directement les autorités : sans écoute ni réforme, la confiance entre la jeunesse et l’État continuera de se fissurer.
Dans les rues de Toliara, un mot résonne avec force : respect. Respect pour les soignants, pour les étudiants, pour les travailleurs, mais aussi pour le peuple. Ce mouvement, loin d’être un simple coup de colère, porte l’espoir d’un renouveau. Un appel à reconstruire, ensemble, un système où chaque citoyen, qu’il soit étudiant, médecin ou patient, trouve enfin la place et la reconnaissance qu’il mérite.