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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Ordre des Journalistes de Madagascar : une structure transitoire pour renforcer la profession

L’Ordre des Journalistes de Madagascar (OJM) s’apprête à franchir une étape décisive de son histoire. Dans un contexte marqué par la volonté de redonner à la profession journalistique sa dignité, son unité et sa capacité d’action, les représentants de quatorze associations de journalistes se sont réunis le lundi 20 octobre 2025 au siège de l’OJM à Ambohidahy. Cette rencontre, présidée par le président en exercice de l’Ordre, avait pour objectif d’asseoir une réflexion collective sur l’avenir de l’organisation et sur les moyens de garantir un exercice plus libre, plus responsable et plus solidaire du métier de journaliste à Madagascar.

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Une réunion d’unité et de responsabilité

Cette rencontre du 20 octobre 2025 n’était pas la première. Elle s’inscrit dans la continuité des discussions ouvertes le 10 octobre, témoignant d’une dynamique de concertation et d’un souci de transparence. Les quatorze associations présentes — AFJM, CRIMAD, ACCROPOL, CORRESPONDANTS INTERNATIONAUX, AJDM, FMGKriMa, SORAKANTO, AJJM, APPEL, REMAPSEN, UJSM, RJSET, AJRP et AMFM — représentent la diversité du paysage médiatique malgache, du journalisme d’investigation à la presse culturelle, en passant par la radiodiffusion et les correspondants régionaux.

L’enjeu de cette réunion était de taille : il s’agissait d’aborder la situation institutionnelle de l’OJM et d’adopter une démarche prudente avant de relancer les élections du Bureau. La décision prise fut claire : il ne s’agira pas de se précipiter. Le moment exige réflexion et consensus, afin d’éviter les divisions internes et de redéfinir une structure adaptée aux réalités du métier.

Ainsi, il a été convenu de créer une structure spéciale, un organe transitoire chargé d’assurer la continuité des activités de l’OJM, tout en préparant le terrain pour des élections inclusives et transparentes. Ce choix témoigne d’une maturité institutionnelle rare dans un contexte où les tensions internes peuvent facilement compromettre l’unité d’une profession déjà fragilisée par les défis économiques et politiques.

Une structure spéciale pour une période exceptionnelle

Cette structure transitoire, conçue pour gérer les affaires courantes et coordonner les initiatives de réforme, sera composée de représentants des associations, des anciens présidents de l’OJM (à titre consultatif) et du président actuel. Une précision importante a été ajoutée : les journalistes qui envisagent de se porter candidats aux prochaines élections du Bureau ne pourront pas faire partie de cette structure. Cette mesure vise à garantir la neutralité du processus et à éviter tout conflit d’intérêts.

Le mandat de cette structure ne se limitera pas à la gestion administrative. Il s’agira également de repenser les bases mêmes du fonctionnement de l’OJM. Depuis plusieurs années, la profession journalistique malgache fait face à des défis multiples : précarité économique, manque de protection juridique, pressions politiques, absence de formation continue, et faiblesse des mécanismes d’autorégulation.

L’une des missions essentielles de la nouvelle structure sera donc d’examiner la loi régissant la communication audiovisuelle et d’y proposer des amendements adaptés à la réalité contemporaine des médias. La révolution numérique, l’émergence des réseaux sociaux, et les nouvelles formes de désinformation appellent une mise à jour du cadre juridique, afin que les journalistes puissent exercer dans un environnement plus sécurisé et plus respectueux de leur indépendance.

Des missions au service de la profession et de la démocratie

Les missions confiées à cette structure spéciale sont nombreuses et stratégiques. Outre la gestion quotidienne des affaires de l’OJM, elle aura la responsabilité de préparer les futures élections du Bureau, dans un esprit d’inclusivité et de participation. L’objectif est d’assurer que chaque voix, qu’elle vienne de la capitale ou des régions, soit entendue et prise en compte.

Parallèlement, cette structure aura pour tâche de mettre en œuvre des actions urgentes pour la protection des journalistes. Dans un contexte où les atteintes à la liberté de la presse et les menaces contre les professionnels des médias demeurent préoccupantes, l’OJM entend jouer un rôle plus affirmé dans la défense de ses membres. Qu’il s’agisse de cas d’intimidation, de poursuites abusives ou d’agressions physiques, l’Ordre souhaite se positionner comme un rempart juridique et moral.

Cette mission de protection s’accompagnera d’un travail de concertation avec toutes les associations de journalistes. L’idée est de canaliser les propositions d’amélioration émanant du terrain, afin d’élaborer des politiques communes. Ces concertations s’étendront aux régions, grâce à l’organisation de conférences régionales et nationales, qui permettront d’évaluer les besoins spécifiques et d’adapter les solutions.

Une profession en quête d’unité et de reconnaissance

Le slogan choisi par l’OJM pour accompagner ce processus, « Journalistes professionnels, unis pour le développement », résume l’esprit du moment. L’unité, souvent mise à l’épreuve par les clivages politiques et économiques, redevient le maître mot. À Madagascar, le journalisme reste un métier exigeant, exposé, et souvent mal compris. Les journalistes évoluent dans un environnement complexe, où la frontière entre information, communication et propagande est parfois brouillée.

La création de cette structure transitoire est donc une opportunité pour la profession de se recentrer sur ses valeurs fondamentales : l’éthique, la véracité, la responsabilité sociale et la solidarité. L’un des enjeux sera aussi de renforcer la confiance du public envers les médias. Face à la prolifération des fausses nouvelles et à la montée de la défiance, les journalistes doivent reconquérir leur rôle de garants de l’intérêt général.

Dans cette optique, l’OJM entend également promouvoir la formation continue des journalistes, afin d’adapter leurs compétences aux mutations du métier. La maîtrise des outils numériques, la vérification des sources en ligne, la compréhension des enjeux de cybersécurité ou encore la couverture éthique des conflits sociaux et politiques font partie des priorités évoquées.

La reconnaissance institutionnelle et sociale du journalisme dépendra aussi de la capacité des journalistes à parler d’une seule voix. En consolidant ses structures internes, l’OJM ambitionne de devenir un interlocuteur crédible auprès des pouvoirs publics, des organismes internationaux et de la société civile.

Le rôle clé des journalistes en région

Un autre point essentiel abordé lors de la réunion concerne la place des journalistes en dehors de la région d’Analamanga. Trop souvent marginalisés dans les processus décisionnels, les correspondants régionaux jouent pourtant un rôle crucial dans la couverture de l’actualité nationale. Leur proximité avec les réalités locales leur confère une légitimité et une connaissance du terrain que la presse de la capitale ne peut pas toujours égaler.

Le Bureau actuel de l’OJM a réaffirmé son engagement à servir de relais entre ces journalistes régionaux et la structure centrale. Il veillera à transmettre leurs propositions, leurs difficultés et leurs attentes. Cette démarche vise à éviter une fracture territoriale au sein de la profession et à garantir une représentativité équilibrée.

Les consultations régionales prévues permettront d’aborder des thématiques propres à chaque zone : accès à l’information, sécurité des journalistes en zone sensible, relations avec les autorités locales, ou encore conditions matérielles d’exercice. Dans certaines régions, les journalistes travaillent sans moyens suffisants, souvent dans des situations de précarité. En intégrant leurs réalités dans le plan global de réforme, l’OJM pose les bases d’une profession plus équitable et plus solidaire.

Un tournant décisif pour la liberté de la presse

L’initiative de l’OJM s’inscrit dans un contexte mondial où la liberté de la presse reste fragile. À Madagascar, plusieurs organisations internationales ont déjà exprimé leurs préoccupations quant aux pressions exercées sur les journalistes et à la lenteur des réformes législatives. La mise en place de cette structure transitoire représente donc une occasion de redorer l’image du pays en matière de gouvernance médiatique.

Le processus engagé doit permettre de renforcer la crédibilité de l’OJM, souvent perçu comme trop distant ou inefficace par une partie de la profession. En adoptant une approche inclusive et participative, l’Ordre envoie un signal fort : la défense du journalisme ne se fera pas sans les journalistes eux-mêmes.

Cependant, le succès de cette démarche dépendra de plusieurs facteurs. D’abord, la capacité des différents acteurs à travailler ensemble, dans le respect des divergences et la recherche du consensus. Ensuite, le soutien des autorités publiques, indispensables pour traduire les propositions en mesures concrètes. Enfin, la mobilisation des journalistes sur le terrain, qui devront s’impliquer dans les discussions, relayer les informations et veiller à la mise en œuvre des décisions.

Cette période transitoire ne doit pas être une parenthèse, mais le point de départ d’une refondation durable. À terme, l’élection d’un nouveau Bureau devra se faire sur la base de principes rénovés : transparence, compétence, représentativité et engagement.

Une profession qui se réinvente

À travers cette initiative, l’Ordre des Journalistes de Madagascar montre sa volonté de s’adapter aux mutations profondes du métier. Dans un monde où l’information circule à une vitesse vertigineuse, où les frontières entre journalistes professionnels et producteurs de contenu s’effacent, il est essentiel de redéfinir les critères du professionnalisme et de la déontologie.

Le rôle de l’OJM ne se limite pas à l’encadrement administratif de la profession. Il doit devenir un espace de réflexion, de solidarité et de construction collective. En cela, la création de la structure spéciale est une réponse pragmatique et visionnaire à une crise de gouvernance, mais aussi à une crise de confiance.

Les journalistes malgaches ont désormais l’opportunité de démontrer que la liberté de la presse n’est pas une revendication corporatiste, mais un pilier essentiel de la démocratie et du développement. L’avenir du journalisme à Madagascar dépendra de leur capacité à conjuguer indépendance et responsabilité, esprit critique et sens du collectif.

L’Ordre des Journalistes de Madagascar semble en avoir pleinement conscience. En prenant le temps de construire une transition solide, il donne à la profession les moyens de se réinventer. Plus qu’une simple réorganisation interne, il s’agit d’un acte fondateur, un engagement pour que le journalisme malgache demeure libre, digne et au service de la société.

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