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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Pouvoirs du président : la controverse des tournées présidentielles dans les districts

Photo du rédacteur: Volanirina RazafindrafitoVolanirina Razafindrafito

Tournées présidentielles : un faux débat ou une vraie controverse ?



La récente polémique autour des tournées présidentielles dans les districts de Madagascar en pleine période électorale met en lumière des tensions croissantes entre le pouvoir en place et l'opposition. Alors que certains y voient une violation des principes démocratiques, d'autres défendent la liberté d'action du président de la République en vertu de la Constitution.


Un faux débat instrumentalisé

À l'instar de l'affaire dite du "chou-fleur" lors de la présidentielle précédente, la polémique actuelle autour des tournées du président Andry Rajoelina est exploitée par l'opposition. Le communiqué du 16 mai 2024, signé par la Délégation de l'Union européenne, les ambassades du Royaume-Uni, d'Allemagne, de Suisse, des États-Unis, de France, et la Représentation de l'OIF pour l'Océan Indien, a été interprété par l'opposition comme une attaque ciblée contre le régime en place. Toutefois, cette déclaration se révèle être une position classique de la communauté internationale en période électorale, visant à rappeler l'importance de l'équité et du respect des lois électorales par tous les acteurs politiques.


Les accusations de l'opposition

L'opposition s'est rapidement emparée de l'article 61 alinéa 1er de la loi organique relative aux élections, promulguée en 2018, pour accuser le président de violer la loi en effectuant des tournées durant la campagne électorale. Cet article interdit toute inauguration officielle pendant cette période. Cependant, les tournées présidentielles, qualifiées de "fidinana ifotony", ne correspondent pas techniquement à des inaugurations officielles car elles ne comportent ni coupure de ruban, ni invités, ni plaques commémoratives, ce qui les distingue des événements formellement interdits par la loi électorale.


La hiérarchie des normes

Il est essentiel de rappeler que la Constitution de la Quatrième République de Madagascar, qui s'inspire largement de celle de la Cinquième République française, prime sur toute loi organique. L'article 45 alinéa 3 de la Constitution malgache stipule que le président de la République est le garant du fonctionnement régulier et continu des pouvoirs publics. Ainsi, le président Rajoelina, en vertu de ses pouvoirs constitutionnels, est libre de se déplacer et d'exercer ses fonctions, y compris en période électorale. Cette disposition vise à assurer la stabilité et la continuité de l'État, indépendamment des échéances électorales.


Comparaison avec les pratiques internationales

Les critiques formulées par certaines ambassades peuvent sembler paradoxales si l'on considère les pratiques électorales dans leurs propres pays. Par exemple, le président français Emmanuel Macron, malgré la campagne pour les élections européennes, a prononcé un discours à La Sorbonne ayant un lien direct avec le scrutin à venir, sans que cela ne soit perçu comme une violation des règles électorales. De même, aux États-Unis, le président en exercice peut librement mener des tournées sans distinction entre son rôle de président et celui de candidat, une pratique acceptée et constitutionnellement protégée.


Le poids des pouvoirs régaliens

La souveraineté nationale et les pouvoirs régaliens de l'État doivent être respectés, y compris par la communauté internationale. L'ingérence perçue à travers des déclarations qui encouragent la participation électorale peut être mal reçue, surtout lorsqu'elle semble cibler spécifiquement un régime. La Constitution malgache, tout comme celles de nombreuses démocraties avancées, n'exige pas la démission du président en exercice lorsqu'il est candidat à sa propre succession. En ce sens, les tournées présidentielles de Rajoelina restent conformes à ses prérogatives constitutionnelles.


Une controverse révélatrice

La controverse actuelle sur les tournées présidentielles met en lumière des enjeux plus profonds sur l'interprétation des lois électorales, le respect de la Constitution et les pratiques politiques en période électorale. Si les critiques de l'opposition et les déclarations de la communauté internationale soulèvent des questions légitimes sur l'équité et la transparence, elles révèlent également une instrumentalisation politique des règles électorales.


Vers une clarification nécessaire

Pour éviter de futurs conflits et clarifier les limites des actions présidentielles en période électorale, une réflexion approfondie sur les lois électorales et leur interprétation s'impose. Une telle démarche pourrait renforcer la confiance des citoyens dans le processus électoral et garantir un cadre démocratique plus transparent et équitable pour tous les acteurs politiques.

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