La conjoncture actuelle du paysage politique est telle que la frontière entre pouvoir exécutif et maintien de la paix est plus ténue que jamais. Au cœur de cette ébullition se trouve la figure controversée du Premier ministre et la question du recours aux forces de l'ordre pour contenir les troubles politiques.
La Constitution, pilier de nos institutions, confie au Premier ministre le rôle de garant de la paix, de la sécurité et de la stabilité. Pourtant, la récente déclaration de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) soulève de nombreuses interrogations quant à la nature exacte des pouvoirs du chef du gouvernement. Si ce dernier dispose bien, selon l'article 65.9, de toutes les forces en charge de la police, du maintien de l'ordre et de la sécurité intérieure, où se situe la limite de son intervention en cas de crise politique?
La nuance introduite par la HCC concernant la différence entre un gouvernement exerçant collégialement les fonctions de chef d'État par intérim et un gouvernement exerçant ses fonctions constitutionnelles traditionnelles est subtile, mais capitale. Car si le Premier ministre détient le rôle de premier magistrat de l'État, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas le chef suprême des forces armées. Cette distinction sème le doute quant à l'étendue réelle de ses prérogatives.
L'article 65.10 de la Constitution ajoute une autre couche de complexité à ce débat. Le Premier ministre peut, en cas de troubles politiques graves, faire appel aux forces de l'ordre. Mais il reste flou sur la nature de l'avis requis des autorités compétentes. Est-ce un simple avis consultatif ou un avis impératif? Cette ambiguïté pourrait ouvrir la porte à de potentielles dérives.
La déclaration récente du Préfet de Police d'Antananarivo ne fait qu'accentuer ces craintes. La réquisition de l'EMMO/REG d'Analamanga pour une période indéterminée évoque clairement une mise en alerte des forces de l'ordre. Quels sont les véritables motifs de cette mobilisation? S'agit-il d'une simple mesure préventive ou d'un signe avant-coureur d'une intervention plus musclée?
Ce qui est sûr, c'est que le timing de ce communiqué, venant un jour après cette réquisition, alimente le débat. C'est peut-être là un avertissement, ou du moins une démonstration de force, indiquant clairement que le gouvernement est prêt à user de tous les moyens à sa disposition pour rétablir l'ordre.
En ces temps incertains, la clarté et la transparence sont plus que jamais nécessaires. Les citoyens ont le droit de comprendre les tenants et aboutissants de ces décisions qui impactent directement leur sécurité et leur liberté. Si le maintien de l'ordre est essentiel, il ne doit pas se faire au détriment des principes démocratiques fondamentaux. La balance entre autorité et liberté est fragile, et c'est à nos dirigeants de veiller à ce qu'elle ne bascule pas.