Dans un contexte où les tensions raciales se manifestent de manière accrue, l'analyse historique du racisme anti-Noirs au Maghreb révèle des racines profondément ancrées dans l'esclavage pratiqué dans les mondes arabo-musulmans jusqu'au XIXᵉ siècle.
Un passé esclavagiste prolongé
L'historien M’hamed Oualdi, professeur à Sciences Po et spécialiste du Maghreb, explique dans un entretien au journal "Le Monde" comment les diverses formes d'esclavage ont persisté dans le monde arabo-musulman. Il souligne l'abolition progressive de ces pratiques à partir du XIXᵉ siècle, influencée par la montée des colonialismes européens. Ses recherches mettent en lumière non seulement les pratiques historiques d'asservissement mais aussi leur impact durable sur les sociétés contemporaines.
Racisme contemporain et ses racines historiques
Au Maghreb, le racisme anti-Noirs est souvent perçu à travers le prisme des relations économiques et sociales actuelles. En Tunisie, par exemple, les migrants subsahariens sont fréquemment stigmatisés, perçus comme des compétiteurs pour les ressources locales. Toutefois, Oualdi insiste sur le fait que ce racisme a également des origines historiques, liées à l'esclavage. Il mentionne l'usage persistant de termes dérivés de l'esclavage pour désigner les personnes noires, comme "wusif", un terme qui signifie « domestique » mais qui est communément utilisé pour désigner les Noirs, illustrant ainsi la persistance des stéréotypes raciaux.
Éducation et sensibilisation comme remèdes
Face à ce legs douloureux, Oualdi appelle à une meilleure sensibilisation et éducation sur l'histoire de l'esclavage dans les mondes musulmans. Il suggère que comprendre le passé peut jouer un rôle crucial dans la déconstruction des préjugés raciaux et la promotion de l'harmonie sociale. Ses travaux récents, tels que "L’Esclavage dans les mondes musulmans. Des premières traites aux traumatismes", visent à éclairer ces aspects souvent méconnus ou ignorés de l'histoire.
Perspectives futures
Alors que le Maghreb continue de lutter contre les manifestations de racisme anti-Noirs, l'approche historique de Oualdi offre un cadre précieux pour comprendre et, espérons-le, surmonter ces préjugés enracinés. L'engagement envers une compréhension plus profonde des causes historiques du racisme est essentiel pour bâtir des sociétés plus inclusives et justes. Cet effort de mémoire peut potentiellement transformer les attitudes et favoriser une réconciliation avec le passé esclavagiste, pour un avenir où la couleur de peau ne détermine plus le statut ni les droits d'un individu.
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