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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Réforme de la petite mine : Patrick Raharimanana appelle à une libéralisation encadrée

L’intervention publiée le 12 novembre 2025 sur la page Facebook de Patrick Raharimanana met en lumière un enjeu central pour l’économie malgache : la nécessaire modernisation de l’exploitation artisanale et semi-industrielle des ressources minières. L’auteur y propose une série de réformes visant à libéraliser l’exploitation, alléger la fiscalité, soutirer le secteur de l’informel, renforcer la transparence et mieux répartir les revenus entre l’État et les collectivités. Ses propositions reposent aussi sur des données économiques précises, issues notamment de rapports du Ministère des Mines, de PlanetGold et de Transparency Madagascar. Cet ensemble forme une réflexion structurée sur l’avenir de la petite mine, secteur vital pour des centaines de milliers de travailleurs et pour les finances publiques.

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Les enjeux économiques et sociaux d’un secteur stratégique

L’exploitation artisanale et semi-industrielle des ressources minières occupe une place essentielle dans de nombreuses régions malgaches. Selon Patrick Raharimanana, ce secteur doit figurer parmi les priorités de développement du pays, non seulement en raison de son potentiel économique, mais aussi de son rôle social. Il constitue une source majeure d’emplois directs et indirects, et génère des revenus importants pour les communes, les régions et l’État central.

L’auteur insiste sur un point central : malgré son importance, la petite mine reste trop souvent marquée par l’informalité, les obstacles administratifs, les taxes excessives et la corruption. Ces freins découragent les exploitants locaux, favorisent l’intervention d’acteurs extérieurs non réglementés et limitent la contribution réelle du secteur à l’économie nationale.

La libéralisation proposée vise à corriger ces dysfonctionnements. Il s’agit, selon lui, de créer un environnement plus simple, plus transparent et plus équitable, afin que les mineurs, les artisans et les petites entreprises puissent travailler légalement sans subir un fardeau administratif ou fiscal disproportionné. Réduire les taxes et les redevances serait le premier levier pour encourager la formalisation, un objectif que le gouvernement malgache peine encore à atteindre en dépit des réformes annoncées.

Un cadre commercial mieux structuré et plus transparent

Parmi les propositions clés de Patrick Raharimanana figure la régulation de l’accès des étrangers aux zones d’exploitation. Selon lui, les collecteurs étrangers ne devraient pas pouvoir se rendre directement dans les carrières. Cette mesure vise à protéger les exploitants malgaches des achats à prix imposés et des pratiques abusives parfois constatées dans certaines régions.

À la place, il suggère la création d’un guichet unique d’achat. Dans ce système, les exploitants locaux vendraient leurs produits – or, saphir, émeraude, béryl, quartz – dans un espace contrôlé, où seuls des négociants agréés seraient autorisés à acheter. Ce dispositif aurait plusieurs avantages : garantir des transactions transparentes, stabiliser les prix, limiter la corruption et réduire les risques de ventes clandestines.

Il n’en exclut pas pour autant les investisseurs étrangers. Ces derniers pourraient contribuer au financement ou au préachat de la production, mais uniquement sous strictes conditions. Deux principes doivent être impératifs : l’interdiction de toute exploitation abusive et le respect des travailleurs, notamment en ce qui concerne la rémunération. Les pratiques de sous-paiement restent une réalité dans certains sites miniers ; leur disparition nécessiterait une régulation ferme et une surveillance accrue.

L’exportation, quant à elle, doit rester ouverte à tous, précise-t-il, dès lors qu’elle est conforme à la loi. Patrick Raharimanana propose une mesure notable : ne pas obliger les exportateurs à rapatrier directement les devises. Selon lui, ces dernières reviennent de manière naturelle à travers les importations de marchandises ou de véhicules. Cette flexibilité pourrait encourager plus d’opérateurs à se déclarer officiellement et à respecter les procédures.

Valorisation locale et autonomisation financière des acteurs de la filière

L’un des axes majeurs évoqués est la nécessité de renforcer les capacités locales. Selon l’auteur, le pays doit soutenir financièrement, matériellement et techniquement les artisans et les industries locales qui transforment les produits miniers. La logique est claire : plus la transformation se déroule à Madagascar, plus la valeur ajoutée reste dans le pays, et plus les emplois locaux sont nombreux.

Cet accompagnement pourrait se traduire par des formations techniques, des facilités d’accès au matériel, ou encore par des programmes de soutien à la transformation artisanale. Le développement de la bijouterie, du façonnage de pierres ou même des petites unités de raffinerie contribuerait à renforcer la compétitivité du secteur.

Dans cette optique, Patrick Raharimanana propose la création d’une banque malgache spécialisée, destinée à financer les jeunes, les artisans, les mineurs, les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs. Cette institution aurait une particularité forte : elle n’exigerait pas de garanties financières traditionnelles, un obstacle majeur pour nombre d’acteurs ruraux. L’accompagnement proposé inclurait également une dimension pédagogique, avec des formations en gestion et un suivi régulier des projets.

Cette banque constituerait un outil de développement puissant, particulièrement dans les zones minières où l’accès au crédit formel est extrêmement limité. Une telle institution pourrait aider les exploitants à se moderniser, à régulariser leurs activités et à créer des entreprises viables, génératrices de revenus et de stabilité sociale.

Des estimations économiques révélatrices : un potentiel considérable pour les recettes nationales

Dans la seconde partie de son intervention, Patrick Raharimanana publie une série de données et de calculs basés sur les prix locaux, concernant la valeur annuelle potentielle de la production artisanale en or et pierres précieuses. Ces estimations, tirées de rapports spécialisés, montrent l’importance économique du secteur.

L’or représente la plus grande part, avec une production estimée à 14 tonnes par an. À un prix moyen local de 300 000 ariary le gramme, la valeur totale s’élèverait à environ 4 200 milliards d’ariary. Une redevance de 5 % générerait alors 210 milliards d’ariary pour l’État.

Les pierres précieuses constituent également un segment important : le saphir, l’émeraude, le béryl et le quartz totalisent une valeur estimée de 271 milliards d’ariary, pour une redevance de 13,55 milliards d’ariary. Au total, les ressources minières artisanales représenteraient ainsi une valeur locale de 4 471 milliards d’ariary, offrant un potentiel théorique de 223 milliards d’ariary de recettes publiques.

Patrick Raharimanana souligne qu’avec une meilleure régulation et une exportation plus formelle, ce montant pourrait être plus élevé. En effet, une grande partie de la production échappe encore aux statistiques officielles en raison des circuits informels et des exportations clandestines.

Il cite également des estimations basées sur les prix internationaux. Celles-ci montrent un potentiel encore plus élevé, notamment pour l’or, qui représenterait 1,86 milliard de dollars, soit 8 365 milliards d’ariary. Avec un taux de redevance de 5 %, l’État pourrait percevoir jusqu’à 418 milliards d’ariary. Ces données montrent l’importance stratégique du secteur pour les finances publiques, dans un pays où les ressources budgétaires restent souvent limitées.

Un cadre légal en mutation et un partage des recettes plus équitable

La question fiscale constitue un autre volet essentiel de la réflexion. Selon la loi de 2014 sur les ressources des Collectivités Territoriales Décentralisées, celles-ci bénéficient d’une quote-part des taxes et redevances nationales. Or, dans le domaine minier, le partage n’a pas toujours été optimal, certaines régions minières percevant peu de retombées financières malgré leur contribution forte à la production.

La réforme du Code minier de 2023 a instauré une taxe spéciale sur les produits miniers, fixée à 5 % de la valeur d’exportation. Cette taxe, appelée DTSPM, est répartie entre l’État central et les collectivités territoriales. L’État conserve 3 %, tandis que 2 % reviennent aux collectivités.

Au sein de ces collectivités, la répartition se fait selon un schéma précis : 60 % pour les communes, 30 % pour les régions, et 10 % pour les anciennes provinces. Cette redistribution vise à garantir une meilleure équité territoriale, en permettant aux communes minières d’avoir des ressources plus importantes pour financer des infrastructures, des services publics et des programmes sociaux.

Patrick Raharimanana considère cette répartition comme l’un des leviers majeurs pour renforcer le développement local. Selon lui, si l’État perçoit effectivement ces 5 % sur la production réelle, les communes minières pourraient bénéficier de ressources suffisamment importantes pour transformer durablement leur économie. Cela suppose toutefois un contrôle rigoureux et une lutte effective contre la fraude, conditions indispensables pour que les montants collectés reflètent réellement la production du secteur.

Vers une concertation nationale pour une réforme inclusive

Au-delà des aspects techniques, l’auteur propose l’organisation d’une concertation nationale regroupant tous les acteurs de la petite mine. Cette rencontre permettrait de recueillir les propositions des exploitants, artisans, négociants, experts, autorités locales et représentants de l’État. L’objectif serait d’élaborer un accord sectoriel clair, équitable et applicable, fondé sur les réalités du terrain.

Une telle démarche pourrait favoriser un climat de confiance, essentiel pour encourager la formalisation du secteur et pour réduire les conflits récurrents autour de l’accès aux ressources minières. Elle permettrait aussi de mettre en place des mécanismes adaptés aux besoins des populations locales, souvent confrontées à des contraintes économiques sévères et à un manque de soutien institutionnel.

Selon Patrick Raharimanana, seules des mesures co-construites et acceptées par la base pourront assurer une gestion durable et équitable des ressources minières. Cette approche participative s’inscrirait dans la continuité des réformes engagées par les autorités, mais apporterait une dimension supplémentaire : celle de l’inclusion et de l’écoute des communautés minières.

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