Tragédie sur la RN6 : dix morts dans un accident au pont Sofia
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
- il y a 5 heures
- 5 min de lecture
Dans la nuit du mercredi 15 au jeudi 16 octobre 2025, un drame routier d’une rare violence a endeuillé la région nord-ouest de Madagascar. Un véhicule de transport public reliant Mahajanga à Antsohihy a sombré dans le chaos sur le pont Sofia, dans la commune de Marovantaza, district d’Analalava. Le bilan est effroyable : dix morts, dont cinq femmes et cinq hommes, et plusieurs blessés. Les circonstances exactes de la tragédie demeurent encore floues, mais les premières hypothèses évoquent une vitesse excessive et une défaillance humaine ou mécanique.

Une nuit de cauchemar sur la route nationale 6
La route nationale 6, qui relie Mahajanga au nord du pays, est réputée pour ses virages dangereux et son état parfois précaire. Ce jeudi 16 octobre, aux alentours de trois heures du matin, un minibus de la coopérative VOFIZABO, immatriculé #9100ME, a perdu le contrôle au niveau du pont Sofia. Selon les premiers témoignages recueillis sur place, le véhicule roulait à vive allure alors que la chaussée était glissante à cause de l’humidité nocturne.
Le choc a été si violent que la carrosserie du véhicule s’est déformée, emprisonnant plusieurs passagers à l’intérieur. Sept d’entre eux sont morts sur le coup, coincés dans les débris. Trois autres, grièvement blessés, ont succombé à leurs blessures après leur transfert d’urgence au centre de santé de Port Bergé. La plupart des victimes étaient jeunes, certaines à peine majeures, parties pour rejoindre leurs familles ou reprendre leurs études après un séjour à Mahajanga.
Des secours confrontés à des conditions difficiles
Les premiers secours sont arrivés sur les lieux peu avant l’aube. Des habitants de Marovantaza, réveillés par le bruit assourdissant de l’accident, ont tenté de porter assistance aux victimes avant l’arrivée des autorités. Les sapeurs-pompiers et les gendarmes de Port Bergé, alertés peu après 3 h 30, ont dû se frayer un chemin sur une route étroite et en partie dégradée pour atteindre le pont Sofia.
Le bilan a été confirmé dans la matinée : dix morts et plusieurs blessés, dont certains dans un état critique. Les opérations d’évacuation ont duré plusieurs heures. Les corps ont été transportés vers la morgue de Port Bergé, tandis que les blessés étaient orientés vers différents centres de soins de la région. Les témoins parlent d’une scène de désolation : un véhicule renversé sur le flanc, des effets personnels éparpillés, et des familles en pleurs venues reconnaître leurs proches.
Face à l’émotion suscitée par le drame, les autorités locales ont exprimé leurs condoléances aux familles endeuillées. Des responsables du district d’Analalava et du ministère des Transports se sont rendus sur place pour superviser les opérations et tenter de comprendre ce qui a pu se passer.
Des causes encore incertaines mais des hypothèses sérieuses
Si l’enquête est toujours en cours, plusieurs pistes sont déjà évoquées. Selon des sources proches de la gendarmerie, le véhicule de la coopérative VOFIZABO ne circulait pas sur la voie protégée du pont au moment de l’accident. Certains témoins affirment que le conducteur aurait tenté un dépassement risqué ou qu’il se serait assoupi au volant après plusieurs heures de trajet sans repos.
D’autres hypothèses font état d’un problème mécanique. Les véhicules de transport interurbain, souvent mis à rude épreuve sur les routes malgaches, ne bénéficient pas toujours d’un entretien régulier. Les pneus usés, les freins défectueux ou la surcharge constituent des facteurs récurrents d’accidents graves. L’état du pont Sofia lui-même, construit il y a plusieurs décennies, pourrait aussi avoir joué un rôle indirect en rendant la manœuvre plus délicate.
Les enquêteurs devront également déterminer si le véhicule disposait des autorisations nécessaires et si le chauffeur possédait les certificats de conduite et de repos exigés par la réglementation. Les conclusions de cette enquête seront déterminantes pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise sur la RN6.
Une route à haut risque, symbole des défis du transport rural
La RN6, reliant Mahajanga à Antsiranana, traverse certaines des régions les plus enclavées du pays. Si elle constitue un axe vital pour le commerce et les déplacements, elle est également tristement célèbre pour son taux élevé d’accidents. Les infrastructures vieillissantes, l’absence de signalisation, les ponts fragilisés et la fatigue des conducteurs de transport public forment un cocktail dangereux.
Selon les statistiques du ministère des Transports, plus d’une centaine d’accidents mortels ont été recensés sur cet axe au cours des cinq dernières années. La plupart sont dus à des excès de vitesse ou à un manque de repos des chauffeurs. Beaucoup d’entre eux conduisent de nuit pour éviter la chaleur ou gagner du temps, au mépris des règles élémentaires de sécurité.
La coopérative VOFIZABO, à laquelle appartenait le véhicule accidenté, n’en est pas à son premier drame. Plusieurs associations de transporteurs dénoncent depuis longtemps la pression économique qui pousse les conducteurs à multiplier les trajets sans véritable repos. Dans ce contexte, la tragédie du pont Sofia vient rappeler une fois encore l’urgence de réformer le secteur du transport public et de renforcer les contrôles techniques et humains.
Deuil et colère : les familles des victimes réclament justice
À Mahajanga comme à Port Bergé, l’émotion est immense. Des familles entières se sont rendues sur les lieux du drame pour retrouver les dépouilles de leurs proches. Certaines ont passé la nuit devant la morgue, attendant la restitution des corps pour organiser les obsèques. Les cris de douleur et les pleurs témoignent de la profondeur du traumatisme.
Mais au-delà du chagrin, c’est aussi la colère qui monte. Des proches des victimes dénoncent l’irresponsabilité du conducteur et l’absence de contrôle strict sur les véhicules de transport. « On nous parle toujours de sécurité, mais rien ne change. Les routes sont dangereuses, les bus sont vieux, et on continue de mourir dans l’indifférence », déplore un parent venu de Marovoay.
Les autorités locales ont promis une enquête complète et des sanctions exemplaires si des négligences sont confirmées. Le ministère des Transports a également annoncé vouloir renforcer les inspections techniques et les formations obligatoires pour les chauffeurs interrégionaux. Toutefois, pour beaucoup, ces annonces ne suffisent plus. Les habitants de la région réclament des actes concrets : réhabilitation des routes, contrôles réguliers, et création d’une ligne de secours permanente sur la RN6.
Une tragédie révélatrice d’un mal plus profond
Au-delà du drame humain, l’accident du pont Sofia met en lumière la fragilité du système de transport malgache. Dans un pays où la route demeure le principal moyen de déplacement, la sécurité routière reste un défi majeur. Le manque de moyens pour entretenir les infrastructures, la vétusté du parc automobile, et la faiblesse des contrôles contribuent à un climat de danger permanent.
De nombreux observateurs estiment qu’il ne suffit plus de réagir après chaque catastrophe, mais qu’il faut repenser en profondeur la politique nationale du transport. Des programmes de sensibilisation, de formation, et de modernisation des véhicules doivent être mis en œuvre. Le renforcement des sanctions contre les coopératives négligentes et les chauffeurs imprudents pourrait également constituer un levier dissuasif.
Les experts rappellent que chaque accident est un drame évitable si la prévention est prise au sérieux. Le souvenir des dix victimes du pont Sofia devrait servir d’électrochoc collectif, rappelant que la sécurité routière n’est pas une option mais une responsabilité partagée entre l’État, les transporteurs et les citoyens.
Conclusion : un appel à la vigilance et à la réforme
Le drame de la RN6 restera gravé dans les mémoires comme l’un des accidents les plus meurtriers de l’année 2025 à Madagascar. Dix vies perdues en quelques secondes, dix familles brisées, et un pays une fois de plus endeuillé par la route. Les causes sont encore à déterminer, mais les leçons sont déjà là : la vitesse, la fatigue et le manque d’entretien continuent de tuer.
Il appartient désormais aux autorités d’agir avec détermination pour renforcer la sécurité des transports publics et moderniser les infrastructures routières. Aux usagers aussi de faire preuve de prudence et de respect des règles. Car derrière chaque accident, il y a des destins fauchés, des rêves brisés, et un deuil national qui aurait pu être évité.