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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

VIH/Sida à Madagascar : une journée mondiale pour rappeler que le contrôle est possible

Chaque 1er décembre, la Journée mondiale de lutte contre le VIH/Sida revient comme un rendez-vous de santé publique et de conscience collective. Cette année 2025, l’écho de la commémoration a résonné à Itaosy, dans la commune de Bemasoandro, où la cérémonie officielle s’est tenue ce lundi 1er décembre. Le thème retenu, « Surmonter les obstacles pour renforcer les stratégies de lutte contre le VIH/Sida », donne le ton : il ne s’agit plus seulement de rappeler l’existence du virus, mais de convaincre qu’un tournant est possible à condition de lever les freins encore trop présents autour du dépistage, du traitement et de l’acceptation sociale. La présence de la ministre de la Santé publique, le Dr Managna Monira, a renforcé la portée de cet appel. Dans un pays où le VIH/Sida demeure un défi majeur, les chiffres révélés lors de la célébration illustrent une réalité à la fois préoccupante et porteuse d’espoir : la maladie existe, elle progresse, mais elle peut être contrôlée.


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Une cérémonie officielle à Itaosy, sous le signe de la mobilisation


Itaosy, commune de Bemasoandro. Lundi 1er décembre 2025. La localité a accueilli la célébration officielle de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/Sida. Ce choix de lieu rappelle que la lutte contre le virus ne se limite pas aux grandes capitales ou aux centres hospitaliers de référence : elle doit se jouer au plus près des communautés, là où se vivent les réalités quotidiennes, là où se construisent les représentations, là où s’ancre ou se dissipe la peur. L’événement a été marqué par une forte mobilisation des acteurs sanitaires, des autorités locales, ainsi que de la population venue assister aux prises de parole et participer aux services de santé proposés.


La présence de Madame la ministre de la Santé publique, le Dr Managna Monira, a symbolisé une implication politique directe et visible. Dans ce type de cérémonie, la dimension institutionnelle compte autant que les dispositifs concrets déployés. Elle envoie un signal : le VIH/Sida est une priorité nationale, et la lutte contre le virus nécessite un leadership assumé. Les interventions officielles ont insisté sur l’importance d’une stratégie renforcée, capable d’aller au-delà des mécanismes classiques, en s’attaquant aux obstacles spécifiques qui continuent de ralentir la prévention et le suivi.


L’édition 2025 repose sur un thème volontaire qui ne se contente pas de constater les difficultés : « Surmonter les obstacles pour renforcer les stratégies de lutte contre le VIH/Sida ». Derrière cette formule, plusieurs messages sont contenus. D’abord, l’idée que ces obstacles sont multiples : ils sont médicaux, sociaux, culturels, psychologiques. Ensuite, l’affirmation que les stratégies actuelles existent et fonctionnent, mais qu’elles doivent être consolidées et élargies. Surmonter signifie franchir un seuil : le seuil de la peur du dépistage, celui de la honte, celui du silence, celui de la stigmatisation. L’événement d’Itaosy a ainsi cherché à transformer une journée symbolique en point d’appui pour une dynamique durable.


La cérémonie a également servi de cadre à une sensibilisation directe : dans les discours comme dans l’organisation, l’accent a été mis sur la nécessité d’informer le public, de démystifier la maladie, et de rappeler les ressources disponibles. Le VIH/Sida n’est pas seulement une question de statistiques ou d’infrastructures sanitaires : il est aussi une affaire de perception, de discours partagé, de normalisation de la prévention. Le choix de rassembler autour de cette célébration officielle vise justement à produire un effet collectif, à installer l’idée d’une responsabilité commune.


Les chiffres de 2025 : une situation alarmante, mais lisible


Les données évoquées à Itaosy ont dressé un état des lieux précis. Selon les estimations communiquées, environ 90 000 personnes vivent avec le VIH/Sida à Madagascar. Ce chiffre, déjà lourd de sens, devient plus préoccupant encore lorsqu’il est mis en perspective avec un second indicateur : seules environ 32 000 personnes sont diagnostiquées. Autrement dit, près de 58 000 personnes porteuses du virus circulent sans le savoir. L’écart entre la prévalence estimée et le diagnostic réel révèle une difficulté centrale de la lutte contre le VIH/Sida dans le pays : le dépistage demeure insuffisant.


Cet écart n’est pas un simple problème statistique. Il a des conséquences directes sur la propagation du virus. Une personne non diagnostiquée peut transmettre le VIH sans en avoir conscience, précisément parce que l’absence de diagnostic entretient l’ignorance du risque et retarde l’adoption d’une protection adaptée. Le phénomène crée ainsi une chaîne silencieuse, difficile à interrompre tant qu’elle reste alimentée par le non-savoir. Les 58 000 personnes non diagnostiquées représentent une zone d’ombre sanitaire mais aussi sociale : elles ne bénéficient pas du traitement gratuit, ne reçoivent pas d’accompagnement, et restent exposées aux formes les plus sévères de la maladie faute de prise en charge précoce.


Les chiffres renvoient aussi à une évolution démographique claire de l’épidémie. Les nouveaux cas concernent majoritairement les adolescents et les jeunes adultes âgés de 20 à 49 ans. Cette tranche d’âge est décrite comme la plus touchée. Elle correspond à une période de vie marquée par des transitions sociales et personnelles : entrée dans l’âge adulte, construction d’une vie affective, parfois migration, vulnérabilité économique, exposition plus grande aux comportements à risque. C’est aussi le segment de la population le plus actif socialement et économiquement. Le VIH/Sida, en frappant cette génération, ne touche pas seulement la santé individuelle : il pèse sur des familles, sur la productivité, sur la stabilité des foyers.


La majorité des nouveaux cas chez les jeunes met en lumière une urgence de prévention adaptée. L’adolescence et le début de l’âge adulte sont des moments où l’information reçue peut faire basculer une trajectoire. La prévention ne peut pas se contenter d’un message général : elle doit être comprise, acceptée, appropriée. Les chiffres suggèrent que les messages n’atteignent pas encore suffisamment cette population, ou qu’ils se heurtent à des résistances. C’est précisément ce que le thème 2025 invite à regarder en face : surmonter les obstacles, c’est aussi surmonter ceux qui empêchent les jeunes d’accéder au dépistage, de s’informer sans crainte et de se protéger.


Il faut également souligner que l’existence d’un nombre estimé aussi élevé que 90 000 personnes vivant avec le virus montre que le VIH/Sida n’est pas une maladie marginale. Il s’agit d’un enjeu de santé publique majeur. L’estimation implique que dans de nombreuses communautés, des personnes sont concernées, parfois sans être visibles. L’épidémie ne se situe pas seulement dans des lieux ou des populations identifiées : elle se diffuse dans les tissus ordinaires de la société. En cela, la lutte ne peut pas être sectorielle. Elle doit être intégrée aux politiques généralistes de santé, aux actions de terrain, à l’éducation et à la communication publique.


Contrôler la maladie : dépistage, prévention et protection individuelle


Le message central de la Journée mondiale 2025, martelé lors de la cérémonie d’Itaosy, est sans ambiguïté : la maladie peut être contrôlée. Cette affirmation n’a rien d’un slogan vide. Elle repose sur un raisonnement simple mis en avant par les autorités : la propagation du virus peut être maîtrisée et prévenue grâce au dépistage et à la protection individuelle. Le contrôle du VIH/Sida ne dépend pas d’une formule miraculeuse, mais d’une combinaison cohérente d’actions accessibles.


Le dépistage est présenté comme la clé de voûte. Sans dépistage, pas de diagnostic. Sans diagnostic, pas de traitement. Et sans traitement régulier, le virus reste capable de se transmettre et de fragiliser l’organisme de la personne porteuse. Le dépistage est donc un acte médical, mais aussi un acte citoyen. Il permet à chacun de connaître son statut, d’adapter ses comportements de protection, de protéger ses partenaires, et de s’inscrire dans un parcours de soins si nécessaire. Dans le contexte malgache décrit à Itaosy, où des dizaines de milliers de personnes vivent avec le virus sans le savoir, intensifier le dépistage apparaît comme la priorité la plus urgente et la plus efficace.


La protection individuelle, évoquée conjointement au dépistage, renvoie à la capacité de chaque personne à réduire son risque d’exposition. Les messages de prévention que la Journée mondiale souhaite renforcer devraient être entendus comme une invitation à une responsabilité personnelle éclairée, mais jamais culpabilisante. La protection individuelle n’est pas un poids que l’on fait porter aux individus : elle est une possibilité, un outil, une forme de pouvoir sur sa propre santé. Elle suppose l’accès à l’information, la disponibilité des moyens de protection, et la liberté de les utiliser.


Le contrôle de la maladie, tel qu’il est défini dans la célébration, implique aussi la lutte contre la honte, la peur et la stigmatisation. Ces trois termes reviennent comme un triptyque de blocages. La honte peut empêcher de demander un test de dépistage. La peur peut empêcher d’aller chercher un traitement. La stigmatisation peut isoler les personnes diagnostiquées, au point de les détourner du suivi médical. À titre d’exemple, une personne peut renoncer à se rendre dans une structure de santé de crainte d’être reconnue ou jugée. Dans ce cas, l’obstacle n’est pas médical : il est social.


La Journée mondiale a ainsi une fonction pédagogique autant que sanitaire. Accroître la connaissance du public, c’est réduire la part d’inconnu qui nourrit les fantasmes et les discriminations. Démystifier, c’est rendre la maladie moins effrayante et plus compréhensible. Les organisateurs l’ont rappelé à Itaosy : l’un des objectifs essentiels de cette célébration est de démontrer que le virus peut être maîtrisé et prévenu. Autrement dit, il existe des leviers d’action, et ces leviers ne sont pas réservés aux spécialistes. Ils doivent entrer dans la vie quotidienne des citoyens.


Le thème « Surmonter les obstacles » trouve ici une application concrète. L’obstacle principal identifié par les chiffres est l’insuffisance de dépistage. Mais les causes de cette insuffisance sont très souvent liées à la peur de la révélation, à la honte d’évoquer la sexualité, à la crainte de l’exclusion. Renforcer les stratégies de lutte suppose donc de renforcer non seulement les dispositifs techniques (tests, centres, campagnes), mais aussi la confiance collective dans ces dispositifs. C’est un travail de longue haleine, mais la célébration 2025 rappelle qu’il n’y a pas d’alternative : contrôler la maladie passe par l’acceptation sociale du dépistage et du traitement.


Traitement gratuit et vie normale : un rappel important pour briser les idées fausses


Au cœur des messages transmis à Itaosy, un point a été clairement rappelé : le virus se soigne très bien et le traitement est gratuit. En quelques mots, les autorités sanitaires tentent de répondre à deux idées fausses qui continuent de circuler autour du VIH/Sida. La première est celle d’une maladie inéluctable, condamnante. La seconde est celle d’une prise en charge coûteuse et inaccessible. En affirmant que le traitement est gratuit et efficace, la cérémonie renverse ces représentations.


Ce rappel est crucial. Il place le VIH/Sida dans une catégorie de maladies chroniques contrôlables, plutôt que dans celle des fatalités. Le message officiel indique que les personnes vivant avec le VIH peuvent mener une vie normale dès lors qu’elles suivent régulièrement leur traitement. Cela signifie que le diagnostic n’est pas la fin d’un projet de vie. Cela signifie aussi que la régularité du suivi médical est la condition de cette normalité. L’obstacle n’est donc pas l’existence du virus en soi, mais le renoncement au traitement, souvent alimenté par la peur et la stigmatisation.


Dire que la maladie peut être contrôlée est une chose. Expliquer comment elle peut l’être en est une autre. La régularité du traitement est présentée comme le facteur déterminant. Cette insistance sur la continuité vise à éviter les ruptures de soins, qui peuvent fragiliser les patients et réduire l’efficacité de la prévention collective. Plus une personne suit son traitement de manière stable, plus elle protège sa propre santé. Mais elle contribue aussi à réduire le risque de transmission. Le traitement, en ce sens, n’est pas seulement une prise en charge individuelle : il est un outil de santé publique.


La gratuité du traitement constitue également un argument contre la résignation. Dans certains contextes, le coût est un obstacle réel, pesant sur la décision de consulter ou d’entamer un suivi. En précisant que le traitement est gratuit, la célébration répond à une inquiétude concrète. La gratuité, toutefois, ne suffit pas si la honte empêche de franchir la porte d’un centre de dépistage. C’est pourquoi l’annonce du caractère gratuit s’accompagne d’un appel à la normalisation du recours aux services.


La possibilité de mener une vie normale est en soi un levier contre la stigmatisation. Lorsque la société perçoit le VIH/Sida comme une maladie contrôlable, elle cesse progressivement de l’associer à une image de déchéance ou de danger permanent. La normalité annoncée par les autorités est une normalité sociale autant que biologique : elle dépend de la manière dont les proches, les collègues, les voisins accueillent la réalité du diagnostic. Un traitement efficace ne libère pas automatiquement quelqu’un de la discrimination. Mais il rend possible une narration différente de la maladie, où le patient n’est plus réduit à son statut sérologique.

Les mots prononcés lors de la Journée mondiale sont donc un outil. Ils cherchent à faire reculer la peur, à travers la preuve d’une prise en charge possible. Ils cherchent aussi à placer les personnes vivant avec le VIH dans une perspective de dignité et d’intégration. Le rappel de la gratuité et de l’efficacité n’est pas une information annexe : c’est une stratégie de conviction. Pour que les 58 000 personnes non diagnostiquées se fassent dépister, il faut qu’elles sachent que le résultat positif n’est pas un point final, mais le début d’un parcours de soins qui permet de rester en bonne santé.


Des services de santé gratuits au-delà du VIH : un ancrage communautaire


Enfin, la célébration d’Itaosy n’a pas limité son action au seul dépistage du VIH/Sida. Il a été indiqué que divers services de santé gratuits ont été mis à disposition de la population en complément. Cette dimension élargie est significative. Elle montre que la Journée mondiale s’ancre dans une approche globale de la santé, et qu’elle cherche à attirer le public par une offre concrète et immédiate.


Offrir plusieurs services gratuits lors d’une célébration officielle a un double effet. D’une part, cela répond à des besoins réels : les populations peuvent accéder à des soins qu’elles auraient peut-être reportés. D’autre part, cela crée un contexte de confiance. Une personne venue pour un service de santé général peut être plus encline à accepter un dépistage VIH si celui-ci est proposé dans une ambiance non stigmatisante et intégrée à un ensemble. Cela réduit la sensation d’être ciblé ou distingué en raison du VIH. Le dépistage cesse d’être un acte isolé et redouté ; il devient une étape naturelle d’un parcours de santé.


L’offre multiservices permet aussi de rappeler une vérité simple : la lutte contre le VIH/Sida ne peut pas être séparée du reste des enjeux sanitaires. Les personnes vivent avec des besoins multiples. Une stratégie efficace est celle qui s’insère dans le quotidien et dans les services réguliers. En rendant visibles les soins gratuits, l’événement donne un aperçu de ce que peut être une politique de santé de proximité : accessible, rassurante, orientée vers la prévention.


Il y a une cohérence entre cette approche et le thème 2025. Surmonter les obstacles ne signifie pas seulement parler au public ; cela signifie aussi créer des situations où le public se sent accueilli. La gratuité des services est un outil de réduction d’obstacles économiques. L’intégration du dépistage VIH à un ensemble de soins gratuits est un outil de réduction de l’obstacle social et psychologique. L’événement agit donc sur plusieurs niveaux en même temps.


La Journée mondiale de lutte contre le VIH/Sida à Itaosy, en 2025, se veut autant un rappel qu’un déclencheur. Un rappel des chiffres, qui imposent l’urgence du dépistage. Un rappel des réalités, notamment la vulnérabilité des jeunes adultes. Un rappel de la possibilité du contrôle, par la prévention et par la connaissance de son statut. Un rappel de l’efficacité et de la gratuité du traitement. Et un déclencheur, à travers une mobilisation locale et une offre de soins immédiate.


Au terme de cette célébration, le message est clair : le VIH/Sida reste un défi à Madagascar, mais il n’est pas une fatalité. La maladie peut être contrôlée, à condition que le dépistage soit massifié, que la prévention soit appropriée par les populations les plus exposées, que le traitement soit suivi régulièrement, et que la société recule face à la stigmatisation. La Journée mondiale ne résout pas tout en un jour, mais elle met en lumière un chemin. Celui d’un pays qui affirme qu’il est possible de vivre avec le VIH. Celui d’une communauté qui se rassemble pour dire qu’il est possible de l’empêcher de se propager. Et celui d’une stratégie nationale qui, en 2025, insiste sur une conviction fondamentale : surmonter les obstacles est la condition pour gagner la bataille.

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