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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Disparition du docteur Alain Narcisse Ralambo : une étoile des mathématiques s’éteint

Le monde académique malgache est en deuil. Le docteur Alain Narcisse Ralambo, figure emblématique des mathématiques et pédagogue passionné, s’est éteint, laissant derrière lui une génération d’élèves et de collègues profondément marqués par son humanisme, sa rigueur intellectuelle et son engagement pour le savoir. Enseignant reconnu aussi bien dans les universités publiques que privées, il incarnait cette lignée d’éducateurs pour qui la transmission du savoir allait de pair avec la construction du citoyen. Son décès suscite une vive émotion au sein de la communauté universitaire, particulièrement à l’IT University, où il fut l’un des enseignants fondateurs en 2011. De nombreuses voix se sont élevées pour lui rendre hommage, parmi lesquelles celle de Tahina Razafinjoelina, fondateur et éducateur de la même institution, qui s’est exprimé avec une grande émotion et un profond respect à l’égard de celui qu’il considérait comme un modèle.

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Un parcours académique exemplaire

Le docteur Alain Narcisse Ralambo comptait parmi ces enseignants dont la réputation dépassait les murs des amphithéâtres. Véritable pilier des mathématiques à Madagascar, il s’était imposé comme une référence dans le domaine, aussi bien pour la qualité de son enseignement que pour sa capacité à éveiller la curiosité et l’esprit critique de ses étudiants.Son parcours académique témoigne d’une rigueur et d’une constance rares. Formé dans la tradition universitaire la plus exigeante, il avait su faire de sa discipline non pas une simple science abstraite, mais un outil de compréhension du monde et de développement intellectuel.Dans les universités publiques comme dans les établissements privés, son nom évoquait le respect et l’admiration. Ses anciens étudiants, aujourd’hui devenus enseignants, ingénieurs ou chercheurs, évoquent unanimement un homme de savoir, d’écoute et de bienveillance. Il avait le don d’expliquer l’inexplicable, de rendre simples les notions les plus complexes, et d’ouvrir à chacun la voie vers l’excellence.

Un pédagogue passionné et humaniste

L’enseignement n’était pas pour Alain Ralambo une simple profession, mais une véritable vocation. Sa pédagogie se fondait sur une idée simple : apprendre pour comprendre, comprendre pour construire. Il considérait les mathématiques non comme une discipline austère, mais comme un langage universel capable de relier les esprits et de former des citoyens éclairés.Son enthousiasme en classe était contagieux. Ceux qui ont eu la chance d’être ses élèves se souviennent d’un professeur qui entrait dans l’amphithéâtre avec le sourire, une craie à la main, prêt à transformer chaque cours en une aventure intellectuelle.Pour lui, la réussite d’un enseignant se mesurait à la lumière qu’il allumait dans le regard de ses élèves. Il encourageait la rigueur sans jamais briser l’enthousiasme, la discipline sans étouffer la créativité. Cet équilibre faisait de lui un éducateur profondément respecté et aimé.Mais au-delà des chiffres et des théorèmes, Alain Ralambo enseignait aussi la vie. Il rappelait souvent à ses étudiants que la science ne valait que si elle servait le bien commun. Sa vision de l’éducation dépassait les frontières de la salle de classe : il rêvait d’un savoir au service du développement, d’une recherche au service de la nation.

Un pilier de l’IT University et un bâtisseur d’avenir

Le docteur Ralambo fut l’un des premiers enseignants fondateurs de l’IT University, établissement reconnu pour son dynamisme et sa contribution à la formation des jeunes talents dans le domaine des technologies et des sciences. En 2011, alors que l’institution voyait le jour, il faisait déjà partie de ceux qui croyaient à la nécessité d’un enseignement supérieur innovant, capable de répondre aux défis du monde contemporain. Selon le témoignage de Tahina Razafinjoelina, fondateur et éducateur à l’IT University, le professeur Ralambo était non seulement un collègue estimé, mais aussi un ami et un mentor pour toute l’équipe pédagogique. Sa présence inspirait le respect et sa vision de l’enseignement guidait de nombreux projets au sein de l’université. Au fil des années, il contribua à bâtir les fondations intellectuelles et éthiques de l’établissement, en veillant à maintenir un haut niveau d’exigence académique tout en favorisant une approche humaine de la pédagogie. Ses étudiants, nombreux, témoignent aujourd’hui de l’impact durable qu’il a eu sur leurs vies. À travers ses cours, ses conférences et ses travaux, il a laissé une empreinte indélébile, transformant l’IT University en un lieu d’excellence et de transmission du savoir.

Un homme engagé, entre science et société

Si le docteur Alain Ralambo était reconnu pour ses talents de mathématicien, il ne se limitait pas au champ académique. Intéressé par la politique et les questions sociales, il considérait que le rôle de l’intellectuel était de participer activement à la construction du pays. Il voyait dans la science un levier de transformation sociale et économique. Son engagement ne se manifestait pas par des discours grandiloquents, mais par des actions concrètes et une présence constante auprès de la jeunesse. Il encourageait ses étudiants à réfléchir à la place du savoir dans le développement national et à s’interroger sur leur responsabilité en tant que futurs acteurs de la société. Il dénonçait également le manque de reconnaissance et de moyens accordés aux chercheurs malgaches. Comme l’a souligné Tahina Razafinjoelina, « de nombreux travaux de recherche réalisés par nos intellectuels pour le bien du pays n’ont malheureusement pas reçu la reconnaissance ni les moyens nécessaires de la part de l’État pour contribuer pleinement au développement national ».Pour le docteur Ralambo, cette absence de soutien institutionnel représentait un frein majeur à l’épanouissement de la recherche et à l’autonomie scientifique du pays. Il plaidait pour une meilleure valorisation du savoir local et pour un investissement durable dans l’éducation supérieure. Sa pensée, empreinte de lucidité et d’espoir, reflétait cette conviction que le progrès ne pouvait naître que d’une alliance entre science, éthique et responsabilité citoyenne.

L’héritage d’un maître et la mémoire d’un homme

La disparition du docteur Alain Narcisse Ralambo laisse un vide immense dans le paysage universitaire malgache. Ses collègues, ses étudiants et ses proches s’accordent à dire que son héritage ne se mesure pas seulement en équations ou en publications, mais dans la manière dont il a su inspirer et former plusieurs générations d’esprits curieux et déterminés. Son influence dépasse les limites de la salle de cours. Elle se lit dans la carrière de ceux qu’il a formés, dans les institutions qu’il a contribué à construire et dans la vision d’un savoir libre et responsable qu’il a toujours défendue. L’hommage rendu par Tahina Razafinjoelina traduit à la fois la peine et la reconnaissance de toute une communauté : « Au nom de toute ma famille — car mon épouse, mes enfants et moi-même avons tous été ses élèves —, nous nous inclinons respectueusement devant la dépouille de M. Ralambo. » Ces mots, empreints d’une émotion sincère, soulignent la portée humaine et spirituelle de son enseignement. Il n’était pas seulement un professeur, mais un guide, un repère pour ses étudiants comme pour ses collègues. Il symbolisait cette figure rare du maître qui enseigne par l’exemple, dans la simplicité et la rigueur. En citant le proverbe « L’arbre devient pirogue, mais c’est la terre où il a poussé qui en a fait un bon bois », Tahina Razafinjoelina a rappelé que le docteur Ralambo était profondément enraciné dans la terre malgache. Son œuvre, comme le bois transformé en pirogue, continuera de porter les générations futures vers de nouveaux horizons.

Une disparition qui interroge la place de la science dans la société

Au-delà de l’émotion suscitée par sa disparition, le décès du docteur Alain Ralambo invite à une réflexion plus large sur la place de la recherche et de l’enseignement supérieur à Madagascar. Son parcours illustre la richesse du potentiel intellectuel du pays, mais aussi les obstacles auxquels sont confrontés ceux qui œuvrent pour la connaissance. Les propos de Tahina Razafinjoelina mettent en lumière un constat partagé par de nombreux enseignants : malgré leur dévouement, les chercheurs manquent de moyens, de reconnaissance et de soutien. Cette situation, loin d’être isolée, révèle un problème structurel qui freine le développement scientifique et technologique du pays. Alain Ralambo, par son exemple, rappelle que le savoir est une force motrice du progrès. Mais cette force ne peut s’exprimer pleinement sans un environnement favorable. Son parcours invite les institutions à repenser leurs priorités et à redonner à l’éducation la place qu’elle mérite dans le projet national. Il laisse derrière lui une question essentielle : comment assurer la relève, comment faire en sorte que les jeunes talents trouvent dans leur propre pays les conditions nécessaires pour s’épanouir et contribuer à la communauté scientifique mondiale ? En répondant à cette interrogation, la société rendra le plus bel hommage possible à cet enseignant qui a consacré sa vie à former, à transmettre et à croire en l’avenir.

Le docteur Alain Narcisse Ralambo s’en est allé, mais son esprit demeure vivant dans les mémoires et les cœurs. À travers les témoignages de ses élèves, l’émotion de ses collègues et la reconnaissance de ceux qu’il a guidés, son nom restera associé à la passion du savoir et à l’amour de l’enseignement. Son œuvre témoigne de la puissance de la vocation éducative et de la grandeur de l’engagement intellectuel au service du bien commun. Madagascar perd un grand mathématicien, mais gagne un modèle éternel d’intégrité et de dévouement. Et comme le dit le proverbe malgache qu’il affectionnait : « L’arbre devient pirogue, mais c’est la terre où il a poussé qui en a fait un bon bois. »

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