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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Grève à Madarail : les salariés exigent un changement de direction, la fin d’un contrat jugé ruineux et une revalorisation salariale

Au cœur d’Antananarivo, la gare de Soarano a été, aujourd’hui 04 décembre 2025, le théâtre d’un mouvement social d’ampleur au sein de Madarail, entreprise ferroviaire au rôle stratégique. Les employés ont déclenché une grève générale et affichent une détermination sans équivoque : ils annoncent qu’ils ne reprendront pas le service tant que leurs revendications ne seront pas satisfaites dans un délai de 72 heures. Pendant cette période, le mouvement doit se poursuivre quotidiennement. Les grévistes interpellent directement le Président de la refondation, le Colonel Randrianirina Michael, et réclament son implication urgente dans l’examen de la situation interne. Ils dénoncent un dysfonctionnement profond dans la gouvernance de l’entreprise, accusant la direction actuelle d’incompétence, de gaspillage de fonds publics et de pratiques qu’ils jugent destructrices pour Madarail. Au-delà de la question du management, les salariés mettent aussi en cause un contrat liant l’entreprise à VECTURIS, qu’ils veulent voir annulé, ainsi qu’une stagnation salariale qu’ils estiment devenue intenable.


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Une mobilisation générale à Soarano et un ultimatum de 72 heures


Le mouvement de grève mené aujourd’hui 04 décembre 2025 par les employés de Madarail s’inscrit dans une stratégie de pression clairement assumée. Les salariés parlent d’une grève générale, signifiant par là une suspension large de l’activité et une volonté de peser sur le rapport de force dès les premières heures. Le choix de Soarano, haut lieu symbolique du transport ferroviaire, permet d’ancrer la contestation au centre de la visibilité publique. Les employés affirment qu’ils ne reprendront pas le travail tant que leurs demandes n’auront pas reçu de réponse satisfaisante dans les 72 heures. Dans l’intervalle, ils annoncent que la grève se poursuivra chaque jour.


Cet ultimatum, court et structurant, traduit un double message. D’une part, il s’agit de signifier l’urgence selon les grévistes, qui disent ne plus pouvoir attendre face à ce qu’ils considèrent comme une dérive prolongée. D’autre part, ce délai fixe une échéance nette à destination des autorités concernées, en particulier du président du conseil d’administration. Il ne s’agit pas, dans leur discours, d’une protestation routinière, mais d’une alerte posée comme un dernier avertissement avant un possible enlisement du conflit.


Les salariés résument leurs revendications principales par deux axes : un changement de direction et une augmentation des salaires. Ils insistent sur le fait que les rémunérations n’auraient pas évolué depuis de nombreuses années, alimentant un sentiment de déclassement dans un contexte de travail qu’ils décrivent comme exigeant. L’annonce d’une grève reconductible chaque jour pendant 72 heures porte, en filigrane, la menace d’une paralysie durable si aucune discussion ne s’ouvre. Pour l’entreprise, cela signifie un risque immédiat d’interruption de service et d’aggravation de la crise interne, tandis que pour les employés, l’enjeu est de faire reconnaître la légitimité de leur colère et d’obtenir des engagements concrets.


Accusations de mauvaise gouvernance, manque de transparence et abus de pouvoir


Au-delà de la revendication salariale, la colère des employés vise frontalement la gouvernance de Madarail. Dans leur prise de parole, ils réclament la révocation de dirigeants qualifiés d’inefficaces et d’incompétents, accusés de gaspiller l’argent public et de faire courir à l’entreprise un danger existentiel. Ils décrivent un climat interne marqué, selon eux, par des pratiques répétées de manque de transparence, d’abus de pouvoir et d’intimidations.


Les salariés affirment que des preuves et des plaintes auraient déjà été déposées auprès du ministère de tutelle. Ils évoquent des démarches préalables, indiquant que la grève actuelle n’est pas une action improvisée mais l’aboutissement d’une accumulation de griefs. Le vocabulaire employé dans leurs déclarations est lourd de reproches : ils parlent de pillage des ressources nationales et de complicité des anciens dirigeants. Cette référence aux équipes précédentes suggère, dans leur perspective, une continuité de dysfonctionnements et un système dont les mécanismes n’auraient pas été corrigés.


Dans ce cadre, les grévistes estiment que l’entreprise subit une destruction progressive. Le mot est fort, et vise à dramatiser une situation qu’ils jugent critique. Leur analyse se concentre sur la responsabilité directe de la direction en poste : inefficacité, dilapidation de fonds publics, incapacité à protéger l’entreprise et le service qu’elle rend. La revendication de révocation s’inscrit donc dans un récit où la survie même de Madarail dépendrait d’un changement immédiat de cap managérial.


Les employés ajoutent à ces griefs la demande de récupérer les biens publics qui auraient été détournés. Cette exigence, mentionnée explicitement dans la liste de revendications, place le conflit sur un terrain à la fois économique et moral. En dénonçant une appropriation illégitime ou abusive de ressources, les salariés affirment agir au nom de l’intérêt général autant que pour leurs propres conditions de travail. Le mouvement social se présente ainsi comme une opération de sauvegarde de l’entreprise et de l’argent public, plutôt qu’une simple confrontation salariale.


Le contrat avec VECTURIS au cœur des critiques financières


L’un des points les plus précis des revendications concerne le contrat liant Madarail à VECTURIS. Les salariés exigent son annulation et y voient un symbole de la gestion qu’ils contestent. D’après leurs déclarations, cet accord obligerait Madarail à payer chaque année 120 000 euros, soit 613 800 000 ariary, auxquels s’ajouterait 1 % du chiffre d’affaires, et cela que l’entreprise fonctionne ou non.


La description de ce mécanisme contractuel est centrale parce qu’elle permet aux employés d’illustrer concrètement ce qu’ils dénoncent comme un gaspillage d’argent public. Dans leur lecture, une telle obligation financière, non conditionnée à la performance ou à la continuité effective de l’activité, constituerait une charge permanente et jugée injustifiable. Le fait qu’ils citent un montant annuel et un pourcentage du chiffre d’affaires signale leur volonté de déplacer le débat vers la rationalité économique de la gestion en cours.


En mettant ce contrat au premier rang de leurs exigences, les grévistes affirment que la crise de Madarail n’est pas seulement liée à la situation des salariés, mais à des décisions stratégiques qui pèseraient sur l’ensemble de l’entreprise. Ils décrivent ce lien contractuel comme un carcan, imposant des paiements réguliers indépendamment des réalités opérationnelles. Le message est clair : pour eux, la direction actuelle serait non seulement incapable de défendre les intérêts de l’entreprise, mais également prête à maintenir des engagements financiers qui la fragilisent.


La demande d’annulation de ce contrat s’articule avec les accusations de pillage des ressources nationales. Là où les reproches de mauvaise gouvernance peuvent paraître généraux, le cas VECTURIS fournit un exemple concret, chiffré et présenté comme révélateur. Les employés insistent ainsi sur l’urgence de revoir ce qu’ils considèrent comme une anomalie structurelle. Derrière cette critique, se lit aussi une inquiétude sur la capacité de Madarail à investir dans son fonctionnement quotidien, ses infrastructures et ses services, si une part de ses ressources est absorbée par un engagement jugé excessif.


Sans entrer dans des considérations externes, les salariés construisent une argumentation interne fondée sur la disproportion entre l’effort financier requis et le bénéfice qu’ils perçoivent. Le contrat devient, pour eux, l’image exemplaire d’une direction qui engage l’entreprise dans des dépenses fixes lourdes, au détriment de la pérennité et du bien-être des travailleurs.


La question salariale, entre stagnation et exigence de dignité


À côté des griefs de gouvernance et de contrat, les employés mettent en avant une revendication plus classique mais tout aussi déterminante : l’augmentation des salaires. Ils affirment que les rémunérations n’ont pas évolué depuis de nombreuses années. Cette stagnation, répétée dans plusieurs passages de leurs déclarations, nourrit un sentiment de blocage social et d’injustice.


Dans leur discours, la revendication salariale ne surgit pas isolément. Elle est présentée comme un symptôme d’un système plus vaste d’abandon et de mauvaise gestion. Les salariés suggèrent que la direction serait capable de soutenir des engagements financiers importants, comme ceux qu’ils attribuent au contrat VECTURIS, tout en laissant les travailleurs sans revalorisation. Ce contraste implicite renforce leur argument : l’argent existerait mais serait utilisé ailleurs, mal orienté ou capté par des circuits qu’ils contestent.


L’exigence d’augmentation salariale s’accompagne d’un rappel du caractère durable de l’immobilisme. Elle vise à souligner l’écart entre l’évolution du travail et des responsabilités, d’un côté, et l’absence d’amélioration des conditions matérielles, de l’autre. En choisissant de faire de ce point un pilier de la grève générale, les employés montrent qu’ils attendent une réponse immédiate et structurelle, non de simples promesses floues.


Derrière cette demande, la question de la dignité occupe une place forte. Les salariés ne réclament pas seulement une hausse des revenus pour un avantage individuel ; ils la présentent comme une reconnaissance de leur rôle dans l’entreprise et dans le service ferroviaire. Ils la posent comme une condition minimale pour continuer à travailler dans des conditions qu’ils jugent acceptables. Leur détermination à maintenir la grève jusqu’à satisfaction de ce point témoigne du poids qu’ils accordent à cette question.


Enfin, le fait que la revendication salariale soit liée à celle du changement de direction indique que les grévistes ne croient pas à une amélioration possible sans transformation du leadership. Pour eux, la stagnation serait le produit direct d’une gestion déficiente. La hausse salariale devient donc une mesure à la fois sociale et symbolique : réparer une injustice et marquer une rupture.


Silence de la direction et tension autour de la réponse attendue


Au moment où les employés exposent leurs revendications, un élément renforce la tension : il est rapporté que les responsables de Madarail ont refusé de recevoir les journalistes. Ce refus a empêché toute possibilité d’obtenir leur version des faits. Dans un contexte de conflit social, une telle absence de parole officielle laisse le terrain médiatique et symbolique largement occupé par les grévistes.


Cette situation contribue à accentuer le sentiment d’opacité dénoncé par les salariés. Ils accusent la direction de manque de transparence ; le fait qu’elle ne prenne pas la parole devant la presse alimente, dans leur récit, la preuve d’une gouvernance qui se soustrait au débat public. Pour les observateurs, ce silence ouvre aussi une période d’incertitude : sans réponse immédiate, il devient difficile de savoir si une négociation est envisagée, si des concessions sont possibles ou si la direction choisit la confrontation.


Les employés, eux, maintiennent la pression et s’adressent directement au Président de la refondation, le Colonel Randrianirina Michael. Leur appel est formulé de façon solennelle : qu’il examine de près la situation au sein de l’entreprise. Cette interpellation vise à contourner la direction opérationnelle et à faire remonter la crise au niveau le plus élevé de gouvernance. Les grévistes suggèrent que la solution ne peut venir que d’un arbitrage ferme et d’un renouvellement managérial décidé d’en haut.


Le délai de 72 heures devient, dans ce contexte, une horloge politique et sociale. Chaque jour de grève reconductible pèse sur l’entreprise, mais aussi sur l’image de ses responsables. Les salariés, en annonçant la continuité quotidienne du mouvement, signalent qu’ils ne limiteront pas leur protestation à un simple avertissement. Ils posent un rapport de force qui se joue autant sur la durée que sur la visibilité.


Dans cette période, plusieurs issues restent possibles selon les grévistes eux-mêmes : une réponse rapide validant leurs demandes, l’ouverture d’une négociation, ou un blocage qui conduirait à un conflit plus long. Leur position, telle qu’affirmée, ne laisse pas beaucoup d’espace à un compromis minimal, surtout sur la question du départ de la direction et de l’annulation du contrat avec VECTURIS. Ils présentent ces points comme non négociables, car essentiels à la survie de Madarail et à la protection de l’argent public.


La crise actuelle révèle donc un affrontement à plusieurs niveaux : social avec la revendication salariale, institutionnel avec la demande de révocation de dirigeants, économique avec la contestation d’un contrat jugé ruineux, et communicationnel avec le refus de la direction de s’exprimer. Au final, cette journée de grève place Madarail face à une épreuve décisive : soit ouvrir une séquence de transformation profonde, soit s’engager dans un bras de fer qui pourrait s’intensifier. Les prochaines heures, déterminées par l’ultimatum de 72 heures, diront si l’entreprise et ses autorités de tutelle choisissent l’apaisement, la réforme ou la confrontation.

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