top of page

L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Le Comité de Suivi-Évaluation frappe fort : deux suspensions pour restaurer l’intégrité judiciaire à Madagascar

La lutte contre la corruption à Madagascar connaît un nouveau tournant décisif. À la suite d’une réunion du Comité de Suivi-Évaluation (CSE) des Pôles Anti-Corruption ce vendredi 06 novembre 2025, plusieurs mesures fortes ont été adoptées pour renforcer la transparence, la responsabilité et la crédibilité des institutions judiciaires. Ces décisions, prises conjointement par le Ministère de la Justice, la Cour Suprême, le Pôle Anti-Corruption (PAC), le SAMIFIN, l’ARAI et le BIANCO, témoignent d’une volonté affirmée de consolider les fondements éthiques du système judiciaire malgache.

ree

Une réunion stratégique au cœur de la gouvernance judiciaire

La rencontre entre les différents acteurs de la lutte contre la corruption s’inscrit dans un contexte où la transparence et la bonne gouvernance demeurent des enjeux majeurs pour la consolidation de l’État de droit à Madagascar. Le Comité de Suivi-Évaluation (CSE), instance chargée d’assurer la cohérence et le suivi des actions menées par les Pôles Anti-Corruption, s’est réuni afin d’examiner plusieurs situations jugées sensibles et de statuer sur des mesures urgentes à mettre en œuvre.

Cette réunion, réunissant des représentants du Ministère de la Justice, des Chefs de cour à la Cour Suprême, ainsi que les responsables des principales institutions spécialisées dans la lutte contre la corruption — notamment le Pôle Anti-Corruption (PAC), le Service de Renseignement Financier (SAMIFIN), l’Agence de Recouvrement des Avoirs Illicites (ARAI) et le Bureau Indépendant Anti-Corruption (BIANCO) — avait pour objectif de dresser un état des lieux de la gouvernance interne au sein des Pôles Anti-Corruption et d’évaluer les comportements susceptibles de nuire à leur crédibilité.

Les débats ont été nourris par des constats récents de dérapages et de déclarations publiques inappropriées, susceptibles d’affecter la neutralité attendue des magistrats et la confiance du public envers la justice. Il s’agissait, pour les membres du Comité, de rappeler les obligations déontologiques qui incombent aux acteurs de la chaîne judiciaire et d’assurer que les Pôles Anti-Corruption demeurent exempts de toute influence ou compromission.

Suspension de Madame Elysée Rasoahanta : une mesure disciplinaire exemplaire

Parmi les décisions majeures adoptées au cours de cette réunion, la suspension immédiate de Madame Elysée Rasoahanta, Chef du Parquet du second degré du Pôle Anti-Corruption d’Antananarivo, a suscité une attention particulière. Cette mesure disciplinaire découle d’une déclaration publique de la magistrate affirmant que l’homme d’affaires Maminiaina Ravatomanga ne faisait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

Or, selon les constats du Comité, plusieurs plaintes et dénonciations avaient été dûment enregistrées au niveau du Pôle Anti-Corruption d’Antananarivo à l’encontre de l’intéressé. Une telle déclaration, en contradiction flagrante avec les faits établis, a été interprétée comme un manquement grave à l’obligation de réserve et à la neutralité exigée par la déontologie judiciaire.

Pour le Comité, il ne s’agissait pas uniquement d’une erreur d’appréciation, mais d’un acte susceptible d’entacher la crédibilité du PAC lui-même. Dans un contexte où la population attend des institutions judiciaires qu’elles incarnent l’intégrité et l’impartialité, toute déclaration publique d’un magistrat doit s’appuyer sur des faits vérifiés et respecter la présomption d’impartialité.

La suspension de Madame Rasoahanta, décidée avec effet immédiat, vise donc à rappeler la rigueur et la responsabilité qui incombent à tout acteur judiciaire. En sanctionnant ce type de dérive, le Comité entend réaffirmer la primauté de la probité dans la conduite des affaires publiques et dans la gestion des procédures sensibles.

Cette décision, bien qu’austère, s’inscrit dans une démarche de protection des institutions et de restauration de la confiance du citoyen envers la justice. Elle rappelle que le Pôle Anti-Corruption, en tant qu’instrument clé de la moralisation de la vie publique, ne saurait tolérer aucun comportement susceptible d’altérer sa mission fondamentale.

Le cas de Madame Baovola Rahetlah : une démission suivie d’une suspension

Le Comité de Suivi-Évaluation s’est également prononcé sur le cas de Madame Baovola Rahetlah, Chef du Parquet du premier degré du Pôle Anti-Corruption d’Antananarivo. Bien que celle-ci ait présenté sa démission avant la décision du Comité, la suspension de sa nomination a néanmoins été prononcée, confirmant ainsi la volonté du CSE d’appliquer avec rigueur les principes de responsabilité et de transparence.

Cette double décision, à la fois administrative et éthique, traduit une approche globale du Comité : il ne s’agit pas seulement de sanctionner des fautes ou des négligences, mais de restaurer un climat de confiance au sein des institutions judiciaires. La démission de Madame Rahetlah n’exonérait pas le Comité de son devoir de statuer sur la conformité de son exercice et sur les conséquences de ses actions au regard des obligations professionnelles.

En procédant à la suspension de sa nomination, même postérieurement à sa démission, le Comité a voulu établir un précédent clair : la responsabilité ne s’efface pas avec la cessation de fonction. Toute personne investie d’un mandat judiciaire, qu’elle soit en poste ou non, demeure comptable de ses actes et de leurs répercussions sur la réputation de la justice.

Ce positionnement ferme du CSE met en évidence un changement d’approche dans la gouvernance du système judiciaire. Il ne s’agit plus simplement de réagir à des irrégularités, mais d’instaurer une culture de vigilance et de responsabilité continue. En d’autres termes, la lutte contre la corruption commence au sein même des institutions chargées de l’éradiquer.

Préserver l’intégrité et la crédibilité des institutions judiciaires

Les décisions prises par le Comité de Suivi-Évaluation ne se limitent pas à des sanctions individuelles. Elles s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à préserver l’intégrité, la crédibilité et la neutralité du système judiciaire. Le CSE a réaffirmé que la confiance du public dans la justice repose avant tout sur la moralité et la transparence de ceux qui l’incarnent.

La lutte contre la corruption, particulièrement dans un pays confronté à de profondes inégalités et à des défis institutionnels, nécessite une exemplarité irréprochable des magistrats et des procureurs. La moindre faille, la moindre prise de position publique non fondée, peut être interprétée comme une tentative d’ingérence ou de manipulation, affaiblissant ainsi tout l’édifice de la gouvernance judiciaire.

Le Comité, en adoptant ces mesures disciplinaires, veut rappeler que la déontologie n’est pas une simple formalité administrative, mais un pilier de la justice. Chaque magistrat, en prêtant serment, s’engage à respecter la loi, à préserver la confidentialité des procédures, à éviter tout conflit d’intérêts et à faire preuve d’un devoir de réserve absolu dans ses communications publiques.

Le cas de Madame Rasoahanta illustre combien une parole publique peut avoir un impact disproportionné lorsqu’elle émane d’un représentant du système judiciaire. En affirmant l’absence de poursuites contre un individu faisant l’objet de plaintes avérées, la magistrate a involontairement contribué à brouiller la perception de la justice dans l’opinion publique. Ce type de déclaration peut créer des soupçons de favoritisme et miner l’autorité morale du Pôle Anti-Corruption.

En réponse, le CSE a opté pour une démarche de fermeté afin d’instaurer une jurisprudence administrative claire : aucune tolérance ne sera accordée aux manquements qui compromettent la crédibilité du système judiciaire. La sanction disciplinaire, en l’espèce, devient un instrument pédagogique destiné à rappeler à tous les acteurs leur devoir d’intégrité.

Vers un renforcement structurel de la lutte anti-corruption à Madagascar

Au-delà des décisions individuelles, la réunion du Comité de Suivi-Évaluation ouvre la voie à une réforme plus profonde du dispositif anti-corruption à Madagascar. Les institutions présentes — PAC, SAMIFIN, ARAI et BIANCO — ont unanimement reconnu la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle interne, de coordination interinstitutionnelle et de suivi des performances des magistrats.

Le Pôle Anti-Corruption, en particulier, est appelé à devenir un modèle de transparence et d’efficacité. Le Comité a souligné l’importance d’une supervision plus rigoureuse des actions menées, ainsi qu’une meilleure communication entre les différentes entités impliquées dans le traitement des affaires de corruption.

Les débats ont également porté sur la question de la formation continue des magistrats. Le CSE a recommandé la mise en place de sessions régulières de sensibilisation à la déontologie judiciaire et à la communication institutionnelle. Ces formations auraient pour but de rappeler les principes fondamentaux du devoir de réserve et d’éviter la diffusion d’informations erronées ou prématurées dans les médias.

Le Comité a également insisté sur la nécessité de garantir la neutralité absolue des acteurs impliqués dans la lutte anti-corruption. Cette neutralité doit se traduire par des comportements exemplaires, une distance rigoureuse vis-à-vis des acteurs économiques ou politiques, et une application stricte des règles procédurales. La justice ne saurait être influencée, ni en apparence ni en réalité, par des considérations extérieures.

Dans cette perspective, le CSE envisage de proposer un cadre plus structuré pour la supervision des magistrats en poste dans les Pôles Anti-Corruption. Ce dispositif, encore en cours d’élaboration, permettrait de renforcer la traçabilité des décisions, d’améliorer la transparence administrative et de prévenir tout risque de dérive individuelle.

Une étape vers la consolidation de la gouvernance et de la confiance publique

Les décisions prises lors de cette réunion du Comité de Suivi-Évaluation marquent une étape importante dans le processus de consolidation de la gouvernance judiciaire à Madagascar. Elles traduisent une volonté claire : celle d’assainir les pratiques internes, de restaurer la confiance du public et de garantir que la justice demeure un instrument impartial au service de la société.

Dans un contexte où la lutte contre la corruption est souvent perçue comme un combat asymétrique face à des intérêts puissants, le maintien de l’intégrité institutionnelle devient la clé de voûte de toute politique de transparence. Le CSE, en réaffirmant sa détermination à appliquer les principes de responsabilité et de rigueur, envoie un message fort à l’ensemble du corps judiciaire : l’exemplarité n’est pas négociable.

Ces mesures, bien qu’axées sur des cas particuliers, revêtent une portée symbolique et structurelle. Elles rappellent que la justice n’a de sens que si elle est perçue comme équitable, indépendante et incorruptible. En renforçant le contrôle éthique de ses propres membres, le Comité de Suivi-Évaluation contribue à bâtir un socle solide pour une gouvernance judiciaire moderne et crédible.

Le processus engagé ne s’arrête pas à ces suspensions. Il s’accompagne d’une volonté d’amélioration continue, d’un suivi régulier et d’une collaboration accrue entre les institutions partenaires. Le PAC, le SAMIFIN, l’ARAI et le BIANCO devront désormais travailler de manière plus coordonnée, afin d’éviter les chevauchements de compétences et de garantir une cohérence dans la gestion des dossiers.

Le renforcement du système anti-corruption passe également par une meilleure communication institutionnelle. Le CSE envisage la création d’un cadre unifié de communication publique, afin d’encadrer les déclarations des magistrats et de prévenir tout risque de désinformation. Ce dispositif pourrait inclure des porte-paroles désignés, habilités à s’exprimer au nom des Pôles Anti-Corruption, évitant ainsi les prises de parole individuelles susceptibles de créer des malentendus.

Enfin, le Comité a rappelé que la réussite de la lutte contre la corruption dépend de l’adhésion collective à un idéal commun : celui d’une justice intègre, accessible et impartiale. Chaque acteur, du plus haut magistrat au plus modeste fonctionnaire, doit incarner les valeurs de probité et de transparence. La crédibilité des institutions en dépend directement.

Conclusion

Les décisions issues de la réunion du Comité de Suivi-Évaluation des Pôles Anti-Corruption représentent un signal fort dans la lutte pour la moralisation de la vie publique à Madagascar. En suspendant deux hauts responsables du parquet pour des manquements à la déontologie, le CSE affirme une ligne claire : la tolérance zéro face aux écarts de conduite.

Au-delà de la sanction, ces mesures traduisent une volonté d’instaurer une culture d’intégrité durable au sein du système judiciaire. Elles rappellent que la justice, pour être respectée, doit d’abord être exemplaire. La réunion du CSE marque ainsi une étape déterminante dans la refondation de la gouvernance judiciaire et dans la restauration de la confiance des citoyens envers leurs institutions.

La route vers une justice pleinement transparente est encore longue, mais ces décisions constituent un pas décisif vers un appareil judiciaire renforcé, impartial et résolument tourné vers l’intérêt public.

bottom of page