Nomination des responsables éducatifs à Madagascar : le Ministère brandit la transparence face aux rumeurs
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
- il y a 2 heures
- 10 min de lecture
Le Ministère de l’Éducation nationale est sorti de sa réserve. Par un communiqué publié sur sa page officielle ce mardi 02 décembre, en souvenir du communiqué publié le mardi 11 novembre 2025, la ministre Dr HANITRINIAINA Elys Karena affirme que les récentes nominations au sein du Ministère central et dans les 23 régions se font dans une transparence totale et sans corruption. Cette prise de parole intervient dans un climat marqué par des suspicions et des rumeurs persistantes autour de la sélection des Directeurs Régionaux de l’Éducation Nationale (DREN). L’autorité ministérielle y nie catégoriquement toute exigence de paiement ou de versement d’argent, promet des sanctions immédiates à l’encontre de quiconque s’y livrerait, et appelle les personnes s’estimant victimes à saisir les responsables compétents. Derrière ces lignes, c’est un enjeu de confiance publique qui se joue : celui de la crédibilité de l’État lorsqu’il désigne celles et ceux qui auront la charge de piloter l’éducation sur l’ensemble du territoire.

Un démenti officiel et frontal face aux accusations de corruption
Le communiqué du mardi 02 décembre, en souvenir du communiqué du 11 novembre 2025, adopte un ton sans ambiguïté. Le ministère y « dément formellement » les allégations de corruption qui circuleraient à propos de la candidature aux postes de DREN. Le texte insiste sur un point central : la nomination des responsables, au niveau central comme régional, serait « totalement transparente » et « sans aucune forme de corruption ». Ces mots, choisis avec soin, ont une portée politique et administrative forte. Ils ne se contentent pas de rassurer : ils contestent la légitimité même des accusations, en opposant une ligne de défense globale, systémique, et non une réponse au cas par cas.
La ministre met également l’accent sur l’absence de paiement exigé ou toléré dans le processus. L’idée est double. D’une part, elle réfute explicitement les rumeurs d’achat de poste. D’autre part, elle fixe une limite morale et institutionnelle, en rappelant qu’un tel comportement ne serait pas seulement illégitime, mais strictement banni. Le communiqué ne laisse pas place à une zone grise : « aucun paiement, ni versement d’argent, n’est exigé ou toléré ». La formule est construite pour couper court à toute interprétation intermédiaire. Il ne s’agit pas seulement de dire que le ministère ne demande rien ; il affirme aussi qu’il ne tolère rien, même si ces pratiques viendraient d’intermédiaires, d’agents isolés ou de réseaux informels.
Cette stratégie de communication, directe et martelée, vise à reprendre la main sur un récit public. Les rumeurs, en matière de nomination, ont un effet corrosif immédiat : elles fragilisent la confiance dans l’institution et jettent un doute sur les personnes choisies. En réagissant ainsi, le ministère cherche à protéger à la fois le processus et les futurs titulaires de postes, qui pourraient voir leur autorité entamée avant même leur prise de fonction.
Mais ce démenti frontal révèle aussi l’importance du poste de DREN dans l’architecture éducative. Si les rumeurs se concentrent sur ces fonctions régionales, c’est qu’elles sont perçues comme des positions de pouvoir et d’influence. Dans un tel contexte, le ministère n’avait guère d’autre choix que de répondre publiquement. Le silence aurait été interprété comme un aveu, l’absence de réaction comme une indifférence. Le communiqué apparaît donc comme une tentative d’arrêter l’emballement et de rappeler qui détient la parole légitime.
Enfin, en situant ce démenti au niveau national : « à travers Madagascar » le ministère refuse l’idée que la corruption serait localisée dans quelques régions. Il défend la cohérence de la procédure partout. C’est un message d’uniformité : un seul ministère, une seule méthode, une même exigence sur tout le territoire.
La promesse d’une « ère de rénovation » et la logique de sanctions immédiates
Au-delà du démenti, le communiqué inscrit l’action du ministère dans une temporalité politique : celle d’une « ère de rénovation ». La formule n’est pas anodine. Elle évoque un passage, une rupture avec des pratiques anciennes ou supposées anciennes. Elle place les nominations dans un cadre de transformation, comme si elles étaient l’un des leviers d’un renouveau plus large. La ministre ne se contente pas de défendre le présent ; elle affirme un projet.
Dans ce contexte, la menace de « sanctions immédiates » joue un rôle central. Elle sert d’abord à crédibiliser le discours de transparence. Sans menace de sanction, une déclaration d’intention pourrait être perçue comme une simple posture. En annonçant des mesures rapides contre toute personne se livrant volontairement à de tels actes, le ministère affirme une capacité d’action et une intolérance active. Le terme « immédiates » renforce l’idée d’urgence et de fermeté. Le message est clair : si la corruption existe ou tente de s’insinuer, elle sera traitée sans délai.
Cette posture a deux destinataires. Le premier est interne : les agents, les candidats, les responsables susceptibles de participer à la procédure. Le second est externe : l’opinion publique, les familles, les personnels éducatifs, les acteurs régionaux. À l’intérieur, il s’agit de prévenir et de dissuader. À l’extérieur, de prouver que l’institution ne reste pas passive.
En présentant l’époque actuelle comme un moment de rénovation, le ministère suggère également que les nominations doivent être l’expression d’une nouvelle culture administrative. Les responsables choisis dans les régions et au centre seraient donc appelés à incarner cette ligne. Dans ce cadre, l’idée de transparence n’est pas seulement un principe abstrait : elle devient un critère de légitimité et une exigence de gouvernance.
La tension entre l’aspiration à la rénovation et la réalité des rumeurs est palpable. Si un communiqué aussi catégorique est nécessaire, c’est que les soupçons ont un poids réel dans le débat public. La ministre le reconnaît indirectement en consacrant une large part du texte à y répondre. Cette situation met en lumière une vérité politique : déclarer la fin de la corruption ne suffit pas à effacer la perception d’un risque. Il faut le dire, le redire, et mettre en scène la capacité de sanction.
La rénovation se lit alors comme une ambition, mais aussi comme un impératif. Le ministère se fixe une obligation de résultat : prouver, sur le terrain, que les procédures sont propres. Sinon, la formule pourrait se retourner contre lui et alimenter davantage la défiance. La communication ne fait pas tout ; elle gagne ou perd sa valeur dans l’expérience quotidienne des acteurs concernés.
Dans le communiqué, la rénovation est aussi liée à la loi. Le ministère rappelle que celle-ci « interdit strictement la corruption, sous toutes ses formes ». Cette phrase place la rénovation sous le signe de la règle et non seulement de la volonté politique. Elle dit : la corruption n’est pas une simple faute morale, c’est une infraction. L’ère nouvelle s’appuie donc sur un cadre juridique existant, présenté comme un socle inamovible.
Le processus de sélection des DREN : un enjeu de confiance institutionnelle
Le cœur du communiqué porte sur la sélection des DREN. Le ministère affirme que le processus est « propre, transparent et exempt de corruption ». Les trois adjectifs se complètent et construisent une image globale.
Dire qu’un processus est propre, c’est insister sur l’intégrité des étapes. Dire qu’il est transparent, c’est affirmer que ses règles sont lisibles, que ses décisions sont fondées et non arbitraires. Dire qu’il est exempt de corruption, c’est nier la possibilité d’un mécanisme parallèle. Le ministère propose ainsi une vision idéale d’une nomination administrative : encadrée, équitable, et insensible aux pressions.
Par cette déclaration, l’institution pose un principe essentiel : les DREN doivent être sélectionnés uniquement au mérite ou selon des critères définis. Si le communiqué ne détaille pas ces critères, il affirme leur existence et leur respect. Il soutient donc une forme d’égalité de traitement : les candidats auraient les mêmes chances, indépendamment de ressources financières ou de réseaux.
Dans un pays où les 23 régions constituent des réalités administratives et humaines distinctes, la nomination des DREN est un moment clé. Ces responsables incarnent l’État éducatif au niveau régional. Ils sont l’interface entre le ministère central et les établissements. Par conséquent, des rumeurs de corruption sur leur sélection ne sont pas anecdotiques : elles touchent au principe même de l’autorité publique. Un DREN dont la nomination serait perçue comme achetée verrait immédiatement son pouvoir contesté.
Le communiqué semble donc viser un objectif préventif : protéger ces postes de toute suspicion, avant qu’ils ne soient durablement entachés. En proclamant la transparence, le ministère cherche à instaurer une présomption de légitimité. C’est une manière de dire aux régions : « Les personnes qui seront nommées le seront pour des raisons valables. »
Cependant, la confiance institutionnelle est fragile. Elle repose sur l’expérience cumulée des citoyens face à l’administration. Le ministère le sait, et tente de la consolider en s’appuyant sur deux ressorts : la parole officielle et l’appel à la plainte. Il ne propose pas seulement une version des faits ; il invite à la vérification par signalement. En somme, il affirme que s’il y a des cas isolés, ils doivent remonter pour être traités.
L’enjeu est donc aussi celui de la réputation du ministère. En se positionnant comme garant d’un processus sain, il s’expose à être jugé sur la cohérence entre discours et réalité. C’est un pari : une institution qui affirme publiquement une norme élevée prend le risque d’être sanctionnée symboliquement si cette norme n’est pas perçue comme respectée.
La sélection des DREN est ainsi présentée comme un test. Si la transparence est avérée, la crédibilité ministérielle en sort renforcée. Si des dysfonctionnements apparaissent, la portée de ce communiqué pourrait se retourner contre son auteur. Dans les deux cas, l’annonce place la transparence au centre de la relation entre l’État éducatif et les citoyens.
L’appel aux victimes : plainte, responsabilité et traçabilité
Un passage du communiqué s’adresse directement aux « personnes victimes de telles pratiques ». Le ministère leur demande d’« adresser leurs plaintes aux autorités compétentes du Ministère de l’Éducation nationale ou aux responsables concernés dans les régions ». Cette phrase joue un rôle crucial dans l’économie du texte.
D’abord, elle reconnaît implicitement que des tentatives de corruption pourraient exister, même si elles ne seraient pas le fait du ministère. En invitant à porter plainte, l’institution concède qu’il est possible que certains individus aient subi, ou pensent avoir subi, des exigences illégales. Le ministère ne valide pas ces situations, mais il ouvre une porte à leur traitement.
Ensuite, l’appel aux victimes transfère une partie de la responsabilité sur le terrain. Il dit : si vous êtes confrontés à une demande d’argent, ne la subissez pas en silence. Signalez-la. Dans une logique institutionnelle, cela permet de transformer une rumeur diffuse en faits vérifiables. Sans plainte, il n’y a que du soupçon ; avec plainte, il y a des éléments à instruire.
Cet appel repose sur une vision de la traçabilité. Le ministère semble vouloir que les pratiques illégales soient identifiées, localisées, investiguées. Le choix des termes « autorités compétentes » et « responsables concernés » indique l’existence d’un circuit formel de traitement. Le communiqué ne précise pas les modalités concrètes (où, comment, auprès de qui précisément), mais il établit un principe : il existe une voie légale.
Cependant, inviter à la plainte suppose que les victimes aient confiance dans la protection de leur démarche. Déposer une plainte contre une tentative de corruption peut exposer à des pressions, à des représailles ou à une peur de ne pas être entendu. Le ministère le sait probablement, et cet appel est aussi une manière de dire : nous serons à l’écoute. Il s’agit de réinstaller l’idée que l’administration peut être un lieu de recours et non un obstacle.
En communication publique, ce geste a un autre effet : il renforce la cohérence du démenti. Le ministère ne se contente pas de nier. Il propose une action concrète aux citoyens. Ce faisant, il se place du côté de ceux qui subiraient la corruption, pas du côté de ceux qui en profiteraient. Il veut apparaître comme allié des victimes et protecteur de l’intégrité administrative.
L’appel à la plainte sert aussi à dissuader les corrupteurs potentiels. Savoir que le ministère encourage le signalement peut freiner des tentatives d’extorsion. C’est un mécanisme de prévention : plus le risque de dénonciation est élevé, moins l’acte corruptif est attractif.
Enfin, cet appel s’inscrit dans une logique de responsabilité partagée. L’État affirme une règle ; les citoyens et agents sont invités à participer à son application en remontant les écarts. La lutte contre la corruption est présentée comme une entreprise collective : l’administration garantit la procédure, mais chacun doit agir s’il observe un abus.
La loi comme socle et le défi de l’exemplarité
Le communiqué se conclut par un rappel solennel : « la loi en vigueur interdit strictement la corruption, sous toutes ses formes ». Cette mention est une ancre. Elle inscrit l’ensemble du message dans un cadre normatif supérieur à la parole ministérielle. Le ministère ne présente pas la transparence comme un choix optionnel, mais comme une obligation légale.
Le rappel de la loi est un outil classique dans les communications institutionnelles sur des sujets sensibles. Il permet de déplacer le débat : on ne discute plus d’une opinion, mais d’un interdit. L’État, par la voix de son ministère de l’Éducation nationale, se place ainsi du côté de la légalité. Ce rappel sert également à affirmer que les sanctions envisagées ne sont pas arbitraires, mais fondées sur des textes. Cela vise à donner une force juridique et politique à la promesse de fermeté.
Mais ce type de rappel pose, en filigrane, la question de l’exemplarité. Lorsque l’on invoque la loi, on se donne en modèle. Le ministère affirme que son action respecte le droit et qu’elle doit être imitée par tous les acteurs. La loi devient une boussole collective. Et l’exemplarité, un impératif pour tous ceux qui participent à la procédure de nomination.
Le défi, pour l’institution, est de faire vivre cet impératif dans chaque étape de l’administration. La corruption, lorsqu’elle existe, prospère souvent sur les marges : là où les règles sont floues, où les contrôles sont faibles, où la peur du signalement domine. En proclamant que la loi interdit « strictement » la corruption « sous toutes ses formes », le ministère tente de réduire ces marges. Il dit que la règle ne souffre ni exception ni interprétation : qu’il s’agisse de demande d’argent directe, d’intermédiation, de faveur ou de toute autre modalité, c’est interdit.
Ce rappel vient aussi clore le communiqué sur un registre d’autorité. Après avoir démenti, promis des sanctions et invité à la plainte, la ministre place le dernier mot sur le terrain institutionnel. C’est une manière de dire que le dossier n’est pas seulement politique ou moral : il est juridiquement encadré.
Dans le même temps, la loi, aussi stricte soit-elle, n’a de sens qu’appliquée. Le communiqué engage donc implicitement le ministère à poursuivre, examiner, sanctionner si nécessaire. Les citoyens, les personnels éducatifs et les candidats regarderont avec attention la manière dont cette promesse se concrétise. Car l’exemplarité, pour être crédible, ne peut être seulement déclarative.
Ainsi, ce communiqué fonctionne comme un contrat symbolique. Il affirme une règle, il annonce une ligne rouge, et il crée une attente publique. L’institution a voulu, par une parole ferme et claire, anesthésier la rumeur et réinstaller la confiance. La suite dépendra de la cohérence entre le message et les expériences vécues par les acteurs de l’éducation sur le terrain.
Dans un pays engagé dans une « ère de rénovation » revendiquée, l’éducation se trouve au premier plan. Les nominations des responsables ne sont pas un détail administratif : elles dessinent la manière dont l’État entend gouverner l’école et les régions. En proclamant une sélection propre et transparente, le ministère se fixe une mission haute. Il ne s’agit plus seulement de nommer, mais de convaincre. Convaincre que l’autorité publique peut être juste. Convaincre que le mérite prime sur l’argent. Convaincre, surtout, que l’éducation nationale avance sur une voie où la confiance ne doit plus être une promesse, mais une réalité.