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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Ravinala Airports affirme avoir réglé la totalité des redevances de concessions : un éclaircissement attendu

Depuis plusieurs jours, une vive polémique oppose le consortium Ravinala Airports à la société Aéroports de Madagascar (Adema) autour du paiement des redevances de concessions liées à la gestion des aéroports d’Ivato et de Nosy Be. Face aux accusations publiques des employés d’Adema, réclamant plus de 80 milliards d’ariary prétendument impayés, Ravinala Airports a tenu à clarifier la situation. L’entreprise assure avoir versé la totalité des sommes dues à l’État malgache, conformément à son contrat de partenariat public-privé (PPP). Retour sur une controverse qui illustre la complexité des rapports financiers entre acteurs publics et privés dans la gestion des infrastructures aéroportuaires du pays.

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Un consortium sous le feu des critiques

Depuis le début de la semaine, le climat social s’est tendu autour des aéroports malgaches. Les employés de la société Adema, gestionnaire historique des aéroports avant la privatisation partielle du secteur, ont exprimé leur mécontentement par des manifestations et des banderoles. Ils accusent le consortium Ravinala Airports – composé notamment du groupe Aéroport de Paris (ADP) et du fonds Meridiam – de ne pas avoir versé depuis cinq ans les redevances de concessions qui leur reviendraient.

Selon leurs calculs, la dette atteindrait plus de 80 milliards d’ariary, une somme considérable dans un contexte économique déjà fragilisé par la pandémie et la baisse du trafic aérien. « Depuis 2020, la société Ravinala Airports refuse de verser les redevances de concessions relatives à la gestion des aéroports internationaux d’Antananarivo et de Nosy Be », a affirmé lundi Rinasoa Rabemifidy, responsable de communication au sein d’Adema.

Ces accusations ont rapidement enflammé les réseaux sociaux et les médias, mettant la pression sur le consortium. En réponse, les responsables de Ravinala Airports ont organisé une conférence de presse afin d’apporter des éclaircissements et de défendre leur position, documents comptables à l’appui.

Ravinala Airports réaffirme avoir rempli toutes ses obligations financières

Lors de cette conférence de presse, les responsables du consortium ont affiché une fermeté sans équivoque. Selon Naina Ramarolahy, représentant du service comptabilité de Ravinala Airports, toutes les redevances de concessions ont bel et bien été versées à l’État malgache. « Les redevances de concessions ont été payées en totalité, il ne reste plus un centime », a-t-il déclaré devant la presse.

Il a expliqué que ces paiements avaient été effectués de deux manières distinctes : d’abord sous forme de versements directs, puis par un mécanisme de compensation. Ce dernier permet de sécuriser les transactions en cas de manquements d’une des parties. « Ce système de compensation est une garantie financière, qui assure que chaque investisseur puisse protéger ses intérêts si l’un de ses partenaires ne s’acquitte pas de ses obligations », a-t-il précisé.

Pour Ravinala Airports, le débat n’a donc pas lieu d’être : les obligations du consortium ont été intégralement honorées, conformément aux clauses du contrat PPP signé avec l’État. « Notre contrat stipule que nous devons payer directement l’État, et non la société Adema », a tenu à rappeler Sandrine Randriamahefa, directrice de la communication du groupe. Elle ajoute : « Ravinala Airports n’a aucune dette envers Adema. »

Ces déclarations visent à dissiper les malentendus sur la nature du flux financier entre les différents acteurs. Si les sommes ont été versées à l’État, il appartient à ce dernier, selon le consortium, de redistribuer les fonds à Adema selon les modalités prévues.

Une confusion entre obligations contractuelles et perception salariale

L’un des nœuds du problème réside dans la compréhension du contrat de concession et du circuit de redistribution des redevances. Le partenariat public-privé signé en 2015 entre l’État malgache, ADP et Meridiam prévoyait que les redevances soient versées directement au Trésor public. Ce dernier, en tant que représentant de l’État, a la charge d’en assurer la répartition ultérieure, notamment envers Adema, ancien gestionnaire des aéroports.

Le consortium Ravinala Airports, en tant que concessionnaire, a donc une relation contractuelle avec l’État et non directement avec Adema. Or, cette distinction semble avoir été mal comprise, voire ignorée, par une partie des employés de la société publique. Ceux-ci estiment que Ravinala Airports aurait dû effectuer les paiements directement à Adema, ce que le contrat ne prévoit pas.

Ce malentendu met en lumière un problème plus large : la complexité administrative et financière des partenariats public-privé, où plusieurs entités publiques et privées s’enchevêtrent dans un schéma juridique parfois opaque. Dans un pays où la transparence budgétaire demeure un défi, ces incompréhensions nourrissent souvent la méfiance et les tensions sociales.

Certains observateurs estiment également que la communication institutionnelle autour du contrat de concession a été insuffisante. Peu d’informations ont été rendues publiques sur les modalités exactes de répartition des revenus issus des redevances, laissant place à des interprétations divergentes.

Un nouveau contrat de concession aux montants révisés

En 2021, un nouveau contrat de concession a été signé entre l’État malgache et Ravinala Airports. Cet accord redéfinit les obligations financières du concessionnaire, tout en fixant une hausse des redevances fixes dues à l’État. Celles-ci atteignent désormais près de 138 millions d’euros, soit une augmentation significative par rapport aux précédents montants.

Selon les prévisions, ce contrat permettra à l’État malgache de percevoir au total environ 471 millions d’euros de recettes fiscales, incluant redevances et impôts, sur l’ensemble de la période de concession. Cette manne financière représente une ressource essentielle pour les finances publiques du pays, notamment dans le contexte de la modernisation des infrastructures aéroportuaires.

Depuis la reprise de la gestion des aéroports d’Ivato et de Nosy Be par le consortium, des investissements considérables ont été réalisés. Le nouvel aéroport international d’Ivato, inauguré en 2021, est désormais considéré comme l’un des plus modernes de la région, avec une capacité d’accueil doublée et des installations répondant aux normes internationales.

Pour Ravinala Airports, ces efforts témoignent de sa volonté de respecter ses engagements envers le pays, non seulement sur le plan financier mais aussi sur celui du développement économique. Le consortium rappelle que ses contributions vont bien au-delà du simple paiement des redevances : elles incluent également des investissements directs dans les infrastructures, la formation du personnel local et la promotion du tourisme à Madagascar.

Un enjeu symbolique pour la gouvernance publique

Au-delà du différend financier, l’affaire Ravinala Airports – Adema soulève des questions plus profondes sur la gouvernance des partenariats public-privé à Madagascar. Dans un contexte où l’État cherche à attirer les investisseurs étrangers tout en préservant sa souveraineté économique, ce type de controverse peut fragiliser la confiance entre les parties.

La position du consortium, qui se veut transparente et conforme au cadre légal, vise aussi à rassurer les partenaires internationaux. Ravinala Airports, rappelons-le, est un acteur stratégique pour Madagascar, non seulement en raison de la gestion des aéroports mais aussi pour l’image du pays auprès des investisseurs.

De son côté, l’État malgache devra clarifier rapidement la chaîne de redistribution des redevances afin d’éviter que de tels malentendus ne se reproduisent. Une meilleure communication entre le ministère des Finances, Adema et Ravinala Airports pourrait contribuer à apaiser les tensions et à renforcer la confiance des travailleurs.

Certains syndicats demandent par ailleurs un audit indépendant pour vérifier le circuit des fonds. Une telle initiative, si elle est menée dans la transparence, pourrait servir de précédent pour d’autres concessions publiques à Madagascar, dans les secteurs portuaire, énergétique ou minier.

Vers une nécessaire clarification institutionnelle

L’affaire actuelle démontre la nécessité d’une réforme de la gouvernance des concessions publiques. La multiplicité des acteurs – État, concessionnaires privés, sociétés publiques – rend la lecture des responsabilités parfois confuse. Une meilleure formalisation des obligations et des mécanismes de compensation permettrait d’éviter les tensions sociales et les incompréhensions.

Pour Ravinala Airports, la communication de ces derniers jours vise avant tout à protéger sa réputation. L’entreprise, soucieuse de maintenir un climat de confiance avec les autorités et la population, entend continuer à coopérer avec l’État pour garantir une gestion transparente et efficace des aéroports.

De leur côté, les employés d’Adema attendent toujours des réponses concrètes. Ils souhaitent que l’État clarifie la situation quant à la redistribution des redevances, qui constitue une part importante des ressources financières de la société. Leur mobilisation traduit un malaise plus profond : celui de travailleurs d’une entreprise publique en quête de stabilité et de reconnaissance, dans un paysage économique de plus en plus dominé par les partenariats internationaux.

Conclusion : entre transparence, confiance et avenir

L’épisode Ravinala Airports – Adema illustre les défis auxquels Madagascar est confronté dans la gestion de ses infrastructures stratégiques. Si les propos du consortium confirment le paiement intégral des redevances, l’affaire met en lumière les carences de communication et de coordination au sein des institutions publiques.

Au-delà des chiffres et des contrats, c’est la question de la transparence qui se pose. Comment garantir une circulation claire des informations financières entre l’État, les entreprises publiques et les investisseurs privés ? Comment éviter que les incompréhensions ne se transforment en crises sociales ?

La réponse passe sans doute par une réforme plus large de la gouvernance économique, fondée sur la transparence, la reddition de comptes et la responsabilisation de chaque acteur. Ravinala Airports, en réaffirmant sa conformité contractuelle, appelle implicitement à cette modernisation.

Quant à l’État malgache, il lui revient désormais d’assurer la cohérence et la clarté des flux financiers, tout en veillant à ce que les bénéfices de ces partenariats se traduisent concrètement pour l’économie nationale et pour les travailleurs. Car au-delà des chiffres et des clauses contractuelles, c’est bien la confiance des citoyens dans les institutions qui est en jeu.

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