Télécommunications à Madagascar : le GTM répond au débat télévisé et conditionne la baisse des prix de l’internet mobile à une réforme fiscale
- TAHINISOA Ursulà Marcelle
- il y a 8 heures
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Le Groupement des Opérateurs de Télécommunications de Madagascar (GTM) a publié, mardi 25 novembre 2025, une réaction officielle aux propos tenus la veille lors d’un débat télévisé consacré à la question des prix de l’internet mobile. Dans ce texte, le groupement se dit d’abord surpris de ne pas avoir été convié aux échanges, estimant que sa présence aurait permis de clarifier plusieurs incompréhensions apparues à l’antenne. L’intervention du GTM survient alors que le secteur est directement sollicité par les autorités sur la possibilité d’une baisse « significative et rapide » des tarifs pratiqués.
Le document rendu public se veut explicatif et rectificatif. Il rappelle les éléments historiques et structurels qui, selon les opérateurs, pèsent sur les prix depuis des années. Il précise aussi les conditions sous lesquelles les entreprises acceptent le principe d’une diminution des tarifs, à savoir la suppression de certaines taxes additionnelles récentes jugées inefficaces et pénalisantes. Enfin, le GTM conteste des chiffres attribués aux opérateurs dans le débat télévisé, notamment l’idée qu’ils auraient demandé une suppression massive d’impôts, et affirme au contraire leur engagement à garantir un niveau fiscal de 400 milliards d’ariary en 2026.
À travers cette prise de parole, le groupement cherche à replacer la discussion dans un cadre qu’il juge plus factuel, tout en insistant sur son rôle économique et fiscal majeur dans le pays, et sur son souhait de coopérer dans l’élaboration de la Loi de Finances Initiale (LFI) 2026.

Un acteur central absent du débat mais directement sollicité par l’État
Le premier point mis en avant par le GTM est son regret de ne pas avoir été invité au débat télévisé d’hier. Pour le groupement, cette absence a créé un déséquilibre dans les échanges et laissé circuler des interprétations qu’il estime erronées sur les réalités économiques du secteur. Cette réaction ne se présente pas comme un simple droit de réponse, mais comme une tentative de rétablir ce que les opérateurs considèrent être la chronologie et le contenu exacts des discussions en cours avec les pouvoirs publics.
Le GTM rappelle qu’il a été sollicité par son ministère de tutelle sur la possibilité et les modalités d’une baisse « significative et rapide » des prix de l’internet mobile. Autrement dit, selon le groupement, la question des tarifs n’est pas une polémique née du débat télévisé : elle s’inscrit dans une démarche officielle de dialogue avec l’État. Les opérateurs affirment donc ne pas être fermés au sujet. Ils expliquent même qu’ils ont accepté le principe de la baisse demandée.
Cependant, cette acceptation est présentée comme conditionnelle. Le GTM insiste sur l’idée que la baisse tarifaire ne peut être raisonnablement envisagée que si le cadre fiscal et réglementaire est adapté. Le texte souligne que les opérateurs ont déjà entrepris des discussions techniques avec les autorités pour exposer les contraintes structurelles du secteur.
Dans le même mouvement, le groupement déplore ce qu’il perçoit comme une accumulation d’incompréhensions « manifestes » sur la situation actuelle. Il attribue ces incompréhensions au manque de contradiction dans le débat télévisé, mais aussi à une diffusion d’informations jugées inexactes dans certains médias et sur les réseaux sociaux. Le GTM pose ainsi un double objectif : expliquer les ressorts des prix et corriger ce qu’il qualifie de désinformation.
Les causes historiques des prix élevés : fiscalité, régulation et contexte économique
Pour justifier l’état actuel des tarifs de l’internet mobile, le GTM revient longuement sur plusieurs facteurs historiques. Le premier est celui des taxes sectorielles, décrites comme « très élevées » et parmi les plus importantes d’Afrique. Le document ne chiffre pas cette comparaison, mais insiste sur le poids global de la fiscalité spécifique au secteur des télécommunications dans la formation des prix finaux pour le consommateur.
Le deuxième facteur évoqué concerne les taxes réglementaires, dont le GTM affirme qu’elles ont « explosé » au cours des dernières années. Les opérateurs citent notamment le coût des licences et des fréquences, qui constituent des charges directes liées au cadre de régulation. En soulignant l’augmentation de ces postes, le groupement cherche à établir un lien direct entre la politique réglementaire et la difficulté à abaisser les tarifs sans réforme préalable.
Le troisième ensemble de raisons avancées relève du contexte macro-économique. Selon le GTM, la situation est marquée par une « dégradation permanente ». Plusieurs éléments sont mentionnés. D’abord, la parité euro/ariary est identifiée comme un facteur impactant les investissements des opérateurs, suggérant que les coûts liés au financement des équipements et infrastructures dépendent fortement de cette parité. Ensuite, le texte signale une explosion des coûts de l’énergie. Il mentionne explicitement les coûts directs de la Jirama ainsi que les frais liés à « de nouvelles solutions alternatives rendues nécessaires par les délestages permanents ». Le GTM indique également l’inflation comme élément aggravant.
Pris ensemble, ces facteurs macro-économiques contribuent, selon les opérateurs, à alourdir les charges d’exploitation et d’investissement. Le groupement souligne qu’il ne s’agit pas de circonstances ponctuelles, mais d’une évolution continue qui pèse sur la capacité du secteur à offrir immédiatement des réductions de prix sans ajustement des autres paramètres.
Le GTM ajoute enfin un quatrième facteur : l’arrivée ou l’essor d’une concurrence qualifiée de « récente et déloyale ». Le groupement décrit un opérateur ne payant ni taxes fiscales ni taxes réglementaires, et n’ayant aucune obligation d’investissement ou d’embauche. Cette situation, selon le GTM, entraîne des « pratiques de ventes et de reventes sauvages illégales non taxables ». Les opérateurs y voient un déséquilibre du marché, d’autant plus problématique qu’il les contraint à maintenir certains niveaux de dépenses alors qu’un acteur opérant hors obligations contribue à tirer les prix ou les pratiques vers des zones d’illégalité.
En rappelant ce point, le GTM ne se contente pas de signaler un problème de concurrence : il insiste sur un impact direct sur les finances publiques et sur la structuration du marché. Selon le groupement, un tel contexte fragilise aussi l’objectif de démocratisation de l’internet, en instaurant une forme de distorsion qui ne repose pas sur des bases fiscales ou réglementaires comparables.
Une baisse acceptée, mais sous réserve de supprimer des taxes jugées inefficaces
Au-delà des causes historiques, le GTM affirme que les opérateurs ont néanmoins accepté d’appliquer les baisses souhaitées par le gouvernement. Cette phrase marque une ouverture claire à la demande officielle d’une réduction tarifaire. Mais cette ouverture s’accompagne d’une condition centrale : la suppression de certaines taxes additionnelles « appliquées récemment sur le secteur ou inefficaces dans leur application ».
Le document détaille précisément les taxes visées. Il cite d’abord les droits d’accès et les taxes de luxe appliqués aux télécommunications. Les opérateurs mentionnent un taux de 8 % dans ce cadre. Ils évoquent aussi une taxe de 5 % sur le mobile money. Ensuite, le GTM cible les taxes sur les importations de smartphones accessibles, décrits comme ceux coûtant moins de 100 dollars. Cette fiscalité, selon le groupement, empêche la démocratisation de l’internet.
Le texte avance deux conséquences liées à ces taxes sur les smartphones d’entrée de gamme. Premièrement, elles freinent l’accès à l’équipement de base nécessaire pour se connecter, ce qui va à l’encontre de l’objectif d’élargissement de la connectivité. Deuxièmement, elles provoquent une « explosion des importations non déclarées de téléphones de mauvaise qualité ». Le GTM souligne que ce phénomène pénalise les consommateurs et pose des « risques pour la sécurité publique ».
Ces arguments visent à démontrer que la suppression de ces prélèvements ne serait pas une concession faite aux opérateurs, mais une mesure cohérente avec l’intérêt général : favoriser l’accès, limiter le marché informel et améliorer la qualité des appareils disponibles. Les opérateurs soutiennent donc que la baisse tarifaire doit être accompagnée d’un réajustement fiscal pour réellement produire l’effet recherché sur le terrain.
Le GTM affirme avoir « fait la démonstration aux Autorités » que ces suppressions, déjà appliquées dans plusieurs pays, n’entraîneraient « aucune baisse des recettes fiscales de l’État ». Le groupement ne donne pas de liste de pays ni de détails techniques dans son communiqué, mais insiste sur la solidité de son argumentation auprès des décideurs. L’idée défendue est simple : une baisse de taxes peut entraîner un accroissement de l’usage, de l’équipement et du volume d’activité, compensant voire dépassant la perte de recettes initiale.
Dans le raisonnement du GTM, la fiscalité actuelle agit comme un frein sur la croissance du marché. En la corrigeant, l’État permettrait une baisse des prix sans fragiliser ses recettes, tout en relançant la dynamique du secteur et l’inclusion numérique.
Clarification sur la question des impôts : contestation d’un chiffre et engagement fiscal
Une partie importante du texte se concentre sur la rectification des propos attribués aux opérateurs lors du débat télévisé. Le GTM déclare explicitement que, contrairement à ce qui a été dit, les opérateurs n’ont jamais demandé la « suppression de 215 milliards d’ariary d’impôts ». Cette phrase constitue un démenti direct, présenté comme nécessaire face à ce que le groupement considère être une information erronée.
Le GTM ne se limite pas à contester ce chiffre. Il affirme qu’au contraire, les opérateurs se sont engagés à garantir « 400 milliards d’ariary d’impôts en 2026 ». Cet engagement est présenté comme compatible avec la suppression des taxes additionnelles mentionnées, grâce à la « dynamique de cette baisse des prix » à laquelle les opérateurs disent rester favorables.
La logique affichée par le groupement est la suivante : la baisse des prix, si elle est accompagnée de la réforme fiscale demandée, stimulera la consommation et l’accessibilité. Cette augmentation d’activité permettra de maintenir, voire de sécuriser, un niveau important de recettes fiscales pour l’État. Le GTM utilise cette promesse chiffrée pour prouver sa bonne foi et son rôle de partenaire économique.
Le texte souligne ensuite que l’État « n’enregistrera aucune perte fiscale en 2026 par rapport aux recettes prévues aujourd’hui déjà inscrites dans la LFI ». Autrement dit, la proposition du GTM ne serait pas un manque à gagner pour le budget national, mais une réallocation permettant au secteur de croître tout en préservant les entrées fiscales attendues.
À travers ces précisions, le groupement cherche à déplacer l’angle du débat : il ne s’agirait pas de choisir entre prix bas et ressources publiques, mais de concevoir une architecture fiscale qui permette les deux. Les opérateurs se présentent comme force de proposition, capables d’offrir des solutions sans menacer les équilibres budgétaires.
Le GTM insiste aussi sur le fait que les taxes ciblées sont inefficaces ou récentes, sous-entendant qu’elles ne constituent pas un socle indispensable pour la stabilité fiscale. Leur suppression serait donc, selon lui, une option raisonnable dans l’écriture et la finalisation de la loi de finances.
Un appel au dialogue et une volonté de contribuer à la LFI 2026 et à l’inclusion
Dans sa conclusion, le GTM affirme que les opérateurs restent « ouverts au dialogue » dans le cadre de la finalisation de la LFI 2026. Le groupement appelle aussi à une « grande vigilance » sur les propos diffusés dans les médias, afin d’éviter la désinformation, notamment celle circulant sur les réseaux sociaux. Cette insistance traduit la volonté des opérateurs de mener le débat dans un cadre formel et factuel, sans emballement public fondé sur des chiffres contestés.
Le GTM se positionne également comme un acteur économique majeur. Il rappelle être le « premier contributeur fiscal du pays ». Dans la continuité de cette affirmation, le groupement dit vouloir jouer pleinement son rôle « aux côtés du gouvernement » pour accélérer l’inclusion digitale et l’inclusion financière. Le texte met donc en relation directe la question des prix de l’internet mobile avec des objectifs plus larges : permettre à une plus grande partie de la population d’accéder aux services numériques, et faciliter l’usage des outils financiers liés au mobile.
Enfin, le GTM lance un appel auprès du Premier ministre et du Président de la Refondation, afin d’améliorer la LFI 2026 pour répondre aux aspirations des consommateurs. Cette formulation indique que les opérateurs souhaitent inscrire la réforme fiscale et la baisse des tarifs dans une décision politique de haut niveau, dépassant le cadre strict des négociations techniques sectorielles.
Cette dernière partie du communiqué est à la fois un message d’ouverture et une revendication structurée. Le GTM affirme son soutien à une baisse des prix, mais demande que celle-ci soit pensée comme un élément d’une stratégie globale. La suppression des taxes qu’il juge inadaptées serait ainsi la condition pour rendre cette baisse durable, accessible et bénéfique à l’ensemble de l’économie.
En publiant ce texte au lendemain du débat télévisé, le GTM vise donc à réinscrire la controverse dans un processus institutionnel déjà engagé. Le communiqué ne change pas le fond de la demande gouvernementale, mais en propose le chemin : réformer certaines taxes, lutter contre les distorsions de concurrence et s’appuyer sur la croissance attendue du marché pour maintenir les recettes fiscales.
Le groupement conclut implicitement que la baisse de prix ne peut être un geste isolé. Pour être « significative et rapide » comme le souhaitent les autorités, elle doit s’accompagner d’un ajustement du cadre fiscal et réglementaire, sans quoi les facteurs historiques et économiques exposés continueront de déterminer le niveau des tarifs.
Ainsi, la réaction du GTM ne se résume pas à une contestation médiatique. Elle s’inscrit dans une négociation plus large sur l’équilibre entre accessibilité des services, investissement du secteur, concurrence loyale et stabilité des ressources publiques. Le débat sur les prix de l’internet mobile, relancé publiquement, se poursuit désormais dans l’arène budgétaire et politique de la LFI 2026, avec les opérateurs revendiquant une place pleine et entière à la table des décisions.