À l’île Maurice, la mer n’est jamais un simple décor. Elle rythme les journées, façonne les villages, dicte la météo des humeurs et attire, chaque année, des voyageurs venus chercher ce que l’imaginaire collectif appelle encore le “paradis tropical”. Mais derrière la carte postale — sable blanc, lagon turquoise, filaos couchés par l’alizé — se cache une mosaïque de plages très différentes les unes des autres. Certaines sont vastes et familiales, d’autres intimes, presque secrètes. Il y a celles qui vivent au tempo des sports nautiques, celles qui s’offrent surtout au silence, et d’autres enfin, plus sauvages, où l’océan Indien rappelle qu’il est d’abord une force brute.
Classer les plus belles plages mauriciennes est forcément un exercice imparfait : tout dépend de la saison, de l’heure de la journée, du regard de celui qui arrive. Pourtant, dix lieux reviennent avec régularité dans les récits des habitants, des guides et des voyageurs. Voici ces dix premières plages incontournables, non comme une simple liste, mais comme une traversée journalistique des quatre côtes de l’île — Nord, Est, Ouest et Sud — où chaque rivage raconte une facette de Maurice.

Le Nord : lagons tranquilles et art de vivre mauricien
Le Nord de l’île Maurice concentre une partie de l’énergie touristique du pays : hôtels, restaurants, sorties en mer et marchés nocturnes y cohabitent avec une vraie vie locale. C’est aussi un littoral protégé par la barrière de corail, où les lagons sont souvent calmes, parfaits pour la baignade et le snorkeling. Deux plages y incarnent l’idéal mauricien, tandis qu’une troisième propose une alternative plus sportive et plus vivante.
Première étape : Trou aux Biches. Rarement une plage porte aussi bien son mythe. Sur plusieurs kilomètres, le sable est d’une finesse presque farineuse, ourlé de cocotiers et de filaos. La pente douce du fond marin en fait une plage particulièrement adaptée aux familles, et la transparence du lagon donne l’impression de flotter dans un aquarium géant. Juste au large, les jardins de corail attirent poissons-perroquets, demoiselles et parfois des raies, ce qui explique la réputation du site auprès des plongeurs et amateurs de masque-tuba. Au coucher du soleil, l’orientation ouest de la baie transforme l’horizon en spectacle quotidien, et les Mauriciens viennent y pique-niquer en fin de journée, quand le sable n’est plus brûlant.
À quelques minutes en voiture, Mont Choisy déploie un tout autre charme. Plus longue encore, légèrement courbée, elle a une allure de grand espace respirant, même en haute saison. Sa rangée de filaos offre une ombre naturelle précieuse. L’eau y est très peu profonde sur plusieurs dizaines de mètres, créant une vaste piscine turquoise où l’on peut marcher longtemps avant d’avoir de l’eau au-dessus de la poitrine. Dans l’esprit mauricien, Mont Choisy est un lieu de week-end et de convivialité : on y trouve des vendeurs ambulants, des familles installées à l’ombre, parfois un match de football improvisé sur le sable. C’est une plage où l’on vient autant pour se baigner que pour sentir l’île vivre.
Troisième perle du Nord, Pereybère. Plus petite, plus “concentrée”, elle est souvent citée parmi les favorites parce qu’elle combine animation et beauté immédiate. Bordée d’une mer d’un bleu profond, protégée par un récif proche, elle reste baignable presque toute l’année. Pereybère a un côté citadin : cafés à proximité, musique en arrière-plan, sorties en paddle ou en kayak. Dès le matin, la plage se remplit vite, mais sans perdre son atmosphère légère. L’après-midi, quand la lumière devient franche, l’endroit révèle une palette de bleus presque irréelle, surtout au niveau de la passe où le lagon change brutalement de couleur.
Ces trois plages du Nord résument une partie de l’identité mauricienne : un rapport apaisé au lagon, un art de vivre collectif, et une nature encore très accessible. Pour beaucoup de visiteurs, elles sont la porte d’entrée d’un séjour balnéaire réussi.
L’Est : plages éclatantes au matin et îlots de carte postale
À l’Est, l’île change de tempo. L’océan s’ouvre davantage, la brise se renforce, et l’ambiance devient plus paisible, parfois presque contemplative. C’est une côte réputée pour ses longues plages rectilignes, hostiles aux foules, et pour ses excursions vers les îlots qui parsèment le lagon. Deux sites dominent naturellement ce palmarès.
Belle Mare est d’abord une sensation. Une ligne de sable clair s’étire sur des kilomètres, sans rupture, comme une route douce entre mer et végétation. Ici, pas de village collé au rivage : le paysage reste ample, ouvert, et l’on a souvent l’impression que la plage appartient au vent. Tôt le matin, la lumière de l’Est fait briller le lagon comme une plaque d’argent turquoise, et les premiers pas sur le sable sont presque silencieux. Belle Mare est aussi un haut lieu des sports nautiques : planche à voile, kitesurf quand l’alizé se lève, sorties en bateau à fond de verre. Mais elle garde un visage tranquille, particulièrement hors des zones hôtelières. Pour qui cherche une plage où marcher longtemps, se baigner sans agitation et observer la vie marine avec un simple masque, c’est une évidence.
Plus au sud-est, la journée mauricienne bascule vers l’un de ses emblèmes : l’Île aux Cerfs. Accessible en bateau depuis Trou d’Eau Douce, ce petit paradis insulaire figure sur toutes les listes des plus belles plages du pays. Une fois arrivé, on comprend pourquoi : le sable est blanc-beurre, l’eau est si transparente qu’on distingue les rides du fond, et les palmiers ont l’air de s’incliner pour offrir de l’ombre. La plage principale est festive, rythmée par les activités — parachute ascensionnel, bouées tractées, jet-ski — mais il suffit de marcher un peu pour retrouver des criques plus calmes. L’intérêt de l’Île aux Cerfs tient aussi à son sentiment d’évasion : on quitte l’île principale, on traverse le lagon, et l’on se retrouve sur une langue de sable qui semble flotter. C’est un lieu où les familles mauriciennes viennent passer la journée complète, glacière et musique comprise, autant qu’un terrain de jeu pour les voyageurs avides de sensations.
L’Est révèle ainsi l’île dans une version plus lumineuse et plus douce, faite d’espaces ouverts, de matins éclatants et d’escapades marines. C’est souvent là que les visiteurs découvrent la dimension “lagon infini” de Maurice.
L’Ouest : couchers de soleil, profondeur du bleu et horizons volcaniques
La côte ouest est, pour beaucoup, celle du grand théâtre. C’est là que le soleil tombe dans l’océan, que les reliefs de l’intérieur se découpent en ombre chinoise, et que les plages vivent dans une ambiance plus chaude, plus sèche aussi, car les pluies y sont moins fréquentes. Trois plages s’imposent dans le top mauricien, chacune avec un caractère net.
Flic en Flac est la plage populaire par excellence, au sens noble du terme. On y trouve une longue bande de sable qui reste accueillante malgré sa fréquentation. Le lagon est grand, protégé, et la barrière de corail n’est pas loin, rendant l’endroit idéal pour le snorkeling. Mais l’âme de Flic en Flac tient dans sa vie sociale : vendeurs de fruits frais, familles installées sur des nattes, groupes d’amis qui se retrouvent au pied des filaos. Les fins d’après-midi sont un rituel collectif : on vient nager, discuter, regarder le soleil s’éteindre derrière l’horizon. Cette plage réussit l’équilibre délicat entre tourisme et quotidien mauricien.
Plus au sud-ouest, Le Morne prend une dimension presque mythique. Au pied du Morne Brabant, montagne classée au patrimoine mondial, la plage s’étire avec un mélange saisissant de douceur et de puissance. Le sable est clair, l’eau d’un turquoise laiteux près du rivage, puis d’un bleu intense dès qu’on approche de la passe. Le site est mondialement connu des kitesurfeurs, car les vents et le relief créent des conditions idéales, mais il reste aussi un lieu de baignade sublime. L’arrière-plan volcanique donne au panorama une gravité rare : on a la sensation d’être sur une plage qui appartient à la fois au ciel et à la terre. Au coucher du soleil, Le Morne devient l’un des points les plus spectaculaires de l’île, lorsque la montagne se transforme en silhouette noire dans une mer de cuivre.
Tamarin, enfin, propose une autre ambiance. La baie est incurvée, plus ouverte sur l’océan, avec des vagues plus présentes que sur les côtes nord et est. Cela lui donne un esprit “surf” et aventure, une petite touche bohème. Tamarin Bay est célèbre pour ses sorties d’observation des dauphins au petit matin, mais l’expérience la plus simple reste celle de s’y baigner quand la mer est calme, ou de marcher le long du rivage en fin de journée. La plage est moins “carte postale” dans son sable — plus doré, plus vivant — mais elle compense par son énergie et par la beauté brute de la baie, surtout quand le ciel devient rose au-dessus des collines.
À l’Ouest, Maurice montre un visage plus contrasté : lagons sereins d’un côté, vagues et horizons sauvages de l’autre, toujours sous le signe du soleil couchant.
Le Sud et le Sud-Est : la beauté sauvage de l’océan Indien
Le Sud est souvent le grand oublié des séjours balnéaires classiques. Il est pourtant essentiel pour comprendre l’île. Ici, la barrière de corail est parfois absente ou distante, l’océan est plus puissant, les falaises remplacent les cocotiers. Les plages sont moins nombreuses, mais leur intensité paysagère est spectaculaire. Deux sites, très différents, complètent le top 10.
Blue Bay, au Sud-Est, est un miracle de transparence. La plage est relativement petite, mais le lagon est l’un des plus beaux de l’île Maurice. Classée parc marin, la zone offre des fonds coralliens très accessibles, riches en poissons tropicaux, ce qui en fait un spot majeur de snorkeling et de plongée. L’eau y est calme, presque immobile certains jours, et sa couleur varie du bleu pâle au turquoise électrique. Blue Bay a aussi un charme de week-end local : on y voit souvent des Mauriciens venir déjeuner à l’ombre, avant de passer de longues heures dans l’eau. Pour les visiteurs, c’est l’endroit où l’on peut observer le plus facilement la vie sous-marine sans prendre le large.
À l’extrême Sud, Gris-Gris bouleverse la vision habituelle de Maurice. Ici, pas de lagon protégé : l’océan arrive en direct, avec ses vagues, ses rouleaux, ses embruns. La plage, située près de Souillac, est bordée de falaises noires et de végétation battue par le vent. On ne vient pas à Gris-Gris pour se baigner comme ailleurs — la mer est trop forte — mais pour ressentir la puissance du large. C’est une plage de contemplation, presque dramatique, où les rochers sculptés par l’érosion forment des cadres naturels. Certains points de vue, comme la célèbre Roche Qui Pleure, rappellent combien l’île est volcanique et vivante. L’endroit a quelque chose de cinématographique : un littoral qui ne cherche pas à séduire, mais à impressionner.
Le Sud et le Sud-Est rappellent ainsi que la beauté mauricienne n’est pas seulement douce. Elle peut être rugueuse, sonore, spectaculaire. C’est ce contraste qui donne à l’île sa profondeur.
Comment profiter au mieux de ces dix plages
Ces dix plages ne sont pas seulement des points sur une carte ; elles forment une sorte d’itinéraire idéal à travers l’île. Les découvrir demande un peu de méthode, et quelques savoirs simples suffisent à transformer la visite en expérience mémorable.
D’abord, la question du moment de la journée. Sur la côte Est, Belle Mare et l’Île aux Cerfs se savourent surtout le matin, quand le soleil éclaire la mer de face et que le vent reste doux. À l’Ouest, Le Morne, Flic en Flac et Tamarin prennent une autre dimension en fin d’après-midi, au moment où la lumière rase souligne les reliefs et que le ciel s’enflamme. Au Nord, Trou aux Biches, Mont Choisy et Pereybère sont agréables presque toute la journée, mais les heures les plus calmes sont tôt le matin ou en semaine. Blue Bay est splendide avant midi, quand la visibilité sous l’eau est maximale. Gris-Gris, lui, s’apprécie quand le temps est clair, car la mer et le ciel y jouent un spectacle permanent.
Ensuite, la saison. De façon générale, l’été austral, d’octobre à mai, correspond aux températures les plus chaudes de l’eau, souvent entre 24 et 28 °C, ce qui favorise la baignade longue et le snorkeling. L’hiver austral, de juin à septembre, est plus sec et légèrement plus frais, mais reste très agréable, particulièrement sur la côte Ouest. Les amateurs de kitesurf privilégient souvent cette période plus ventée, surtout au Morne.
Enfin, la manière de vivre les plages. À Maurice, les plages sont publiques et appartiennent autant aux habitants qu’aux voyageurs. Le pique-nique sous les filaos, le partage de nourriture, les jeux d’enfants et les discussions impromptues font partie de l’expérience. Sur Flic en Flac ou Mont Choisy, s’installer près des familles mauriciennes, écouter les conversations, goûter un ananas pimenté acheté à un vendeur ambulant, c’est aussi comprendre le pays. De même, sur l’Île aux Cerfs ou à Blue Bay, respecter les zones coralliennes, marcher avec précaution et éviter de toucher les fonds marins participe à la protection de ce patrimoine vivant.
Au bout du compte, ces plages racontent la pluralité de Maurice. Trou aux Biches et Mont Choisy sont des promesses de douceur. Pereybère et Flic en Flac, des invitations à la vie locale. Belle Mare et l’Île aux Cerfs, l’éclat d’un lagon sans fin. Le Morne, la rencontre entre histoire, montagne et mer. Tamarin, l’esprit aventure de la côte ouest. Blue Bay, l’intimité d’un jardin sous-marin. Gris-Gris, la force brute du Sud. Dix lieux, dix atmosphères, et une même certitude : à l’île Maurice, la plage n’est jamais seulement une plage. C’est un monde.