Nosy Sakatia, cœur de Nosy Be, au centre d’une opération foncière inédite

L’annonce est tombée à Nosy Be, ce 8 décembre 2025, à l’issue d’un déplacement très attendu du Ministre de l’Aménagement du Territoire et des Affaires Foncières, le Général de Division Lylyson René de Rolland. En visite sur l’île, entouré de ses équipes, le membre du gouvernement est venu constater sur le terrain l’ampleur des problèmes fonciers qui enveniment la vie des habitants. Au cœur de ses déclarations, un nom revient comme un symbole : Nosy Sakatia, petite île voisine, théâtre de tensions récurrentes autour de la propriété des terres.

Depuis des années, les litiges fonciers sont une source d’inquiétude et de division pour de nombreuses communautés. À Nosy Be comme ailleurs, les habitants dénoncent des irrégularités, des situations floues, des baux contestés et des réserves foncières dont la destination réelle échappe aux premiers concernés : les populations locales. C’est précisément pour répondre à ces préoccupations que le ministre a choisi de se rendre sur place, afin d’apporter des réponses concrètes et de rappeler que la terre demeure un enjeu social, économique et politique majeur.

Dans ce contexte tendu, la décision d’annuler un bail sur Nosy Sakatia, de maintenir la réserve foncière touristique dans le patrimoine de l’État, mais surtout de restituer intégralement les terrains destinés à la population locale, marque un tournant. Cette restitution s’effectuera dans le cadre d’un dispositif spécifique, baptisé « Opération Domaniale Concertée » (ODOC), qui permet aux habitants d’acquérir leurs terrains au prix symbolique de 5 ariary le mètre carré. Au-delà du cas de Nosy Sakatia, le ministre a également annoncé que cette démarche sera progressivement étendue à l’ensemble du territoire malagasy, accompagnée d’une réforme des textes de loi visant à élargir la superficie maximale de terrain pouvant être acquise, de 1 000 m² à 5 000 m². Autant de mesures qui, si elles se concrétisent pleinement, pourraient redessiner en profondeur le paysage foncier du pays.

Un déplacement ministériel à forte portée symbolique

La visite du Général de Division Lylyson René de Rolland à Nosy Be n’est pas un simple déplacement protocolaire. Elle s’inscrit dans un contexte de méfiance et de frustration accumulées, où la question foncière revient régulièrement au centre des débats locaux. En choisissant de se rendre physiquement sur le terrain, le ministre envoie un signal fort : celui d’un État qui affirme vouloir regarder en face les situations litigieuses et les irrégularités accumulées au fil du temps. Cette présence au plus près des populations concernées porte une dimension autant politique que symbolique.

Le ministre était accompagné d’équipes techniques et administratives de son département, signe que ce déplacement avait également pour objectif de collecter des informations précises, de vérifier l’état des dossiers et de discuter directement avec les acteurs locaux. À Nosy Be, les litiges fonciers ne sont pas de simples dossiers abstraits : ils touchent à la vie quotidienne des familles, à la transmission des biens, à la sécurité des investissements et, plus largement, à la paix sociale. En se rendant sur place, les représentants du ministère se placent en position d’écoute, mais aussi d’arbitrage, pour rétablir des équilibres jugés rompus.

Ce déplacement met aussi en lumière la volonté de replacer l’intérêt des populations locales au centre des décisions liées à l’utilisation et au partage du sol. Là où certains dossiers fonciers ont pu être perçus comme favorisant des intérêts privés ou extérieurs, le ministère affirme désormais vouloir réorienter sa politique en faveur des communautés résidentes. Il ne s’agit pas uniquement de régler quelques cas emblématiques, mais bien de montrer que l’État entend reprendre la main sur la gestion foncière, en la rendant plus transparente, plus équitable et plus conforme aux besoins des citoyens.

Nosy Sakatia, une île convoitée au cœur des tensions foncières

Parmi les dossiers examinés à l’occasion de cette visite, celui de Nosy Sakatia occupe une place particulière. Cette petite île, située à proximité de Nosy Be, suscite depuis longtemps les convoitises en raison de son potentiel touristique, de la beauté de ses paysages et de la valeur de ses terres. Mais derrière cette attractivité, les habitants ont vu émerger des tensions croissantes autour des baux, des réserves et des limites des propriétés. L’annonce du ministre concernant l’annulation d’un bail et la clarification du statut de la réserve foncière touristique répond à un besoin de visibilité longtemps exprimé par la population.

Selon les déclarations ministérielles, la réserve foncière touristique restera propriété de l’État. Cette décision vise à préserver un patrimoine stratégique, tout en réaffirmant le rôle de l’État comme garant de l’intérêt général. L’enjeu est d’éviter que des terres destinées à des projets d’envergure ne deviennent une source d’injustice ou d’exclusion pour les populations locales. En gardant la main sur cette réserve, le gouvernement se donne la possibilité de planifier à long terme, tout en gardant la responsabilité de définir les conditions dans lesquelles d’éventuels investissements pourront voir le jour.

Parallèlement, la situation des terrains destinés à la communauté locale de Sakatia est clarifiée : ils seront intégralement restitués dans le cadre de l’« Opération Domaniale Concertée ». Cette restitution répond à un sentiment d’incompréhension et parfois de dépossession ressenti par les habitants, qui ont souvent le sentiment de ne pas maîtriser l’avenir des terres sur lesquelles reposent leur logement, leurs activités ou leurs projets familiaux. En fixant un cadre précis, la démarche annoncée à Nosy Sakatia vise à restaurer la confiance entre l’État et les citoyens, et à montrer que les intérêts de la population locale ne sont pas sacrifiés face aux enjeux touristiques ou économiques.

L’« Opération Domaniale Concertée » : un dispositif de restitution encadré

L’« Opération Domaniale Concertée » (ODOC) constitue le cœur de la stratégie présentée à Nosy Be. Ce dispositif a pour vocation d’organiser, de manière structurée et transparente, la restitution des terrains aux populations locales, dans un cadre légal et administratif clarifié. À Nosy Sakatia, il se traduit par la restitution intégrale des terrains appartenant aux habitants, avec la possibilité pour ces derniers de les acquérir à un tarif très bas : 5 ariary le mètre carré. Ce prix symbolique traduit la volonté du gouvernement de rendre l’accès à la propriété réellement accessible aux familles qui vivent déjà sur ces terres.

L’ODOC repose sur une logique de concertation et d’implication directe des communautés. Il ne s’agit pas simplement d’émettre des titres ou de tracer des limites depuis des bureaux administratifs éloignés, mais de co-construire avec les habitants un consensus sur la délimitation, l’attribution et la sécurisation des parcelles. Ce mode opératoire entend limiter les contestations ultérieures, en ancrant les décisions dans un processus transparent, où chaque étape est expliquée, discutée et validée, tant par l’administration que par les représentants locaux.

Au-delà de l’aspect financier, l’opération vise à donner une valeur juridique claire à des situations qui, dans la pratique, peuvent être anciennes mais peu documentées. De nombreuses familles occupent des terres depuis des années sans disposer de titres formels ou de documents suffisamment solides pour faire valoir leurs droits en cas de conflit. En leur permettant d’acquérir leurs terrains au sein d’un cadre légal sécurisé, l’ODOC entend réduire la vulnérabilité des habitants face à des pressions extérieures, mais aussi renforcer leur capacité à transmettre, à investir, à construire ou à développer des activités économiques sur une base foncière stabilisée.

Un prix symbolique pour réconcilier populations et administration

Le prix fixé à 5 ariary le mètre carré pour l’acquisition des terrains par les habitants de Sakatia n’est pas qu’un détail technique. Il s’agit d’un signal politique fort, destiné à montrer que la priorité affichée est celle de la justice sociale et de la reconnaissance des droits d’usage historiques des communautés. À ce tarif, l’enjeu n’est pas de générer des recettes importantes pour l’État, mais de formaliser une situation de fait en offrant aux habitants une sécurité juridique qu’ils n’avaient pas jusqu’ici.

Ce montant très faible vise également à prévenir l’exclusion de familles modestes qui auraient été incapables de faire face à des coûts plus élevés. Dans de nombreuses situations, le prix d’acquisition du terrain représente un obstacle majeur à l’accès à la propriété. En abaissant cette barrière, l’administration signe un engagement en faveur d’une forme de démocratisation de la propriété foncière. Les habitants ne deviennent pas simplement des occupants tolérés, mais des propriétaires reconnus, ce qui modifie profondément leur rapport à la terre et à l’État.

Ce prix symbolique a néanmoins une dimension exigeante : il appelle à une gestion rigoureuse et à une transparence sans faille pour éviter toute dérive. La crédibilité de l’ODOC repose sur la capacité des autorités à garantir que les terrains ainsi attribués ne deviennent pas immédiatement des objets de spéculation incontrôlée, ou des biens revendus à des prix très supérieurs à ceux consentis aux premiers bénéficiaires. Il s’agit donc d’un équilibre délicat entre reconnaissance des droits, justice sociale, sécurisation foncière et prévention des abus, équilibre que les services du ministère seront amenés à surveiller de près.

Concertation, fokontany et propriétaires : une gouvernance foncière de proximité

Le dispositif ODOC ne peut fonctionner sans un travail de terrain approfondi et une concertation structurée avec les différents acteurs concernés. Le ministère a ainsi annoncé que l’identification des portions de terrain revenant aux populations locales se fera en collaboration étroite avec les propriétaires fonciers et les chefs de fokontany. Cette articulation entre l’administration centrale et les instances locales est un élément clé du processus, car ce sont souvent les responsables de proximité qui connaissent le mieux l’historique des occupations et des usages.

Les chefs de fokontany, en tant que relais de la base, jouent un rôle essentiel pour faire remonter les besoins, expliquer les décisions et apaiser les tensions. Ils sont amenés à être des interlocuteurs privilégiés pour les équipes du ministère, notamment pour reconstituer la mémoire foncière des lieux : qui occupe telle parcelle, depuis quand, dans quelles conditions, avec quels accords verbaux ou écrits. Cette connaissance fine du terrain permet d’éviter que des erreurs de délimitation ne ravivent les conflits, et contribue à donner une légitimité locale aux décisions prises.

La concertation annoncée doit également inclure les propriétaires fonciers déjà identifiés, afin d’éviter que la restitution des terrains aux populations locales ne soit perçue comme une spoliation ou un passage en force. Le terme « concertée » dans l’« Opération Domaniale Concertée » indique clairement que l’objectif est de trouver des solutions acceptables pour toutes les parties, dans le respect des droits existants, mais aussi dans la volonté de corriger les irrégularités ou les injustices identifiées. Cette démarche suppose du temps, de la pédagogie, et une capacité de médiation, mais elle apparaît comme une condition nécessaire pour garantir une paix sociale durable autour de la question foncière.

Vers une extension nationale de l’ODOC et une nouvelle réforme foncière

Si Nosy Sakatia constitue aujourd’hui un cas emblématique, le ministre a clairement indiqué que la démarche initiée à Nosy Be n’a pas vocation à rester circonscrite à cette seule région. L’« Opération Domaniale Concertée » est appelée à être progressivement appliquée à l’ensemble de Madagascar, faisant du cas de Sakatia un laboratoire grandeur nature pour une politique foncière renouvelée. L’idée est d’identifier, dans d’autres régions, des situations similaires où les populations locales se trouvent dans une position d’insécurité foncière ou de fragilité vis-à-vis de leur accès à la terre.

Cette extension nationale implique une montée en puissance des capacités administratives et techniques du ministère. Examiner les situations foncières « dans les différentes régions du pays », comme annoncé, représente un chantier considérable qui touchera la cartographie des parcelles, la mise à jour des registres, la clarification des droits et la résolution de nombreux litiges latents. C’est un travail de longue haleine qui exigera des moyens, des compétences, mais aussi une volonté politique constante pour éviter que l’élan initial ne s’essouffle.

Parallèlement à cette opération de terrain, le ministère travaille à une réforme des textes de loi relatifs à la propriété foncière. Parmi les changements envisagés, l’augmentation de la superficie maximale autorisée pour l’achat de terrains, qui passerait de 1 000 m² à 5 000 m², constitue un élément de rupture. Une telle modification ouvrirait de nouvelles possibilités pour les particuliers, les familles ou certains projets, tout en posant la question de l’équilibre entre la multiplication de propriétés individuelles de taille plus importante et la préservation des terres collectives ou communautaires. Là encore, l’enjeu est de mettre en place un cadre légal cohérent, favorisant le développement sans fragiliser les populations.

Une réforme aux multiples enjeux pour les populations locales

L’élargissement de la limite d’acquisition foncière, de 1 000 m² à 5 000 m², n’est pas une simple donnée technique. Elle pourrait transformer le rapport des citoyens à la terre, en permettant à ceux qui en ont les moyens ou les projets de regrouper des parcelles plus importantes pour l’habitat, l’agriculture, l’artisanat ou d’autres activités économiques. Dans un pays où la terre constitue une ressource fondamentale, cette évolution législative soulève autant d’espoirs que de questionnements, notamment sur la manière dont elle bénéficiera réellement aux populations locales.

Pour certains ménages, la possibilité de détenir jusqu’à 5 000 m² peut représenter une opportunité de mieux organiser leurs activités, de sécuriser des surfaces cultivables ou d’anticiper une transmission familiale plus structurée. Combinée à des dispositifs comme l’ODOC, cette réforme pourrait contribuer à renforcer la place des familles dans la gestion et la valorisation de leurs terres. La condition, toutefois, est que ces nouvelles possibilités n’ouvrent pas la voie à une concentration excessive de la propriété entre les mains d’un petit nombre d’acteurs mieux informés ou disposant de ressources supérieures.

Le défi pour les autorités sera donc d’encadrer cette nouvelle limite afin qu’elle ne se traduise pas par de nouvelles formes d’inégalités foncières. La réforme des textes doit intégrer des garde-fous, des règles de transparence et des mécanismes de contrôle pour que la terre ne devienne pas un simple objet de spéculation, déconnecté des besoins vitaux des populations. Dans ce contexte, la mise en œuvre de procédures concertées, comme celles prévues dans l’ODOC, peut constituer un appui précieux pour s’assurer que les décisions prises servent effectivement l’intérêt général.

Un ministère sous pression pour traduire les annonces en actes

En annonçant autant de mesures à la fois – restitution des terrains à Sakatia, généralisation progressive de l’ODOC, examen des situations foncières dans tout le pays, réforme législative – le Ministère de l’Aménagement du Territoire et des Affaires Foncières se place face à une attente considérable. Les populations concernées jugeront la crédibilité de ces engagements non pas à l’aune des discours, mais à celle des résultats concrets obtenus sur le terrain. À Nosy Sakatia, les habitants souhaitent voir rapidement les effets de l’ODOC sur leurs titres et leurs parcelles.

Le défi pour le ministère est d’organiser cette transition sans créer de nouveaux malentendus ni d’effets d’annonce sans lendemain. La mise en place de procédures claires, de calendriers réalistes et de dispositifs d’information accessibles aux citoyens sera déterminante. Il s’agira également de former ou de renforcer les capacités des agents locaux chargés de mettre en œuvre l’ODOC, de traiter les dossiers, de répondre aux questions et de gérer les litiges. La transformation d’une politique foncière ne se décrète pas uniquement depuis la capitale : elle se construit dans chaque localité, au contact direct des habitants.

Enfin, cette dynamique de réforme suppose une continuité dans l’action publique. Les ajustements de textes, la révision de pratiques administratives anciennes, la résolution de conflits parfois anciens exigeront du temps. Pour que la démarche initiée à Nosy Be ne soit pas perçue comme un épisode isolé, il faudra que l’engagement de l’État se maintienne et se renforce au fil des années. La réussite de l’« Opération Domaniale Concertée » et des réformes associées sera un test majeur de la capacité des institutions à répondre au besoin de justice foncière exprimé par une large partie de la population.

Nosy Sakatia, un laboratoire de la justice foncière à Madagascar

En définitive, Nosy Sakatia s’impose aujourd’hui comme un véritable laboratoire de la justice foncière à l’échelle nationale. L’annulation du bail, la confirmation de la propriété de l’État sur la réserve foncière touristique, la restitution des terrains aux habitants au sein de l’ODOC et le tarif de 5 ariary le mètre carré constituent autant de décisions amenées à faire jurisprudence dans la manière de traiter des situations similaires ailleurs dans le pays. L’île devient le lieu où s’expérimente une nouvelle manière de concilier développement, intérêts publics et droits des communautés locales.

Pour les habitants, l’enjeu est simple et vital : il s’agit de pouvoir vivre, travailler, construire, transmettre sur des terres dont ils savent qu’elles leur appartiennent légalement. Cette sécurité foncière, que l’ODOC ambitionne de leur offrir, n’est pas seulement une question de documents ou de titres, mais une condition essentielle pour envisager l’avenir avec davantage de sérénité. À l’échelle de Madagascar, la démarche engagée à Nosy Be et à Nosy Sakatia renvoie à une question plus large : celle de la manière dont le pays choisit de partager, de gérer et de valoriser son territoire.

En se rendant sur place le 8 décembre 2025, le Ministre de l’Aménagement du Territoire et des Affaires Foncières a pris l’engagement de restaurer l’équilibre et la confiance dans un domaine longtemps marqué par les tensions et les incompréhensions. Reste désormais à transformer cette annonce en réalité durable, à travers une mise en œuvre rigoureuse, concertée et transparente de l’« Opération Domaniale Concertée » à Nosy Sakatia, puis dans l’ensemble des régions de Madagascar. La réussite de ce chantier conditionnera, pour une large part, la capacité du pays à apaiser les conflits fonciers, à protéger ses populations locales et à bâtir un développement réellement partagé.

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