Le rhum est l’un des spiritueux les plus emblématiques au monde. Né dans les plantations de canne à sucre des Caraïbes et d’Amérique latine, il s’est progressivement imposé sur tous les continents, porté à la fois par la mixologie moderne, le tourisme, la culture des cocktails et un intérêt croissant pour les spiritueux dits “premium”. Aujourd’hui, certaines marques de rhum atteignent des volumes de vente colossaux, occupant les rayons des supermarchés comme les cartes des bars les plus prestigieux.
Dans cet article, nous proposons un panorama journalistique des 10 marques de rhum les plus vendues dans le monde, en nous intéressant à leur histoire, à leur positionnement, à la diversité de leurs gammes et aux logiques de marché qui expliquent leur succès. Il ne s’agit pas de juger de la “meilleure” bouteille, mais de comprendre pourquoi ces noms précis se retrouvent en tête des ventes internationales.
Les chiffres précis de volumes peuvent varier selon les années et les études, mais les grandes tendances restent stables : une poignée de marques dominent à l’échelle planétaire, portées par de puissants groupes de spiritueux, des stratégies marketing agressives et une omniprésence dans les réseaux de distribution. Tour d’horizon d’un top 10 qui en dit long sur l’évolution de la consommation mondiale de rhum.

1. Bacardi : le géant mondial, symbole du rhum « grand public »
Impossible de parler des marques de rhum les plus vendues sans commencer par Bacardi. Fondée en 1862 à Santiago de Cuba par Don Facundo Bacardí Massó, l’entreprise est aujourd’hui basée à Hamilton, aux Bermudes, et reste, malgré son histoire mouvementée, un véritable mastodonte de l’industrie mondiale des spiritueux.
Bacardi a construit son empire sur un rhum blanc léger, filtré, adapté aux cocktails simples et répandus dans le monde entier. Le célèbre “rum and coke” (souvent appelé “Cuba Libre”) ou encore le mojito moderne se sont largement appuyés sur Bacardi pour s’imposer dans les habitudes de consommation de nombreux pays. Sa force tient à une triple dimension : une identité visuelle forte (le logo chauve-souris est reconnu mondialement), une politique de prix accessible et une présence massive dans la grande distribution comme dans les bars.
Au fil du temps, la marque a diversifié sa gamme : rhums ambrés, añejo, éditions limitées, références haut de gamme destinées aux amateurs plus exigeants. Bacardi tente ainsi de se positionner tout autant comme un rhum de base pour la mixologie que comme un acteur du segment premium. Cette dualité explique en grande partie ses volumes de vente colossaux : disponible presque partout, souvent à des prix compétitifs, la marque reste la porte d’entrée vers l’univers du rhum pour des millions de consommateurs adultes.
Sur le plan de l’image, Bacardi joue la carte de la fête, des soirées estivales, des plages et de l’univers latino. Dans les campagnes publicitaires, les cocktails sont mis au premier plan, plus que la dégustation “pure”. Le message principal tourne autour de la convivialité et de la simplicité, plutôt que de la complexité aromatique ou de l’origine très précise des cannes et des terroirs. C’est précisément ce positionnement qui lui permet de rester en haut du classement des ventes internationales.
2. Captain Morgan : le rhum épicé devenu icône pop
Deuxième figure incontournable du marché mondial, Captain Morgan est un autre géant, particulièrement populaire en Amérique du Nord et en Europe. La marque, qui appartient au groupe Diageo, doit son identité à l’imaginaire du pirate : un capitaine en bottes, chapeau large, jambe posée sur un tonneau, toujours prêt à lever le verre. Cette mise en scène volontairement caricaturale participe à son succès auprès du grand public.
La particularité de Captain Morgan est de s’être imposé comme référent dans la catégorie des “spiced rums”, c’est-à-dire des rhums épicés. Ces produits ne visent pas prioritairement la dégustation traditionnelle, mais plutôt l’élaboration de cocktails et de mélanges simples avec des sodas. Vanille, épices douces, notes sucrées bien marquées : le profil aromatique se veut immédiatement accessible, pensé pour plaire au plus grand nombre, notamment sur les marchés anglo-saxons.
La force commerciale de Captain Morgan tient, comme pour Bacardi, à une distribution large, mais aussi à une communication très ciblée. Spots publicitaires, partenariats avec des événements sportifs ou musicaux, présence marquée sur les réseaux sociaux : la marque cultive un côté décomplexé, festif, sans chercher à jouer la carte de l’authenticité historique ou du terroir agricole. Elle incarne plutôt un certain “entertainment” liquide, facilement identifiable par son étiquette rouge et or.
En termes de volumes, les rhums épicés restent en plein essor dans de nombreux pays. Captain Morgan profite de cet engouement, en élargissant sa gamme à des versions plus douces, plus fortes ou aromatisées, tout en conservant un positionnement prix relativement abordable. Dans le top 10 des marques de rhum les plus vendues, sa présence est désormais solidement ancrée.
3. Havana Club : l’âme officielle du rhum cubain
Si Bacardi a quitté Cuba après la révolution, Havana Club, lui, est devenu la vitrine internationale du rhum cubain sous l’égide de l’État et, depuis les années 1990, d’une coentreprise avec le groupe français Pernod Ricard. La marque fait partie de celles qui, au-delà des volumes de vente, portent une identité nationale forte. Sur les étiquettes comme dans les publicités, la référence à Cuba, à La Havane, à la musique et à la culture locale est omniprésente.
Havana Club s’est imposé comme l’un des principaux rhums de référence sur de nombreux marchés européens. Sa gamme s’étend du rhum blanc destiné aux cocktails (mojito, daiquiri, etc.) aux rhums vieux plus complexes (7 ans, Selección de Maestros, etc.) proposés à un public plus connaisseur. Ce double positionnement lui permet de toucher à la fois le segment “volume” et celui des spiritueux de dégustation.
La marque met en avant un style de rhum dit “cubain”, généralement léger, avec un vieillissement en fûts qui apporte des notes boisées, vanillées et légèrement épicées. Elle insiste aussi sur le savoir-faire des “maestros roneros”, ces maîtres rhumiers chargés de superviser l’assemblage et le vieillissement, dans un discours proche de celui du cognac ou du whisky.
L’un des éléments clés de la réussite de Havana Club réside dans ses accords avec les grands distributeurs, son implantation dans les bars à cocktails européens, mais aussi dans la curiosité croissante des consommateurs pour les spiritueux d’origine clairement identifiée. Dans le top 10 mondial, Havana Club occupe une place à la fois de volume et d’image, ce qui en fait un acteur stratégique majeur.
4. Don Papa, Zacapa, Diplomatico et la montée des rhums “premium”
Si le classement des marques les plus vendues se joue en grande partie sur les volumes grand public, un autre phénomène est venu bousculer le paysage : l’essor des rhums dits “premium” ou “super-premium”. Parmi ces marques, certaines ne figurent pas toujours dans les tout premiers rangs en termes de litres écoulés, mais leur croissance est spectaculaire et leur influence sur la perception globale du rhum est considérable.
On peut citer, parmi ces acteurs, Don Papa (Philippines), Zacapa (Guatemala) ou encore Diplomatico (Venezuela). Ces marques se sont imposées dans les rayons spécialisés et les bars à cocktails haut de gamme avec des positionnements très travaillés : bouteilles soignées, storytelling intense, mise en avant du terroir, du climat tropical, de modes de vieillissement spécifiques.
Don Papa, par exemple, a frappé fort avec une identité graphique très marquée, un rhum souvent perçu comme gourmand, accessible, avec des notes vanillées et caramélisées mises en avant. Zacapa, de son côté, mise sur un vieillissement en altitude et un système de solera inspiré de celui du sherry, afin de proposer un profil riche, rond, complexe. Diplomatico, enfin, insiste sur son héritage vénézuélien, son utilisation de mélasses et d’appareils de distillation multiples, pour revendiquer une palette aromatique très large.
La montée de ces marques premium a contribué à transformer le regard porté sur le rhum : de simple base à cocktail, il devient spiritueux de dégustation, que l’on compare désormais au whisky ou au cognac. Sur le plan des ventes, ce segment tire fortement la valeur du marché vers le haut, même si les volumes restent, pour l’instant, inférieurs à ceux des géants historiques. Néanmoins, dans un top 10 analysé non seulement en litres, mais aussi en influence, ces noms sont devenus incontournables.
5. Les marques caribéennes historiques : Saint-James, Negrita, La Mauny et les autres
Au-delà des marques mondiales et des rhums premium récents, le paysage international reste profondément marqué par de grandes maisons caribéennes historiques. Certaines d’entre elles ne dominent pas toujours le classement global en volume à l’échelle de la planète, mais elles occupent des positions de leaders sur des marchés nationaux ou régionaux, ce qui contribue à leur poids dans les ventes globales.
En Martinique, par exemple, des marques comme Saint-James ou La Mauny jouissent d’une forte notoriété et bénéficient, pour certaines cuvées, de l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) Rhum Agricole de Martinique. Cette appellation garantit un certain nombre de critères liés à la provenance de la canne, au mode de distillation et au vieillissement. Les rhums agricoles, issus du jus de canne et non de la mélasse, présentent un profil aromatique distinctif, souvent plus végétal, plus sec, qui séduit un public amateur de spiritueux complexes.
Negrita, autre marque française emblématique, s’est imposée au fil des décennies comme un rhum de cuisine autant que de consommation, largement distribué en grande surface. Son omniprésence dans certains pays européens contribue à des volumes importants, même si l’image est parfois moins premium que celle de certaines concurrentes.
Ces marques caribéennes historiques illustrent une tension intéressante du marché : d’un côté, une production très industrielle destinée à de grands volumes ; de l’autre, une mise en avant de traditions locales, de terroirs précis, d’indications géographiques protégées. Dans le top 10 des marques les plus vendues, on retrouve ainsi un mélange de ces deux mondes, preuve que le rhum reste un produit à multiples facettes, entre industrie globale et ancrage régional.
6. L’essor des rhums latino-américains : Brugal, Barceló, Havana Club et consorts
Si les Caraïbes françaises et Cuba occupent une place importante, une autre zone pèse lourd dans les ventes mondiales : la République dominicaine et, plus largement, l’ensemble de l’Amérique latine. Des marques comme Brugal ou Barceló, notamment, se sont fortement développées en dehors de leurs frontières d’origine, portant un style de rhum généralement léger, vieilli en fûts de chêne, avec une dominante de notes vanillées et boisées.
Brugal, fondé à la fin du XIXe siècle, est aujourd’hui l’un des piliers du marché espagnol et se déploie largement dans d’autres pays d’Europe et d’Amérique. Barceló, fondé en 1930, suit une trajectoire similaire, avec un accent mis sur la constance de la qualité et sur un rapport qualité-prix attractif. Ces marques ont su tirer parti de l’essor du tourisme dans les Caraïbes : de nombreux visiteurs découvrent ces rhums sur place, puis les recherchent ensuite dans leurs pays d’origine, créant ainsi un effet de “souvenir liquide” qui stimule la demande.
L’Amérique latine dans son ensemble, du Mexique au Brésil, reste une zone de production et de consommation majeure. Certaines marques, très puissantes localement, ne sont que peu visibles en Europe ou en Asie, mais elles contribuent fortement aux statistiques de ventes mondiales en raison de leur domination sur le marché domestique. Le top 10 mondial est donc aussi, en partie, l’histoire de ces “géants locaux” qui, parfois, restent encore à découvrir pour le grand public international.
7. Rhums blancs, ambrés, vieux, épicés : comment la diversité des styles structure le top 10
L’un des aspects clés pour comprendre le classement des 10 marques de rhum les plus vendues est la diversité des styles proposés par ces acteurs. Le marché ne se résume pas à un seul type de produit ; au contraire, la segmentation est devenue de plus en plus fine, permettant à chaque marque de toucher des publics différents.
Les rhums blancs constituent souvent la porte d’entrée, en particulier pour les cocktails. Ils représentent une part importante des volumes globaux, notamment grâce aux grandes marques internationales qui misent sur ce segment pour alimenter la mixologie dans les bars, les clubs et les foyers. Ces produits sont généralement proposés à des degrés standards, avec des profils assez neutres, afin de se marier facilement avec d’autres ingrédients.
Les rhums ambrés et vieux, eux, se situent davantage sur un terrain de compromis entre consommation en cocktail et dégustation pure. Ils bénéficient de quelques mois ou années de vieillissement, qui leur confèrent couleur dorée et notes plus complexes. De nombreuses marques du top 10 misent sur ces références pour monter en gamme, proposer des prix supérieurs et toucher un public plus connaisseur, sans pour autant se couper du marché “grand public”.
Les rhums épicés, enfin, comme ceux popularisés par Captain Morgan, connaissent une croissance notable. Ils répondent à une demande pour des profils aromatiques gourmands, très accessibles, qui se consomment généralement en mélange. La facilité d’accès gustatif, la douceur et les arômes ajoutés attirent une partie du public adulte qui ne se reconnaît pas forcément dans les spiritueux secs ou trop puissants.
Cette diversité explique que le top 10 des marques les plus vendues ne soit pas homogène : certaines dominent sur le segment blanc, d’autres sur le vieux ou sur le spiced rum. Le classement global est donc le résultat de la somme de ces segments, qui n’obéissent pas tous aux mêmes dynamiques.
8. Un marché tiré par les cocktails, la culture des bars et le tourisme
Si ces 10 marques de rhum figurent en tête des ventes, ce n’est pas uniquement grâce aux linéaires de la grande distribution. Une large part de leur succès tient aussi à l’essor de la culture du cocktail et de la mixologie. Mojito, daiquiri, piña colada, mai tai, ti-punch : ces recettes, parfois anciennes, ont été remises au goût du jour par une nouvelle génération de barmen et de consommateurs.
Les marques l’ont bien compris : elles investissent massivement dans les partenariats avec les bars, les clubs et les festivals. Formations pour les bartenders, sponsoring d’événements, création de concours de cocktail, communication ciblée sur les réseaux sociaux : tout est mis en œuvre pour faire du rhum un ingrédient incontournable des boissons festives. Le succès de certaines marques du top 10 est étroitement lié à leur capacité à s’imposer comme “référence” dans des recettes emblématiques.
Le tourisme joue également un rôle déterminant. De nombreux pays producteurs de rhum, des Caraïbes à l’océan Indien, accueillent chaque année des millions de visiteurs. Distilleries ouvertes au public, visites guidées, dégustations, boutiques de souvenirs : ces expériences contribuent à ancrer certaines marques dans l’esprit des voyageurs. De retour chez eux, ces derniers se tournent spontanément vers les étiquettes qu’ils ont découvertes sur place, alimentant ainsi les ventes sur les marchés d’exportation.
Ce phénomène crée un cercle vertueux pour les marques qui parviennent à lier leur image à une destination de vacances ou à une expérience touristique marquante. Le top 10 mondial se nourrit de cet imaginaire : plages, soleil, musique, convivialité. Le rhum, dans cette perspective, n’est pas seulement un produit, mais aussi un symbole de dépaysement et de détente pour un public adulte.
9. Derrière le classement, des enjeux économiques, sociaux et environnementaux
Si l’on se concentre souvent sur les chiffres de ventes, le monde du rhum ne peut être analysé uniquement sous l’angle commercial. Derrière les 10 marques les plus vendues, se cachent des enjeux économiques, sociaux et environnementaux considérables. La production de rhum est intimement liée à celle de la canne à sucre, une culture qui mobilise de vastes surfaces agricoles et une main-d’œuvre importante dans des pays où les conditions sociales peuvent être fragiles.
De plus en plus, les consommateurs et les ONG interrogent les grandes marques sur la traçabilité, les conditions de travail dans les plantations, la rémunération des agriculteurs, l’impact environnemental de la monoculture de canne et l’utilisation de ressources comme l’eau. Certaines entreprises mettent en avant des initiatives de développement durable, de réduction des émissions de CO₂, de valorisation des résidus de canne (la bagasse) ou de certification éthique. Toutefois, le chemin reste long pour concilier volumes de vente importants et exemplarité sociale et environnementale.
Ces questions prennent une importance grandissante, notamment sur les marchés où les consommateurs sont plus sensibilisés aux enjeux de responsabilité sociale des entreprises. Dans ce contexte, les marques du top 10 sont observées de près. Leur capacité à répondre aux attentes en matière de transparence et de durabilité pourrait, à terme, influencer leur position dans les classements, au-delà des simples volumes écoulés.
10. Un top 10 en mouvement : nouvelles tendances et futurs challengers
Enfin, il faut rappeler que le classement des 10 marques de rhum les plus vendues n’est pas figé. De nouvelles tendances émergent et pourraient redistribuer les cartes dans les années à venir. On observe notamment l’essor de micro-distilleries et de rhums “craft”, plus confidentiels mais portés par une forte demande de diversité, d’authenticité et d’expériences gustatives singulières.
Ces petites marques ne menacent pas, à court terme, les mastodontes en termes de volume, mais elles influencent le discours général sur le rhum. Elles poussent les grands groupes à innover, à créer des gammes plus pointues, à miser sur des éditions limitées, à valoriser davantage le terroir et la qualité intrinsèque des produits. Dans certains marchés, des acteurs locaux peuvent rapidement gagner en visibilité et devenir, à l’échelle d’un pays ou d’une région, des challengers sérieux.
Par ailleurs, l’évolution des réglementations, la fiscalité sur l’alcool, les politiques de santé publique et les changements de modes de consommation (baisse des volumes, recherche de produits de meilleure qualité, intérêt pour les boissons sans alcool ou faiblement alcoolisées) auront un impact sur la hiérarchie des marques. Le top 10 de demain pourrait ainsi être assez différent de celui d’aujourd’hui, même si certains noms historiques, solidement implantés, devraient continuer à occuper les premières places.
En définitive, les 10 marques de rhum les plus vendues au monde reflètent bien plus que des chiffres de production : elles incarnent l’évolution d’un marché global, pris entre l’héritage colonial et les enjeux contemporains de durabilité, entre l’industrie de masse et la quête de produits authentiques, entre la fête en bord de plage et la dégustation posée d’un vieux rhum dans un verre tulipe. Ce classement, mouvant et discuté, raconte surtout l’histoire d’un spiritueux qui, loin de se cantonner à quelques îles tropicales, s’est installé durablement dans le paysage mondial des boissons alcoolisées destinées aux adultes, tout en étant de plus en plus scruté à l’aune de sa responsabilité sociale et environnementale.


