Qui est Sifi Ghrieb, l’homme politique ?

Le changement de chef du gouvernement en Algérie, à la fin de l’été 2025, s’est imposé comme l’un des faits politiques majeurs de l’année dans le pays. En l’espace de quelques semaines, Sifi Ghrieb, jusque-là identifié d’abord comme un profil technocratique passé par les rouages de l’appareil industriel, a basculé au premier plan : nommé Premier ministre par intérim après le départ de Nadir Larbaoui, il a ensuite été confirmé à la Primature et chargé de former un nouveau gouvernement.

Cette séquence, à la fois rapide et très encadrée institutionnellement, intervient dans un contexte où Alger doit tenir plusieurs lignes en même temps : gérer des arbitrages internes, maintenir l’élan de l’appareil d’État, et afficher une continuité dans les grands dossiers économiques, dont la diversification et la gestion d’un secteur énergétique central pour les partenaires européens.

Au-delà du calendrier, la trajectoire de Sifi Ghrieb et les premiers signaux envoyés par l’exécutif donnent des indices sur la méthode : un profil issu du secteur industriel, une transition opérée d’abord sous forme d’intérim, puis une confirmation formelle accompagnée d’un remaniement, et enfin une diplomatie de proximité illustrée, en décembre, par un déplacement en Tunisie dans le cadre des mécanismes bilatéraux.

Une séquence institutionnelle en deux temps : de l’intérim à la confirmation

Tout démarre officiellement le 28 août 2025. Ce jour-là, la Présidence met fin aux fonctions de Nadir Larbaoui, Premier ministre en poste depuis 2023 selon la presse internationale, et confie l’intérim à Sifi Ghrieb, alors ministre de l’Industrie. Reuters rapporte l’absence d’explication officielle publique sur les raisons du départ de Larbaoui, un point qui a alimenté les commentaires sans que des éléments vérifiés ne viennent étayer des hypothèses.

L’intérim n’est pas resté théorique : dès la fin août, les services du Premier ministre en Algérie rendent compte de la passation de pouvoirs au Palais du Gouvernement à Alger, marquant l’entrée de Sifi Ghrieb dans le rôle de chef du gouvernement par intérim. Cette formalisation, décrite par la communication institutionnelle, souligne la logique de continuité administrative : le fonctionnement de la Primature est censé être assuré, même en période de transition, par les mêmes circuits et la même machinerie d’État.

La deuxième étape intervient le 14 septembre 2025. La confirmation de Sifi Ghrieb comme Premier ministre s’accompagne d’un remaniement gouvernemental. Reuters évoque notamment la nomination d’un nouveau ministre de l’Énergie et des Énergies renouvelables, Mourad Adjal, auparavant à la tête de l’entreprise publique Sonelgaz, tandis que plusieurs portefeuilles jugés structurants (finances, commerce, affaires étrangères) sont indiqués comme maintenus.

Cette confirmation est aussi relayée par des supports reprenant le communiqué présidentiel : l’idée centrale est que le chef de l’État a reçu le Premier ministre par intérim, l’a nommé officiellement, et l’a chargé de former un gouvernement. Cette formulation met l’accent sur la prérogative présidentielle et sur l’acte de “formation” de l’équipe, qui n’est pas seulement un ajustement de casting mais une recomposition censée donner une cohérence politique et sectorielle à la nouvelle phase.

Dans les faits, la confirmation du 14 septembre clôt une période courte mais sensible : celle où le pays fonctionne avec un chef du gouvernement par intérim, tout en préparant un nouvel organigramme. La rapidité de l’enchaînement, en un peu plus de deux semaines, donne l’image d’une transition maîtrisée, sans vacance apparente, et renvoie à une logique de décision concentrée au sommet de l’exécutif.

Le profil de Sifi Ghrieb : un parcours ancré dans l’industrie et l’appareil d’État

Sifi Ghrieb apparaît d’abord, dans l’espace public, comme un profil lié à la politique industrielle. Des portraits publiés lors de son arrivée au ministère de l’Industrie en novembre 2024 le décrivent comme un haut fonctionnaire et un responsable ayant évolué dans des structures industrielles et de gestion. Le fait qu’il soit ministre de l’Industrie au moment où il est choisi pour diriger l’intérim, puis confirmé à la Primature, nourrit une lecture : celle d’un responsable perçu comme techniquement armé pour piloter des dossiers de production, de filières et d’organisation économique.

Certaines sources biographiques indiquent une formation supérieure et un parcours lié à l’ingénierie et à l’économie industrielles, ainsi qu’un ancrage territorial à l’est du pays. Ces éléments, lorsqu’ils sont cités, servent à construire un récit de “technocrate” plutôt que de figure issue d’un appareil partisan classique. Ils doivent toutefois être maniés avec prudence : les biographies publiques varient en niveau de détail, et une partie des informations relayées dépend de compilations et de reprises.

Ce qui est, en revanche, solidement établi dans la séquence 2024-2025, c’est la chronologie des fonctions : nommé ministre de l’Industrie en novembre 2024, Sifi Ghrieb devient Premier ministre par intérim fin août 2025, puis Premier ministre confirmé mi-septembre. Cette progression, en moins d’un an, signale une montée en puissance rapide au sein de l’exécutif.

Le détail le plus commenté, dans la presse, tient à la nature même de la transition : le chef du gouvernement sortant est remercié, et son successeur est choisi dans l’équipe en place, depuis un ministère jugé stratégique pour l’agenda économique. L’interprétation la plus prudente consiste à y voir une continuité de l’État : un membre du gouvernement déjà au fait des dossiers, capable d’assurer une transition immédiate, puis de proposer une nouvelle architecture gouvernementale.

Dans le système algérien, où le président nomme le Premier ministre, la Primature est à la fois un poste de coordination et un instrument de mise en œuvre des priorités décidées au sommet. La capacité du Premier ministre à imprimer une marque personnelle dépend donc de l’équilibre institutionnel : gestion quotidienne de l’action gouvernementale, arbitrages entre ministères, suivi des politiques publiques, et représentation dans des cadres bilatéraux ou multilatéraux.

Le gouvernement Ghrieb : remaniement, signaux sectoriels et enjeux de continuité

La confirmation de Sifi Ghrieb le 14 septembre 2025 s’accompagne d’un remaniement que Reuters présente comme incluant, point notable, un changement à l’énergie. La nomination de Mourad Adjal, identifié comme ancien dirigeant de Sonelgaz, met en avant un profil issu de la gestion d’entreprise publique dans un secteur qui reste le cœur économique du pays : hydrocarbures, électricité, et politiques énergétiques au sens large.

Au même moment, Reuters souligne que plusieurs portefeuilles clés sont maintenus. Dans la lecture d’un remaniement, cette donnée compte : maintenir des ministres, c’est préserver des équilibres politiques et administratifs, éviter la rupture sur des dossiers sensibles, et limiter les coûts de transition en matière de conduite de l’État. À l’inverse, changer un ministère comme l’énergie envoie un signal : celui d’une volonté de réajuster la conduite d’un secteur stratégique, ou au minimum de redéfinir les priorités de pilotage.

Sur la composition globale, des publications reprises par des organismes et médias listent les membres du nouveau gouvernement dirigé par Sifi Ghrieb, au lendemain de la décision présidentielle. Ces documents s’inscrivent dans une logique d’information économique et institutionnelle : ils servent autant aux acteurs politiques qu’aux milieux d’affaires, aux partenaires étrangers et aux observateurs, qui cherchent à identifier rapidement “qui fait quoi” et à quel interlocuteur s’adresser.

L’élément structurel, dans les analyses disponibles, reste la place de l’économie et de l’énergie. L’Algérie est décrite par Reuters comme un fournisseur important de gaz naturel pour plusieurs pays européens, tout en poursuivant un effort de diversification économique. Cet arrière-plan est central pour comprendre pourquoi les arbitrages gouvernementaux sont scrutés : le secteur énergétique pèse sur les recettes, sur la politique d’investissement, et sur la relation avec l’extérieur, tandis que la diversification renvoie aux défis sociaux et économiques souvent rappelés par les observateurs internationaux.

À l’intérieur, la Primature est attendue sur l’exécution : relai des décisions présidentielles, coordination interministérielle, traduction budgétaire des priorités, et pilotage de réformes. À l’extérieur, elle devient vitrine de stabilité : un changement de Premier ministre peut être lu comme un réajustement interne, mais aussi comme une manière d’afficher que les institutions continuent de fonctionner sans heurts.

Dans ce cadre, le passage de l’intérim à la confirmation a une portée symbolique. L’intérim rassure sur l’immédiateté : il n’y a pas de “trou”. La confirmation, elle, installe un horizon : un gouvernement nommé, une équipe identifiée, et un responsable chargé d’ordonner l’action de l’exécutif.

Diplomatie de proximité : la Tunisie comme première scène régionale visible

À peine installé, un Premier ministre est jugé à ses gestes. Début décembre 2025, Sifi Ghrieb apparaît en première ligne lors d’une visite officielle en Tunisie, à l’occasion de la 23e session de la Haute Commission mixte tuniso-algérienne, accompagnée d’un forum économique. La cheffe du gouvernement tunisien, Sarra Zaafrani Zenzri, l’accueille à l’aéroport de Tunis-Carthage pour une visite annoncée sur deux jours, selon des médias tunisiens relayant des informations officielles.

Cette séquence est importante pour deux raisons. D’abord, elle place la coopération économique au centre, via un forum explicitement présenté comme tuniso-algérien. Ensuite, elle inscrit la Primature algérienne dans une relation bilatérale structurée : la Haute Commission mixte est un format institutionnel, avec des ministres et des représentants du monde économique, conçu pour traiter des dossiers concrets et donner un cadre à la coordination.

La Tunisie occupe, pour l’Algérie, une place particulière dans l’environnement régional : voisinage direct, enjeux de circulation, de sécurité, d’énergie et d’échanges. Sans prétendre savoir ce qui a été décidé à huis clos au-delà de ce qui est publié, on peut constater que le choix de ce cadre officiel, et son affichage public, s’inscrivent dans une logique de diplomatie de proximité : consolider les mécanismes bilatéraux, maintenir un canal de coordination, et associer l’économique au politique.

La visibilité de ce déplacement joue aussi sur un plan d’image : montrer un Premier ministre en exercice, engagé dans des rencontres bilatérales, participe à la narration d’un exécutif opérationnel. Dans une région où les signaux politiques sont scrutés, les photographies d’accueil officiel, la tenue d’un forum économique, et la référence à une commission mixte régulière sont autant d’éléments qui visent à donner de la lisibilité.

À ce stade, les comptes rendus publics disponibles insistent surtout sur l’ouverture des travaux et sur la tenue des rencontres, plus que sur des annonces détaillées. L’enjeu, pour un article journalistique rigoureux, est de s’en tenir à ce qui est attesté : le déplacement, le cadre institutionnel, l’accueil, et la présidence des travaux, sans extrapoler sur des résultats non documentés.

Les défis immédiats : stabilité politique, attentes économiques et équation énergétique

La nomination de Sifi Ghrieb, puis la formation de son gouvernement, s’inscrivent dans un moment où l’Algérie doit conjuguer continuité institutionnelle et réponses à des défis structurels. Reuters résume l’un des points centraux : le pays, grand producteur de gaz, est un fournisseur énergétique pour plusieurs pays européens, tout en cherchant à diversifier son économie et à faire face à des défis sociaux et économiques.

Sur la stabilité politique, la transition s’est faite sans crise publique visible : un décret met fin aux fonctions d’un Premier ministre, un autre responsable assure l’intérim, la passation est organisée, puis la confirmation intervient avec un remaniement. Vu de l’extérieur, c’est le scénario d’une succession “contrôlée”. Mais cette apparente fluidité n’efface pas la question du fond : pourquoi changer de Premier ministre, et pour conduire quelle phase ? Sur ce point, les sources internationales disponibles indiquent précisément qu’aucune raison officielle n’a été donnée au moment du départ de Nadir Larbaoui.

Sur l’économie, le fait que le nouveau Premier ministre vienne du portefeuille de l’Industrie a alimenté l’idée d’une priorité accordée à la production et à l’outil industriel. Là encore, la prudence s’impose : l’origine ministérielle ne suffit pas à déduire une politique, mais elle donne un indice sur le type de profil placé à la coordination gouvernementale. Et dans le remaniement, la bascule à l’énergie vers un ancien dirigeant de Sonelgaz peut être lue comme un choix de gestionnaire pour un secteur complexe, même si les objectifs exacts ne peuvent être affirmés qu’à partir de textes et décisions officiels détaillés.

Sur l’énergie, l’équation est double. D’un côté, la rente et les recettes issues des hydrocarbures et du secteur énergétique restent essentielles, ce qui impose des arbitrages sur l’investissement, la maintenance, les infrastructures et les relations commerciales. De l’autre, la diversification — souvent évoquée comme priorité dans les analyses — suppose de développer d’autres moteurs : industrie, agriculture, services, économie numérique, transformation, exportations hors hydrocarbures. Reuters rappelle cette tension en la formulant comme un effort de diversification face à des défis sociaux et économiques persistants.

Enfin, il y a la dimension de représentation. Un Premier ministre, en Algérie, est attendu sur la gestion de la machine gouvernementale, mais aussi sur la capacité à porter une parole cohérente, à incarner une équipe, et à être le point de contact dans des cadres bilatéraux. La visite en Tunisie, en décembre, intervient dans ce registre : montrer un exécutif présent, capable de tenir les formats institutionnels et d’organiser un volet économique en parallèle.

Au terme de cette séquence 2025, un constat s’impose, documenté par les sources disponibles : Sifi Ghrieb est passé, en quelques mois, d’un ministère sectoriel à la direction de l’ensemble de l’appareil gouvernemental, d’abord par l’intérim, puis par une nomination officielle et la formation d’un nouveau gouvernement. La suite dépendra, comme souvent, moins des symboles de nomination que de la capacité à produire des décisions, à les faire appliquer, et à répondre aux contraintes économiques, sociales et énergétiques qui structurent l’agenda algérien.

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