Qui est Brahim Merad, l’homme politique ?

Le remaniement gouvernemental annoncé à la mi-septembre 2025 en Algérie a acté la création – ou, plus exactement, la consécration au rang ministériel – d’un portefeuille centré sur l’Inspection des services de l’État et des collectivités locales. À sa tête, Brahim Merad, figure issue de l’appareil administratif et ancien titulaire du ministère de l’Intérieur. Sa nomination intervient dans un contexte où l’exécutif met en avant, depuis plusieurs années, des objectifs de suivi de l’action publique, d’amélioration des services rendus aux citoyens et de contrôle du fonctionnement des administrations et structures locales. Le passage d’une inspection rattachée à la Présidence à un ministre d’État dédié reconfigure la place de cet outil dans l’architecture gouvernementale et, surtout, souligne la sensibilité politique d’un champ longtemps cantonné aux mécanismes internes de vérification et d’évaluation.

Une nomination actée dans le remaniement de septembre 2025

Le 15 septembre 2025, la liste du gouvernement conduite par le Premier ministre Sifi Ghrieb est rendue publique par les services du Premier ministre. Parmi les postes détaillés figure Brahim Merad, nommé « ministre d’État chargé de l’Inspection des services de l’État et des collectivités locales ».

Ce point mérite attention pour deux raisons. D’abord, parce qu’il entérine un changement d’affectation : Brahim Merad occupait jusque-là un rôle central dans l’exécutif en tant que ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, fonction qu’il a exercée à partir de septembre 2022. Ensuite, parce qu’il associe le périmètre de l’inspection à un rang de ministre d’État, un intitulé qui, dans la pratique gouvernementale, signale généralement la priorité politique accordée à un dossier ou à une mission.

Les comptes rendus de presse publiés dans la foulée du remaniement décrivent cette évolution comme une promotion et insistent sur la singularité du portefeuille. Une revue de presse institutionnelle datée du lundi 15 septembre 2025 évoque explicitement le passage de Brahim Merad « de l’Intérieur à l’Inspection des services de l’État et des Collectivités locales » au titre des promotions retenues lors de la recomposition gouvernementale. D’autres titres de presse nationale, au même moment, relèvent la dimension inédite ou, à tout le moins, la mise en avant de cette fonction d’inspection au sein d’un gouvernement resserré autour de priorités de continuité et de pilotage.

Sur le plan strictement institutionnel, la nomination de Brahim Merad doit donc se lire comme l’intégration, au cœur de l’exécutif, d’un outil de contrôle et d’évaluation qui existait déjà sous une autre forme. La question n’est pas seulement celle d’un nom ou d’un intitulé, mais celle d’un changement de statut : de l’organe d’inspection placé sous l’autorité de la Présidence à une responsabilité portée politiquement par un ministre d’État, dans une logique de coordination avec le gouvernement.

De quoi parle-t-on exactement : le cadre juridique de l’Inspection générale

Avant d’être un portefeuille ministériel, l’Inspection générale des services de l’État et des collectivités locales a été structurée par un texte de référence : le décret présidentiel n° 21-540 du 28 décembre 2021, publié au Journal officiel. Ce décret fixe « les attributions, l’organisation et le fonctionnement » de l’inspection, et la place explicitement « sous l’autorité du Président de la République ».

Le texte décrit l’inspection comme un organe d’« inspection et de contrôle d’urgence, à tout moment », portant sur le fonctionnement des services de l’État – administrations, institutions, organismes publics – ainsi que sur les collectivités locales, et s’étendant à la mise en œuvre des politiques publiques et à leur évaluation. L’énoncé est large et, par construction, transversal : il ne s’agit pas d’un contrôle sectoriel (santé, finances, éducation), mais d’un mécanisme susceptible d’intervenir sur les modes d’organisation, l’exécution des directives et, plus globalement, la qualité de la réponse administrative.

Le décret encadre aussi le périmètre par des exclusions : les missions ne concernent pas, selon l’article 3, les services et organismes de sécurité, les services et établissements relevant du ministère de la Défense nationale, ni les activités juridictionnelles. Ces limites posent le cadre d’un contrôle administratif élargi, mais non illimité, et évitent que l’Inspection générale ne se substitue à des chaînes de commandement ou à des pouvoirs constitutionnels distincts.

Sur le plan opérationnel, le texte précise l’existence de structures internes dédiées, dont un département chargé du suivi de l’application des instructions présidentielles et du contrôle de l’application des lois et règlements. Cette mention n’est pas anodine : elle relie l’inspection à un double registre – l’exécution des orientations au sommet de l’État et la conformité administrative – et lui confère une vocation de vérification qui dépasse la simple évaluation de performance.

Dans l’espace médiatique algérien, plusieurs publications rappellent ce socle juridique en mettant en avant la capacité de l’inspection à conduire des missions « inopinées ou annoncées » et à vérifier l’application de la réglementation régissant le fonctionnement des services de l’État et des collectivités locales. Certaines relaient aussi l’idée que l’inspection peut être mobilisée sur des situations particulières, dans le cadre d’investigations demandées au plus haut niveau.

Enfin, il existe un jalon politique antérieur à la création du portefeuille ministériel : l’installation, début janvier 2022, d’une inspection relevant de la Présidence, dont les prérogatives s’étendent à de nombreux secteurs (avec les exclusions déjà citées). Des médias ont alors rapporté un communiqué de la Présidence décrivant l’extension des prérogatives et l’exception faite de la Défense nationale et des activités juridictionnelles. À l’époque, l’événement est interprété comme la mise en place d’une instance de contrôle à larges attributions.

Brahim Merad : un parcours ancré dans l’administration territoriale

La trajectoire de Brahim Merad est, d’abord, celle d’un haut responsable administratif. Selon les éléments de biographie publiés par le ministère de l’Intérieur, il est né le 22 août 1953 à Batna, est diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) et a occupé une série de fonctions dans l’administration territoriale, notamment comme wali dans plusieurs wilayas. La même source mentionne qu’il est marié et père de cinq enfants.

Son expérience est marquée par des postes de terrain, avant son entrée dans les fonctions politiques de premier plan. Les biographies disponibles en sources publiques rappellent qu’il a été wali dans différentes régions et qu’il a également été chargé de mission à la Présidence de la République, notamment sur le dossier des « zones d’ombre ». Il est ensuite nommé Médiateur de la République en mai 2021, avant d’être appelé au gouvernement.

Le 9 septembre 2022, Brahim Merad devient ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire. L’annonce de sa prise de fonctions à l’époque met en avant son profil de gestionnaire public : un diplômé de l’ENA, plusieurs fois wali, passé par des responsabilités à la Présidence, puis par une fonction de médiation, avant d’hériter d’un portefeuille régalien et fortement exposé.

Sa nomination en septembre 2025 à un ministère d’État chargé de l’Inspection des services de l’État et des collectivités locales prend, dans cette perspective, un relief particulier. Son parcours l’a placé au contact direct des circuits administratifs locaux – wilayas, daïras, services déconcentrés – et de la logique de coordination entre l’État central et les collectivités. Le champ couvert par l’inspection, tel que défini par le décret de 2021, s’inscrit précisément dans ce continuum : le fonctionnement des administrations et organismes publics, la qualité des services rendus, la conformité aux règles, et l’évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques.

Autrement dit, la désignation d’un ancien ministre de l’Intérieur à ce poste peut être lue comme un choix de continuité administrative : confier à une personnalité rompue aux mécanismes territoriaux une mission qui consiste à observer, contrôler et évaluer ces mêmes mécanismes, mais depuis un angle davantage centré sur l’inspection.

L’inspection des services de l’État et des collectivités : un enjeu de gouvernance de proximité

Le champ de l’inspection concerne, par définition, les structures au contact des citoyens : administrations, institutions, organismes publics, collectivités locales et structures qui leur sont rattachées. Dans un pays où l’organisation territoriale repose sur un maillage de wilayas et de services déconcentrés, la question de la qualité des prestations administratives, de l’exécution des directives, et du respect des procédures n’est pas seulement technique : elle touche directement au rapport entre l’État et les usagers.

Le décret présidentiel de décembre 2021 explicite l’idée de « qualité des prestations » au regard des besoins et attentes des usagers et citoyens, en mentionnant cet objectif dans la définition des missions. Il introduit ainsi une dimension qui dépasse la conformité juridique : l’inspection n’est pas seulement un organe qui vérifie si une règle est appliquée, mais aussi un outil qui peut apprécier si les services répondent effectivement à une demande publique.

Cette orientation se reflète dans les lectures médiatiques qui ont accompagné la montée en puissance du dispositif. Des journaux soulignent que l’inspection générale est appelée à agir comme un « contrôleur de la bonne gouvernance », capable d’intervenir à tout moment. Ils insistent également sur son rôle de vérification de l’application de la législation et de la réglementation encadrant le fonctionnement des services de l’État, des organismes publics et des collectivités locales.

Dans la pratique, ce type d’organe se situe à la jonction de plusieurs attentes : l’efficacité de l’administration, la lutte contre les dysfonctionnements, la prévention de dérives de gestion, et la capacité à mesurer l’exécution réelle des politiques publiques, au-delà des annonces et des textes. Le décret de 2021, en évoquant à la fois le contrôle du fonctionnement des services et l’évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques, installe précisément cette double perspective.

Le passage au rang ministériel, en septembre 2025, peut aussi être compris comme une réponse à la complexité des administrations locales : quand une inspection dépend d’un organe central (la Présidence), elle fonctionne selon une logique de mandat et de mission ; quand elle devient un ministère d’État, elle entre dans la dynamique politique du gouvernement, avec des relations quotidiennes aux autres départements ministériels et une visibilité plus directe sur l’agenda public.

Quels défis pour Brahim Merad à la tête de ce nouveau ministère d’État

La feuille de route exacte du ministre d’État chargé de l’Inspection des services de l’État et des collectivités locales n’est pas un programme publié sous forme d’engagements chiffrés dans les sources consultées ; ce qui est établi, en revanche, c’est le cadre juridique (décret de 2021), la logique d’intervention (inspection et contrôle à tout moment) et le périmètre (services de l’État et collectivités, hors sécurité, défense et juridictionnel). Dès lors, les défis se dessinent à partir de ce que ce cadre rend possible, et de ce que la transformation institutionnelle implique.

Premier défi : articuler un organe d’inspection placé, historiquement et juridiquement, sous l’autorité présidentielle avec une responsabilité ministérielle. Le décret de 2021 affirme la tutelle de la Présidence sur l’inspection générale. La nomination de septembre 2025, annoncée dans la composition gouvernementale, introduit un acteur politique supplémentaire : un ministre d’État chargé de ce dossier. Dans l’architecture institutionnelle, cela suppose une clarification des circuits de mission, de remontée d’information et de coordination interministérielle.

Deuxième défi : transformer des constats d’inspection en améliorations mesurables du service public. Le texte fondateur lie l’inspection à la qualité des prestations et à l’évaluation des politiques publiques. Mais un rapport d’inspection, aussi précis soit-il, n’a d’effet durable que s’il débouche sur des corrections : procédures révisées, organisation clarifiée, décisions de gestion, ou réorientation de certaines pratiques. La capacité à enclencher ces suites dépend, en général, de la coopération des administrations contrôlées et de la force de coordination au niveau central.

Troisième défi : couvrir un terrain très vaste sans diluer l’action. Les « services de l’État » et les « collectivités locales » recouvrent un ensemble hétérogène : administrations centrales et déconcentrées, organismes publics, structures locales. La tentation, dans un tel cadre, est de multiplier les missions ; l’enjeu, pour une inspection efficace, est de prioriser : cibler des secteurs à risque, des zones à forte demande citoyenne, ou des situations signalées comme problématiques, tout en conservant une capacité de contrôle inopiné.

Quatrième défi : garantir la crédibilité et l’acceptabilité de l’inspection. Une inspection qui intervient « à tout moment » peut être perçue, selon les cas, comme un outil d’amélioration ou comme une pression administrative. Sa crédibilité se joue dans la rigueur des méthodes, la traçabilité des constats, la cohérence des recommandations et la capacité à distinguer les dysfonctionnements structurels des responsabilités individuelles.

Cinquième défi : faire du passage au rang ministériel autre chose qu’un changement d’étiquette. La presse qui a commenté la création du portefeuille insiste sur l’importance accrue accordée à l’organe d’inspection. Mais la portée réelle se mesurera, dans le temps, à la capacité du ministère d’État à instaurer une dynamique de suivi et de correction, à s’inscrire dans un pilotage plus large de l’action publique, et à s’articuler avec les autres départements en charge des politiques sectorielles.

À ce stade, une chose est certaine : la nomination de Brahim Merad, annoncée le 15 septembre 2025 dans la composition du gouvernement, place un responsable rompu à l’administration territoriale au cœur d’un dispositif dont le texte fondateur, daté du 28 décembre 2021, confère des missions étendues d’inspection, de contrôle et d’évaluation du fonctionnement des services publics et des collectivités locales. Le reste – l’empreinte concrète sur la gouvernance locale et la qualité des services – dépendra de la manière dont ce cadre sera mobilisé et des suites données aux constats dressés sur le terrain.

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