Qui est João Borges, l’homme politique ?

Longtemps resté dans l’ombre des grandes figures partisanes, João Baptista Borges s’est imposé au fil des années comme l’un des visages durables de l’exécutif angolais. À la tête d’un portefeuille stratégique – l’énergie et l’eau – il incarne une continuité rare dans un pays où les enjeux d’électrification, d’accès à l’eau potable, d’investissements publics et de gouvernance des infrastructures pèsent sur la vie quotidienne, l’économie et la stabilité sociale.

Son profil détonne aussi par sa trajectoire technique : ingénieur de formation, enseignant dans le supérieur, passé par des responsabilités de gestion dans l’entreprise de distribution d’électricité de Luanda, avant d’entrer au gouvernement. Ce parcours explique en partie la manière dont il est présenté par les institutions : un responsable “de secteur”, plus qu’un tribun. Mais cette longévité ministérielle s’accompagne, comme souvent pour les postes exposés, d’une lecture contrastée, entre annonces d’investissements, chantiers structurants et controverses relayées par la presse.

Un parcours d’ingénieur devenu homme d’État

Les biographies institutionnelles s’accordent sur un point : João Baptista Borges appartient à cette génération de cadres angolais formés à l’ingénierie, appelés ensuite à piloter l’État dans des domaines très concrets. Selon le portail officiel du gouvernement angolais, il est né le 4 janvier 1964, originaire de la province de Luanda, et a suivi une formation dans l’électricité avant d’obtenir un diplôme d’ingénierie électrotechnique à l’Université Agostinho Neto (UAN).

Le même document public met en avant un cursus complété plus tard par un master en ingénierie électrotechnique et informatique à l’Universidade Nova de Lisboa, au Portugal. Dans l’architecture des biographies officielles, ce détail est important : il soutient l’idée d’une expertise technique, au moment même où l’Angola cherche à moderniser ses réseaux et à améliorer la desserte des populations.

Avant l’entrée au gouvernement, le récit institutionnel insiste aussi sur l’enseignement : il a été “docente” (enseignant) à la Faculté d’ingénierie de l’UAN, notamment dans des matières liées à la technologie des matériaux électriques. Cette dimension universitaire est reprise par d’autres présentations officielles ou para-institutionnelles, qui décrivent un profil à la frontière entre formation, administration et conduite de projets.

À ces éléments s’ajoute un ancrage dans la filière électrique de la capitale. Le portail du gouvernement retrace une progression au sein d’EDEL (entreprise de distribution d’électricité de Luanda), où Borges occupe des fonctions de responsabilité dans l’investissement, la technique et la direction, jusqu’à présider le conseil d’administration. De son côté, l’African Ministers’ Council on Water (AMCOW) résume cette trajectoire en soulignant des postes successifs au sein de l’entreprise, puis la bascule vers l’appareil gouvernemental.

Une longévité exceptionnelle au ministère de l’Énergie et des Eaux

Dans la plupart des systèmes politiques, l’énergie et l’eau sont des secteurs où la continuité peut être recherchée, mais rarement incarnée par une seule personne sur une durée aussi longue. Dans le cas de João Baptista Borges, les sources convergent : il a d’abord été vice-ministre de l’Énergie (2008-2010), puis secrétaire d’État à l’Énergie (2010-2011), avant d’être nommé ministre en charge de l’Énergie et des Eaux.

Le portail officiel du gouvernement angolais détaille explicitement les étapes et les périodes : vice-ministre, puis secrétaire d’État, puis ministre, avec une présence au gouvernement prolongée sur plusieurs cycles politiques. L’AMCOW insiste, elle, sur le fait qu’il a conservé le portefeuille ministériel depuis 2011, y compris à travers la transition entre deux présidents angolais, José Eduardo dos Santos et João Lourenço.

Cette longévité donne une clé de lecture : Borges n’est pas seulement un “ministre de passage”, mais un responsable associé à la structuration d’un secteur. Cela se traduit dans les missions décrites par l’AMCOW : formulation des politiques, régulation, efforts d’extension d’accès aux services, et amélioration des opérations des services publics.

Dans un pays où l’accès à l’électricité demeure inégal selon les territoires, cette dimension est particulièrement sensible. Un communiqué de l’entreprise Masdar, au moment d’un accord autour d’un projet solaire, rappelle par exemple que moins de la moitié de la population angolaise a accès à l’électricité, et que la proportion est plus faible encore dans les zones rurales. Même si cette donnée figure ici dans une communication d’entreprise, elle sert à contextualiser les objectifs affichés par les autorités : accroître le taux d’électrification, renforcer les capacités et réduire les déséquilibres entre Luanda et l’intérieur.

Dans les prises de parole publiques relayées sur des sites institutionnels, on retrouve cette même logique : insister sur l’extension du réseau, la modernisation des infrastructures, l’orientation vers les renouvelables et la gestion de l’eau comme enjeu de développement. Par exemple, le site de l’ambassade d’Angola au Nigeria rapporte une interview où le ministre évoque l’expansion du réseau électrique, des projets d’énergie renouvelable, ainsi que des politiques de gestion des ressources hydriques.

La diplomatie de l’eau et de l’énergie : annonces, chiffres et priorités

Au-delà des chantiers nationaux, João Baptista Borges apparaît régulièrement dans les séquences internationales où l’eau et l’énergie sont traitées comme des priorités de développement, de santé publique et de climat. En mars 2023, il représente l’Angola à la Conférence des Nations unies sur l’eau à New York, comme le confirme une photographie officielle des Nations unies indiquant son intervention en tant que ministre de l’Énergie et de l’Eau de l’Angola.

Cette séquence est particulièrement documentée par un texte publié sur le site des Objectifs de développement durable de l’ONU : une déclaration attribuée au ministre, au nom de l’Angola, dans le cadre de la conférence. Le document, à vocation diplomatique, met l’accent sur le contexte de changement climatique et sur la valeur stratégique de l’eau, tout en rappelant des références internationales, dont la résolution 64/292 de l’Assemblée générale des Nations unies (2010) qui reconnaît l’accès à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit humain fondamental.

Mais ce sont surtout les chiffres annoncés qui retiennent l’attention, car ils donnent un ordre de grandeur des engagements publics revendiqués. Le texte indique que, pour la période 2023-2027, les investissements en approvisionnement en eau devraient dépasser 4 milliards de dollars, avec la mise en œuvre de nouveaux systèmes de captage, traitement et distribution. Toujours selon cette déclaration, l’objectif est notamment d’augmenter la disponibilité d’eau (avec une estimation chiffrée en volume quotidien), de connecter 1,6 million de familles au réseau, et de faire progresser la consommation moyenne par habitant de 40 litres par jour à 70 litres par jour.

Le document situe aussi cette politique dans un horizon de planification : il mentionne l’existence d’un “National Water Plan” en vigueur jusqu’en 2040, présenté comme l’outil de planification principal pour assurer une gestion durable et des bénéfices pour l’ensemble de la population. Il évoque également un volume d’investissements sur la période 2017-2022 chiffré à 1,937 milliard de dollars, et fait état d’un taux moyen d’accès de 60% pour les populations urbaines et rurales, dans un pays alors estimé à 30 millions d’habitants dans le texte.

Ces annonces sont reprises dans des articles d’actualité, notamment en langue anglaise, qui relaient l’idée d’investissements “de plus de 4 milliards” dans l’approvisionnement en eau, associée à l’intervention du ministre à la conférence. Elles sont aussi mentionnées dans des médias angolais, comme la Rádio Nacional de Angola, qui souligne sa présence à la conférence et le fait qu’il y représentait le chef de l’État.

Sur le volet énergie, un autre moment international important se joue à la COP28, lors d’un accord autour d’un projet solaire. Masdar annonce la signature d’un accord de concession pour développer une centrale solaire de 150 MW en Angola, avec la signature du ministre angolais et du directeur général de l’entreprise. La présentation de l’entreprise relie explicitement ce projet à des objectifs d’électrification et à l’idée d’une transition énergétique “juste”.

Un acteur du pouvoir angolais, entre technocratie et politique

Même si l’image projetée est largement technocratique, João Baptista Borges est bien un homme politique au sens plein : il appartient à l’exécutif, évolue dans l’appareil d’État et, d’après des biographies publiques, s’inscrit dans le champ partisan angolais. Certaines sources biographiques générales le décrivent comme membre du MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola), parti au pouvoir depuis l’indépendance, et mentionnent sa place dans ses structures.

Dans l’espace public, sa manière d’exister politiquement tient souvent à l’interface entre décisions gouvernementales et résultats visibles : coupures d’électricité, extension des réseaux, politiques tarifaires, qualité de service. Les biographies institutionnelles, elles, cadrent surtout son action comme une succession de programmes : restructuration du secteur, régulation, plans, chantiers.

L’ambassade d’Angola au Nigeria, en relayant des propos du ministre, insiste sur les thèmes attendus : accessibilité, durabilité, modernisation des infrastructures, investissements stratégiques et partenariats avec des entreprises internationales. L’intérêt de ce type de communication est qu’il montre la “ligne” officielle : parler au nom de l’État, mettre en scène l’orientation générale, rassurer sur la trajectoire, et afficher une capacité à agir dans les zones éloignées, souvent les plus pénalisées.

Le lien entre eau et énergie, dans un pays où les infrastructures sont interdépendantes, apparaît aussi dans les forums où il est présent. L’AMCOW, qui se situe à la croisée des politiques africaines de l’eau, présente Borges comme l’un des responsables ayant “piloté” l’élaboration de politiques et de cadres réglementaires, et l’extension de l’accès. Cette dimension régionale est importante : dans de nombreux pays, l’eau se gère aussi à l’échelle des bassins, des frontières, des commissions et des accords, et ce sont souvent les mêmes ministères qui dialoguent sur les projets structurants.

Polémiques, enquêtes et exigence de redevabilité

Comme souvent pour les portefeuilles liés aux grands contrats, aux infrastructures et à la dépense publique, l’action d’un ministre se lit aussi à travers les controverses. Sur ce terrain, il faut distinguer les allégations, les enquêtes, les procédures et les condamnations éventuelles. À ce stade, certains éléments largement cités relèvent d’informations d’enquête ou d’investigations journalistiques.

En janvier 2021, le média économique Expansão publie un article indiquant que le ministère public portugais a ouvert une enquête visant João Baptista Borges, pour des soupçons de blanchiment de capitaux, et que l’information s’inscrit dans une investigation relayée par la chaîne TVI, évoquant des montages d’entreprises et des contrats. L’article attribue ces informations à une enquête journalistique fondée sur la consultation de fichiers associés à un consortium international de journalistes d’investigation, et décrit des circuits d’entreprises et des soupçons ayant conduit à l’ouverture d’un dossier.

Ces sujets, lorsqu’ils émergent dans l’espace public, alimentent une tension classique : d’un côté l’État affiche des plans, des milliards d’investissements, des objectifs de raccordement et de production ; de l’autre, la société civile et les médias rappellent que les mêmes secteurs sont exposés aux risques de conflit d’intérêts, de surcoûts et de manque de transparence.

Dans un pays où les attentes sont fortes – parce que l’eau et l’électricité conditionnent la santé, l’éducation, l’activité économique, le stockage alimentaire ou la sécurité – la redevabilité est un enjeu politique majeur. La question n’est pas seulement de savoir si des projets existent, mais s’ils arrivent au bon endroit, dans les délais, avec les coûts annoncés, et si la gouvernance limite les dérives. À cet égard, les controverses autour d’un ministre au long cours ne sont pas anecdotiques : elles pèsent sur la confiance publique et sur la crédibilité des politiques affichées.

Dans ses interventions internationales, Borges a insisté sur l’augmentation des investissements et sur des objectifs quantifiés de raccordement et de consommation d’eau. La dimension politique se situe alors dans l’écart possible entre promesse et réalisation : l’annonce engage le gouvernement, et donc le ministre, sur un terrain mesurable. De la même manière, lorsqu’un accord de projet renouvelable est signé en marge d’une conférence climatique, il devient une pièce du bilan politique : l’accord doit se traduire en chantier, en production, en amélioration de l’accès.

Enfin, la longévité peut être lue de deux façons. Pour les uns, elle garantit une continuité et une mémoire des dossiers, une capacité à porter des réformes réglementaires et des programmes d’investissement dans la durée. Pour d’autres, elle peut cristalliser les critiques, en associant un même responsable à des défaillances persistantes ou à des controverses récurrentes. Les sources institutionnelles, elles, défendent naturellement la première lecture, en soulignant l’expertise et les priorités sectorielles.

Au final, João Baptista Borges apparaît comme une figure typique d’un pouvoir qui gouverne par les infrastructures : un ministre au cœur des politiques publiques les plus sensibles, qui parle chiffres, plans et investissements, et dont la trajectoire, à la fois technique et politique, le place au centre des espoirs comme des critiques. Ce n’est pas seulement un “ministre de l’énergie et de l’eau” ; c’est, par la nature même de ses dossiers, un acteur qui touche à la vie quotidienne, et dont les choix – ou les controverses – résonnent bien au-delà des cercles gouvernementaux.

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