Nommé au gouvernement en septembre 2022, Carlos Alberto Gregório dos Santos occupe un portefeuille très exposé en Angola : les Travaux publics, l’Urbanisme et le Logement. Derrière l’intitulé, un ministère qui touche au quotidien — routes, ponts, infrastructures, accès au logement — et qui concentre, inévitablement, des attentes fortes, des arbitrages budgétaires lourds et une attention politique permanente. À la différence de figures au parcours d’élu local ou parlementaire, l’homme apparaît d’abord comme un technicien de l’appareil d’État, passé par des fonctions administratives et par un rôle de secrétaire d’État avant d’accéder au rang de ministre. Les sources publiques disponibles dessinent un profil précis sur l’état civil, la formation et les fonctions occupées ; elles éclairent aussi les priorités affichées par son département. Elles laissent enfin entrevoir les zones de controverse qui entourent régulièrement la gestion du foncier et des grands projets d’infrastructures en Angola, terrain propice aux accusations et aux demandes de transparence.
Un profil institutionnel : naissance à Luanda, formation en économie et management, carrière d’enseignant
Selon la biographie publiée sur le portail officiel du gouvernement angolais, Carlos Alberto Gregório dos Santos est né le 1er mars 1968, dans la province de Luanda. Il est présenté comme fils de Mateus Gregório dos Santos et d’Adelaide José António da Silva.
Sur le plan académique, les informations officielles mettent en avant un cursus tourné vers l’économie et la gestion : licence en sciences économiques à l’Universidade Nova de Lisboa (1996), master en management à la Fundação Getulio Vargas, au Brésil (2001), et statut de doctorant en économie à l’Institut universitaire de Lisbonne (2021).
À ces diplômes s’ajoutent des formations professionnelles spécialisées, également mentionnées dans la biographie gouvernementale et reprises par un profil de conférence internationale : spécialisation en marchés/contrats de travaux publics (2010), spécialisation en gestion des infrastructures et de l’environnement (2000), et formation de type post-graduation en management de direction (1998).
Enfin, une dimension revient régulièrement dans les notices : l’enseignement supérieur et la prise de parole technique. Il est décrit comme professeur assistant (ou enseignant-chercheur de rang équivalent, selon les traductions) dans des universités angolaises — notamment l’Université catholique d’Angola et une université privée — et comme intervenant dans des séminaires et ateliers sur le développement durable, la gestion d’infrastructures, la gestion de projets et les programmes d’investissement public.
De secrétaire d’État à ministre : une montée en responsabilité en pleine séquence politique angolaise
La trajectoire gouvernementale explicitement documentée est courte mais structurée : Carlos Alberto Gregório dos Santos a été secrétaire d’État aux Travaux publics de 2019 à 2022, avant d’être nommé ministre des Travaux publics, de l’Urbanisme et du Logement, avec une date de nomination indiquée au 16 septembre 2022.
Ce passage de secrétaire d’État à ministre n’est pas anodin : il signale en général une continuité de dossiers et une volonté de garder une main stable sur des chantiers pluriannuels. Les infrastructures routières, les ponts, les programmes de maintenance et les projets de logement s’inscrivent sur des cycles longs, rarement compatibles avec des changements fréquents de cap administratif. Les éléments publics disponibles ne donnent pas, en revanche, le détail des arbitrages internes qui ont conduit à ce choix, ni la part respective de l’expertise et du rapport de force politique.
Dans les bases et profils accessibles en ligne, son nom apparaît comme celui du titulaire du ministère des Travaux publics, de l’Urbanisme et du Logement, y compris dans des listes de composition gouvernementale.
Enfin, l’exposition internationale du ministre se lit aussi dans sa présence sur des événements dédiés au financement des infrastructures, où il est présenté comme ministre angolais en charge des travaux publics, de l’urbanisme et du logement.
Routes, ponts, corridors : les priorités affichées d’un ministère structurant
La façon la plus concrète d’approcher l’action d’un ministre des Travaux publics se mesure souvent à travers des chiffres de réseau, des calendriers de travaux et des priorités géographiques. Lors d’une audition parlementaire rapportée par la presse angolaise en mai 2024, Carlos Alberto Gregório dos Santos a présenté une “radiographie” du secteur, en lien avec l’exécution des projets d’infrastructures inscrits au budget de l’État (OGE 2024) et au Programme d’investissements publics. Selon ce compte rendu, sur 312 projets inscrits et approuvés, 99 étaient annoncés comme déjà conclus, avec un accent sur les infrastructures routières.
Toujours d’après cette même source, le ministre a donné des chiffres de réseau : 27 600 km pour les routes nationales, avec 11 400 km annoncés comme déjà réalisés (41,3 %), et 51 700 km pour un ensemble désormais qualifié de routes municipales, dont 15 100 km annoncés comme réalisés (29 %). Au-delà des pourcentages, ces données illustrent un double enjeu : l’extension du réseau et la capacité de maintenance, souvent plus coûteuse politiquement car moins “visible” qu’un ruban coupé lors d’une inauguration.
La logique des “corridors” est aussi mise en avant : le compte rendu cite des priorités telles que l’axe Nord–Sud, la connexion routière vers la Namibie et la République démocratique du Congo, ainsi que des corridors structurants comme celui de Luanda (vers Zaire, Soyo, Cabinda, avec des connexions régionales), le corridor de Lobito (vers la RDC et la Zambie), celui de Malanje (vers la RDC) et celui du Namibe (vers la Namibie et la Zambie). Le ministre y associe des niveaux d’exécution évoqués comme supérieurs à 54 % pour chacun de ces corridors.
Sur le volet des ouvrages d’art, un autre point souligné dans le même article est l’accord évoqué avec les États-Unis pour la construction, l’acquisition et l’installation de 186 ponts métalliques destinés à répondre à des besoins prioritaires dans les 18 provinces. Le texte insiste aussi sur l’idée de contrôle qualité, via un laboratoire d’ingénierie, présenté comme utile pour l’expertise pendant et après les travaux.
Logement et “centralités” : un ministère attendu sur la vie quotidienne
Le portefeuille de Carlos Alberto Gregório dos Santos ne se limite pas aux routes. Il recouvre aussi l’urbanisme et le logement, deux thèmes sensibles dans une capitale comme Luanda et, plus largement, dans un pays où la pression démographique et les besoins en infrastructures sociales pèsent sur l’aménagement. Dans le compte rendu de mai 2024, le ministre est cité sur la priorité de finaliser des “centralités” en cours — ces ensembles d’habitat planifié — et sur l’orientation vers l’autoconstruction encadrée, avec mise à disposition de terrains, progressivement viabilisés, visant à donner aux citoyens un lot “avec sécurité juridique”.
Le même texte évoque aussi les difficultés de drainage et d’assainissement dans des centralités de Luanda : le ministre y reconnaît l’existence de problèmes, tout en indiquant la mise en place d’une équipe chargée de trouver une solution “définitive”. Ce point, très technique en apparence, est politiquement explosif : l’assainissement défaillant transforme la promesse d’un logement moderne en source de mécontentement quotidien.
À l’échelle provinciale, un article du gouvernement provincial du Bengo rapporte une visite de travail effectuée le 21 octobre 2023. Objectif : des ajustements organisationnels entre le ministère, le gouvernement provincial et l’entreprise chargée d’un projet de “centralité” à Bucula, avec une inauguration annoncée pour le mois suivant. Le texte précise également que cette centralité devait, une fois entièrement achevée, compter environ mille appartements et 70 commerces, ainsi que divers équipements sociaux (écoles, poste médical, police, terrains de sport).
Ces éléments donnent un aperçu de la méthode classique d’un ministère du bâti : réunions tripartites, visites de chantier, promesses d’équipements collectifs. Ils disent aussi, en creux, le risque récurrent des calendriers : retards, renégociations et variations de financement, autant de sujets que les sources consultées n’objectivent pas à elles seules, mais qui structurent l’expérience vécue des populations lorsque des programmes de logement s’étirent dans le temps.
Péages, contrôle parlementaire et controverses : l’épreuve de la transparence
Le contrôle parlementaire constitue un moment clé pour un ministre des Travaux publics. Dans le compte rendu de mai 2024, une séquence retient l’attention : la question des péages. Selon l’article, Carlos Alberto Gregório dos Santos défend l’idée du péage comme source de revenus pour l’État et pour financer la conservation et la maintenance des routes. Mais il rappelle aussi que la Constitution impose à l’État de garantir le libre accès des personnes et des biens, et qu’ainsi il ne faudrait pas faire payer sur les routes nationales en l’absence d’itinéraires alternatifs, qui ne seraient choisis que pour des raisons de confort, de rapidité ou de sécurité. Il est aussi rapporté qu’il accepte l’idée d’une consultation plus large sur le sujet, proposée par des parlementaires.
Au-delà des péages, la question de la maintenance revient comme une priorité déclarée. L’article mentionne l’impact des pluies, les effondrements de ponts et le phénomène des ravines, décrits comme une inquiétude pour le secteur, avec une intention d’intervention “structurée” pendant la saison sèche.
Reste l’angle le plus délicat : celui des soupçons et accusations qui, dans de nombreux pays, accompagnent les politiques de grands travaux, de foncier et d’urbanisme. Un article publié le 9 décembre 2025 sur le site d’investigation Maka Angola évoque des accusations graves de manipulation de registres, de fabrication de procédures et de forte sous-évaluation d’un terrain public, dans un schéma présenté comme visant une redistribution à des sociétés-écrans liées au pouvoir. Le texte situe l’un des épisodes au 3 février 2020, en évoquant la renonciation par une entreprise (Union Cervejeira de Angola) à un droit de superficie portant sur 82,6 hectares, et décrit ensuite, selon l’auteur, des irrégularités autour de la gestion et de la réattribution du terrain.
Il faut être rigoureux sur ce point : la publication consultée rapporte des allégations et une lecture accusatoire d’actes administratifs ; elle ne constitue pas, à elle seule, une décision de justice. Les sources ouvertes utilisées ici ne permettent pas d’établir, de façon documentée et contradictoire, l’issue judiciaire ou administrative de ces accusations, ni la position détaillée du ministère ou des personnes mises en cause. Ce constat de limite n’est pas secondaire : il illustre précisément le nœud politique du secteur. Lorsque les routes, les ponts et les logements engagent des montants considérables, la confiance publique dépend autant de la livraison des ouvrages que de la capacité à démontrer la conformité des procédures, la traçabilité des décisions foncières et la réalité des contrôles.
Pour Carlos Alberto Gregório dos Santos, l’équation est donc claire : d’un côté, des priorités affichées, chiffrées et discutées devant le Parlement — corridors, réseau routier, maintenance, ponts, centralités. De l’autre, un climat où les politiques d’infrastructures et d’urbanisme peuvent devenir, à tout moment, le théâtre d’accusations de mauvaise gouvernance, surtout lorsque le foncier est en jeu.
Dans cet entre-deux, le ministre apparaît, au vu des informations publiques disponibles, moins comme une figure partisane au sens classique que comme un gestionnaire de politiques publiques à haute intensité politique : celui qui doit convaincre sur les calendriers, arbitrer entre construction et entretien, et répondre, devant les députés comme devant l’opinion, à la question la plus sensible de toutes pour un ministère de ce type : qui bénéficie réellement des grands chantiers et du foncier, et selon quelles règles.



