Qui est Alassane Seïdou, l’homme politique ?

Médecin de formation, élu local devenu figure durable des gouvernements béninois, Alassane Seïdou s’est imposé au fil des années comme l’un des visages les plus constants de l’exécutif au Bénin. Né à Kandi, dans le nord du pays, il a bâti une trajectoire singulière, faite d’allers-retours entre terrain sanitaire, mandats électifs et portefeuilles ministériels variés. Cette polyvalence, parfois présentée comme une marque de confiance politique, a aussi nourri l’image d’un responsable rompu aux réorganisations administratives, passant de la santé aux infrastructures, puis à la décentralisation et, enfin, à l’intérieur et à la sécurité publique.

Aujourd’hui ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, fonction qu’il exerce depuis la mise en place du second gouvernement de Patrice Talon en mai 2021, il se retrouve au cœur d’enjeux sensibles : administration du territoire, libertés publiques, sécurité intérieure, organisation des scrutins et gestion de défis sécuritaires qui concernent tout le pays. Pour comprendre ce que représente Alassane Seïdou dans la vie publique béninoise, il faut remonter le fil d’un parcours où la médecine précède la politique, et où l’expérience locale a servi de tremplin vers des responsabilités nationales de premier plan.

Un médecin formé à Cotonou, passé par le terrain hospitalier

Avant d’être un responsable politique, Alassane Seïdou est d’abord un praticien. Né le 1er janvier 1958 à Kandi, il effectue ses études supérieures à la Faculté des sciences de la santé de Cotonou, où il obtient un doctorat en médecine en 1988. Dans les années qui suivent, il occupe des fonctions médicales qui l’inscrivent dans la réalité quotidienne des structures de soins. Il est notamment médecin-chef à la clinique Kombe à Parakou entre 1988 et 1996, puis à la clinique Zaman-Lahiya à Kandi entre 1999 et 2003.

Cette expérience de terrain précède et accompagne ses débuts politiques. Le médecin, confronté aux questions de prévention, d’accès aux soins et de fonctionnement des centres de santé, se situe à un carrefour où les politiques publiques prennent une dimension concrète. Des éléments biographiques publiés par les autorités béninoises indiquent qu’il a mené, dans les années 1990, des actions d’information auprès des populations sur des maladies non transmissibles, telles que le diabète ou l’hypertension.

Fait notable dans son itinéraire : alors que sa carrière politique est déjà engagée, il reprend des études. À partir de 2012, il se spécialise en gynécologie-obstétrique à l’Université de Ouagadougou (Unité de formation et de recherche en sciences de la santé), et obtient son diplôme en 2016. Cette double légitimité, médicale et institutionnelle, pèsera lors de sa nomination au ministère de la Santé, la même année, au début du premier mandat de Patrice Talon.

Des mandats électifs ancrés au nord : député puis maire de Kandi

L’entrée en politique d’Alassane Seïdou se fait par les urnes. Il est élu député à l’Assemblée nationale une première fois de 1996 à 1999, puis de nouveau de 2007 à 2008. Entre ces deux passages au Parlement, il s’inscrit dans la vie municipale : il devient maire de Kandi, de 2003 à 2007. Kandi, commune importante du département de l’Alibori, demeure un repère central de son parcours, puisqu’il y est né, y a exercé comme médecin et y a aussi construit sa base électorale.

Ce passage par la gouvernance locale est loin d’être anecdotique : il précède sa première entrée au gouvernement, et explique en partie son positionnement ultérieur sur les questions de décentralisation. En politique béninoise, les enjeux d’administration territoriale, d’autorités locales, de répartition des compétences et de gestion des communes constituent des sujets structurels. Le fait d’avoir été maire, puis d’être ensuite nommé à des portefeuilles liés à l’administration du territoire, dessine une continuité : Alassane Seïdou apparaît comme un profil qui connaît les collectivités de l’intérieur.

Sa trajectoire illustre également une forme de longévité : après une expérience parlementaire dans les années 1990, il revient au niveau national dans les années 2000, puis s’installe durablement dans l’exécutif. Cette progression, de la commune à l’État, raconte aussi une manière de faire carrière dans l’espace politique béninois : construire localement, puis être appelé à des fonctions gouvernementales.

L’entrée au gouvernement : la décentralisation sous Yayi Boni, puis une ascension dans l’ère Talon

Alassane Seïdou entre pour la première fois au gouvernement en 2008, sous la présidence de Thomas Boni Yayi. Il est alors nommé ministre de la Décentralisation, de la Gouvernance locale, de l’Administration et de l’Aménagement du territoire, poste qu’il occupe jusqu’en 2011. Ce premier passage ministériel confirme son tropisme pour les questions d’organisation territoriale et d’administration.

Après cette séquence, il réapparaît au premier plan en 2016, au moment où Patrice Talon arrive au pouvoir. Le 6 avril 2016, il est nommé ministre de la Santé. Il reste en poste jusqu’au 5 juin 2018. C’est une période où l’exécutif affiche des ambitions de réforme et où le portefeuille de la santé concentre des attentes fortes en matière d’offre de soins, d’équipements et de gestion hospitalière. Dans le débat public, cette période voit notamment des échanges autour des budgets du secteur, ainsi que des discussions sur l’organisation et la gestion de certaines structures hospitalières.

Le 5 juin 2018, nouveau changement : il devient ministre des Infrastructures et des Transports, succédant à Cyr Koty. Il occupe cette fonction jusqu’au 5 septembre 2019. Puis, à partir du 21 février 2019, il assure la fonction de ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance locale, dans un contexte de remaniements et de réaffectations au sein du gouvernement. Il reste à la tête de la décentralisation jusqu’au 26 mai 2021.

Cette succession de portefeuilles, en quelques années, contribue à la perception d’un ministre polyvalent, sollicité là où l’exécutif estime avoir besoin d’un profil d’expérience. Santé, infrastructures, décentralisation : trois secteurs distincts, mais tous liés à des politiques publiques structurantes, à des budgets importants et à des réformes administratives. Dans le paysage gouvernemental, Alassane Seïdou apparaît ainsi comme un responsable que l’on retrouve sur des ministères à forte exposition, y compris lorsqu’ils nécessitent une phase de transition.

Depuis 2021, l’Intérieur et la Sécurité publique : un ministère au cœur des équilibres institutionnels

Le 25 mai 2021, Patrice Talon signe le décret portant composition du gouvernement de son second mandat. Alassane Seïdou est alors nommé ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique. Il succède à Sacca Lafia et prend officiellement fonction lors d’une cérémonie de passation. Dans le système institutionnel béninois, ce ministère est stratégique : il traite à la fois de l’administration territoriale, de la sécurité intérieure et d’enjeux sensibles touchant aux libertés publiques, à la régulation de la vie associative et, plus largement, à l’ordre public.

Le contexte sécuritaire régional renforce le poids de ce portefeuille. La lutte contre le terrorisme et la sécurisation des zones frontalières figurent parmi les sujets régulièrement mis en avant par les autorités béninoises. Dans ses déplacements et prises de parole rapportés par des canaux institutionnels ou par la presse, le ministre a notamment exprimé le soutien du gouvernement aux forces de défense et de sécurité engagées sur le terrain, dans un cadre lié à la sécurité nationale.

Le ministère de l’Intérieur supervise aussi la Police républicaine, force unique de sécurité intérieure issue de la fusion de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Cette force a été créée par une loi de décembre 2017 et est entrée en vigueur au 1er janvier 2018. Même si la création précède sa nomination à l’Intérieur, son mandat s’inscrit dans la consolidation de cette architecture sécuritaire unifiée. Cela recouvre des enjeux de doctrine, d’équipement, de formation, de présence territoriale et d’organisation des unités.

Autre dimension : la question budgétaire, qui donne un indicateur de priorités. En novembre 2023, Alassane Seïdou présente devant la Commission budgétaire de l’Assemblée nationale le projet de budget 2024 de son département ministériel, annoncé à plus de 76 milliards de francs CFA. Au-delà du chiffre, ce type d’exercice est un moment politique : il s’agit de défendre une stratégie, d’expliquer des programmes, de répondre aux interrogations des députés et de justifier les moyens alloués à la sécurité et à l’administration du territoire.

Enfin, l’Intérieur est aussi le ministère de l’organisation administrative des scrutins et des relations avec certaines institutions ou agences impliquées dans l’identification et l’état civil. C’est un terrain où la politique et la technique se rencontrent, et où les décisions administratives peuvent provoquer des débats, notamment lorsqu’elles touchent à des nominations ou à des réformes institutionnelles. Ainsi, en 2023, le ministre intervient devant les députés lors d’échanges portant sur la nomination à la tête de l’Agence nationale d’identification des personnes (Anip), un sujet discuté publiquement au Parlement.

Un acteur de la majorité présidentielle et un ministre exposé aux débats institutionnels

Au-delà des postes, la place d’Alassane Seïdou s’inscrit dans la recomposition du paysage partisan béninois. Il est présenté comme président du parti Alafia et affilié à la mouvance soutenant l’action gouvernementale, dans un environnement politique structuré par des blocs et alliances. Cette réalité partisane, au Bénin, a pris une importance accrue à partir des réformes du système des partis, lesquelles ont encouragé des regroupements et une réduction du nombre de formations.

Être ministre de l’Intérieur, c’est aussi se retrouver à l’interface entre l’État et la vie politique organisée. Certaines controverses ou débats publics des dernières années montrent cette exposition. En 2025, par exemple, des articles de presse rapportent une controverse autour de la situation d’un parti politique après une fusion, débat alimenté par une correspondance attribuée au ministre dans le cadre d’échanges administratifs. Ce type d’épisode illustre la sensibilité des questions de reconnaissance, de statuts et de continuité des organisations politiques, thèmes qui deviennent rapidement explosifs dès lors qu’ils touchent à l’équilibre entre majorité et opposition.

Dans le même registre, les questions d’identification, d’état civil et d’organisation administrative peuvent susciter des discussions au Parlement, dans les médias et dans l’opinion, parce qu’elles touchent à la citoyenneté, à l’accès aux droits et à la capacité de l’État à organiser des services publics fiables. La prise de parole d’un ministre sur ces sujets est scrutée, interprétée et parfois contestée, non seulement pour ce qu’elle dit, mais aussi pour ce qu’elle révèle de la ligne gouvernementale.

Pour autant, la trajectoire d’Alassane Seïdou reste marquée par une constante : une présence récurrente aux postes exécutifs depuis 2016 sous Patrice Talon, et une première expérience gouvernementale dès 2008 sous Yayi Boni. Ce double ancrage, rare à ce niveau de responsabilité, le place parmi les responsables qui ont traversé plusieurs séquences de la vie politique béninoise contemporaine.

En résumé, Alassane Seïdou n’est pas seulement un ministre en exercice : c’est un profil à la fois technicien et politique, dont la formation médicale et la spécialisation tardive en gynécologie-obstétrique se combinent à une carrière d’élu et de gestionnaire public. Son itinéraire raconte une forme de continuité institutionnelle, mais aussi une adaptation à des portefeuilles très différents, jusqu’au ministère de l’Intérieur, où se concentrent aujourd’hui des enjeux de sécurité, d’administration territoriale et de régulation de la vie publique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *