Qui est Aurélie Adam Soulé, la femme politique ?

À Cotonou, dans les enceintes internationales ou lors des grands rendez-vous économiques africains, son nom revient dès qu’il est question de transformation digitale au Bénin. Aurélie Adam Soulé Zoumarou occupe depuis 2017 l’un des ministères les plus stratégiques de l’exécutif de Patrice Talon, à la croisée de l’administration, des infrastructures, de la modernisation de l’État et de la régulation de nouveaux usages. Son profil est atypique dans un paysage politique encore largement dominé par des trajectoires juridiques, militantes ou administratives : elle s’est d’abord construite dans l’ingénierie télécoms et les politiques publiques du numérique, avant de basculer, assez jeune, dans l’action gouvernementale.

Cette singularité explique en partie la manière dont elle est perçue : moins comme une figure partisane que comme une technicienne devenue politique, et comme l’un des visages d’une ambition affichée par le pouvoir béninois depuis la seconde moitié des années 2010 : faire du numérique un accélérateur de réforme, de services publics et d’attractivité économique. Les textes officiels, les biographies institutionnelles et plusieurs portraits de presse convergent sur un point : son rôle s’inscrit dans la durée, au fil de remaniements et de changements d’intitulés ministériels, et dans une logique de construction d’écosystèmes (agences d’exécution, portails, plateformes de confiance) plus que de coups médiatiques.

Mais qui est-elle, au-delà de la fonction ? D’où vient cette responsable politique née dans le nord du Bénin, formée en France, passée par le privé et la régulation, et propulsée à la tête d’un ministère qui touche, par définition, à presque tous les autres ? Pour répondre sans extrapoler, il faut se tenir aux faits documentés : son parcours académique, ses expériences professionnelles, les dates de ses nominations, le périmètre officiel de son ministère, et les dispositifs publics associés à la stratégie numérique du pays.

Une trajectoire d’ingénieure formée en France, revendiquée comme socle d’action

Aurélie Adam Soulé Zoumarou est née à Nikki, au Bénin, le 11 avril 1983, selon les éléments biographiques généralement repris. Son itinéraire académique, largement détaillé dans des notices biographiques (notamment sur des sites institutionnels), s’inscrit dans un schéma classique des formations scientifiques francophones : passage par des classes préparatoires, puis intégration d’une grande école d’ingénieurs spécialisée dans les télécommunications et les technologies de l’information.

Les biographies accessibles indiquent qu’elle rejoint Télécom SudParis (anciennement Institut national des télécommunications) et y obtient un diplôme d’ingénieur dans le champ des TIC, avant de compléter avec un master spécialisé dans les télécommunications et l’ingénierie des TIC. Cette double coloration, technique et organisationnelle, revient souvent dans les descriptions de son profil : elle est présentée comme une “professionnelle confirmée du secteur du numérique”, un libellé que l’on retrouve dans des supports gouvernementaux béninois et dans certaines fiches d’événements internationaux où elle intervient.

Au-delà de l’ingénierie, son parcours mentionne une dimension de politiques publiques : elle a obtenu un certificat en gestion des politiques publiques et leadership à la Maxwell School (Syracuse University), un élément repris par plusieurs sources institutionnelles et plateformes internationales. Les mêmes notices indiquent qu’elle est engagée dans un cursus doctoral en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Bordeaux, ce qui contribue à façonner l’image d’une responsable politique qui reste connectée à la recherche et aux enjeux de long terme, même si l’action ministérielle, elle, obéit à d’autres calendriers.

Ces éléments ne sont pas anecdotiques dans la compréhension de sa trajectoire politique. D’abord parce qu’ils expliquent son entrée par le “numérique” plutôt que par une filière militante. Ensuite parce que, dans les gouvernements contemporains, les portefeuilles technologiques imposent un langage de projet : indicateurs, feuille de route, architecture institutionnelle, interopérabilité, sécurité, dématérialisation. Autant de thèmes qui, pour l’opinion, peuvent sembler techniques, mais qui, concrètement, définissent le quotidien de l’usager et la capacité de l’État à tenir ses promesses de simplification.

Du secteur privé à la régulation : un passage par les opérateurs, le conseil et les politiques publiques

Avant d’entrer au gouvernement, Aurélie Adam Soulé Zoumarou a travaillé dans l’industrie et dans le conseil : des biographies la font passer par SFR en France, puis par Accenture, dans des fonctions liées aux systèmes d’information. Ce début de carrière est important parce qu’il situe son expérience dans des environnements où l’on parle performance, conduite du changement, déploiement d’infrastructures et services.

Les mêmes sources rapportent ensuite une expérience à la GSMA (GSM Association) en Afrique, en lien avec les politiques publiques du secteur mobile. Dans un continent où l’accès à Internet a longtemps été, dans de nombreux pays, une histoire de téléphonie mobile plus que de réseau fixe, ce type de poste donne une vision concrète de la couverture, des coûts, de la régulation, et de l’équilibre entre État, opérateurs et usagers.

Un autre jalon revient régulièrement : son retour au Bénin en 2008 et son passage par l’autorité de régulation béninoise (ARCEP), où elle est citée comme responsable de la gestion du spectre. Là encore, les faits établis dessinent un fil cohérent : opérateur, cabinet de conseil, organisation internationale sectorielle, régulateur national. Une trajectoire qui traverse les quatre piliers du numérique moderne : le marché, la technologie, la norme et la politique publique.

Ce continuum éclaire le style de gouvernance souvent attribué à ce type de profil : l’action publique pensée comme un système, avec des agences d’exécution, des référentiels techniques, des plateformes nationales, des cadres de confiance et des partenariats. Au Bénin, la structuration institutionnelle du secteur numérique, notamment à travers des agences dédiées à l’exécution de projets et à la sécurisation des systèmes d’information, s’inscrit précisément dans cette logique.

Une entrée au gouvernement en 2017 et un portefeuille consolidé au fil des remaniements

L’entrée d’Aurélie Adam Soulé Zoumarou au gouvernement intervient en octobre 2017. La référence la plus directe, côté institutions, est le décret portant composition du gouvernement daté du 27 octobre 2017, publié par le Secrétariat général du gouvernement du Bénin. Dans plusieurs notices biographiques, elle est présentée comme nommée ministre en charge de l’Économie numérique (avec, à l’époque, un périmètre incluant la communication), avant que l’intitulé ne se recentre ensuite sur le “Numérique et la Digitalisation”.

Un moment clé de cette évolution est le remaniement du 5 septembre 2019, au terme duquel le portefeuille change de nom : le ministère de l’Économie numérique et de la Communication devient le ministère du Numérique et de la Digitalisation, tandis que le volet “communication” est, selon les descriptions disponibles, confié à un autre ministre. L’enjeu politique est double : d’un côté, affirmer le numérique comme politique publique autonome (au-delà de la communication institutionnelle ou des médias) ; de l’autre, clarifier l’architecture gouvernementale, en séparant les chantiers de transformation digitale de ceux de la communication publique.

Cette consolidation dans le temps est un indicateur de stabilité gouvernementale sur un portefeuille pourtant soumis à de fortes pressions : attente des usagers, modernisation de l’administration, cybersécurité, investissements lourds en infrastructures, et nécessité de coordination avec d’autres ministères (finances, intérieur, justice, enseignement, santé). Le périmètre officiel du ministère, tel que décrit par les pages institutionnelles, évoque précisément la conception, le suivi et l’évaluation de la politique de l’État en communications électroniques, développement numérique et transformation digitale de l’administration, des entreprises et d’autres secteurs.

Ce périmètre inclut également des dimensions moins visibles du grand public mais décisives : cadre législatif et réglementaire, réduction de la fracture numérique, développement des compétences et de l’entrepreneuriat, instauration d’une confiance numérique durable, représentation internationale sur les sujets de numérique et communications électroniques. Autrement dit, le ministère n’est pas seulement un “ministère des applications” : il couvre l’infrastructure, la norme, la sécurité et l’inclusion.

Les chantiers les plus visibles : services publics en ligne, plateformes nationales, identité numérique et confiance

Dans les faits observables, l’une des matérialisations les plus concrètes de la stratégie numérique du Bénin est la mise en place d’un portail national des services publics, présenté comme un point d’entrée permettant d’accéder à des démarches et à des informations sur les procédures. Le portail met en avant des services numériques variés, y compris dans le champ du numérique lui-même (par exemple, certaines démarches liées à la qualification de prestataires de sécurité numérique).

La logique, telle qu’elle ressort des descriptions de presse et des éléments institutionnels, est celle d’une centralisation de l’accès : offrir un référentiel unique, réduire les déplacements, raccourcir les délais, et renforcer la traçabilité. Ces objectifs s’inscrivent dans une tendance internationale : l’administration comme plateforme, avec des services qui s’alignent progressivement sur les standards d’ergonomie et de disponibilité attendus par des citoyens habitués aux usages numériques privés.

Le portail national des services publics s’inscrit aussi dans une dynamique de paiement public sécurisé. La page d’accueil du portail met en avant une solution officielle de paiement du Trésor public béninois, présentée comme un moyen de régler des services en ligne. Même si l’usage réel et l’appropriation par toutes les catégories de population se mesurent sur le temps long, ces briques techniques (portail, paiement, comptes usagers) constituent l’ossature d’une administration dématérialisée.

Autre chantier significatif : l’identité numérique. Un site gouvernemental dédié à l’identité numérique du Bénin décrit un dispositif où les informations liées à “l’identité virtuelle” sont stockées dans un système sécurisé, hébergé dans le centre de données national, et utilisables pour des “services de confiance”. Dans la plupart des États qui engagent ce type de projet, l’identité numérique devient une infrastructure transversale : elle conditionne la capacité à offrir des services en ligne robustes, à limiter les fraudes et à simplifier l’accès à des démarches sensibles.

Le troisième axe est celui de la sécurité et de la gouvernance des systèmes d’information. Les dispositifs institutionnels citent, par exemple, des actions de formation et de renforcement de capacités pilotées sous la supervision du ministère, à destination d’acteurs publics impliqués dans la gestion des services informatiques de l’État. Dans un contexte où la cybersécurité n’est plus un sujet de spécialistes, mais un impératif de souveraineté administrative, ces démarches participent à la construction d’un État numérique qui ne se contente pas de “mettre des formulaires en ligne”, mais s’organise pour sécuriser l’ensemble de la chaîne.

Enfin, l’architecture institutionnelle du numérique béninois s’appuie sur des agences d’exécution. L’Agence des Systèmes d’Information et du Numérique (ASIN) est décrite comme une agence gouvernementale chargée de la mise en œuvre opérationnelle de programmes et projets liés aux services et systèmes d’information sécurisés, sous double tutelle (numérique et finances). Cette structuration signale une orientation : sortir la transformation digitale du seul cadre ministériel et lui donner une capacité de delivery, avec des équipes, des méthodes et des projets suivis.

Sur le plan strictement politique, il est difficile de réduire ces chantiers à une seule personne : ils impliquent une stratégie de gouvernement, des arbitrages budgétaires et des partenariats. Mais le fait que le ministère qu’elle dirige soit identifié comme porteur de ces infrastructures, et que son nom soit associé publiquement à la vision du Bénin en matière de transformation digitale, montre que son rôle est central dans le pilotage et la représentation de ces réformes.

Une figure de la diplomatie numérique francophone et internationale, entre vitrine et défis d’inclusion

Aurélie Adam Soulé Zoumarou n’existe pas seulement dans l’espace politique béninois. Elle apparaît également comme une actrice de réseaux et d’instances où se dessinent les normes, les coopérations et les priorités régionales. Elle est notamment citée comme présidente en exercice du Réseau francophone des ministres en charge de l’économie numérique (RFMEN), un réseau destiné à coordonner des positions, partager des pratiques et peser collectivement sur certains sujets numériques dans l’espace francophone.

Au-delà de la Francophonie, elle figure parmi les membres d’une task force lancée par le Secrétaire général des Nations unies sur le financement numérique des Objectifs de développement durable, annoncée le 29 novembre 2018. Sa présence dans ce type d’instance reflète un positionnement : faire du numérique non seulement une politique intérieure (services publics, infrastructures), mais aussi un sujet de développement, d’inclusion financière, de financement de l’économie et de gouvernance internationale.

Dans les forums économiques, elle est régulièrement présentée comme portant la vision béninoise de transformation digitale et d’innovation. À l’Africa CEO Forum 2025, par exemple, des communications officielles indiquent sa participation au sein de la délégation béninoise et son rôle de représentation sur ces sujets. Dans une Afrique où la compétition se joue aussi sur l’attractivité des environnements numériques (cadre réglementaire, infrastructure, services publics dématérialisés, capacité de paiement, identité numérique), cette “diplomatie du numérique” devient un instrument de politique économique.

Pour autant, le numérique comme projet politique n’est pas exempt de tensions. Toute stratégie de dématérialisation pose une question simple : qui gagne du temps, et qui risque d’être laissé de côté ? Les documents institutionnels évoquent explicitement la réduction de la fracture numérique comme mission du ministère. Et certaines prises de parole relayées dans la presse mettent en avant des chiffres de services accessibles en ligne, ainsi qu’un volume de services entièrement digitalisés, signe d’une accélération.

Mais ces annonces s’accompagnent d’un défi structurel : l’accès effectif à Internet, l’équipement, la maîtrise des outils, la confiance dans le numérique, et la capacité à obtenir de l’aide. Sur ce point, les sources disponibles insistent surtout sur l’ambition et sur les dispositifs ; elles documentent moins, en détail, l’expérience des usagers au quotidien ou les disparités territoriales, qui nécessiteraient des enquêtes dédiées. Ce silence relatif n’est pas propre au Bénin : partout, la transformation numérique est aussi un sujet social, qui se mesure dans les files d’attente qui disparaissent… et dans les difficultés nouvelles qui apparaissent pour une partie des publics.

C’est là que se situe, aujourd’hui, l’enjeu politique majeur autour de figures comme Aurélie Adam Soulé Zoumarou : transformer une réforme technique en réforme vécue, sans que la modernisation ne se traduise par une nouvelle forme d’exclusion. Son ministère, par ses missions affichées (confiance numérique, réduction de la fracture, promotion des compétences), porte officiellement cette responsabilité. Le jugement sur les résultats, lui, dépendra du temps long, de la qualité des services, de leur accessibilité, et de la capacité de l’État à maintenir des voies d’accompagnement pour les citoyens qui en ont besoin.

Ce que l’on peut affirmer, en s’en tenant aux faits publics, est plus simple et plus solide : Aurélie Adam Soulé Zoumarou est devenue, depuis octobre 2017, l’une des figures les plus constantes de l’exécutif béninois, avec un portefeuille qui touche à la fois à la modernisation de l’État et à la projection internationale. Son parcours d’ingénieure et de spécialiste des politiques publiques du numérique, son passage par des acteurs privés et des institutions de régulation, et sa présence dans des réseaux francophones et onusiens, expliquent pourquoi elle incarne, pour une partie des observateurs, le visage politique d’une stratégie nationale de digitalisation.

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