Qui est Bogolo Kenewendo, la femme politique ?

À la fois discrète et très exposée, Bogolo Joy Kenewendo s’est imposée en quelques années comme l’un des visages les plus identifiés du renouvellement générationnel en Afrique australe. Économiste de formation, propulsée très tôt au cœur de l’État botswanais, puis engagée dans plusieurs initiatives internationales, elle incarne une catégorie de responsables publics dont le parcours dépasse rapidement les frontières nationales. Son nom a circulé dans la presse dès 2018, quand le Botswana confie à une trentenaire un portefeuille économique stratégique. Depuis, sa carrière s’est déployée entre la politique intérieure, les cercles multilatéraux et, plus récemment, le retour au gouvernement, dans un secteur clé de l’économie botswanaise : les minéraux et l’énergie.

Une formation d’économiste et un profil façonné par les politiques publiques

Les éléments biographiques disponibles convergent sur une base solide : Bogolo Kenewendo est une économiste botswanaise, diplômée en économie de l’Université du Botswana, puis titulaire d’un master en économie internationale de l’Université du Sussex, au Royaume-Uni. L’université britannique rappelle qu’elle a obtenu son MSc en 2013, après une licence en économie au Botswana, avant d’être nommée au Parlement en octobre 2016.

Cette trajectoire académique est souvent mise en avant dans les portraits qui soulignent un profil tourné vers la négociation économique et la politique commerciale. Dans un texte publié par l’Université du Sussex, Kenewendo explique avoir choisi d’approfondir l’économie internationale après avoir constaté un déficit de compétences au Botswana pour traiter les négociations commerciales internationales. La même source met aussi en avant, de sa bouche, la difficulté d’être “jeune et femme” dans des fonctions de leadership, et le fait que, dans ses interactions, certains interlocuteurs aient eu du mal à croire qu’elle était ministre.

Avant de devenir une figure politique, Bogolo Kenewendo se présente (selon plusieurs biographies institutionnelles) comme une spécialiste de l’économie du développement, de l’investissement et des politiques commerciales. Des organismes comme le Center for Global Development, l’International Growth Centre ou encore British International Investment décrivent une économiste devenue conseillère, dirigeant une structure de conseil (Kenewendo Advisory) et intervenant sur des sujets allant de la réforme réglementaire à la digitalisation, en passant par le développement du secteur privé.

Dans la construction de son image publique, cet ancrage technique compte : il la situe moins dans le registre du “personnage politique” au sens classique que dans celui d’une experte entrée en politique, puis revenue vers des fonctions d’influence mêlant économie, gouvernance et coopération internationale.

Des débuts politiques précoces : une entrée au Parlement par nomination

Au Botswana, l’architecture institutionnelle permet l’entrée au Parlement via le mécanisme des Specially Elected Members of Parliament (SEMP), des députés “spécialement élus” à la suite d’une nomination puis d’une validation parlementaire. Bogolo Kenewendo fait partie de celles et ceux qui ont emprunté cette voie au début de leur parcours : l’Université du Sussex indique qu’elle a été nommée SEMP en octobre 2016.

Le mécanisme, régulièrement commenté dans la presse botswanaise, vise notamment à combler des manques en compétences ou en représentation. Lorsque Kenewendo revient dans l’actualité politique en 2024, plusieurs médias locaux rappellent précisément ce rôle du dispositif : le quotidien gouvernemental Botswana Daily News, dans un article sur l’endossement des SEMP de la nouvelle législature, cite Bogolo Kenewendo parmi les six profils approuvés, aux côtés d’autres personnalités.

Le site Mmegi Online, l’un des médias les plus suivis du pays, détaille aussi le choix du président Duma Boko, en listant explicitement les SEMP de la 13e législature — parmi lesquels Bogolo Kenewendo — et en relatant les explications données sur l’objectif de diversité et de compétences.

Ces rappels sont importants pour comprendre la nature de son insertion politique : ce n’est pas d’abord une carrière de parti construite sur un siège remporté en circonscription, mais une entrée facilitée par un dispositif institutionnel destiné à élargir le spectre des profils à l’Assemblée.

2018 : une ministre de 30 ans à l’Industrie et au Commerce, symbole d’une génération

Le tournant majeur survient au printemps 2018, au moment du changement de présidence au Botswana. Le 4 avril 2018, Botswana Daily News publie la liste du cabinet : Bogolo Kenewendo y apparaît nommée ministre de l’Investment, Trade and Industry (Investissement, Commerce et Industrie).

Cette nomination, largement reprise hors du Botswana, a rapidement pris une dimension symbolique. Africanews consacre un article à la “nouvelle ministre de 30 ans” et à l’écho sur les réseaux sociaux, où son âge est perçu comme le signe d’une ouverture à de nouvelles générations.

Dans un autre format, RFI s’intéresse, dès 2018, à ce que représente politiquement et économiquement la nomination d’une jeune ministre à un portefeuille de croissance, en rappelant que le nouveau président a dévoilé son cabinet au début du mois d’avril et a confié l’investissement et le commerce à une femme de 30 ans.

Son mandat à ce ministère est documenté comme s’étendant d’avril 2018 à novembre 2019 dans plusieurs sources biographiques et portraits.

Au-delà du symbole, la période 2018-2019 correspond aussi à l’inscription de Kenewendo dans des réseaux internationaux liés à la gouvernance économique et au numérique. En juillet 2018, le Secrétaire général de l’ONU annonce la création d’un High-level Panel on Digital Cooperation ; le communiqué de presse onusien liste les membres et situe le panel dans un moment où les institutions cherchent des cadres de coopération sur les effets sociaux, juridiques et économiques du numérique.

En clair : la jeune ministre botswanaise, déjà identifiée sur le continent, est aussi projetée dans une scène multilatérale où l’économie, l’innovation et la régulation du numérique deviennent des enjeux de souveraineté et de développement.

Une notoriété internationale construite entre égalité, climat et réseaux d’influence

Après sa sortie du gouvernement en 2019 (les sources biographiques décrivent cette période comme un passage hors cabinet), Bogolo Kenewendo continue d’exister publiquement via des engagements internationaux et des plateformes de réflexion. Des profils institutionnels la présentent comme directrice générale de Kenewendo Advisory et actrice d’initiatives en faveur du leadership féminin, notamment à travers le programme Molaya Kgosi.

L’année 2021 constitue un autre marqueur : le gouvernement britannique annonce, le 9 avril 2021, la liste des membres du G7 Gender Equality Advisory Council (GEAC). Le communiqué officiel inclut Bogolo J. Kenewendo, présentée comme économiste et ancienne ministre de l’Investissement, du Commerce et de l’Industrie au Botswana.

Sur la séquence climat, un jalon clair apparaît en juin 2022 : l’équipe des UN Climate Change High-Level Champions annonce sa nomination comme Special Advisor et Africa Director. Le communiqué précise qu’elle est chargée de contribuer à la mise en œuvre de la stratégie des “Champions” pour accélérer l’action climatique en Afrique, dans le cadre de la dynamique des COP.

Cette articulation entre économie et climat est au cœur de la façon dont Kenewendo est ensuite présentée dans plusieurs institutions de débat public : Climate One et le Chicago Council on Global Affairs la décrivent comme une responsable mobilisant l’action climatique et la finance comme leviers de développement pour l’Afrique et le “Global South”, en lien avec son rôle auprès des High-Level Champions.

Sa visibilité est également renforcée par des reconnaissances médiatiques. TIME publie sa page dédiée à Bogolo Kenewendo dans la sélection TIME100 Next 2022, un dispositif éditorial mettant en avant des “leaders émergents”. Le World Economic Forum, sur sa page “people”, reprend aussi l’information selon laquelle elle figure parmi les lauréats TIME100 Next 2022.

On peut lire cette période comme une mue : d’ancienne ministre nationale, elle devient un profil internationalisé, mobilisé sur des dossiers transversaux — égalité, transformation économique, climat, numérique — où les États, les organisations internationales et les réseaux de gouvernance partagent des espaces communs. Cette internationalisation n’efface pas la politique intérieure botswanaise ; elle la met en pause, tout en préparant, de fait, un retour possible.

2024 : retour au Parlement et entrée au gouvernement des minéraux et de l’énergie

Le retour de Bogolo Kenewendo au premier plan politique botswanais est nettement daté : novembre 2024. D’abord, elle fait partie des SEMP nommés et approuvés par le Parlement, comme le relatent Botswana Daily News et Mmegi.

Ensuite, elle est nommée ministre des Minéraux et de l’Énergie par le président Duma Boko. Plusieurs médias rapportent cette nomination, avec une date récurrente : le 14 novembre 2024. African Shapers publie un portrait en français sur cette nomination.

Au-delà des portraits, des sources davantage centrées sur l’économie minière insistent sur la portée du portefeuille. L’Agence Ecofin souligne que, dans ses nouvelles fonctions, Kenewendo doit notamment piloter des négociations liées à l’exploitation des diamants et aux relations avec De Beers, dans un contexte où le Botswana cherche un nouvel accord sur l’exploitation et la valeur tirée de ses ressources.

TRT Afrika, dans un article daté du 15 novembre 2024, présente également sa nomination comme “ministre des mines” (formulation journalistique) et rappelle l’enjeu des diamants pour l’économie nationale, en insistant sur le caractère stratégique du ministère.

Le mouvement de 2024 prend alors une signification double. D’un côté, l’État botswanais mobilise une économiste identifiée, passée par des responsabilités internationales, pour un ministère au cœur du modèle économique du pays. De l’autre, la trajectoire personnelle de Kenewendo se referme sur un cycle : retour au Parlement par le mécanisme des SEMP, puis retour au gouvernement, mais cette fois dans un secteur encore plus directement connecté aux recettes publiques et à la souveraineté économique.

Dans les médias locaux, son retour est raconté comme celui d’une responsable “de service public”, parfois au travers de déclarations sur le fait de faire son travail au mieux et de se concentrer sur ce qu’elle peut contrôler.

Ce qui est certain, en revanche, c’est la centralité objective du portefeuille. Au Botswana, la politique minière, le diamant et les arbitrages énergétiques structurent les équilibres budgétaires, industriels et diplomatiques. Dans ce cadre, Bogolo Kenewendo n’est pas seulement “une femme politique” au sens de la représentation : elle est placée à l’un des nœuds de la décision économique nationale, là où se négocient les ressources, la valeur ajoutée, et, de plus en plus, la transition énergétique.

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