Qui est Adjima Thiombiano, l’homme politique ?

Né à Fada N’Gourma, formé dans les amphithéâtres de l’Université de Ouagadougou, Adjima Thiombiano s’est longtemps confondu avec le visage discret du monde académique : celui des enseignants-chercheurs dont la carrière se construit à coups de cours, d’encadrements et de responsabilités administratives. Son entrée au gouvernement, en octobre 2022, l’a fait basculer dans un autre registre : celui d’un ministre exposé, sommé d’arbitrer et de trancher, au cœur d’un Burkina Faso dirigé par une transition militaire et confronté à une crise sécuritaire durable. Professeur de biologie et d’écologie végétales, il incarne un profil particulier dans la sphère politique : l’universitaire appelé à piloter un ministère stratégique, celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, avec pour mission d’orienter la formation et la recherche dans un pays où la jeunesse et la souveraineté sont devenues des mots-clés du discours public.

Un parcours d’universitaire ancré dans les sciences du vivant

Le socle de la trajectoire d’Adjima Thiombiano est d’abord universitaire. Les informations biographiques publiées par son ministère indiquent qu’il obtient son baccalauréat en 1987 à Ouagadougou, avant de s’engager dans des études en sciences de la vie et de la terre. Il commence ensuite à enseigner et à encadrer dans l’enseignement supérieur : moniteur au début des années 1990, puis assistant à la fin de la décennie.

Dans l’espace public, son nom est associé à la botanique et, plus largement, à l’étude des écosystèmes. Sa page biographique rappelle qu’il devient professeur titulaire en biologie et écologie végétales en 2011. Le même parcours met en avant une progression au sein des structures universitaires, entre enseignement, recherche et responsabilités, dans une logique assez classique pour les carrières académiques de haut niveau : une spécialisation scientifique, puis une montée vers des fonctions de direction.

Cette identité de scientifique n’est pas un détail secondaire : elle pèse sur sa manière d’apparaître dans la vie publique, avec une posture souvent décrite comme celle d’un professeur. Dans un contexte politique où les profils militaires dominent au sommet de l’État, sa présence au gouvernement signale aussi l’importance accordée, au moins symboliquement, aux compétences techniques et aux élites universitaires dans la gestion de certains portefeuilles.

De l’administration universitaire à la présidence de l’Université Thomas-Sankara

Avant d’être ministre, Adjima Thiombiano s’impose surtout comme un administrateur de l’université. Les éléments diffusés par le ministère et par la presse locale le décrivent à la tête de structures internes, dont un poste de chef de département de biologie et physiologie végétale à l’Université de Ouagadougou (période indiquée de 2006 à 2011).

Il occupe également des responsabilités en lien avec l’environnement : président du conseil scientifique de l’Office national des aires protégées sur une période donnée (2010-2014), puis directeur général de l’Institut des Sciences à Ouagadougou (2014-2018), selon la biographie institutionnelle. À travers ces fonctions, se dessine un fil rouge : l’articulation entre connaissances scientifiques, gestion d’institutions et orientation des politiques de recherche et de conservation.

Son passage à la tête d’une grande université marque une étape décisive. Il est nommé président de l’université alors connue comme Ouaga II, et il est associé à la période où l’établissement change de nom pour devenir l’Université Thomas-Sankara. La presse burkinabè et des notices biographiques rappellent qu’il remplace Stanislas Ouaro à cette présidence en 2018 et qu’il quitte la fonction en 2022.

Dans l’enseignement supérieur, ces présidences ne sont pas seulement honorifiques : elles impliquent des arbitrages sur les budgets, la gouvernance, la vie estudiantine, et parfois des chantiers d’infrastructures. La page encyclopédique consacrée à Adjima Thiombiano indique notamment que l’université déménage sur un nouveau site à l’est de Ouagadougou pendant cette période de direction. Même si les détails opérationnels varient selon les sources et les récits, la séquence contribue à construire son image publique : celle d’un responsable habitué aux réformes institutionnelles et aux contraintes d’un système universitaire sous pression démographique.

L’entrée au gouvernement de transition, dans un Burkina Faso politiquement reconfiguré

Adjima Thiombiano rejoint le gouvernement dans un moment de bascule nationale. Le 30 septembre 2022, un coup d’État renverse Paul-Henri Sandaogo Damiba, et le capitaine Ibrahim Traoré prend le pouvoir. Dans la foulée, un nouveau gouvernement est formé : Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla est nommé Premier ministre, et une équipe ministérielle est annoncée le 25 octobre 2022.

C’est à ce moment qu’Adjima Thiombiano est nommé ministre en charge de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Son installation officielle dans ses fonctions a lieu le 28 octobre 2022, selon le quotidien Sidwaya, organe de presse burkinabè qui a relaté la cérémonie.

Lors de cette prise de fonction, Sidwaya rapporte qu’il présente la lutte contre la mauvaise gouvernance comme un axe fort et appelle à “agir par l’exemple”, en mobilisant les équipes du ministère. Cet élément est significatif : il inscrit son discours dans une grammaire politique largement utilisée par les autorités de transition, qui insistent sur la refondation de l’État, la discipline administrative et la “renaissance” nationale.

Le cadre gouvernemental, lui, évolue. Les informations de synthèse disponibles sur la période rappellent que le gouvernement Kyélem de Tambèla a été en place jusqu’en décembre 2024, avant un changement de Premier ministre, Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo, nommé le 7 décembre 2024. Dans ce contexte mouvant, Adjima Thiombiano demeure identifié comme l’un des visages du portefeuille Enseignement supérieur et Recherche, un secteur qui touche à la fois l’avenir de la jeunesse et la capacité du pays à produire ses propres compétences.

Gouverner l’enseignement supérieur : discipline, professionnalisation et formation civique

Une fois au ministère, Adjima Thiombiano apparaît régulièrement dans des séquences publiques où se mêlent messages de rigueur administrative, priorités éducatives et références au contexte sécuritaire. Un exemple marquant est rapporté en janvier 2024 : lors d’une montée des couleurs nationales rassemblant des agents de l’éducation, il appelle à “mettre définitivement fin à l’absentéisme et à la présence non productive” dans les bureaux, et lie l’effort de travail à l’objectif plus large de retour à la paix et à la sécurité.

Ce type de déclaration illustre un style de pilotage : le rappel à l’ordre, la valorisation du devoir et l’idée que l’administration doit être un levier de redressement. Il s’agit aussi d’un discours politique au sens plein, puisqu’il place l’institution universitaire et ses personnels dans une dynamique nationale, au-delà de la seule gestion des campus.

Autre séquence, plus récente : l’“immersion patriotique” de nouveaux bacheliers, présentée comme obligatoire, que le ministre visite en septembre 2025. Selon le récit de leFaso.net, il rencontre des centaines de nouveaux bacheliers au lycée Wendpuiré de Saaba et annonce l’intégration de modules de formation civique et patriotique jusque dans les cursus universitaires, y compris pour des niveaux licence et master, ainsi qu’une immersion similaire pour de futurs enseignants recrutés. Cette orientation, au-delà du symbole, témoigne d’un choix politique sur la mission de l’université : former des compétences, mais aussi façonner des comportements civiques et une identité nationale, dans un pays qui revendique un “Burkina nouveau” dans ses discours officiels.

Ces prises de parole s’inscrivent dans une période où l’enseignement supérieur est sommé de répondre à des attentes très concrètes : produire des diplômés “employables”, adapter l’offre de formation aux besoins du marché du travail, et transformer des filières parfois jugées trop théoriques. Des articles récents sur le système burkinabè insistent sur cette pression pour renforcer l’employabilité des diplômés. Même si Adjima Thiombiano n’est pas le seul acteur de cette inflexion, son portefeuille le place au centre de l’équation : universités, instituts, recherche appliquée et innovation, tout converge vers un même impératif de résultats.

Recherche, biodiversité et diplomatie scientifique : une autre facette du ministre

L’originalité d’Adjima Thiombiano, dans le paysage politique, tient aussi à son ancrage dans la recherche. Cette dimension réapparaît à travers des événements et des productions scientifiques où son nom est cité comme contributeur ou responsable.

Sur le plan de la biodiversité, il figure parmi les collaborateurs mentionnés dans le projet et dans la liste d’auteurs d’une Flore illustrée du Burkina Faso et du Mali, présentée comme un ouvrage de référence recensant des milliers d’espèces, avec descriptions, informations écologiques et éléments iconographiques. Le projet est porté, entre autres, par des institutions botaniques et des éditeurs scientifiques internationaux, et met en avant une ambition : documenter de manière exhaustive la diversité végétale de deux pays sahéliens, dans un contexte où la connaissance du vivant est aussi un enjeu de conservation et de gestion des ressources.

Cette facette “science et patrimoine naturel” n’est pas séparée de la politique. Dans un Burkina Faso confronté à des déplacements de population, à la pression sur les terres et à l’évolution des systèmes agropastoraux, la recherche sur les écosystèmes, les espèces et les ressources peut être perçue comme un instrument de souveraineté : mieux connaître, c’est mieux protéger, mieux aménager, mieux exploiter. Le fait qu’un ministre de l’enseignement supérieur soit aussi botaniste, et reconnu comme tel, nourrit donc une lecture : celle d’un responsable qui peut faire le pont entre université, environnement et développement.

Enfin, la dimension internationale apparaît dans des prises de parole dans des enceintes multilatérales. En septembre 2024, il conduit la délégation burkinabè à la Conférence générale de l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne, et un document officiel de l’AIEA publie sa déclaration. Ce texte, prononcé au nom des autorités burkinabè, évoque notamment la volonté de développer un programme électronucléaire et la recherche d’un accompagnement de l’AIEA. Là encore, l’enjeu dépasse l’énergie : il s’agit de science, de technologie, de formation d’experts et de partenariats, un terrain où un ministre issu du monde académique est particulièrement attendu.

Au final, Adjima Thiombiano occupe une place singulière : celle d’un scientifique devenu ministre dans un régime de transition où la souveraineté, la discipline et la mobilisation nationale structurent les politiques publiques. Son parcours éclaire une réalité souvent sous-estimée : au Burkina Faso, comme dans d’autres pays, l’enseignement supérieur n’est pas seulement un secteur social, c’est un instrument de puissance intérieure, un outil de légitimation politique et un champ de bataille symbolique sur l’avenir de la jeunesse.

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