Elle est l’un des visages les plus durables du gouvernement camerounais sur un portefeuille souvent discret mais décisif : celui des Affaires sociales. Pauline Irène Kendeck, plus connue sous le nom de Pauline Irène Nguéné, est née le 4 juillet 1958. Depuis le 2 octobre 2015, elle dirige le ministère des Affaires sociales, un département placé au cœur des politiques de protection des personnes vulnérables, de l’accompagnement du handicap, de la prévention des exclusions et de la prise en charge d’urgences humaines qui, parfois, bousculent l’agenda politique et médiatique.
Son parcours intrigue par sa cohérence technocratique : une formation scientifique tournée vers l’énergie et l’ingénierie, complétée par des études de gestion, puis une longue immersion dans les rouages de l’État, notamment à la Primature. À rebours des itinéraires politiques construits sur la notoriété militante ou la visibilité électorale, le sien s’est forgé dans les dossiers, les arbitrages, la coordination administrative et les dispositifs. Ce profil éclaire la manière dont elle aborde un ministère où l’action se juge moins à la formule qu’à la capacité d’orienter, de protéger, d’identifier les besoins, de structurer des programmes et d’assurer une continuité de prise en charge.
Dans un pays où la question sociale est un baromètre sensible des tensions économiques, des solidarités familiales et des inégalités territoriales, suivre l’itinéraire de Pauline Irène Nguéné revient à observer un segment central de l’État contemporain : celui qui intervient quand les protections ordinaires ne suffisent plus, quand l’urgence s’impose, quand la vulnérabilité devient affaire publique.
Une origine territoriale et une biographie qui s’inscrit dans la durée de l’État
Pauline Irène Kendeck, dite Pauline Irène Nguéné, est souvent présentée comme originaire du village de Minka, dans l’arrondissement de Makak, département du Nyong-et-Kéllé, région du Centre. Cet ancrage géographique est régulièrement rappelé dans les notices biographiques qui la décrivent, et il situe sa trajectoire dans une région dont le poids administratif et politique est important dans l’histoire institutionnelle du Cameroun.
Née le 4 juillet 1958, elle appartient à une génération qui a grandi dans un Cameroun encore jeune sur le plan institutionnel, où la construction de l’appareil administratif et la consolidation des services publics ont occupé une place structurante. Cette donnée n’est pas anecdotique : une grande partie de sa carrière s’inscrit dans des administrations centrales, dans des services de coordination et dans des fonctions de pilotage. Son itinéraire parle autant d’une personne que d’une époque : celle où la progression au sein de l’État repose sur la formation, l’expertise, puis la capacité à tenir des fonctions techniques dans la durée.
Dans l’espace public, elle n’est pas principalement identifiée par des polémiques personnelles ou par une exposition médiatique permanente. Son nom circule davantage à l’occasion d’annonces institutionnelles, de programmes sociaux, d’inaugurations, de campagnes ciblées, ou de prises de parole liées à des crises touchant des enfants, des familles ou des personnes en situation de handicap. Cette relative sobriété de communication, dans un portefeuille où les sujets sont souvent douloureux, contribue à dessiner une image de ministre de dossier plutôt que de ministre de scène.
S’intéresser à sa biographie, c’est donc refuser le portrait figé. C’est comprendre comment une trajectoire, construite d’abord dans les secteurs techniques et administratifs, se retrouve à la tête d’un ministère où l’humain, l’urgence et le soin social sont omniprésents. C’est aussi observer la manière dont l’État camerounais valorise certains profils : ceux qui savent tenir une administration, coordonner des partenaires et faire exister des dispositifs dans la durée.
Une formation scientifique et managériale atypique pour les Affaires sociales
L’un des traits les plus singuliers du parcours de Pauline Irène Nguéné réside dans sa formation initiale. Elle est formée en ingénierie pétrolière au New Mexico Institute of Mining and Technology, aux États-Unis. Elle obtient ensuite un diplôme de niveau maîtrise en sciences de la Terre à l’Université de Yaoundé. Enfin, en 1988, elle décroche un diplôme d’études supérieures spécialisées en administration des entreprises pétrolières à Montréal, au sein de HEC Montréal.
Cette combinaison de disciplines est révélatrice d’un profil technique, orienté vers l’énergie, les ressources et la gestion. À première vue, l’écart entre l’ingénierie pétrolière et le champ social peut surprendre. Mais c’est précisément dans cet écart que se loge une clé de lecture : le social, dans sa version ministérielle, n’est pas uniquement une affaire d’intentions ; c’est un domaine d’organisation, de programmation et de pilotage, où la mise en place d’un dispositif est aussi importante que l’annonce.
Les ministères sociaux, dans de nombreux États, fonctionnent sur des chaînes administratives complexes : identification des bénéficiaires, articulation avec les collectivités, relations avec des partenaires internationaux, suivi d’institutions spécialisées, encadrement de travailleurs sociaux, contrôle et évaluation. Dans ce cadre, la formation en gestion et la culture du projet peuvent constituer un atout : établir des priorités, structurer des programmes, défendre des arbitrages budgétaires, et garantir une forme de continuité.
Cette formation contribue également à expliquer pourquoi son parcours s’inscrit d’abord dans des fonctions techniques et stratégiques, et pourquoi son accès à un portefeuille social s’opère après une longue expérience de coordination au sommet de l’administration. Elle arrive aux Affaires sociales avec des réflexes de méthode : diagnostic, procédure, pilotage, calendrier, traçabilité. Or, dans un ministère où l’action est souvent attendue sur le terrain, ces réflexes peuvent susciter à la fois des attentes et des critiques : attente de structuration, critique de la bureaucratie. Le défi consiste alors à faire se rencontrer la rigueur du dispositif et la réalité humaine, parfois brutale, des urgences sociales.
Au-delà de son cas personnel, cette trajectoire illustre aussi une conception de l’action publique : celle où l’efficacité sociale n’est pas seulement affaire de compassion, mais de système. Et quand un ministère cherche à mettre en place des outils durables, comme des registres de ciblage social ou des dispositifs de réhabilitation, la culture de l’ingénierie et de la gestion devient une partie de la réponse.
Des hydrocarbures à la Primature : une longue école de l’administration centrale
Après ses études, Pauline Irène Nguéné entame sa carrière au sein de l’administration camerounaise. Elle travaille au ministère en charge des Mines, de l’Eau et de l’Énergie, où elle est notamment cheffe de service de l’exploration des hydrocarbures. Ce poste la situe dans un secteur stratégique, à la croisée de l’expertise technique et des enjeux économiques. Dans les administrations de l’énergie, les choix sont rarement neutres : ils touchent à la planification, à la souveraineté, aux partenariats, à la régulation et, indirectement, à la redistribution.
À partir de 1991, sa carrière se déplace vers la Primature. Entre 1991 et 2009, elle y occupe successivement des fonctions d’attachée, de chargée de mission, puis de conseillère technique. Cette période, longue de près de deux décennies, constitue une école de la coordination gouvernementale. La Primature, par nature, se situe au-dessus des silos ministériels : elle arbitre, coordonne, prépare des décisions transversales, suit des priorités qui impliquent plusieurs départements.
Travailler à ce niveau impose une compréhension fine des contraintes de l’État : les procédures, les rapports de force, les urgences concurrentes, les limites budgétaires, les attentes politiques. C’est aussi un espace où l’on apprend à inscrire des projets dans la durée. Dans le champ social, cette compétence est essentielle : la protection sociale ne se transforme pas en quelques semaines, et les réformes demandent de la persévérance administrative.
En janvier 2009, elle est nommée présidente du Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat, structure associée à l’accompagnement des contrats de partenariat public-privé. Là encore, il s’agit d’un domaine technique, sensible, où se croisent investissements, procédures, et exigence de suivi. Diriger une telle structure renforce un profil de gestionnaire de mécanismes : montage de projets, sécurisation des processus, articulation entre acteurs publics et privés, suivi d’exécution.
Ce passage par les partenariats et les contrats a un intérêt pour comprendre son arrivée aux Affaires sociales : nombre d’actions sociales reposent aujourd’hui sur des partenariats, des financements croisés, des programmes co-construits. Un ministère social peut avoir besoin d’une capacité de négociation, de contractualisation et de suivi, notamment lorsqu’il s’agit de moderniser des centres, de renforcer des dispositifs de prise en charge, ou de déployer des outils nationaux d’identification des bénéficiaires.
À ce stade, son parcours dessine une ligne claire : une montée progressive dans l’appareil d’État, marquée par des responsabilités de plus en plus transversales. Ce n’est pas un chemin construit sur un seul secteur ; c’est une trajectoire d’administration générale, avec un socle technique initial et une spécialisation progressive dans le pilotage.
Ministre des Affaires sociales depuis 2015 : un portefeuille de vulnérabilités et d’urgences
Le 2 octobre 2015, Pauline Irène Nguéné est nommée ministre des Affaires sociales. Elle est présentée comme membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir. Depuis cette date, elle s’inscrit dans la durée au sein du gouvernement sur un portefeuille où la pression est constante, car les publics concernés sont parmi les plus fragiles.
Les Affaires sociales recouvrent un champ large : prévention et assistance auprès des personnes en situation de vulnérabilité, protection de l’enfance en difficulté, lutte contre les exclusions, suivi des personnes en situation de handicap, accompagnement des familles confrontées à des crises, coordination avec des partenaires institutionnels et des organismes spécialisés. Ce ministère, souvent perçu comme un ministère de l’urgence humaine, fonctionne à la jonction du social, de la santé, de l’éducation, de la justice et des collectivités.
Sous sa conduite, plusieurs chantiers et axes d’action sont associés à son passage au ministère. L’un des plus structurants est la mise en avant d’un registre social unifié, outil conçu pour mieux identifier et cibler les ménages ou personnes socialement vulnérables. Un tel registre vise, en principe, à éviter que l’aide ne soit distribuée de manière dispersée, à améliorer la coordination entre programmes, et à faciliter l’évaluation. Dans une administration où la question du ciblage est sensible, le registre est autant un instrument technique qu’un signal politique : celui d’une volonté de rationaliser la solidarité publique.
Le ministère s’est également affiché sur des démarches d’inclusion, notamment sur l’éducation inclusive. Dans un pays où l’accès à l’école pour les enfants en situation de handicap se heurte à des obstacles matériels, pédagogiques et sociaux, une campagne en faveur de l’éducation inclusive renvoie à un combat de longue haleine : adapter les structures, former, sensibiliser, et faire exister le droit dans les réalités quotidiennes.
Par ailleurs, la ministre intervient ou est attendue lors de situations touchant directement à la protection de l’enfant. Lorsqu’une affaire concernant un mineur suscite l’émotion, l’État est jugé sur sa capacité à accompagner, écouter, protéger, et coordonner les services. Dans ce registre, la mobilisation de travailleurs sociaux et l’accompagnement psychosocial d’une famille sont des réponses typiques du champ des Affaires sociales : elles ne remplacent pas les procédures judiciaires, mais elles incarnent la responsabilité de protection et de soutien.
La question du handicap occupe également une place centrale dans l’action attribuée à ce portefeuille. Le ministère exerce une tutelle sur un centre national de réhabilitation, et la ministre est présentée comme présidente du conseil d’administration de cette institution depuis 2016. Au-delà de la gouvernance, la problématique renvoie à des besoins concrets : rééducation, appareillage, accompagnement, accessibilité, et inclusion scolaire et sociale. Dans les territoires éloignés des grands centres urbains, la question est aussi celle de l’équité : rapprocher des services spécialisés des populations qui en manquent.
Enfin, les Affaires sociales sont un ministère exposé à la tension permanente entre les attentes et les moyens. Les demandes peuvent être immédiates, massives, et parfois amplifiées par les crises économiques, les déplacements de populations ou les vulnérabilités liées à l’âge et à la maladie. Dans ce contexte, l’action d’une ministre se juge sur la capacité à tenir le fil : maintenir des services, renforcer des dispositifs, structurer des programmes, tout en répondant à des urgences qui exigent une réaction rapide.
Continuité, reconnaissance et défis : quelle place dans le paysage politique camerounais ?
La longévité de Pauline Irène Nguéné à la tête du ministère des Affaires sociales est un élément majeur de son portrait politique. Être maintenue sur un portefeuille aussi sensible sur plusieurs années indique une forme de confiance institutionnelle et une capacité à naviguer dans un champ où les crises sont fréquentes et où les résultats sont difficiles à résumer en chiffres simples. Dans le langage politique, la continuité est souvent présentée comme une garantie de cohérence. Dans le langage social, elle peut être interprétée comme la possibilité de construire des dispositifs sur le long terme.
Cette continuité s’accompagne d’éléments de reconnaissance officielle. Elle a reçu, en 2019, une distinction honorifique de haut niveau : grand officier de l’ordre de la Valeur. Dans la symbolique étatique, ce type de distinction est associé à un service rendu à la nation et à une reconnaissance du parcours au sommet de l’administration.
Elle figure également, dans certains travaux et recensions publiques, parmi des femmes présentées comme influentes au Cameroun. Ce point, plus symbolique, souligne la dimension de représentation : une femme occupant durablement un portefeuille social important incarne, pour une partie de l’opinion, la place des femmes dans la gouvernance et dans les secteurs de protection.
Toutefois, un portrait journalistique rigoureux doit aussi distinguer la visibilité institutionnelle de l’expression personnelle. Les informations publiques disponibles sur elle dessinent surtout un profil de gestionnaire et de responsable administrative : formation, postes, nominations, dispositifs. En revanche, ses prises de position idéologiques, ses déclarations de doctrine, ou des marqueurs politiques personnels sont moins présents dans l’espace public que chez d’autres figures plus médiatiques. Cette rareté peut relever d’un style : parler peu, agir par dispositifs, privilégier la communication institutionnelle à la personnalisation.
Dans le champ social, cette posture a des avantages et des limites. L’avantage est la stabilité : le ministère n’est pas transformé en scène d’affrontements verbaux permanents, et l’action peut se concentrer sur des programmes. La limite est la perception : lorsque l’opinion réclame des réponses fortes, la sobriété peut être interprétée comme une distance. Or, le social est un domaine où les citoyens attendent souvent une parole empathique autant qu’une action structurée.
Les défis restent donc multiples. D’abord, l’équité territoriale : faire en sorte que les dispositifs atteignent réellement les populations hors des grands centres. Ensuite, la coordination interministérielle : le social ne se gère pas seul, car les réponses passent par l’éducation, la santé, la justice, la sécurité, les collectivités. Enfin, la crédibilité des outils : un registre social, une campagne d’inclusion, un centre de réhabilitation modernisé ne sont jugés, au bout du compte, qu’à travers l’amélioration perceptible de la vie des personnes concernées.
En définitive, Pauline Irène Kendeck, dite Pauline Irène Nguéné, née le 4 juillet 1958, apparaît comme une figure de l’État camerounais dont la trajectoire est emblématique d’un pouvoir qui valorise la compétence administrative, la continuité et la structuration des politiques publiques. Son itinéraire, de l’ingénierie pétrolière aux Affaires sociales, rappelle qu’un ministère social, à ce niveau, est aussi un ministère de systèmes : il doit protéger, accompagner et inclure, mais il doit surtout faire fonctionner des mécanismes concrets dans un pays aux réalités sociales contrastées. Ce sont ces mécanismes, plus que les slogans, qui définissent au quotidien la portée d’une action politique sur le terrain social.



