À Djibouti, les responsables publics dont le nom circule régulièrement dans les dossiers économiques ne sont pas toujours ceux qui occupent le devant de la scène partisane. Yonis Ali Guedi appartient à cette catégorie de décideurs dont le parcours se lit moins à travers les joutes électorales que dans la conduite de politiques publiques très techniques, exposées à des contraintes immédiates et à des paris de long terme. Ministre de l’Énergie et chargé des Ressources naturelles depuis 2017, il s’est installé au centre d’une équation délicate : sécuriser l’approvisionnement d’un pays dépendant des importations d’hydrocarbures, tout en accélérant une transition vers des sources renouvelables présentées comme la voie la plus réaliste vers la souveraineté énergétique.
L’image renvoyée par Yonis Ali Guedi est celle d’un profil de gestionnaire, souvent associé à la mise en œuvre, à la négociation et à la planification. Son champ d’action recoupe des enjeux concrets pour la population et pour l’économie : le coût de l’électricité, l’accès des zones rurales au réseau, la stabilité des approvisionnements en carburants, la capacité à attirer des investisseurs dans un secteur fortement capitalistique, ainsi que la crédibilité d’objectifs climatiques affichés à l’international. Autour de sa personne, une question revient : qui est précisément cet homme politique, et comment son parcours éclaire-t-il le rôle qu’il joue aujourd’hui dans la trajectoire énergétique djiboutienne ?
D’un parcours de terrain à un profil de gestionnaire : les années formation et l’expérience au Port de Djibouti
Les éléments biographiques disponibles décrivent d’abord un itinéraire professionnel construit dans l’administration et dans des structures centrales de l’économie djiboutienne, avant l’entrée au gouvernement. Yonis Ali Guedi est présenté comme titulaire d’un master en management des ressources humaines, une formation qui le place d’emblée du côté de l’organisation, du pilotage et de la gestion des compétences plutôt que du militantisme classique. Après un passage par le secteur bancaire et par le système national d’éducation, il rejoint en 2000 le Port de Djibouti, considéré comme un pivot de l’activité économique nationale.
Dans un pays dont la position géographique au débouché de la mer Rouge a façonné le modèle économique, l’expérience portuaire est souvent plus qu’une ligne sur un curriculum vitae : c’est un apprentissage de la logistique, des flux, des risques, des dépendances externes et des arbitrages entre urgence opérationnelle et planification. Yonis Ali Guedi y progresse pendant plus d’une décennie, gravissant les échelons selon les descriptions disponibles. En 2013, il est nommé à un poste de direction au sein de la gestion du terminal à conteneurs, à la tête du service et du département d’appui. Ce passage par une structure où la performance se mesure au quotidien, et où les décisions ont des impacts immédiats sur la chaîne d’approvisionnement, contribue à expliquer l’image de responsable public soucieux d’exécution et de résultats.
Cette trajectoire met aussi en lumière un aspect rarement souligné dans les portraits politiques : la capacité à parler le langage des partenaires économiques. La description d’un profil polyglotte, formé à plusieurs reprises dans les domaines de la gestion, de la planification des emplois et des compétences, et du développement de l’anglais des affaires, renforce l’idée d’un acteur à l’aise dans la négociation et dans l’interface avec des investisseurs et des institutions internationales. Dans les secteurs énergétiques, où les projets s’étalent sur de longues périodes et mobilisent des financements importants, cette compétence n’est pas accessoire. Elle conditionne souvent la possibilité même de transformer une intention politique en infrastructures et en contrats.
Ce socle explique en partie pourquoi Yonis Ali Guedi apparaît comme un homme de dossiers. Il n’est pas, dans les informations publiques les plus accessibles, décrit d’abord à travers une ascension par un appareil partisan, mais par une progression professionnelle dans des fonctions de management. À Djibouti, où l’État joue un rôle structurant dans l’économie et où le port est une porte d’entrée des échanges, l’expérience de la gestion des services de support et des opérations d’un terminal à conteneurs peut servir de matrice : celle d’une rationalité logistique, d’une attention aux chaînes de dépendances, et d’une perception aiguë de ce que signifie, concrètement, la notion de souveraineté.
2017 : l’entrée au gouvernement et le basculement vers un ministère stratégique
Le tournant a lieu en 2017. Yonis Ali Guedi rejoint le gouvernement le 5 avril 2017 et prend la tête du ministère de l’Énergie, chargé des Ressources naturelles. Le portefeuille est présenté comme stratégique dans un pays qui, malgré ses ambitions, doit composer avec une réalité simple : l’énergie coûte cher, pèse sur la compétitivité, et conditionne l’industrialisation comme l’amélioration des conditions de vie.
À partir de là, l’action d’un ministre ne se réduit pas à une orientation générale. Elle se joue dans une articulation permanente entre, d’un côté, la production et l’importation d’électricité, et de l’autre, les hydrocarbures, les carburants, la distribution, les stocks, la régulation et les relations avec les opérateurs. Le ministère est également chargé de ressources naturelles, ce qui élargit l’équation aux questions minières et, plus largement, aux perspectives de valorisation de ressources locales susceptibles de soutenir une politique de transition énergétique.
L’un des marqueurs les plus commentés dans les communications publiques liées à Yonis Ali Guedi est l’affichage d’un objectif de transition vers une énergie verte. L’idée, martelée dans différents contextes, est de réduire une dépendance coûteuse et vulnérable en misant sur un potentiel renouvelable, notamment solaire, éolien et géothermique. Cette ambition s’inscrit aussi dans une stratégie de positionnement : faire de Djibouti un pays capable, à terme, de produire une électricité plus propre et plus compétitive, voire d’en exporter.
Mais l’entrée au gouvernement en 2017 ne signifie pas seulement porter un discours d’avenir. Elle impose de gérer le présent : sécuriser l’approvisionnement en produits pétroliers, accompagner la croissance de la demande intérieure, répondre aux attentes sociales, et éviter que les tensions énergétiques ne deviennent un frein à l’économie. Les interventions publiques de Yonis Ali Guedi mettent souvent en avant le double registre : maintenir la continuité de l’approvisionnement et préparer un basculement progressif.
Dans cette perspective, la fonction ministérielle devient un exercice d’équilibriste. Le Djibouti d’aujourd’hui doit continuer à alimenter ses transports, ses entreprises et ses ménages en carburants, tout en cherchant à réduire progressivement l’empreinte de cette dépendance. C’est précisément sur cette ligne de crête que se situe l’action politique du ministre : négocier des solutions immédiates tout en défendant une trajectoire de transformation structurelle.
Une transition énergétique revendiquée : entre renouvelables, interconnexions et ouverture au secteur privé
Le discours de Yonis Ali Guedi sur la transition énergétique s’inscrit dans une continuité : l’affirmation que Djibouti, dépourvu de ressources fossiles exportables, doit investir dans les renouvelables par nécessité autant que par choix. Dans une interview accordée à un média économique, il rappelait que les coûts élevés de l’énergie avaient longtemps nui à la compétitivité, et que la stratégie nationale reposait sur un recours accru au solaire, à l’éolien et à la géothermie. Il y évoquait aussi une ambition de couverture majoritaire des besoins en électricité grâce à une énergie verte, tout en soulignant la croissance rapide de la demande intérieure.
Ce point est central. La transition énergétique n’est pas un slogan si la demande augmente, portée par l’urbanisation, l’équipement des ménages, l’activité portuaire et les projets d’industrialisation. Le pays a, ces dernières années, été décrit comme dépendant en partie d’une interconnexion avec le réseau éthiopien, tandis que le reste était assuré par des capacités locales, notamment thermiques. Cette configuration renforce l’intérêt pour des projets diversifiant la production domestique, réduisant les coûts et augmentant la résilience.
La géothermie figure parmi les pistes régulièrement mentionnées dans les échanges liés à la politique énergétique djiboutienne, notamment autour de sites identifiés comme prometteurs. Dans des entretiens internationaux, Yonis Ali Guedi a insisté sur l’importance d’infrastructures nouvelles et sur la confirmation de ressources géothermiques dans certains sites, tout en présentant ces projets comme des jalons vers l’autonomie énergétique. La géothermie, lorsqu’elle est viable, offre un avantage : une production stable, moins intermittente que le solaire et l’éolien, ce qui peut soutenir la base du réseau.
Autre élément structurant : la volonté affichée d’associer davantage le secteur privé. Dans un entretien destiné à des décideurs économiques, il a évoqué l’adoption d’une loi libéralisant la production d’électricité, ouvrant la porte à des producteurs indépendants. Le raisonnement est classique dans de nombreux pays : attirer des capitaux, accélérer le déploiement de capacités, diversifier les modèles contractuels, tout en encadrant le marché par une autorité de régulation. La question, dans la pratique, est toujours la même : comment concilier l’ouverture à l’investissement privé et la protection d’un intérêt général qui impose des tarifs soutenables et une continuité de service ?
Au-delà des textes, l’action politique se mesure aux projets. Les annonces et rencontres institutionnelles suggèrent une recherche active de partenariats, dans le solaire comme dans l’éolien, y compris des pistes plus innovantes, telles que des projets pilotes en mer. La transition est donc présentée comme un assemblage : des renouvelables terrestres, des options géothermiques, des coopérations régionales, et une ouverture graduelle aux investisseurs.
Le fil rouge est l’autonomie. Dans ses prises de parole, Yonis Ali Guedi lie la transition énergétique à la souveraineté, à la sécurité et à la compétitivité. Ce cadrage permet d’intégrer la question climatique sans la réduire à une injonction extérieure. Il s’agit, selon cette vision, d’un choix rationnel pour un pays dont la facture énergétique peut peser lourdement sur l’économie.
Hydrocarbures, distribution et sécurité d’approvisionnement : le versant moins visible mais décisif du ministère
Parler d’un ministre de l’Énergie à Djibouti en ne retenant que les renouvelables reviendrait à occulter une partie déterminante du portefeuille : les hydrocarbures, la distribution de carburants, les stocks stratégiques, les stations-service, le contrôle des opérateurs et la réglementation. Sur ce terrain, Yonis Ali Guedi intervient dans un registre plus immédiat, où les délais sont courts et les marges d’erreur faibles.
Dans un entretien accordé à la presse nationale à l’occasion de l’inauguration de stations-service dans la capitale, il a détaillé les missions de son ministère, telles qu’elles résultent d’une réorganisation administrative adoptée en 2022. Il y décrit un rôle d’élaboration et de mise en œuvre des politiques sectorielles, mais aussi de coordination des activités d’exploration et de production, d’approvisionnement, de stockage, de transport et de distribution des produits pétroliers. Il insiste sur l’application de la réglementation, la surveillance du marché et le contrôle des entreprises actives dans ce domaine.
Cette dimension est parfois perçue comme moins noble que l’horizon d’une énergie verte, mais elle est politiquement décisive. La disponibilité du carburant, son prix, la qualité des produits et la densité du réseau de distribution influencent directement le quotidien, le coût de la vie et l’activité économique. Lorsque Yonis Ali Guedi évoque la politique des stocks stratégiques, il renvoie à un enjeu de souveraineté au sens strict : limiter la vulnérabilité d’un pays face à des ruptures d’approvisionnement, à des tensions régionales ou à des chocs internationaux sur les prix.
La construction et la rénovation de stations-service, présentées comme un axe de politique publique, répondent à une logique territoriale. Il ne s’agit pas uniquement d’augmenter l’offre pour les automobilistes, mais de structurer un maillage, d’encourager des activités connexes, et de réduire les distances d’accès au carburant dans certaines zones. Dans son entretien, le ministre relie ces infrastructures à un effet de dynamisation du commerce local. Il annonce aussi une poursuite de l’effort dans la capitale et dans certaines régions.
Cette approche illustre la nature hybride du ministère : un pied dans l’avenir énergétique, un autre dans l’économie très concrète des hydrocarbures. Pour Yonis Ali Guedi, défendre une transition ne consiste pas seulement à lancer des projets renouvelables, mais à maintenir la stabilité d’un secteur pétrolier dont dépend encore l’essentiel des transports et une partie de la production électrique. L’autorité publique doit y garantir la régulation, l’équité et la sécurité.
Dans le contexte international récent, marqué par des fluctuations de prix, des tensions géopolitiques et des fragilités logistiques, ce volet prend encore plus de relief. L’efficacité d’un ministre se lit alors dans la capacité à éviter les ruptures, à anticiper, à contrôler et à négocier. C’est souvent là que se joue la crédibilité d’une politique énergétique : on ne transforme pas un système si l’on ne sécurise pas l’existant.
Diplomatie énergétique, projets structurants et image politique : hydrogène vert, partenariats et ancrage national
Le portrait de Yonis Ali Guedi se complète par une dimension internationale. Dans les politiques énergétiques contemporaines, la diplomatie est une extension de la technique : les projets se financent, se conçoivent et se contractualisent à travers des alliances, des institutions, des conférences et des partenariats. Djibouti, par sa position géostratégique et son ambition de devenir un hub, cherche à se rendre attractif. Le ministre de l’Énergie est, de fait, l’un des visages de cette stratégie.
Les rencontres rapportées dans la presse nationale et dans les communications institutionnelles montrent une activité soutenue avec des acteurs variés : organisations multilatérales, agences spécialisées, entreprises privées, partenaires bilatéraux. Le pays met en avant, dans ces échanges, son potentiel renouvelable et sa volonté d’accélérer l’électrification, notamment rurale, en lien avec des partenaires comme le Programme des Nations unies pour le développement.
Parmi les projets structurants régulièrement cités figure celui de l’hydrogène vert, présenté comme un chantier stratégique. Des rencontres avec des responsables d’entreprises impliquées dans ce type de développement ont été rendues publiques, autour d’un projet de hub d’hydrogène vert à Obock. Dans ces échanges, l’accent est mis sur l’avancement des études, les évaluations d’impact environnemental, les mesures liées au vent et à l’ensoleillement, et les étapes macroéconomiques. L’hydrogène vert, lorsqu’il est réellement compétitif, peut permettre à un pays à fort potentiel renouvelable d’envisager des exportations d’énergie sous forme de molécules, et donc de transformer un avantage naturel en chaîne de valeur. Mais il s’agit d’un secteur complexe, où les promesses sont nombreuses et les risques financiers élevés. Là encore, le rôle politique consiste à attirer, cadrer, sécuriser et, surtout, éviter que l’ambition ne se transforme en mirage.
Autre exemple : l’exploration de technologies innovantes comme l’éolien en mer via des turbines flottantes, dans le cadre de projets pilotes financés et accompagnés par des partenaires internationaux. Ces options, encore émergentes, traduisent une volonté d’examiner toutes les voies possibles pour diversifier l’offre énergétique. Elles renforcent aussi l’image d’un ministère qui cherche à se positionner à la frontière de la transition, dans un pays où la place manque parfois pour des infrastructures terrestres proches de la capitale, et où l’accès à certains sites peut être contraint.
L’action internationale de Yonis Ali Guedi se lit également dans sa participation à des forums et à des rencontres avec des institutions consacrées aux énergies renouvelables, ainsi que dans les échanges avec des partenaires régionaux et extra-régionaux. Ce registre, très diplomatique, relève d’un jeu d’influence : obtenir de la visibilité, attirer des financements, convaincre des investisseurs, et inscrire Djibouti dans des réseaux de coopération.
Mais un portrait politique ne se réduit pas à des dossiers techniques et à des voyages. Il se joue aussi dans la manière dont un responsable s’inscrit dans une histoire nationale et dans une géographie intérieure. À cet égard, Yonis Ali Guedi a exprimé publiquement son attachement à Arta, évoquant ses origines et l’importance symbolique de certains projets liés à la mémoire et à la paix. Cette référence à Arta, qui résonne avec l’histoire régionale et avec le rôle de Djibouti dans des démarches de dialogue, contribue à construire une image politique : celle d’un ministre qui, tout en gérant des infrastructures, se présente aussi comme dépositaire d’un récit national.
Au final, qui est Yonis Ali Guedi ? Les informations publiques permettent de dessiner un profil précis, même si certains éléments classiques des biographies politiques, comme une date de naissance détaillée ou un parcours partisan explicitement documenté dans les sources les plus accessibles, apparaissent moins mis en avant que ses fonctions gouvernementales. C’est un responsable issu d’un parcours de gestion, passé par le cœur économique du pays, devenu ministre d’un portefeuille stratégique en 2017, et identifié depuis comme l’un des artisans de la politique énergétique djiboutienne.
Sa place dans la vie publique s’explique par la nature du défi : à Djibouti, l’énergie est à la fois un sujet de souveraineté, un enjeu social et un outil de transformation économique. Yonis Ali Guedi est l’un de ceux qui portent cette équation, entre hydrocarbures et transition, entre distribution du quotidien et projets d’avenir, entre contraintes budgétaires et ambitions affichées. L’homme politique apparaît ainsi moins comme un tribun que comme un opérateur de stratégie nationale, au croisement de la technique, de l’économie et de la diplomatie.



