Dans un pays où l’État occupe une place centrale dans l’orientation de l’économie et dans la conduite des politiques publiques, certaines figures ministérielles deviennent des repères. Mohamed Warsama Dirieh appartient à cette catégorie de responsables dont le parcours illustre une continuité administrative et politique, mais aussi une capacité à changer de registre au gré des priorités nationales. Connu pour avoir été associé à l’action publique pendant la crise du Covid-19 lorsqu’il était en responsabilité au ministère de la Santé, il occupe ensuite un portefeuille à la fois économique et stratégique, celui du Commerce et du Tourisme, dans un contexte régional marqué par l’intégration africaine, la concurrence portuaire, la recherche d’investissements et l’enjeu de diversification.
Qui est-il exactement, et que dit son itinéraire de la manière dont Djibouti fabrique ses décideurs ? Au-delà des communiqués officiels, la lecture de ses prises de parole publiques, de ses missions à l’étranger et des politiques qu’il porte permet de dessiner le portrait d’un homme de dossiers, davantage administrateur et négociateur que tribun, dont le rôle s’inscrit dans une architecture institutionnelle où l’exécutif reste la clé de voûte.
Un parcours construit dans l’administration, du secteur éducatif aux responsabilités nationales
Les éléments biographiques disponibles sur Mohamed Warsama Dirieh racontent d’abord une ascension par l’appareil administratif. Selon des informations diffusées par des canaux institutionnels, il a exercé comme haut fonctionnaire au sein du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, un secteur souvent désigné à Djibouti comme un vivier de cadres, tant les politiques éducatives y sont liées à la formation de l’État moderne. Il est notamment présenté comme ayant débuté sa carrière professionnelle en 1996 au ministère de l’Éducation nationale, dans des fonctions de cadre au service du personnel et du matériel, avant de progresser au sein de l’administration. Cette première période, moins visible médiatiquement, est pourtant déterminante : elle façonne une culture de gestion, un rapport aux procédures, et une familiarité avec l’organisation de services publics au quotidien.
Cette trajectoire “par le dedans” distingue souvent les responsables issus de l’administration de ceux qui émergent d’abord par l’arène partisane ou par la notoriété locale. À Djibouti, pays de taille modeste où les institutions doivent concilier exigences de gouvernance, contraintes budgétaires et attentes sociales, l’expérience administrative demeure un capital politique. Elle permet aussi de naviguer entre différents ministères, au rythme des réorganisations et des priorités gouvernementales.
Dans les profils tels que celui de Mohamed Warsama Dirieh, la notion de “technicien devenu politique” prend tout son sens. La frontière entre expertise et décision politique est rarement étanche : un ministre n’est pas seulement un gestionnaire, il incarne une orientation, représente l’État à l’extérieur, arbitre entre intérêts parfois contradictoires. Mais la marque d’un parcours administratif se lit dans la manière de parler : un vocabulaire de programmes, de plans d’action, de coordination intersectorielle, de dispositifs, d’indicateurs. Ce lexique traverse ses communications publiques lorsqu’il traite, par exemple, de réponse sanitaire ou de déploiement de politiques économiques.
Il est aussi présenté, dans certaines publications officielles, comme marié et père de six enfants. Cette information, classique dans les notices institutionnelles de la région, vise moins à entrer dans l’intime qu’à inscrire le responsable dans une respectabilité sociale et une représentation familiale conforme aux codes locaux.
La séquence santé : visibilité accrue pendant la crise sanitaire et logique de “riposte” d’État
Avant d’apparaître dans les dossiers de commerce et de tourisme, Mohamed Warsama Dirieh est surtout associé à un autre moment : celui de la gestion sanitaire, qui a placé les ministères de la Santé au centre de l’attention. La pandémie de Covid-19 a eu cet effet partout : elle a propulsé des responsables techniques au premier plan, dans un espace public habituellement dominé par les questions de sécurité, d’infrastructures ou de diplomatie.
Les entretiens et récits publics disponibles sur la période montrent un responsable insistant sur l’anticipation, la coordination avec les partenaires internationaux et la mobilisation des ressources nationales. Dans une interview largement reprise, il est décrit comme détaillant les étapes de la préparation, l’installation de dispositifs de contrôle, la constitution de comités et la mise en place d’un plan de riposte, avec un accent sur l’effort budgétaire national et le leadership des autorités de l’État. Ce type de discours répond à une double attente : convaincre la population que l’État maîtrise la situation, et convaincre les partenaires internationaux que les moyens et la stratégie sont crédibles.
Ce qui ressort également, dans les communications publiques autour de cette séquence, c’est l’idée d’une réponse structurée autour de la logique “tester, tracer, traiter”, devenue une formule de gouvernement. Djibouti a cherché à s’appuyer sur sa capacité logistique, sur l’organisation centralisée du système de décision, mais aussi sur l’appui d’organisations internationales présentes dans le pays. Les discours officiels insistent sur l’articulation entre expertise nationale et coopération : une manière de revendiquer l’autonomie tout en valorisant l’efficacité des partenariats.
Il faut replacer cette période dans un contexte national particulier : Djibouti est un petit État, exposé à des flux internationaux importants en raison de sa position sur des routes maritimes majeures et de la présence de multiples partenaires étrangers. Une crise sanitaire importée y est donc un défi immédiat. Dans un tel cadre, le ministre de la Santé n’est pas seulement gestionnaire d’hôpitaux : il devient coordinateur de crise, interlocuteur des forces de sécurité, des transporteurs, des autorités portuaires, des diplomaties étrangères et des institutions multilatérales.
Les communications disponibles attribuent à cette période un bilan valorisé, en particulier au regard de la mobilisation nationale. La rhétorique de la performance sanitaire sert aussi un enjeu politique : montrer que l’État, même sous contrainte, sait produire des résultats. Pour un responsable comme Mohamed Warsama Dirieh, cela signifie une exposition accrue, des prises de parole plus régulières, une reconnaissance interne et, potentiellement, une légitimité renforcée dans la conduite d’autres portefeuilles.
Cette visibilité ne garantit pas, à elle seule, une carrière. Mais elle installe une image : celle d’un décideur capable de gérer des dossiers lourds, sous pression, avec des attentes immédiates. Dans la vie politique djiboutienne, où la stabilité gouvernementale s’accompagne de remaniements ciblés, cette capacité à “tenir” une séquence difficile peut compter.
Du sanitaire à l’économique : un portefeuille Commerce et Tourisme au cœur de la stratégie de diversification
La bascule la plus structurante de son parcours public récent est sa prise de fonctions comme ministre du Commerce et du Tourisme dans le gouvernement formé par décret du 24 mai 2021. Cette date, inscrite dans les documents officiels, marque son entrée dans un domaine où l’action publique est moins guidée par l’urgence sanitaire que par des horizons de moyen terme : attirer des investissements, stimuler les échanges, développer des filières, accroître l’attractivité touristique et formaliser des pans entiers de l’économie.
Le Commerce, à Djibouti, n’est pas une simple question de marché intérieur. Il est directement lié à la vocation logistique du pays : ports, zones franches, corridors régionaux, services, transit, intégration douanière. Le Tourisme, lui, apparaît comme un chantier de diversification, adossé à des atouts naturels et à une ambition de mieux faire connaître le pays au-delà de son image stratégique. Le regroupement de ces deux domaines dans un même portefeuille traduit une logique : articuler la diplomatie économique, la circulation des biens, et l’“image pays”.
Dans les activités publiques rapportées, Mohamed Warsama Dirieh est souvent montré en interaction avec des délégations, des partenaires internationaux, des institutions régionales et des acteurs économiques. Les thématiques récurrentes sont celles de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), du commerce intra-africain, des facilités de circulation, et de la capacité de Djibouti à se présenter comme plateforme. Ce positionnement, porté dans divers forums, répond à une compétition régionale intense : dans la Corne de l’Afrique et au-delà, chaque État côtier cherche à capter flux et investissements, à développer ses infrastructures, à offrir des conditions favorables aux opérateurs.
L’un des enjeux majeurs, dans ce cadre, est la capacité de l’État à faire coïncider plusieurs temporalités : celle des grands projets, qui s’inscrivent sur des années, et celle des attentes économiques quotidiennes, qui pèsent sur les ménages comme sur les petites entreprises. Un ministre du Commerce est pris entre la nécessité d’annoncer des perspectives, et la demande de résultats concrets : accès au marché, prix, formalisation, régulation, amélioration des services.
Son agenda public évoque aussi des politiques liées au secteur informel, dont l’importance est déterminante dans de nombreux pays de la région. Un lancement de plan d’action pour le secteur informel, présidé par lui en tant que ministre du Commerce et du Tourisme, illustre la volonté officielle de structurer progressivement ce segment de l’économie, souvent synonyme à la fois de résilience sociale et de fragilité réglementaire. Le sujet est politiquement sensible : formaliser, c’est élargir l’assiette fiscale et mieux protéger, mais c’est aussi imposer des règles à des acteurs qui vivent parfois de marges très étroites.
Enfin, le tourisme, dans les discours et les rencontres rapportées, est présenté comme un champ de potentiel, lié à des ressources naturelles et à des possibilités de mise en récit du pays. Dans les échanges avec des partenaires étrangers, il est parfois évoqué en même temps que le commerce, comme un moyen de renforcer les relations bilatérales et de diversifier les flux entrants.
Diplomatie économique et intégration africaine : la ZLECAf comme axe structurant de son action
S’il fallait retenir un fil conducteur des activités publiques récentes de Mohamed Warsama Dirieh, ce serait celui de l’intégration africaine par le commerce. La ZLECAf, projet phare de l’Union africaine visant à créer un marché continental, sert de cadre à de nombreuses rencontres et déclarations. Dans ces séquences, le ministre apparaît comme un porte-voix d’un Djibouti qui veut être à la fois bénéficiaire et facilitateur : profiter de la dynamique d’intégration tout en se positionnant comme un acteur logistique et commercial utile à la région.
Plusieurs communications institutionnelles rapportent des réunions avec des délégations liées au secrétariat de la ZLECAf, ainsi que des interventions dans des forums internationaux consacrés à l’intégration commerciale. Les messages mis en avant insistent sur des notions récurrentes : stimuler le commerce intra-africain, lever les obstacles, renforcer le dialogue régional, et proposer Djibouti comme partenaire fiable. Cette rhétorique s’inscrit dans une tendance continentale : la ZLECAf est souvent présentée comme un outil de transformation économique, même si sa mise en œuvre dépend de multiples variables, dont la capacité réelle des États à harmoniser normes, infrastructures et régulations.
Dans ces prises de parole, l’approche de Mohamed Warsama Dirieh semble privilégier l’idée de solutions concrètes : libre circulation, logistique, corridors, coopération technique. C’est cohérent avec la manière dont Djibouti construit sa stratégie : en capitalisant sur sa position géographique, sur ses infrastructures, sur ses zones économiques et sur sa capacité à offrir des services à l’hinterland régional. Le pays ne dispose pas d’un vaste marché intérieur ; sa force réside plutôt dans l’interconnexion et le transit.
Cette diplomatie économique ne se limite pas au continent. Des sources institutionnelles rapportent des rencontres avec des partenaires non africains, où le commerce et le tourisme sont discutés comme champs de coopération et d’investissement. Là encore, le ministre apparaît moins comme un acteur idéologique que comme un négociateur : insister sur la vocation de “plaque tournante”, rappeler les opportunités, proposer des projets, et consolider les relations.
Un autre aspect mérite attention : la façon dont ces missions s’inscrivent dans la représentation de l’État djiboutien à l’étranger. Dans nombre de pays, le ministère du Commerce est un ministère de l’intérieur économique. À Djibouti, il est aussi un ministère de projection : il porte l’ambition de capter des flux, d’entrer dans des réseaux d’accords, de participer à des sommets qui façonnent les normes continentales. Dans cet espace, la posture d’un ministre compte : capacité à dialoguer avec des institutions, à utiliser le vocabulaire des intégrations régionales, à présenter une stratégie cohérente.
L’enjeu est d’autant plus important que Djibouti cherche à éviter une dépendance à un seul modèle. Les services portuaires et logistiques sont centraux, mais la diversification est un mantra : tourisme, valorisation de ressources, services, événements. Les discours associés à son action font apparaître cette tension : consolider la plateforme existante tout en ouvrant de nouveaux récits économiques.
Ce que son profil révèle du système politique djiboutien : continuité, centralité de l’exécutif et politique de résultats
Parler de Mohamed Warsama Dirieh, c’est aussi parler du cadre dans lequel il évolue : un système institutionnel où l’exécutif est dominant, où les ministères sont des leviers d’action et de représentation, et où la notion de continuité est valorisée. À Djibouti, les biographies publiques de ministres mettent souvent en avant des parcours de cadres, une loyauté institutionnelle, et une capacité à servir l’État sur plusieurs fronts.
L’inscription de Mohamed Warsama Dirieh dans la composition gouvernementale issue du décret de mai 2021, en tant que ministre du Commerce et du Tourisme, confirme cette logique : le gouvernement est un organe structuré, où chaque portefeuille correspond à une priorité, mais où l’ensemble répond à une architecture dirigée depuis le sommet de l’État. Les ministres y sont à la fois responsables de politiques publiques et représentants de la ligne gouvernementale.
Son cas illustre également un principe : la valorisation de l’expérience de crise. Avoir été associé à la réponse sanitaire, puis être positionné sur un portefeuille économique, peut être lu comme un transfert de capital politique et administratif. La crise sanitaire a montré que la santé publique touche à tout : économie, frontières, sécurité, perception internationale. Un responsable qui a navigué dans ce type de crise peut apparaître comme apte à gérer des dossiers transversaux.
Enfin, son activité publique, telle qu’elle apparaît dans les communications récentes, dessine un profil de ministre “de la scène internationale” : sommets, forums, délégations, partenariats, discours sur l’intégration africaine. Dans un État comme Djibouti, où la politique étrangère et l’économie sont intimement liées, ce rôle est stratégique. Le pays tire une part de son influence et de sa résilience de sa capacité à multiplier les partenariats et à se rendre indispensable dans certains circuits. Le ministère du Commerce et du Tourisme, dans cette perspective, devient un outil de diplomatie économique.
Cela n’empêche pas les défis intérieurs. Le commerce est aussi une affaire de pouvoir d’achat, de régulation, de lutte contre certaines pratiques, de soutien aux entreprises locales. Le tourisme, lui, demande infrastructures, formation, sécurité, promotion, mais aussi une politique environnementale compatible avec la valorisation des sites. Les communiqués officiels soulignent l’ambition ; la réalité, comme partout, se mesure à la durée, aux investissements, et à la capacité à mobiliser des acteurs privés.
Au fond, l’homme politique Mohamed Warsama Dirieh apparaît comme une figure de l’État en mouvement : formé dans l’administration, mis en lumière par un moment de crise, puis repositionné sur une mission économique et diplomatique. Il n’est pas, à ce stade, un personnage de polémique ou de confrontation publique ; il incarne plutôt une continuité gouvernementale, une pratique de dossiers, et une représentation de Djibouti comme acteur de l’intégration et du commerce.
À l’heure où les États africains cherchent à transformer les promesses d’accords continentaux en échanges réels, où les économies tentent de diversifier leurs sources de revenus, et où la concurrence régionale sur les infrastructures et les flux s’intensifie, le rôle d’un ministre du Commerce et du Tourisme est particulièrement exposé. Dans ce paysage, Mohamed Warsama Dirieh occupe une place qui dépasse son seul ministère : il participe à la manière dont Djibouti se présente au monde et tente de convertir sa géographie en stratégie.



