Dans un pays où la vie politique se déploie sous l’autorité d’une monarchie exécutive, les trajectoires individuelles éclairent souvent, mieux que de longs discours, la manière dont l’État se renouvelle – ou résiste au changement. Thulisile Dladla s’impose depuis quelques années comme l’un des visages les plus visibles de l’appareil gouvernemental d’Eswatini. Ancienne figure du monde de l’éducation, passée par le contrôle parlementaire des finances publiques, devenue ensuite cheffe de la diplomatie avant d’accéder à la vice-primature, elle incarne une continuité : celle d’une élite administrative et politique qui avance par étapes, dans un système où les partis jouent un rôle limité et où les nominations au sommet restent, in fine, un acte du souverain.
Son parcours retient aussi l’attention pour une autre raison : il se confond avec plusieurs jalons symboliques pour la représentation des femmes au sein de l’exécutif. En 2018, elle devient la première femme à diriger le portefeuille des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. En 2023, elle est nommée vice-Première ministre, dans une fonction où la dimension sociale, la coordination de l’action publique et la gestion des enjeux de cohésion nationale occupent une place centrale. Dans un royaume confronté à de fortes attentes sociales – emploi, coût de la vie, sécurité alimentaire, accès aux services, inclusion – sa position la place au carrefour des dossiers du quotidien et des arbitrages d’État.
Mais qui est réellement Thulisile Dladla ? Au-delà des titres, que dit sa carrière de l’évolution d’Eswatini, de ses priorités politiques et de ses équilibres diplomatiques ? Son itinéraire, mêlant éducation, gouvernance parlementaire et diplomatie, offre une lecture instructive d’un pays qui cherche à concilier continuité institutionnelle et pressions contemporaines.
Des salles de classe aux arcanes de l’État : une carrière d’éducatrice devenue trajectoire politique
L’histoire publique de Thulisile Dladla commence loin des chancelleries et des tribunes officielles. Pendant près de trois décennies, elle construit sa vie professionnelle dans l’éducation, un secteur qui, en Afrique australe, joue souvent un rôle de passerelle vers les responsabilités publiques. Elle achève ses études secondaires au lycée St Michael’s, en 1975, avant d’entreprendre un cursus universitaire en sciences humaines à l’Université du Botswana, dont elle sort diplômée en 1981. Cette formation, au-delà du prestige régional de l’établissement, l’inscrit dans une génération de cadres d’Afrique australe pour lesquels l’enseignement supérieur constitue un marqueur de légitimité et une ressource politique durable.
Elle devient ensuite enseignante au sein d’Evelyn Baring High School, dans le département des sciences sociales. Ce détail n’est pas anodin : enseigner les sciences sociales, c’est aussi participer à la fabrication d’un récit national, à la transmission des cadres civiques et à la formation d’élèves appelés, demain, à intégrer l’administration ou le secteur privé. Dans les années qui suivent, Thulisile Dladla gravit les échelons : en 1989, elle est promue vice-principale à Swazi National High School, poste qu’elle occupe jusqu’en 1996. Puis elle devient principale de St Mark’s High School à Mbabane, la capitale administrative, avant de basculer vers une fonction plus proche de la gestion publique : la direction de Sebenta National Institute.
Sebenta, dans le contexte d’Eswatini, n’est pas une simple structure éducative ; l’institut est lié aux politiques de formation et d’alphabétisation, avec un rôle dans le renforcement des compétences et l’accès à l’éducation pour différents publics. Prendre la tête d’un tel organisme, c’est déjà faire un pas vers la gouvernance, le pilotage de programmes et la coordination avec l’État. Elle occupe cette fonction jusqu’en 2008, date à laquelle un tournant décisif s’opère : sa nomination comme membre du Parlement met fin à 27 années de carrière dans l’éducation.
Cette entrée en politique se fait dans un système institutionnel spécifique. À Eswatini, l’organisation politique s’appuie sur un modèle où les candidatures se structurent largement hors du schéma partisan classique, et où les figures issues de l’administration, de la société civile ou des professions d’encadrement peuvent être propulsées vers les responsabilités nationales. Pour Thulisile Dladla, la transition est nette : elle passe des établissements scolaires et d’un institut de formation à l’univers du contrôle parlementaire, des débats budgétaires et des équilibres institutionnels. Elle conserve son siège au Parlement lors des renouvellements, notamment en 2013, ce qui atteste d’une implantation politique et d’une capacité à s’inscrire dans la durée.
Au Parlement, un élément va particulièrement contribuer à sa notoriété : son rôle à la tête de la commission des comptes publics, un organe clé dans toute démocratie budgétaire, car il touche au nerf de la gouvernance – la gestion de l’argent public, la transparence et la lutte contre les dérives. Elle préside cette commission pendant une décennie, de 2008 à 2018. Dans un pays où la question de la gestion des ressources, de l’efficacité de l’État et de la confiance publique revient régulièrement dans le débat, cette responsabilité l’expose autant qu’elle la renforce. Elle apprend à travailler dans un environnement où l’exigence de contrôle peut se heurter aux sensibilités politiques, et où la rigueur technique se mêle à l’arbitrage institutionnel.
Son parcours ne s’arrête pas au Parlement. Elle obtient également un master en administration de l’éducation à Saint Mary’s University, au Canada, en 1994. Cette dimension internationale, relativement fréquente chez les cadres supérieurs de la région, joue souvent un rôle de capital symbolique : elle signale une expérience extérieure, une familiarité avec d’autres modèles administratifs et une capacité à naviguer dans des réseaux au-delà du pays.
Enfin, son implication dans des structures liées aux enjeux sociaux et économiques renforce son profil transversal. Entre 2003 et 2018, elle occupe la vice-présidence du National Emergency Response Council on HIV & AIDS (NERCHA), un organisme central dans la coordination de la réponse nationale face au VIH/sida. Dans un royaume longtemps marqué par une forte prévalence de la maladie et par les défis sanitaires associés, cette responsabilité lui donne une connaissance fine des politiques de santé publique, des partenariats avec les bailleurs, et des mécanismes de coordination interministérielle. Elle a aussi été associée à des fonctions de gouvernance d’entreprise en tant qu’administratrice non exécutive dans plusieurs entités, ce qui complète un profil fait de gestion, de contrôle et de pilotage.
Ainsi, avant même d’entrer dans la diplomatie, Thulisile Dladla a déjà construit une identité politique : celle d’une responsable venue de l’éducation, aguerrie au contrôle parlementaire et familière des grandes politiques sociales.
2018 : la nomination aux Affaires étrangères, un jalon historique pour la représentation des femmes
La séquence de 2018 marque un changement d’échelle. Cette année-là, Thulisile Dladla est nommée sénatrice, puis ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Elle devient la première femme à diriger ce portefeuille à Eswatini, un fait symbolique dans un espace politique où les postes régaliens – diplomatie, sécurité, finances – demeurent souvent occupés par des hommes. La diplomatie, en particulier, est un lieu de représentation : elle engage l’image du pays, la parole officielle, la gestion des alliances, la négociation de l’aide et la communication dans les forums internationaux. Y placer une femme constitue, dans le récit national et international, un signal de modernité institutionnelle, même dans un système où les réformes se font par paliers.
Pour comprendre l’importance de cette nomination, il faut rappeler le rôle de la politique étrangère d’Eswatini. Petit royaume enclavé, situé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, Eswatini doit composer avec des voisins plus puissants, des économies plus diversifiées et des enjeux régionaux multiples : intégration économique, mouvements de population, sécurité alimentaire, dépendance commerciale. Sa diplomatie se construit donc dans un équilibre permanent entre souveraineté affirmée et nécessité de partenariats.
À la tête des Affaires étrangères, Thulisile Dladla intervient dans une période où Eswatini consolide certaines de ses relations traditionnelles tout en cherchant des soutiens au développement. Son ministère n’est pas qu’un ministère de représentation : il négocie des coopérations, porte des dossiers de développement, dialogue avec les partenaires internationaux et participe à la stratégie d’image du pays. Dans ce contexte, la compétence administrative acquise dans l’éducation et dans les instances de contrôle parlementaire peut devenir un atout : elle apporte méthode, discipline de travail, et capacité à gérer des dossiers complexes.
Son passage aux Affaires étrangères est également notable pour la manière dont il s’inscrit dans les relations d’Eswatini avec certains partenaires clés. Le royaume est notamment connu pour ses liens diplomatiques avec Taïwan, une relation qui, dans la géopolitique contemporaine, attire une attention disproportionnée par rapport à la taille du pays. Pour Taïwan, maintenir des alliés diplomatiques est un enjeu crucial de visibilité internationale ; pour Eswatini, cette relation peut se traduire par des coopérations ciblées, des projets et des échanges de haut niveau.
En février 2019, Thulisile Dladla se rend à Taïwan et rencontre la présidente Tsai Ing-wen. Cette visite a une double portée : elle confirme la continuité des relations bilatérales et place la ministre au centre d’une diplomatie très médiatisée, où chaque rencontre est scrutée. L’événement illustre aussi un aspect de la fonction : la diplomatie d’Eswatini ne se contente pas de gérer des dossiers techniques ; elle se retrouve engagée dans des enjeux de reconnaissance et de positionnement international, parfois sensibles, parfois stratégiques.
Dans le même temps, la ministre mène des échanges avec d’autres partenaires, dont l’Union européenne, acteur important de la coopération et du dialogue politique dans la région. La diplomatie, pour un pays comme Eswatini, est un exercice d’équilibriste : cultiver des relations multiples, maintenir des dialogues ouverts et s’assurer que les partenariats se traduisent par des résultats concrets.
Son mandat aux Affaires étrangères prend fin en novembre 2023, lorsqu’elle est remplacée à ce poste. Ce changement intervient au moment où elle est appelée à d’autres responsabilités, plus centrées sur la coordination interne du gouvernement et sur les politiques sociales, à travers la vice-primature.
Une diplomatie de visibilité : Taïwan, Europe et l’art d’exister sur la scène internationale
La trajectoire diplomatique de Thulisile Dladla se lit comme un condensé des défis rencontrés par un petit État dans un monde de rapports de force. Eswatini, par sa taille et son économie, ne peut imposer seul ses priorités ; il doit donc exister par des réseaux, des partenariats, et une présence diplomatique capable de transformer la contrainte en opportunité.
La relation avec Taïwan, particulièrement, illustre cette logique. Les rencontres de haut niveau, dont celle de 2019 avec la présidente Tsai Ing-wen, positionnent Eswatini comme un allié précieux dans une diplomatie de reconnaissance internationale. Pour Thulisile Dladla, cela signifie évoluer dans un registre où la symbolique compte autant que les projets : une visite, une photo officielle, un communiqué peuvent avoir une valeur politique qui dépasse largement le contenu technique des discussions. Cette visibilité internationale peut servir le pays, notamment en mettant en avant ses besoins de développement et en consolidant des programmes de coopération.
La dynamique se poursuit après son passage à la tête de la diplomatie. En février 2025, devenue vice-Première ministre, Thulisile Dladla conduit une délégation reçue à Taïwan par le président Lai Ching-te. Là encore, le signal est clair : Eswatini maintient une relation suivie au plus haut niveau. Le fait que la vice-primature elle-même s’investisse dans ce dialogue souligne l’importance stratégique de ce partenariat pour le royaume.
Mais réduire son action internationale à l’axe taïwanais serait trompeur. Eswatini entretient également des relations structurées avec l’Union européenne, qui figure parmi les partenaires de développement historiques dans la région. Lors d’une visite à la délégation de l’UE à Mbabane en février 2020, Thulisile Dladla, alors ministre des Affaires étrangères, participe à une séquence emblématique : échanges sur la coopération, rappel du dialogue politique prévu dans les cadres de partenariat, et mise en avant des projets soutenus dans le pays. Ce type de rendez-vous illustre la réalité de la diplomatie quotidienne : négocier des appuis, sécuriser des financements, coordonner des programmes – agriculture, protection sociale, initiatives sectorielles – et maintenir un dialogue politique régulier.
La diplomatie d’Eswatini se déploie aussi dans les enceintes régionales et continentales, même lorsque la couverture médiatique internationale s’y attarde peu. Les États de l’Afrique australe, qu’ils soient grands ou petits, évoluent dans un espace d’interdépendance où les crises – sanitaires, climatiques, économiques – débordent les frontières. L’expérience de Thulisile Dladla au NERCHA, dans la lutte contre le VIH/sida, l’a familiarisée avec des mécanismes transnationaux : coordination avec des organisations internationales, articulation entre ministères, relation avec des bailleurs, gestion d’indicateurs et de programmes. Ce socle peut influencer la manière dont elle envisage la coopération internationale : pas seulement comme une posture, mais comme un levier d’action publique.
Enfin, sa visibilité internationale s’inscrit dans un enjeu de réputation : comment Eswatini se présente-t-il à l’extérieur ? Comment le gouvernement met-il en scène la stabilité, l’attractivité et la capacité administrative du pays ? À ce niveau, les profils technocratiques et les parcours longs dans l’administration – comme celui de Thulisile Dladla – sont souvent mobilisés pour rassurer partenaires et investisseurs : ils incarnent une continuité, une forme de prévisibilité, et un langage de gouvernement compréhensible par les interlocuteurs internationaux.
La diplomatie, dans cette lecture, n’est pas seulement l’affaire du ministère des Affaires étrangères ; elle devient une compétence distribuée, qui peut être mobilisée depuis d’autres fonctions de l’exécutif, notamment la vice-primature.
Devenir vice-Première ministre : un poste social et politique au cœur des tensions du quotidien
Le 13 novembre 2023, Thulisile Dladla est nommée vice-Première ministre. Elle est alors réintroduite au Sénat avant d’être affectée à cette fonction, devenant la deuxième femme à occuper ce poste à Eswatini. La vice-primature, dans de nombreux gouvernements, est une position hybride : à la fois politique, administrative et symbolique. Elle peut couvrir des dossiers de coordination de l’action gouvernementale, mais aussi, selon l’organisation nationale, piloter des politiques sociales et traiter des questions de vulnérabilité, de solidarité et de cohésion.
À Eswatini, la fonction de vice-Premier ministre est associée à un rôle public visible, souvent tourné vers les sujets sociaux et l’accompagnement des populations fragiles : personnes âgées, familles vulnérables, protection sociale, inclusion, réponses humanitaires lors de crises. La vice-primature peut ainsi se retrouver en première ligne lorsque les tensions sociales montent, lorsque les attentes de l’opinion s’expriment ou lorsque des événements exigent une réponse coordonnée.
Pour Thulisile Dladla, cette transition est cohérente avec son parcours. Son expérience dans l’éducation l’a familiarisée avec les enjeux de terrain : les inégalités d’accès, les difficultés des ménages, les attentes des communautés. Son passage par les comptes publics lui a donné une culture de la responsabilité budgétaire. Et son rôle au NERCHA a renforcé sa sensibilité aux politiques sociales transversales et à la coordination interministérielle. La vice-primature est, en somme, le point de convergence de ces compétences : gérer des politiques qui touchent au quotidien des citoyens tout en s’inscrivant dans l’architecture gouvernementale.
Depuis sa prise de fonction, son agenda public montre une dimension de mobilisation sociale et de messages à la nation. À l’approche de périodes festives, elle a par exemple appelé à l’unité nationale et à un climat sans violence, en invitant à la responsabilité individuelle, notamment face à la consommation d’alcool. Ce type de prise de parole, fréquent pour une vice-primature, vise à occuper un espace de prévention et de cohésion, en rappelant des normes sociales et en incarnant l’autorité morale de l’État.
La fonction implique également un rapport constant aux institutions : Parlement, administrations, organismes consultatifs, partenaires. En 2024, des évolutions parlementaires la voient de nouveau apparaître dans les procédures de serment au Sénat, illustrant la porosité institutionnelle entre fonctions exécutives et positions parlementaires dans le système d’Eswatini.
Il faut aussi noter que la vice-primature, parce qu’elle touche aux politiques sociales, se situe à la frontière de la décision politique et du vécu économique. Les questions de sécurité alimentaire, de coût de la vie, de soutien aux ménages, d’accès aux services publics sont autant de sujets susceptibles de cristalliser l’attention. Lorsque la vice-Première ministre intervient sur ces thèmes, elle s’adresse à une société où les contraintes économiques peuvent être fortes et où les attentes envers l’État demeurent élevées.
Enfin, cette fonction donne une visibilité particulière à la question de la place des femmes au sommet. Être la deuxième femme à occuper ce poste ne dit pas seulement quelque chose de son parcours ; cela renvoie aussi à l’évolution graduelle de la représentation féminine dans l’exécutif. Cette évolution ne transforme pas, à elle seule, l’architecture du pouvoir, mais elle inscrit des précédents : la première femme aux Affaires étrangères en 2018, puis la vice-primature en 2023. Dans un pays où les symboles comptent, ces étapes participent d’un récit politique de modernisation.
Le contrôle des comptes publics : une décennie au cœur des enjeux de gouvernance et d’intégrité
Avant la diplomatie et la vice-primature, il y a un chapitre moins spectaculaire mais politiquement déterminant : la présidence de la commission des comptes publics. Thulisile Dladla dirige cette commission de 2008 à 2018. Dans un État, cette mission est cruciale. Elle touche à la transparence, à la surveillance de l’exécutif et à la manière dont les fonds publics sont dépensés. C’est souvent dans ces espaces techniques que se forge une réputation de rigueur, ou au contraire une image d’alignement sur la majorité et d’absence de mordant.
La commission des comptes publics, en pratique, constitue une interface : elle examine des rapports, interroge des administrations, met en évidence des failles et recommande des correctifs. Dans de nombreux pays, ses travaux alimentent la presse, déclenchent des débats, parfois des scandales. Dans un système où l’équilibre entre institutions reste particulier, le fait de présider une telle instance pendant une décennie suggère une confiance institutionnelle et une capacité à maintenir le cap dans un domaine sensible.
Cette expérience contribue à expliquer la suite. Dans les carrières politiques, la gestion des finances publiques et la réputation d’intégrité – réelle ou perçue – peuvent ouvrir des portes. Les Affaires étrangères exigent une capacité à gérer des budgets de coopération, des missions, des accords. La vice-primature, elle, implique de piloter des programmes sociaux et de veiller à la bonne exécution de politiques qui mobilisent des ressources. Dans ces deux cas, le passé de contrôle parlementaire peut être présenté comme un gage de sérieux.
Il existe aussi une dimension politique : présider une commission de contrôle, c’est apprendre à travailler avec des informations sensibles, à manier la parole publique avec prudence, à articuler critique et loyauté institutionnelle. Cette culture de l’équilibre, dans un pays où la stabilité est un objectif central, est souvent valorisée.
Enfin, cette décennie de contrôle parlementaire s’imbrique avec son engagement dans la réponse au VIH/sida via le NERCHA. La lutte contre une crise sanitaire d’ampleur nécessite des budgets, des programmes, des partenariats, et un suivi rigoureux. En liant contrôle des comptes et coordination sanitaire, Thulisile Dladla s’est retrouvée au cœur de deux dimensions souvent liées : la bonne gouvernance et la performance des politiques publiques.
Ce socle explique pourquoi, au-delà des titres, elle apparaît comme une figure de continuité administrative. Dans des États où l’exécutif cherche des profils capables de gérer, coordonner et représenter, ce type de trajectoire – longue, stable, progressive – est un modèle fréquent.
Une figure de la continuité dans un royaume en mutation : ce que son parcours dit d’Eswatini
Raconter Thulisile Dladla, c’est aussi raconter, en creux, Eswatini. Son parcours souligne d’abord une caractéristique du système : l’importance des nominations, des responsabilités successives et de la fidélité institutionnelle. Elle passe de l’éducation à l’administration, puis au Parlement, au Sénat, à un ministère régalien, puis à la vice-primature. Ce mouvement, qui peut sembler linéaire, reflète un mode de sélection des élites où l’expérience et la confiance priment, et où l’ascension se fait par étapes, souvent au sein d’un même cercle institutionnel.
Son itinéraire illustre aussi la place des politiques sociales dans l’agenda national. L’éducation, la lutte contre le VIH/sida, la protection des populations vulnérables : ces thèmes reviennent comme des fils conducteurs. Même lorsqu’elle dirige la diplomatie, la coopération internationale n’est pas séparée des besoins internes ; elle sert à renforcer des programmes, à attirer des appuis et à sécuriser des partenariats. Devenue vice-Première ministre, elle se retrouve, logiquement, en prise directe avec ces enjeux.
Sur le plan international, sa visibilité rappelle la stratégie d’existence diplomatique d’Eswatini : miser sur des relations bilatérales fortes et sur des partenariats structurants avec des acteurs capables de soutenir des projets. La continuité des contacts de haut niveau avec Taïwan, du temps où elle était ministre jusqu’à sa période de vice-primature, montre que certaines lignes diplomatiques sont considérées comme stratégiques et transversales. Les échanges avec l’Union européenne, eux, illustrent une autre facette : celle d’une diplomatie de développement, faite de dialogues, de programmes et de coopération sectorielle.
La question de la représentation des femmes, enfin, traverse son parcours. Première femme aux Affaires étrangères en 2018, deuxième femme vice-Première ministre en 2023 : ces faits structurent une narration politique où l’État peut mettre en avant des signes d’ouverture. Reste que ces avancées, pour être significatives, ne suffisent pas à elles seules à transformer les rapports de pouvoir et les conditions sociales ; elles créent des précédents, ouvrent des portes, offrent des modèles. Mais elles se déploient dans un contexte où les défis – emploi, pauvreté, santé, inégalités – demeurent.
À ce stade, Thulisile Dladla apparaît moins comme une figure de rupture que comme une personnalité de consolidation. Sa marque, telle qu’on peut la lire dans son parcours public, tient à une capacité à occuper des fonctions différentes tout en conservant un profil de gestionnaire : enseignante puis cadre éducatif, responsable d’institut, parlementaire, présidente de commission, ministre, vice-Première ministre. Dans une région où les États sont confrontés à des chocs multiples – économiques, sanitaires, climatiques – ce type de profil est recherché : il promet de la stabilité, une maîtrise des rouages et une capacité à parler autant aux citoyens qu’aux partenaires.
Reste la question, inévitable, de l’avenir. La vice-primature, par sa visibilité sociale, peut être un tremplin ou un poste d’exposition aux critiques. Plus un responsable est associé aux politiques du quotidien, plus il est confronté aux impatiences et aux frustrations. Dans un pays où la demande sociale est forte, la capacité à transformer la parole en résultats concrets devient un critère décisif. Pour Thulisile Dladla, l’enjeu sera donc de faire de son expérience un levier d’efficacité : consolider les politiques sociales, coordonner des réponses face aux vulnérabilités, et maintenir la cohésion dans un contexte où la société eswatinienne, comme beaucoup d’autres, évolue rapidement.



