Qui est Savannah Maziya ?

À Mbabane comme à Lobamba, son nom revient dès que l’on parle de transformation numérique, d’inclusion digitale et, plus largement, de la place d’Eswatini dans la compétition technologique régionale. Savannah Nonhlanhla Maziya, sénatrice et ministre de l’Information, des Communications et de la Technologie (ICT), s’est imposée en quelques années comme l’un des visages politiques les plus identifiables du royaume. Son profil tranche avec l’image traditionnelle de la vie publique dans ce petit État d’Afrique australe enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique : formation internationale, carrière de direction dans le secteur privé, discours très axé sur l’innovation, et mise en avant d’un agenda où le numérique est présenté comme une accélérateur de développement.

Mais comprendre qui est Savannah Maziya suppose aussi de replacer son ascension dans le cadre institutionnel particulier d’Eswatini. Le pays est une monarchie où le système politique, dit tinkhundla, fonctionne sans partis politiques autorisés, avec un Parlement bicaméral comprenant une Chambre basse (House of Assembly) et un Sénat, dont une large part des membres est nommée. Les élections et les nominations structurent un champ politique différent des démocraties partisanes classiques, et les ministres appartiennent à un exécutif dont la marge d’action dépend fortement de l’architecture institutionnelle. Dans cet environnement, Savannah Maziya a construit une trajectoire qui mêle réseau, expertise et capacité à incarner une modernité technocratique.

De son parcours académique à son entrée au Sénat, de sa stratégie pour “digitaliser” l’État à ses prises de parole sur la gouvernance et la presse, la ministre est devenue, pour ses soutiens, une figure de la modernisation. Pour ses critiques, elle symbolise aussi les tensions d’un pouvoir confronté à des attentes sociales fortes et à une demande de résultats rapides. Portrait d’une responsable politique dont la visibilité dépasse désormais la seule question des télécoms.

Une trajectoire internationale, entre études, management et réseaux d’influence

Savannah Maziya revendique un ancrage national clair : elle est originaire de Siteki, dans la région de Lubombo, à l’est du pays. Cette provenance n’est pas anodine dans une société où les territoires, les communautés et les réseaux locaux comptent dans la légitimité sociale. Mais sa formation et une partie de son parcours se sont construits loin d’Eswatini, dans des univers académiques et professionnels transnationaux.

Sur le plan universitaire, les éléments biographiques publics la décrivent comme titulaire d’un MBA spécialisé en stratégie et finance, obtenu à l’université De Montfort au Royaume-Uni, ainsi que d’un Bachelor of Arts en sciences de la communication et management de la diffusion (broadcast management) à Bridgewater University, aux États-Unis. Elle est également présentée comme alumna de Columbia University, à New York, une mention qui, dans le langage des institutions américaines, renvoie à une affiliation à un programme, un cursus ou une formation suivie au sein de l’université, sans que cela ne signifie nécessairement un diplôme complet équivalent à un Bachelor ou un Master. Ce détail compte, car il illustre une manière contemporaine de construire une crédibilité internationale : le poids du nom de l’institution, l’exposition à des réseaux mondiaux, et la capacité à articuler un récit d’expertise.

Au-delà des diplômes, ce sont surtout ses fonctions de direction dans des secteurs variés qui façonnent son image. Avant son arrivée au gouvernement, elle est décrite comme ayant été directrice générale (CEO) de Bunengi Investment Group, une entreprise basée en Afrique du Sud avec des intérêts dans les mines, les infrastructures et l’énergie. Plus tôt encore, au début des années 2000, elle est donnée comme ayant dirigé The African Broadcast Network, un réseau basé à Londres visant les marchés émergents et centré sur l’Afrique. Le fil rouge de ces expériences : la gestion de projets et d’organisations complexes, dans des secteurs où l’infrastructure, la régulation et l’investissement se croisent.

Sa biographie met aussi en avant une appartenance à des cercles et forums de leadership féminin et économique, ainsi que des engagements dans des alliances industrielles européennes. Dans la communication institutionnelle, cela sert un double objectif : signaler une capacité à dialoguer avec des acteurs internationaux et, en même temps, positionner la ministre comme un point de contact crédible pour les investisseurs et partenaires. Cette dimension réseau est devenue un capital politique en soi, particulièrement quand un ministère du numérique cherche à attirer des collaborations technologiques, des programmes de formation, ou des financements.

Autre élément notable : l’inscription de Savannah Maziya dans des responsabilités de gouvernance d’entreprise. Elle est présentée comme siégeant au conseil d’administration de Sibanye-Stillwater, acteur minier international, et de WSP, groupe d’ingénierie coté au Canada. Elle est aussi décrite comme ayant siégé par le passé au conseil de la Standard Bank locale (anciennement Standard Bank Swaziland, aujourd’hui Standard Bank Eswatini), ainsi qu’à d’autres instances sud-africaines. Pour une responsable politique, cette coloration “corporate” est à la fois un atout et une source de critiques potentielles : elle apporte un langage de performance et de stratégie, mais peut aussi nourrir des interrogations sur la proximité avec les milieux d’affaires, ou sur la transposition des méthodes du privé à l’action publique.

Cette trajectoire n’éclaire cependant qu’une partie du personnage. Car la question centrale est moins de savoir où elle a étudié ou travaillé que de comprendre comment elle s’insère dans la mécanique institutionnelle d’Eswatini, et comment elle convertit un profil de dirigeante en pouvoir gouvernemental.

Du Sénat au gouvernement : une nomination dans une monarchie parlementaire singulière

Savannah Maziya porte le titre de sénatrice, et c’est par là que s’explique sa position politique. Le Sénat d’Eswatini, chambre haute du Parlement, compte 30 membres, dont une majorité est nommée par le roi et le reste est choisi via la Chambre de l’Assemblée selon les règles institutionnelles du pays. Dans ce système, la sélection des sénateurs participe d’un équilibre entre représentation, expertise et choix politiques structurés par l’architecture monarchique.

Savannah Nonhlanhla Maziya a prêté serment en tant que sénatrice le 10 novembre 2023, lors d’une cérémonie officielle au Sénat, conduite par l’Attorney General, dans la chambre sénatoriale à Lobamba. Cet épisode institutionnel peut paraître protocolaire, mais il situe clairement son entrée formelle dans le champ parlementaire. L’élément important est qu’elle s’inscrit dans une législature issue des séquences politiques de 2023, une période marquée par des débats régionaux et internationaux sur la nature du système électoral sans partis, et par la question de la réforme politique.

Son portefeuille ministériel, celui de l’Information, des Communications et de la Technologie, est stratégique dans un pays qui cherche à moderniser l’administration et à élargir l’accès aux services. Le ministère de l’ICT couvre habituellement des domaines sensibles : régulation des télécoms, infrastructure Internet, politiques de cybersécurité, développement des compétences numériques, et parfois coordination des stratégies d’e-gouvernement. Dans une économie où la taille du marché intérieur est limitée, l’enjeu est double : assurer la connectivité et réduire les coûts, tout en créant des usages concrets qui améliorent la vie quotidienne.

Dans une monarchie où l’exécutif concentre des leviers importants, l’action d’un ministre s’inscrit dans un écosystème qui dépasse la simple gestion technique. La réussite dépend de l’alignement entre administration, opérateurs privés, régulateur, et centres de décision politique. Savannah Maziya, de ce point de vue, incarne une promesse : celle d’un pilotage “par projet”, avec une rhétorique d’efficacité, de résultats et d’accélération.

La ministre a d’ailleurs insisté publiquement sur l’idée que la taille modeste du pays peut devenir un avantage : un État plus petit serait, selon cette vision, plus agile pour expérimenter, déployer des services numériques à l’échelle nationale, et adapter rapidement ses politiques. Cette idée, souvent reprise par les gouvernements cherchant à se positionner comme “laboratoires” d’innovation, est un marqueur de son discours.

Son rôle l’expose cependant à des contradictions structurelles. Le numérique est un domaine où les attentes sont fortes, parce que les promesses sont visibles : applications, plateformes, services en ligne. Mais les obstacles le sont tout autant : couverture réseau, coût des données, fracture entre zones urbaines et rurales, compétences, confiance dans l’État, et sécurité des systèmes. De ce point de vue, l’intérêt de la figure Savannah Maziya tient à la manière dont elle articule ambition et contraintes, et à la façon dont elle répond aux critiques sur la lenteur ou la complexité des réformes.

La doctrine Maziya : transformation numérique, services publics et inclusion

Si l’on devait résumer l’axe central de son action telle qu’elle est présentée publiquement, ce serait celui-ci : faire du numérique une infrastructure de base, au même titre que les routes ou l’électricité, et s’en servir pour rapprocher l’État des citoyens. Savannah Maziya défend régulièrement l’idée que la digitalisation des services publics est une condition de la modernisation économique, mais aussi un outil de dignité et de simplification pour la population.

Dans cette logique, l’un des projets les plus médiatisés associés à son ministère est le déploiement d’initiatives visant à faciliter l’accès aux services administratifs via des outils numériques. La communication institutionnelle parle d’une approche “citizen-centric”, centrée sur l’usager. L’objectif est clair : réduire les files d’attente, limiter les déplacements, améliorer la traçabilité des démarches et, potentiellement, réduire certaines frictions liées à la bureaucratie.

Cette stratégie s’appuie sur plusieurs piliers.

D’abord, l’infrastructure. Sans connectivité stable et abordable, les services en ligne restent théoriques. Les débats autour des points d’échange Internet (IXP), qui permettent de localiser une partie du trafic et d’améliorer les performances réseau, montrent que le ministère cherche aussi à agir sur des couches techniques moins visibles du grand public mais décisives pour la qualité d’Internet. Dans des pays à marché restreint, la mutualisation et l’amélioration de l’écosystème réseau peuvent contribuer à réduire la latence et à rendre certains services plus fiables.

Ensuite, la cybersécurité et l’identité numérique. Dans les discours relayés, Savannah Maziya met l’accent sur la nécessité d’un environnement digital “sûr et inclusif”. Ce n’est pas un détail : dès que l’État propose des services en ligne, il devient dépositaire de données sensibles, et la confiance devient un enjeu politique. Parler de cybersécurité, c’est donc autant parler de technique que d’autorité publique, de souveraineté numérique et de protection des citoyens.

Troisième pilier : l’inclusion. Savannah Maziya insiste sur le fait que la transformation numérique ne doit pas creuser les inégalités. Or, la fracture numérique est souvent plus brutale qu’on ne l’imagine : entre zones couvertes et zones mal desservies, entre populations jeunes et plus âgées, entre citoyens ayant un smartphone récent et ceux qui ne disposent que d’un téléphone basique, entre personnes alphabétisées numériquement et celles qui ne le sont pas. La transformation numérique devient alors un projet social autant que technologique.

C’est dans ce contexte qu’apparaissent ses initiatives en faveur des jeunes, et en particulier des filles, dans les filières scientifiques et technologiques. La ministre est associée à un programme de mentorat orienté STEM, présenté comme visant à soutenir des jeunes, notamment des filles, y compris issues de zones rurales ou de communautés moins favorisées. Le message politique est limpide : si Eswatini veut exister dans l’économie numérique, il faut construire une génération de compétences locales plutôt que dépendre uniquement d’expertises importées.

Ce type d’approche s’accompagne souvent d’une rhétorique de “leapfrogging”, le fait de sauter des étapes technologiques. Pour un petit pays, l’idée est séduisante : éviter certaines lourdeurs historiques et passer directement à des solutions numériques, à l’image de ce qu’ont fait plusieurs États africains avec la banque mobile. Mais le leapfrogging a une condition : il faut des institutions solides, des règles claires et une capacité d’exécution, sinon il se transforme en vitrine sans usage.

La ministre le sait, et elle multiplie les appels à la collaboration, notamment avec le secteur privé. Dans les échanges publics, elle insiste sur la nécessité d’aligner les acteurs : entreprises, médias, administration, opérateurs télécoms, partenaires de développement. Dans un domaine où l’État ne contrôle pas tout (les réseaux appartiennent souvent à des entreprises, les innovations viennent souvent du privé), le gouvernement doit être un orchestrateur plus qu’un simple fournisseur.

Reste une question politique : comment mesurer la réussite ? Dans le numérique public, l’indicateur n’est pas seulement le nombre de plateformes lancées ou de discours prononcés, mais l’adoption réelle par les citoyens, la fiabilité au quotidien, et l’impact sur les coûts, les délais et la transparence. C’est sur ce terrain que la figure Savannah Maziya est attendue, et que sa communication, très orientée vers l’ambition, est confrontée au verdict du réel.

Une figure internationale : diplomatie numérique et leadership sur l’égalité

Savannah Maziya n’est pas seulement un visage national. Elle cherche aussi à installer Eswatini dans des réseaux internationaux où se discutent les politiques numériques, l’éducation technologique et l’égalité de genre. Cette dimension est importante, car le numérique est devenu un champ de diplomatie : normes de cybersécurité, partenariats de formation, coopération sur les infrastructures, et accès aux financements.

Un moment illustratif de cette posture est sa rencontre avec l’équipe pays des Nations unies en Eswatini, début février 2024, consacrée au rôle de la transformation digitale dans la vision de développement du pays et dans l’Agenda 2030. Dans ce type d’échanges, la ministre met en avant l’idée que la digitalisation irrigue tous les secteurs : emploi, entrepreneuriat, services publics, éducation. C’est un argument classique, mais il prend un relief particulier dans un pays où les marges de diversification économique sont limitées et où la jeunesse cherche des opportunités.

Son discours insiste aussi sur la nécessité d’adapter les curricula scolaires au rythme des technologies, afin d’éviter un décrochage à l’ère des algorithmes et de l’intelligence artificielle. Ce point est politiquement payant : il répond à une anxiété largement partagée dans de nombreux pays, celle de voir une partie de la population rester à l’écart des métiers de demain.

Parallèlement, Savannah Maziya est associée à des reconnaissances et prix liés à son action sur la promotion des femmes dans les STEM. Ces distinctions, qu’elles viennent d’organisations locales, d’entreprises ou de structures internationales, participent à sa construction d’image : une ministre du numérique qui ne parle pas seulement d’infrastructures, mais d’égalité des chances.

Le volet le plus marquant, en termes de symbolique internationale, est son rôle annoncé au sein d’un conseil lié à l’Objectif de développement durable n°5, consacré à l’égalité de genre. Selon des communications publiques, elle a été élue à une responsabilité de présidence ou co-présidence d’un conseil mondial SDG 5 lors d’un événement international à Dubaï en 2025. Cette information a été reprise par plusieurs médias et par des canaux institutionnels, et elle sert un récit : Eswatini, petit pays, peut néanmoins produire des figures capables d’occuper des positions visibles sur la scène mondiale.

Cette dimension internationale a plusieurs fonctions.

D’abord, elle confère un statut. Dans l’arène politique domestique, être reconnu à l’étranger peut renforcer la légitimité, surtout dans un domaine technique comme le numérique. Ensuite, elle attire l’attention de partenaires potentiels : programmes de formation, échanges universitaires, initiatives de financement, coopération technologique. Enfin, elle permet de porter un message : le numérique, s’il est pensé comme un outil de justice et d’inclusion, peut devenir un moteur de transformation sociale.

Toutefois, cette visibilité internationale peut aussi susciter des critiques internes, notamment quand une partie de l’opinion estime que les priorités devraient être plus directement centrées sur les urgences quotidiennes : coût de la vie, chômage, accès aux services essentiels. Dans de nombreux pays, la diplomatie des conférences est parfois perçue comme déconnectée. Savannah Maziya, comme d’autres ministres du numérique, doit donc composer avec ce dilemme permanent : parler au monde, sans donner le sentiment d’oublier le terrain.

Critiques, controverses, et la réalité du pouvoir : entre attentes sociales et inerties institutionnelles

Aucune figure politique visible n’échappe aux controverses, et Savannah Maziya n’y fait pas exception. D’autant plus que le portefeuille du numérique est devenu un domaine où la population attend des résultats tangibles et rapides. Là où une réforme agricole peut mettre des saisons à produire des effets, une plateforme numérique, elle, est supposée fonctionner immédiatement, sous peine de se transformer en symbole d’échec.

Plusieurs thèmes de critiques apparaissent dans le débat public autour de la ministre.

Le premier concerne la gouvernance et les résistances internes. Des propos rapportés dans la presse locale la montrent évoquant des difficultés à faire avancer certains dossiers et un sentiment de résistance dans les mécanismes gouvernementaux. Ce type de déclaration est rare chez des ministres, car il revient à exposer des tensions au sein de l’exécutif. Mais il révèle aussi une réalité : la transformation numérique n’est pas qu’un projet technique, c’est une reconfiguration des habitudes administratives, des circuits de pouvoir et, parfois, des intérêts établis. Digitaliser, c’est rendre traçable, standardiser, automatiser, parfois réduire l’arbitraire. Cela peut susciter des frictions.

Le deuxième thème touche aux rapports avec les médias. Savannah Maziya a publiquement appelé à un journalisme “vrai” et non “agenda-driven”, en demandant une couverture qu’elle associe à la construction nationale. Ce type de discours est délicat : d’un côté, un gouvernement peut légitimement exiger rigueur et exactitude ; de l’autre, l’injonction à la “nation-building” peut être interprétée comme une pression symbolique sur l’indépendance rédactionnelle. Dans un pays où l’espace civique est régulièrement scruté par les observateurs internationaux, chaque prise de parole sur la presse est analysée à l’aune des libertés publiques.

Le troisième thème concerne la communication autour des projets numériques. Quand une initiative est présentée comme un changement de paradigme, les attentes montent et la critique devient plus frontale si l’expérience usager n’est pas à la hauteur. Les promesses de fin des files d’attente, de services accessibles à tous, ou de gouvernance “dans la main”, sont puissantes, mais elles s’exposent au test du quotidien : compatibilité des systèmes, qualité de l’assistance, disponibilité des services, capacité à joindre un support, et capacité du citoyen à comprendre la démarche.

Enfin, il existe un débat plus structurel, qui dépasse Savannah Maziya : celui de la nature du système politique d’Eswatini et de la place du Parlement et des ministres dans la prise de décision. Dans une monarchie où l’exécutif et la structure de l’État obéissent à des logiques spécifiques, la capacité d’un ministre à imposer une réforme dépend de facteurs multiples. Cela peut expliquer pourquoi, même avec une volonté affichée et une énergie de communication, les progrès peuvent sembler lents.

Ce point est central pour comprendre la ministre : elle est à la fois une actrice de l’État et une figure qui cherche à bousculer les routines de l’État. Le paradoxe est fréquent chez les ministres du numérique : ils doivent transformer une machine dont ils sont eux-mêmes une pièce, et où chaque changement implique coordination, arbitrage, budgets, normes juridiques, et parfois débats politiques plus profonds.

À ce stade, une question demeure : pourquoi Savannah Maziya fascine-t-elle autant, au-delà du seul champ de l’ICT ? Parce que son profil cristallise un enjeu plus large : Eswatini doit-il rester dans une trajectoire prudente, centrée sur l’équilibre institutionnel et social, ou tenter une accélération technologique pour s’insérer dans des chaînes de valeur régionales et mondiales ? En incarnant une vision de modernisation, elle devient un écran sur lequel se projettent espoirs et frustrations.

Elle symbolise aussi une tension générationnelle et culturelle : dans un pays où la tradition et la monarchie structurent la vie politique, porter le vocabulaire de l’innovation, de l’algorithmique et du numérique revient à proposer un futur. Ce futur peut rassembler, mais il peut aussi diviser, selon que la population y voit une opportunité ou une promesse incertaine.

Savannah Maziya n’est donc pas seulement “la ministre du numérique”. Elle est devenue un marqueur politique : celui d’un État qui cherche à se réinventer par la technologie, tout en restant ancré dans un système institutionnel singulier. Si elle réussit à faire du numérique un outil réellement accessible et fiable, elle consolidera une image de réformatrice. Si les projets restent perçus comme des vitrines, elle deviendra un symbole d’écart entre discours et réalité. Dans les deux cas, sa trajectoire raconte quelque chose de profond : la difficulté, mais aussi la nécessité, pour un pays comme Eswatini de définir sa place dans un monde où la puissance se mesure de plus en plus en connectivité, en compétences et en souveraineté numérique.

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