Qui est Mabulala Maseko ?

Dans un pays où la vie publique se confond largement avec l’architecture traditionnelle du pouvoir, la trajectoire de Mabulala Maseko éclaire une partie des ressorts de l’État en Eswatini. À la fois élu de circonscription, ministre et figure de l’administration, il incarne cette génération de responsables qui ont d’abord fait carrière dans les services publics avant de s’imposer dans l’arène politique nationale. Son parcours, documenté par les institutions du royaume et par plusieurs comptes rendus de la presse locale et internationale, raconte une progression régulière: celle d’un enseignant devenu chef d’établissement, puis député, et enfin titulaire d’un portefeuille stratégique, celui de la Fonction publique.

À l’extérieur, Eswatini demeure souvent présenté comme un petit État d’Afrique australe, enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, dont l’actualité se lit à travers des prismes réducteurs: le poids de la monarchie, les tensions politiques, la question sociale. Mais l’État, lui, fonctionne au quotidien, porté par des administrations, des arbitrages budgétaires, des négociations salariales, des plans de modernisation et des coopérations internationales. C’est précisément dans cette zone, moins spectaculaire mais décisive, que se situe l’action d’un ministre de la Fonction publique. Mabulala Maseko y intervient à un carrefour: celui de la gestion des agents de l’État, de la performance des services, du dialogue avec les syndicats, et de l’image d’une administration appelée à se transformer.

Qui est-il, exactement, et que révèle son itinéraire sur la manière dont se fabrique le pouvoir en Eswatini? Son identité publique se dessine à travers quelques repères solides: sa formation, ses fonctions, ses élections, ses nominations, ses interventions et ses déplacements officiels. L’ensemble permet de comprendre pourquoi ce ministre, relativement discret à l’échelle internationale, occupe pourtant un poste central dans l’équilibre institutionnel et social du royaume.

De l’école à la politique: une ascension par le service public

Les éléments biographiques disponibles sur Mabulala Maseko décrivent d’abord un profil professionnel construit dans l’éducation. Il est présenté comme un enseignant qualifié, titulaire d’un Secondary Teachers’ Diploma obtenu en 1994 au William Pitcher College, puis d’un Bachelor of Education obtenu en 2009 à l’université alors appelée University of Swaziland (aujourd’hui University of Eswatini). Cette chronologie n’a rien d’anecdotique: elle suggère un parcours où l’expérience de terrain précède l’entrée dans la vie politique, et où la progression se fait par étapes, au sein des institutions.

Après sa formation initiale, il commence sa carrière à Dvwalile High School, où il occupe plusieurs rôles, notamment chef de département et enseignant de sport, avant de devenir deputy head teacher. En 2010, il est promu head teacher d’Ekuvinjelweni High School, dans la région de Hhohho. Il occupe ce poste jusqu’en 2013, date à laquelle il franchit le seuil de la politique élective en devenant membre de la Chambre d’assemblée.

Ce passage de l’école au Parlement, en Eswatini, n’est pas isolé. Le royaume, dont le système politique repose notamment sur des circonscriptions appelées tinkhundla, voit régulièrement des responsables issus du secteur public ou parapublic se présenter à des mandats. Mais dans le cas de Maseko, l’accent mis sur la carrière éducative semble servir une double lecture: d’une part, il revendique une légitimité de proximité, forgée au contact des communautés scolaires; d’autre part, il arrive en politique avec une connaissance intime des ressources humaines, des contraintes de management et des attentes sociales envers l’État.

Avant même l’enseignement, les informations officielles mentionnent aussi des expériences liées à l’administration: il a travaillé au Central Statistical Office comme area manager en 1997 et pour l’Elections and Boundaries Commission en tant que polling officer en 1998. Ces fonctions, même brièvement évoquées, installent l’idée d’un profil familier des procédures, des données et de l’organisation institutionnelle. En creux, elles racontent une culture professionnelle: celle de l’État, de ses mécanismes et de ses règles, bien avant la tribune politique.

À partir de 2013, l’image change: Mabulala Maseko devient d’abord un élu. Il est présenté comme député (MP) de Maphalaleni Inkhundla, mandat qu’il remporte une première fois en 2013, puis à nouveau en 2018, puis une troisième fois en septembre 2023. Dans une vie politique où les mandats consécutifs témoignent généralement d’un ancrage local et d’une capacité à conserver des soutiens, cette triple élection constitue un marqueur important. Elle le situe non seulement comme un ministre nommé, mais aussi comme un élu reconduit, ce qui pèse dans l’équilibre interne des institutions.

Le député de Maphalaleni: ancrage local et logique du tinkhundla

En Eswatini, comprendre la place d’un homme politique impose de tenir compte du système institutionnel. La Chambre d’assemblée est composée de membres élus et de membres nommés, et l’organisation territoriale du pays est structurée autour des tinkhundla, ces unités administratives et électorales. Maphalaleni est l’une de ces circonscriptions, et c’est à ce titre que Mabulala Maseko apparaît sur la liste des membres du Parlement pour la législature 2023–2028, identifié comme élu de Maphalaleni et, simultanément, ministre de la Fonction publique.

Cette double qualité, élu et ministre, est un élément essentiel. Dans de nombreux régimes, l’accès au gouvernement se fait à partir d’une majorité parlementaire organisée par partis. En Eswatini, où la vie politique ne se structure pas selon les mêmes lignes, la trajectoire d’un député repose davantage sur sa visibilité, sa capacité à porter des dossiers, et son positionnement dans le jeu institutionnel. Pour un élu, être reconduit sur trois scrutins successifs dans la même circonscription renforce une légitimité d’implantation: il ne s’agit pas seulement d’un technicien parachuté, mais d’un représentant doté d’un capital local.

À défaut de disposer d’un récit détaillé de ses campagnes ou de ses priorités de circonscription, les documents publics permettent au moins de situer le moment charnière: 2013 marque l’entrée de Maseko au Parlement, après son expérience de chef d’établissement. C’est aussi le moment où il passe de la gestion d’une communauté éducative à la gestion d’un territoire politique. Entre ces deux niveaux, l’échelle change, mais les enjeux se répondent: arbitrer des besoins, gérer des attentes, dialoguer, distribuer des ressources rares, rendre des comptes.

La présence de Maseko au Parlement est également observable à travers certaines séquences institutionnelles où il agit en qualité ministérielle, y compris hors de son portefeuille. Ainsi, en novembre 2024, il est mentionné comme acting minister lors de la présentation du rapport de performance du deuxième trimestre du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale devant une commission parlementaire. Cette mention, au-delà du détail, indique qu’il peut être appelé à assumer des responsabilités temporaires dans d’autres départements, ce qui suggère un degré de confiance institutionnelle et une capacité à représenter le gouvernement dans des exercices de contrôle ou de suivi parlementaire.

Ce type d’épisode est révélateur: dans un État où la continuité administrative compte autant que les annonces politiques, le choix de confier à un ministre une fonction d’intérim n’est pas neutre. Il traduit une perception interne: celle d’un responsable capable de porter une parole gouvernementale dans un cadre exigeant, de répondre à des questions, et de se prêter à la logique de la reddition de comptes.

En somme, Mabulala Maseko n’est pas seulement le titulaire d’un portefeuille; il est aussi, et durablement, un représentant d’une circonscription, dans un système où l’ancrage territorial demeure une dimension structurante de la légitimité.

Ministre de la Fonction publique: la bataille de la performance et de la masse salariale

Le ministère dont il a la charge place Mabulala Maseko au centre d’un sujet sensible dans presque tous les États: l’équilibre entre la rémunération des agents, la soutenabilité budgétaire, et la qualité du service rendu aux citoyens. Il est nommé ministre de la Fonction publique en août 2021 par le roi Mswati III, selon les informations institutionnelles, puis il est reconduit le 13 novembre 2023 pour un nouveau terme, après avoir remporté les élections de septembre 2023.

Ces dates comptent car elles encadrent une période où la question de la gouvernance publique, de la modernisation administrative et de la relation entre l’État et ses employés prend une visibilité accrue. Or, le ministre de la Fonction publique, par définition, se retrouve à la jonction entre des impératifs parfois contradictoires: améliorer les conditions de travail et de rémunération, tout en exigeant davantage de performance et en maîtrisant la dépense.

Un exemple concret de cette ligne politique apparaît à l’automne 2025, lorsqu’il intervient sur la question des revalorisations salariales des agents publics. Dans une déclaration rapportée par la presse, Maseko appelle les fonctionnaires à faire correspondre l’augmentation de salaire à une amélioration des performances: ponctualité, engagement, réduction de l’absentéisme et hausse de la productivité. Le message est clair: l’État consent un effort financier, mais attend un retour en termes de service rendu.

Ce discours n’est pas uniquement moral. Il a une dimension budgétaire et politique. La masse salariale publique pèse sur les finances et, dans de nombreux pays, elle constitue l’un des principaux postes de dépense. Dans ce contexte, l’argument de la performance devient un outil de justification: si l’État rémunère mieux, il doit pouvoir démontrer que la dépense produit un bénéfice collectif, visible par le citoyen dans les administrations, les écoles, les services de santé ou les guichets publics.

Par ailleurs, la même séquence est présentée comme le produit d’une méthode de négociation qualifiée de consultative avec les syndicats du secteur public. Là encore, le ministre se situe à un poste de friction: il doit préserver un dialogue social suffisamment stable pour éviter la crise, tout en conduisant une politique cohérente avec les contraintes gouvernementales. Les détails évoquent une mise en œuvre par étapes, incluant un mécanisme de paiement échelonné des arriérés, ce qui illustre la réalité des ajustements: même lorsque la décision d’augmenter existe, l’exécution dépend du calendrier financier.

La question de la réforme administrative, elle, apparaît dans un cadre plus large, à travers des conférences régionales et continentales. Début décembre 2025, Maseko clôture une conférence de l’AAPAM (Association of African Public Administration and Management) à Matsapha. Son intervention insiste sur des mots-clés qui traduisent l’agenda contemporain des administrations: agilité, transformation numérique, partenariats, et service centré sur le citoyen. Il n’y a rien de surprenant à retrouver ces termes dans la bouche d’un ministre de la Fonction publique; ce qui compte, en revanche, c’est la manière dont ils s’inscrivent dans une stratégie: faire de la modernisation un horizon commun, susceptible de rassembler des acteurs publics, privés, des partenaires de développement et des représentants de la société.

À ce stade, il faut noter une limite: les informations publiques disponibles permettent de documenter les messages, les dates, les cadres institutionnels, mais elles décrivent moins les réformes dans leur détail technique. On sait ce que le ministre affirme et dans quels forums il intervient; on sait qu’il place la transformation numérique et la performance au centre de la rhétorique; mais on dispose de moins d’éléments publics, accessibles et consolidés, sur l’architecture précise des programmes, les indicateurs choisis, ou l’ampleur des changements administratifs effectivement déployés. Cette asymétrie n’est pas rare: la politique de la fonction publique se joue souvent dans des circulaires, des règlements, des pratiques de gestion, moins visibles que les discours.

Reste que le rôle, lui, est incontestable: gérer la fonction publique, c’est toucher à la colonne vertébrale de l’État. Et c’est dans ce registre que Mabulala Maseko s’impose comme un acteur clé de l’appareil gouvernemental.

Diplomatie administrative: coopération, formations et image internationale

Le ministre de la Fonction publique n’est pas cantonné aux dossiers internes. Dans un monde où la gestion publique se nourrit d’échanges, de benchmarking et de coopération, le titulaire de ce portefeuille devient souvent un diplomate de l’administration. Mabulala Maseko apparaît à plusieurs reprises dans ce rôle, à travers des visites officielles et des événements de coopération.

En juillet 2025, il conduit, avec le ministre de l’Éducation et de la Formation, une délégation en visite à Taïwan, où il rencontre le ministre des Affaires étrangères Lin Chia-lung. Le communiqué officiel insiste sur les discussions portant sur la coopération bilatérale, les échanges dans la fonction publique, la formation professionnelle et l’éducation. Au-delà de la relation diplomatique, la scène illustre un type de partenariat contemporain: les États échangent sur la manière de former les agents, d’organiser les services, de bâtir des instituts de formation administrative, et de soutenir des politiques de développement des compétences.

À Mbabane, en septembre 2025, Maseko intervient aussi lors des célébrations de l’ITEC Day, lié au programme indien de coopération technique et économique. Dans le discours rapporté, il met en avant l’idée d’une coopération Sud-Sud, décrite comme orientée vers le renforcement des capacités, sans conditionnalités. Il évoque également le nombre de bénéficiaires formés grâce au programme et le renforcement des quotas de formation à la suite d’une visite du président indien en Eswatini en avril 2020. Là encore, la fonction publique se révèle comme un terrain d’influence: former des cadres, c’est modeler des pratiques; échanger des compétences, c’est transformer progressivement les méthodes de l’État.

Cette diplomatie administrative se manifeste également en Afrique de l’Est. En juillet 2024, une délégation d’Eswatini, conduite par Maseko, se rend à Dar es Salaam pour apprendre des pratiques liées à la gestion des fonds de sécurité sociale et des dispositifs de pension. Selon le récit de la visite, la délégation s’intéresse notamment à la digitalisation des opérations, à l’enregistrement des membres, à la collecte des contributions, aux investissements et au paiement des prestations. Le ministre exprime l’objectif d’adopter des meilleures pratiques, en soulignant l’idée de durabilité des systèmes de protection sociale.

Ces visites, prises ensemble, dessinent un fil: Maseko se positionne comme un ministre qui cherche, au moins dans ses déclarations publiques, à articuler la modernisation interne à des apprentissages externes. L’administration n’est plus présentée comme un domaine strictement national, mais comme un champ où circulent des modèles, des outils et des méthodes.

Il serait toutefois trompeur d’y voir une simple vitrine. Dans un pays où l’État demeure un employeur majeur, où la masse salariale et les prestations sociales sont des enjeux de stabilité, la capacité à moderniser les systèmes, à digitaliser certains services et à sécuriser les dispositifs de pension a des conséquences directes sur la confiance des citoyens. La coopération internationale, dans ce cadre, n’est pas seulement un symbole; elle peut être un levier, si elle se traduit en dispositifs opérationnels.

Enfin, la participation à des conférences continentales, comme celle de l’AAPAM, nourrit aussi cette image: un ministre qui parle le langage de la réforme administrative et de la performance, et qui inscrit l’action publique d’Eswatini dans des réseaux africains plus larges.

Une figure exposée: attentes sociales, contraintes budgétaires et équilibre politique

Être ministre de la Fonction publique, c’est aussi être exposé aux tensions sociales et aux contradictions de l’action gouvernementale. Les épisodes publics disponibles autour de Mabulala Maseko montrent précisément cette exposition, en particulier lorsque la question salariale revient au premier plan.

L’automne 2025, avec ses déclarations sur la hausse des salaires et la nécessité d’un retour en performance, met en scène une relation délicate: comment valoriser les agents publics, sans donner l’impression que l’État signe un chèque en blanc? Comment reconnaître les revendications, tout en imposant des exigences? Et comment, surtout, traduire des augmentations en amélioration réelle du service, perceptible par la population?

Dans beaucoup d’États, ce type de discours peut être reçu comme un rappel de bon sens. Mais il peut aussi être perçu comme un avertissement, voire comme une manière de déplacer la responsabilité: si le service n’est pas bon, est-ce seulement la faute des agents, ou celle des moyens, des procédures, de l’organisation? Le ministre, lui, se trouve au milieu: il doit défendre le gouvernement, répondre aux syndicats, rassurer les citoyens, et préserver l’image de l’État employeur.

Le forum de l’AAPAM, en décembre 2025, montre une autre facette de ces tensions. En mettant en avant la transformation numérique, l’agilité et les partenariats, Maseko se place dans une narration positive: celle d’un État qui s’adapte. Mais la modernisation, dans la réalité, peut créer des résistances: digitaliser implique de changer des habitudes, de former, de réallouer des postes, parfois de réduire certaines tâches. Le ministre doit donc gérer non seulement des revendications de rémunération, mais aussi des inquiétudes professionnelles, des transitions de compétences, et des attentes en matière d’équité.

À cela s’ajoute le fait qu’il demeure un élu de circonscription. Or, cette dimension est rarement neutre. Un député ministre ne parle pas uniquement au nom d’un portefeuille; il parle aussi à ses électeurs, à son inkhundla, à un territoire. Les demandes locales, souvent très concrètes, se confrontent à des arbitrages nationaux. Là encore, le poste renforce l’exposition: tout ce qui touche la fonction publique touche des familles, des emplois, des carrières, des pensions.

Enfin, la mention de son rôle d’acting minister lors d’une séquence parlementaire en 2024 rappelle un autre aspect: la polyvalence attendue des membres du gouvernement, capables d’occuper temporairement d’autres fonctions et d’assurer la continuité. Dans un État où la stabilité institutionnelle est une valeur, cette capacité à représenter l’exécutif, y compris au-delà de son ministère, participe de la stature politique.

Au total, Mabulala Maseko apparaît comme un responsable à la fois enraciné et stratégique: enraciné par ses mandats successifs, stratégique par le portefeuille qu’il occupe et par l’interface qu’il incarne entre administration, finances publiques, dialogue social et coopération internationale. Son parcours, parti de l’école et de la gestion d’établissements, donne une cohérence à cette position: il a été un cadre du service public avant d’en devenir l’un des gestionnaires politiques.

Reste une part d’ombre, inévitable dès lors qu’on s’en tient à ce qui est publiquement vérifiable: l’homme privé, ses convictions intimes, ses réseaux personnels, ses méthodes internes de travail, ses arbitrages concrets au sein du gouvernement, restent peu documentés dans les sources institutionnelles et les comptes rendus accessibles. Mais l’essentiel, pour un portrait journalistique, se lit déjà dans les faits publics: les dates, les fonctions, les discours et les scènes où il apparaît.

En Eswatini, où l’État joue un rôle déterminant dans la vie économique et sociale, la Fonction publique est plus qu’un ministère technique: c’est un ministère de l’équilibre national. Et c’est à cet endroit précis que Mabulala Maseko s’est installé, au fil d’une trajectoire patiente, faite de promotions, d’élections et de reconductions. Pour les citoyens, pour les agents, pour les partenaires étrangers, son action se juge sur une promesse simple à énoncer et difficile à tenir: faire fonctionner l’État mieux, plus vite, et plus justement, sans rompre le pacte social qui lie l’administration au pays.

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