Dans un pays où l’accès à l’énergie, à l’eau et aux infrastructures de base conditionne largement le développement économique et social, certaines personnalités incarnent à elles seules les espoirs de transformation et de modernisation de l’État. Nani Juwara appartient à cette catégorie de responsables publics dont le parcours professionnel et politique est étroitement lié à l’évolution d’un secteur stratégique. Haut fonctionnaire devenu ministre, technicien devenu décideur politique, il s’est imposé au fil des années comme l’un des visages les plus visibles de la politique énergétique gambienne contemporaine. Sa trajectoire illustre à la fois la montée en puissance d’une expertise locale et la volonté des autorités gambiennes de s’appuyer sur des profils expérimentés pour conduire des réformes de fond dans un contexte régional et international exigeant.
Introduction
La Gambie, plus petit pays continental d’Afrique, fait face depuis plusieurs décennies à des défis structurels majeurs : dépendance énergétique, infrastructures limitées, croissance démographique rapide et vulnérabilité économique. Dans ce cadre, la question de l’énergie n’est pas seulement technique, elle est profondément politique. Elle touche à la souveraineté nationale, à l’attractivité du pays pour les investisseurs, à la qualité de vie des populations et à la compétitivité de l’économie. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’action de Nani Juwara, dont le parcours est intimement lié à l’histoire récente des services publics gambiens.
Avant d’accéder à des fonctions ministérielles, il a consacré une grande partie de sa carrière à la gestion de l’eau et de l’électricité, au sein de l’entreprise publique nationale. Cette expérience de terrain, combinée à une formation académique internationale, lui a permis de développer une vision pragmatique des politiques publiques. Son entrée au gouvernement marque une étape importante, tant pour sa carrière personnelle que pour la stratégie énergétique de la Gambie, qui cherche à conjuguer sécurité d’approvisionnement, développement durable et intégration régionale.
Origines et formation académique
Nani Juwara est originaire de Gambie, un pays dont le système éducatif, longtemps confronté à des moyens limités, a néanmoins produit plusieurs générations de cadres formés à l’étranger. Très tôt, il manifeste un intérêt pour les questions économiques et sociales, un domaine d’étude qui reflète les préoccupations d’un pays en développement confronté à des choix structurants.
Après avoir achevé ses études secondaires en Gambie, il poursuit son parcours universitaire au Canada. À la fin des années 1990, il obtient un diplôme universitaire en études du développement international et en économie à l’Université Saint Mary’s, située à Halifax. Cette formation lui apporte une compréhension approfondie des mécanismes du développement, des politiques économiques et des enjeux propres aux pays du Sud, dans un contexte académique marqué par l’ouverture internationale et le pluralisme intellectuel.
Souhaitant compléter ce socle théorique par des compétences plus directement opérationnelles, il s’oriente ensuite vers le Royaume-Uni, où il suit une formation en principes de gestion moderne et en économie. Ce cursus lui permet d’acquérir des outils de management, de finance et de gouvernance, essentiels pour évoluer dans des organisations complexes, notamment publiques.
Son parcours académique s’achève au Danemark, où il obtient un master en administration des affaires avec une spécialisation en gestion internationale. Cette dernière étape marque un tournant, en consolidant sa capacité à évoluer dans des environnements multiculturels, à dialoguer avec des partenaires internationaux et à appréhender les logiques globales qui structurent les marchés de l’énergie et des infrastructures. Cette formation, centrée sur la stratégie, la gouvernance et la prise de décision, constituera un atout déterminant pour la suite de sa carrière.
Une carrière ancrée dans les services publics
Les débuts au sein de la NAWEC
La carrière professionnelle de Nani Juwara débute au milieu des années 1990, au sein de la National Water and Electricity Company, plus connue sous l’acronyme NAWEC. Cette entreprise publique est chargée de la production et de la distribution de l’eau potable et de l’électricité sur l’ensemble du territoire gambien. À l’époque, la NAWEC fait face à de nombreuses difficultés : infrastructures vieillissantes, pertes techniques élevées, difficultés de recouvrement et dépendance aux carburants importés.
Nani Juwara intègre l’entreprise à un poste opérationnel, ce qui lui permet de se familiariser avec les réalités quotidiennes du service public. Progressivement, il accède à des fonctions de plus en plus stratégiques, notamment dans le domaine du contrôle financier et de la gestion commerciale. En tant que responsable du contrôle du crédit, il est confronté à l’un des problèmes récurrents des entreprises publiques africaines : la difficulté à assurer un recouvrement efficace tout en maintenant l’accès aux services essentiels pour les populations les plus vulnérables.
Montée en responsabilités et vision managériale
Au fil des années, Nani Juwara gravit les échelons de la NAWEC, jusqu’à occuper le poste de directeur commercial. À ce niveau de responsabilité, il supervise les relations avec les usagers, la tarification, la facturation et les stratégies visant à améliorer la performance financière de l’entreprise. Cette expérience renforce sa conviction que la viabilité des services publics passe par une gestion rigoureuse, une transparence accrue et une modernisation des pratiques.
En 2014, il est nommé directeur général adjoint de la NAWEC. Cette fonction l’amène à participer directement à la définition des orientations stratégiques de l’entreprise, en lien avec les autorités politiques et les partenaires internationaux. Durant cette période, la Gambie engage plusieurs projets visant à accroître la capacité de production électrique, à réduire les coupures de courant et à améliorer l’accès à l’électricité, notamment en milieu rural.
En 2020, Nani Juwara accède au poste de directeur général de la NAWEC. À la tête de l’entreprise, il doit faire face à des défis considérables, notamment dans un contexte marqué par la pandémie mondiale, les fluctuations des prix des carburants et les contraintes budgétaires de l’État. Sous sa direction, la NAWEC poursuit des réformes destinées à renforcer sa gouvernance, à sécuriser ses approvisionnements et à préparer la transition vers des sources d’énergie plus durables.
De la gestion technique à la responsabilité politique
L’entrée au gouvernement
La nomination de Nani Juwara au poste de ministre du Pétrole, de l’Énergie et des Mines marque une évolution majeure de sa carrière. Elle intervient dans un contexte de remaniement gouvernemental visant à insuffler une nouvelle dynamique à des secteurs clés de l’économie gambienne. Son profil, à la fois technique et managérial, est perçu comme un atout pour conduire des politiques complexes nécessitant une compréhension fine des enjeux industriels et financiers.
En tant que ministre, il devient responsable de la définition et de la mise en œuvre des politiques nationales dans les domaines de l’énergie, des hydrocarbures et des ressources minières. Ce portefeuille stratégique implique une coordination étroite avec d’autres ministères, les entreprises publiques, les investisseurs privés et les partenaires internationaux.
Une approche fondée sur l’expertise
Contrairement à certains responsables politiques issus exclusivement de la sphère partisane, Nani Juwara aborde ses fonctions ministérielles avec une approche résolument technocratique. Il met en avant la nécessité de s’appuyer sur des données fiables, des cadres réglementaires clairs et des partenariats équilibrés pour développer le secteur énergétique.
Dans ses prises de parole publiques, il insiste sur l’importance de la planification à long terme, de la diversification du mix énergétique et de la réduction de la dépendance aux importations de carburants fossiles. Il souligne également la nécessité de renforcer les capacités institutionnelles de l’État, afin de mieux encadrer les activités d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles.
Politique énergétique et ambitions nationales
Sécurité énergétique et accès universel
L’un des axes majeurs de l’action de Nani Juwara est la sécurité énergétique. Pour un pays comme la Gambie, fortement dépendant des importations et exposé aux variations des prix internationaux, garantir un approvisionnement stable et abordable est un enjeu crucial. Le ministre met en avant des politiques visant à augmenter la capacité de production nationale, à moderniser les réseaux de distribution et à réduire les pertes techniques.
L’accès universel à l’électricité constitue également une priorité. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés au cours des dernières années, des disparités persistent entre les zones urbaines et rurales. Les programmes soutenus par le ministère visent à étendre le réseau électrique, à développer des solutions hors réseau et à intégrer les énergies renouvelables dans les zones les plus isolées.
Ressources pétrolières et minières
La Gambie suscite un intérêt croissant en matière d’exploration pétrolière offshore. Dans ce domaine, Nani Juwara adopte un discours prudent, soulignant la nécessité d’une gouvernance rigoureuse et transparente. Il insiste sur l’importance de cadres contractuels équilibrés, garantissant que les éventuelles retombées économiques profitent à l’ensemble de la population.
Le secteur minier, bien que moins développé, fait également partie de ses attributions. Là encore, l’accent est mis sur la réglementation, la protection de l’environnement et l’intégration des communautés locales dans les projets de développement.
Reconnaissance et défis à venir
Visibilité internationale
Le parcours de Nani Juwara lui vaut une reconnaissance au-delà des frontières gambiennes. Il est régulièrement invité à participer à des forums internationaux consacrés à l’énergie, où il présente la vision et les opportunités de son pays. Cette visibilité contribue à renforcer l’image de la Gambie comme un acteur sérieux et engagé dans la transition énergétique.
Certaines distinctions honorifiques viennent saluer son leadership et son engagement en faveur de la modernisation du secteur énergétique. Ces reconnaissances symbolisent également l’importance croissante des enjeux énergétiques africains sur la scène internationale.
Enjeux futurs
Malgré les avancées, les défis restent nombreux. Le financement des infrastructures, l’adaptation aux changements climatiques, la maîtrise des coûts pour les consommateurs et la formation des ressources humaines constituent autant de chantiers à poursuivre. Nani Juwara devra également composer avec les attentes sociales, dans un pays où l’énergie est perçue comme un levier essentiel de développement et de justice sociale.
À long terme, sa capacité à concilier attractivité économique, souveraineté nationale et durabilité environnementale sera déterminante. Le succès de son action dépendra autant de la solidité des institutions que de la continuité des politiques publiques.
Conclusion
Nani Juwara incarne une figure singulière de la politique gambienne contemporaine, à la croisée de la technocratie et de l’action politique. Son parcours, construit patiemment au sein des services publics avant de s’ouvrir à la sphère gouvernementale, témoigne de l’importance de l’expertise dans la conduite des réformes. À travers son engagement dans les secteurs de l’énergie, du pétrole et des mines, il participe activement à la définition de l’avenir économique et social de la Gambie.
Dans un contexte africain marqué par des mutations profondes et des défis globaux, son action illustre la volonté d’un État de s’appuyer sur des compétences locales pour bâtir des politiques publiques ambitieuses. Quelles que soient les évolutions à venir, Nani Juwara restera comme l’un des acteurs majeurs de la transformation énergétique gambienne au début du XXIᵉ siècle.



