Qui est Abdelmalek Tacherift, l’homme politique ?

Nommé dans le cadre d’un remaniement gouvernemental intervenu à la mi-septembre 2025, Abdelmalek Tacherift a hérité d’un ministère singulier dans l’architecture institutionnelle algérienne : celui des Moudjahidine et des Ayants droit. Son intitulé dit déjà beaucoup de sa mission. Il ne s’agit pas seulement d’une administration sociale chargée d’allocations, de dossiers et de prise en charge ; c’est aussi un centre de gravité politique et moral, adossé à l’histoire de la guerre de libération et à la place accordée à la mémoire nationale dans le récit collectif.

La passation de pouvoirs, organisée après sa nomination, a donné le ton : reconnaissance pour la confiance présidentielle, appel à la mobilisation des cadres, et rappel de la portée « morale et historique » du département. Dans un pays où le statut des anciens combattants, des familles de martyrs et, plus largement, de la « famille révolutionnaire » demeure un marqueur de légitimité et un enjeu social, le ministère est un carrefour. Il relie l’Etat aux témoins et héritiers de la lutte anticoloniale, tout en portant une part de la politique mémorielle, de la commémoration et de la transmission.

Mais qui est Abdelmalek Tacherift, et que signifie sa nomination à ce poste, à un moment où la question des droits sociaux, des pensions et des symboles historiques continue d’occuper le débat public ? Entre trajectoire politique, expérience académique et attentes fortes d’un secteur chargé d’émotion et de responsabilité, ce changement à la tête du ministère ouvre une nouvelle séquence qu’il convient de comprendre sans surinterpréter.

Une nomination inscrite dans le remaniement de septembre 2025

Le cadre institutionnel est clair : Abdelmalek Tacherift figure parmi les membres du gouvernement nommés par décret présidentiel daté du 14 septembre 2025, publié au Journal officiel. Le texte liste les ministres par ordre, puis associe à chacun son portefeuille. Dans cette architecture, le nom « Abdelmalek TACHERIFT » apparaît dans la liste des membres du gouvernement, et le portefeuille correspondant est celui de « ministre des moudjahidine et des ayants droit ».

Cette nomination s’inscrit dans la formation du gouvernement conduit par le Premier ministre Sifi Ghrieb, confirmé dans ses fonctions le même jour, selon les annonces publiques et les reprises par la presse. Elle acte, au passage, le remplacement du ministre sortant, Laïd Rebiga, à la tête du département. Lors de la cérémonie de passation, Tacherift a officiellement pris ses fonctions en succédant à Rebiga, ce que rapportent des comptes rendus de presse.

Dans ce type de transition, le protocole est souvent codifié : discours de prise de fonctions, remerciements, appel à la continuité de l’action publique. Selon le récit rapporté, le nouveau ministre a exprimé sa gratitude au président de la République pour la confiance placée en lui, qualifiant le ministère de département à portée « morale et historique », et invitant les cadres à coopérer et à conjuguer leurs efforts. Le ministre sortant, Laïd Rebiga, lui a adressé des vœux de réussite « au service de la patrie, des Moudjahidine et des ayants-droit ».

Le décor planté est celui d’une continuité institutionnelle, mais avec un changement de figure à la tête d’un secteur dont la visibilité dépasse largement l’ordinaire des administrations techniques. En Algérie, ce ministère ne se limite pas à une fonction gestionnaire : il s’inscrit dans un registre de reconnaissance nationale et de cohésion, où la mémoire de la guerre de libération et les droits accordés à certaines catégories sociales s’entrecroisent.

Abdelmalek Tacherift : repères de parcours entre politique et université

Les informations publiques disponibles sur Abdelmalek Tacherift, telles qu’elles sont reprises dans des comptes rendus de presse, dessinent un profil mêlant responsabilités parlementaires et carrière académique.

D’après un récit attribué à une source institutionnelle reprise par la presse, il a occupé des fonctions parlementaires : membre du Conseil de la nation depuis décembre 2018 et ancien député à l’Assemblée populaire nationale sur la période 2007-2012. Cette double expérience, à la chambre haute puis à l’APN, place son parcours dans une continuité politique classique : travail législatif, rôle de représentation, présence dans les réseaux institutionnels.

Le même compte rendu mentionne également un ancrage universitaire affirmé : il aurait été recteur de l’université de Sétif « Ferhat Abbas » et doyen de la faculté des sciences économiques, commerciales et de gestion de cette université. Il est aussi fait état d’une participation à des instances de réflexion, notamment comme membre d’un conseil scientifique lié à un ministère chargé de la ville.

Ces éléments, pris ensemble, dessinent une figure à la fois institutionnelle et technico-académique. Pour un ministère dont la mission touche à la mémoire, à la réparation sociale, à des dispositifs de prise en charge et à la gestion de statuts particuliers, cette double culture (politique et universitaire) peut compter : elle renvoie à la capacité à dialoguer avec les acteurs administratifs, à manier des dossiers réglementaires, et à porter une parole publique attendue sur des sujets sensibles.

Mais cette trajectoire pose aussi une question implicite : comment articuler une expérience d’administration de l’enseignement supérieur et une activité parlementaire avec un ministère chargé d’une mémoire nationale vive, dans laquelle le symbolique se mêle au social ? C’est précisément l’un des défis de ce portefeuille : être à la fois gestionnaire, garant de la reconnaissance, et acteur de la transmission.

Le ministère des Moudjahidine et des Ayants droit : entre mémoire nationale et action sociale

Le ministère des Moudjahidine et des Ayants droit occupe une place particulière, car il se situe à la frontière de plusieurs politiques publiques : protection sociale ciblée, reconnaissance officielle, conservation de symboles, et animation d’une mémoire collective.

Un point important, rappelé par des communications institutionnelles, est l’inscription de la mémoire des chouhada (martyrs) et de la dignité des ayants droit dans un cadre constitutionnel : la revalorisation des pensions, par exemple, a été présentée comme intervenant en application d’une disposition constitutionnelle consacrant la garantie par l’Etat du respect des symboles de la Révolution, de la mémoire des chouhada et de la dignité de leurs ayants droit et des moudjahidine.

Dans le langage administratif, « moudjahidine » renvoie aux anciens combattants de la guerre de libération ; « ayants droit » renvoie notamment aux familles des martyrs et à d’autres catégories éligibles selon des textes et dispositifs. La réalité concrète du ministère, ce sont des dossiers individuels, des droits ouverts, des prises en charge, mais aussi des cérémonies, des commémorations, et un travail de conservation symbolique.

Ce ministère est également un lieu d’interface. D’un côté, il répond à des besoins : pensions, soins, accompagnement, mécanismes d’accès à des droits spécifiques. De l’autre, il porte une narration officielle : celle de la Révolution et de l’Etat indépendant. Cette double fonction explique pourquoi les changements à sa tête sont souvent lus au-delà d’un simple jeu de chaises musicales gouvernemental.

Dans la période récente, la communication institutionnelle sur les pensions illustre cette dimension : l’augmentation des pensions a été présentée à la fois comme un « acquis social » et comme une reconnaissance des sacrifices durant la Révolution de libération nationale, avec engagement du ministère à mettre en place les mécanismes nécessaires en coordination avec les parties concernées.

Il y a là un modèle typique de la politique publique mémorielle : le social et le symbolique se renforcent mutuellement. Le geste budgétaire et réglementaire ne vaut pas seulement comme soutien matériel ; il vaut aussi comme acte de reconnaissance, un langage d’Etat adressé à un groupe et, par extension, à la nation.

Les dossiers sociaux au premier plan : pensions, mécanismes et attentes

Au-delà des discours, l’un des dossiers les plus concrets et les plus sensibles du secteur concerne les pensions et allocations, qui touchent directement les bénéficiaires et leurs familles. En février 2025, un décret exécutif portant revalorisation des pensions des moudjahidine et des ayants droit (y compris pour certaines catégories comme les victimes civiles et victimes d’engins explosifs, ainsi que leurs ayants droit) a été publié au Journal officiel, selon une information relayée par un média public.

Le même texte indique qu’il s’agit du décret exécutif 25-80 du 18 février 2025 modifiant un décret antérieur, et que la décision a été présentée comme s’inscrivant dans le programme du secteur et dans le volet du programme présidentiel relatif à la promotion sociale des moudjahidine et des ayants droit. Il est également précisé que cette revalorisation n’avait pas fait l’objet de révision depuis plus de 13 ans, telle que formulée dans la communication rapportée, ce qui renforce l’idée d’une mesure attendue.

Ce type de réforme met en évidence deux défis permanents.

Le premier est administratif : comment traduire un texte et une décision politique en versements effectifs, dans des délais raisonnables, avec des mécanismes de contrôle et de coordination intersectorielle (notamment avec les organismes payeurs et les administrations concernées) ? La communication évoque explicitement la nécessité de « mettre en place les mécanismes nécessaires » en coordination avec les parties concernées.

Le second est social : les pensions constituent, pour de nombreux bénéficiaires, une ressource essentielle. Toute modification du régime, du calendrier, des modalités, ou des conditions d’éligibilité est scrutée. Dans un secteur où les ayants droit peuvent s’étendre sur plusieurs générations, la question de la gestion des droits n’est pas seulement budgétaire ; elle touche à la perception de l’équité et de la reconnaissance.

L’arrivée d’Abdelmalek Tacherift intervient donc dans un contexte où le ministère est attendu sur sa capacité à faire fonctionner la machine administrative, mais aussi sur sa capacité à incarner la continuité de la reconnaissance. C’est une ligne de crête : répondre aux exigences de gestion sans dégrader la dimension symbolique ; préserver la dimension symbolique sans se contenter de cérémonial.

Les mots prononcés lors de la passation de pouvoirs illustrent cette pression : le nouveau ministre parle d’un département que « tous les Algériens se doivent de préserver » et appelle à l’action collective des cadres. On peut y lire une insistance sur la cohésion interne du ministère, condition préalable à tout déploiement effectif des politiques publiques.

Diplomatie de la mémoire et transmission : une action qui déborde le cadre strictement national

Le ministère des Moudjahidine et des Ayants droit ne s’arrête pas à la gestion de dispositifs sociaux. Il s’inscrit aussi dans un espace de représentation et d’initiatives liées à la mémoire nationale, y compris dans ses dimensions relationnelles, protocolaires et parfois diplomatiques.

Début décembre 2025, l’actualité institutionnelle a donné plusieurs exemples de cette extension du périmètre. Le ministère a annoncé la réception, par Abdelmalek Tacherift, de la moudjahida Djamila Bouhired, présentée comme une figure emblématique de la lutte de libération, lors d’une visite au siège du ministère. Cet événement, au-delà de sa portée symbolique, illustre l’une des missions implicites du ministère : maintenir un lien vivant avec les figures historiques, reconnaître les parcours, et rappeler au public la continuité entre histoire et présent.

Quelques jours plus tard, une autre séquence a été rapportée : la réception par le ministre de l’ambassadeur d’Arabie saoudite en Algérie, avec des échanges portant sur le renforcement de la coopération dans le domaine de la mémoire nationale, selon un communiqué ministériel repris par la presse. Que recouvre exactement une telle coopération, et quelles formes peut-elle prendre ? Les informations publiques disponibles dans ces annonces restent généralement sobres, mais le simple fait qu’un ministère de ce type inscrive son activité dans une relation avec des partenaires étrangers souligne un point : la mémoire nationale n’est pas seulement une affaire interne, elle participe aussi d’un positionnement culturel et politique.

Cette dimension rejoint une question plus large : la transmission. La politique mémorielle, dans beaucoup de pays, se heurte à un problème de génération. Les témoins directs disparaissent. Les attentes se déplacent vers les archives, l’enseignement, les productions culturelles, les commémorations, et les formes contemporaines du récit historique.

Dans ce cadre, le ministère des Moudjahidine et des Ayants droit a une responsabilité particulière, car il est à la fois dépositaire d’une reconnaissance envers les anciens et acteur d’un discours adressé aux plus jeunes. La presse a d’ailleurs rapporté, lors de la prise de fonctions, une volonté de préserver la portée morale et historique du département.

Abdelmalek Tacherift arrive ainsi à un carrefour où l’enjeu n’est pas seulement de gérer des pensions ou d’organiser des cérémonies. Il s’agit de maintenir un équilibre entre la fidélité à la mémoire de la lutte anticoloniale, la réalité sociale des ayants droit et des victimes, et la nécessité d’inscrire cette mémoire dans un présent qui change, notamment dans la manière dont les jeunes s’informent et se représentent l’histoire.

Enfin, l’inscription de la revalorisation des pensions dans une lecture constitutionnelle et mémorielle, telle que formulée dans les communications rapportées, montre que l’Etat continue de lier explicitement l’action sociale à la protection des symboles et de la mémoire nationale. Pour Abdelmalek Tacherift, l’équation politique est donc précise : administrer des droits, tout en incarnant une continuité historique, dans un ministère où le langage de la reconnaissance est aussi important que la mécanique des textes.

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