L’ascension de Dean William Macpherson au poste de ministre des Travaux publics et des Infrastructures de la République d’Afrique du Sud illustre à la fois l’évolution de la scène politique sud-africaine et l’urgence de relever les défis immenses qui pèsent sur les infrastructures du pays. Ce membre du parti d’opposition Democratic Alliance (DA) est devenu, à la suite des élections nationales de 2024 et de la formation d’un gouvernement d’unité nationale, l’un des visages les plus observés d’un exécutif chargé de remettre le pays sur les rails, au sens propre comme au figuré.
Nommé officiellement ministre des Travaux publics et des Infrastructures le 3 juillet 2024 par le président Cyril Ramaphosa, Dean Macpherson se voit confier un portefeuille stratégique : celui de la gestion du patrimoine immobilier de l’État, de la conduite des grands chantiers nationaux, et d’une partie des politiques qui doivent soutenir la relance économique et la création d’emplois.
À la tête d’un ministère historiquement chargé de l’entretien et du développement des bâtiments publics et des infrastructures, Macpherson arrive avec une réputation de travailleur déterminé, attentif aux questions de bonne gouvernance et de lutte contre le gaspillage. Ses premières décisions, marquées par la volonté de limiter les dépenses jugées superflues pour les membres du gouvernement et du Parlement, ont immédiatement donné le ton d’un mandat placé sous le signe de la rigueur budgétaire et de la recherche d’efficacité.
Mais ce nouveau rôle ne peut se comprendre qu’à la lumière de son parcours, depuis les bancs d’école de Durban jusqu’aux bancs de l’Assemblée nationale, en passant par les controverses de la scène politique sud-africaine.
De Durban au gouvernement d’unité nationale : le parcours d’un élu de la DA
Dean William Macpherson naît le 2 février 1985 à Durban, dans la province du KwaZulu-Natal. Il grandit à Umhlanga, au nord de Durban, dans un contexte où la politique est déjà très présente dans sa vie familiale. Son père, Rory Macpherson, a immigré d’Angleterre en 1968 et s’est engagé localement, devenant conseiller municipal pour le Democratic Alliance dans la région d’Umhlanga.
L’adolescence de Dean Macpherson est marquée par un drame personnel : la mort prématurée de sa mère, victime d’un anévrisme cérébral en 1999, alors qu’il n’a que 14 ans. Il poursuit sa scolarité à Crawford College La Lucia, où il obtient un National Senior Certificate (équivalent du baccalauréat) et où il témoigne, plus tard, avoir été la cible de brimades.
Contrairement à de nombreux responsables politiques, Dean Macpherson ne revendique pas de diplôme universitaire. Selon des sources officielles, il ne détient pas de qualification tertiaire, un point souvent mentionné dans les portraits qui lui sont consacrés et qui alimente le débat sur la diversité des profils au sein du gouvernement d’unité nationale.
Les premiers pas en politique locale
L’engagement politique de Macpherson se concrétise dès la fin des années 2000. Il devient conseiller municipal (ward councillor) pour Durban North au sein de la municipalité d’eThekwini à partir de 2009.
De 2009 à 2014, il y occupe également la fonction de Chief Whip de la DA dans cette municipalité, un rôle de coordination interne et de discipline de parti qui lui permet de se faire connaître comme organisateur et communicant.
L’entrée au Parlement et les responsabilités nationales
En 2014, Dean Macpherson franchit une étape décisive en devenant membre de l’Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement sud-africain. Élu sur la liste régionale du KwaZulu-Natal pour la DA, il entame un premier mandat de député entre 2014 et 2019, puis est réélu en 2019 pour un second mandat.
Entre 2014 et 2017, il occupe la fonction de Shadow Deputy Minister for Trade and Industry, avant d’être promu Shadow Minister for Trade and Industry de 2017 à 2019. Dans l’opposition, il se fait remarquer pour son travail sur les questions commerciales, industrielles et de régulation, allant jusqu’à déposer deux projets de loi émanant de membres du Parlement (Private Members’ Bills).
Les données de présence parlementaire montrent toutefois un engagement contrasté : en 2020, Macpherson affiche un taux de participation de 64 % aux réunions de commission (30 participations sur 47 réunions).
Président provincial de la DA au KwaZulu-Natal
Le 27 mars 2021, Dean Macpherson devient président provincial de la Democratic Alliance au KwaZulu-Natal. À ce poste, il joue un rôle central dans les négociations politiques locales. En 2023, il contribue notamment à la conclusion d’un pacte de service (Service Delivery Pact) entre la DA et l’Inkatha Freedom Party (IFP) pour améliorer la prestation de services dans les municipalités « pendues » (hung municipalities), où aucun parti ne détient la majorité absolue.
Ce pacte et l’expérience accumulée dans la gestion de coalitions locales préfigurent les négociations plus larges qui aboutiront, après les élections nationales de 2024, à la formation d’un gouvernement d’unité nationale au niveau provincial puis national.
Le ministère des Travaux publics et des Infrastructures, un portefeuille stratégique
Le poste de ministre des Travaux publics et des Infrastructures (Minister of Public Works and Infrastructure) occupe une place clé dans l’architecture institutionnelle sud-africaine. Le titulaire de ce portefeuille est responsable de la politique nationale en matière de bâtiments publics, d’immobilier de l’État et d’infrastructures, en lien avec le département des Travaux publics.
Historiquement, le ministère a été créé en 1910, au moment de la constitution de l’Union d’Afrique du Sud. Son rôle a évolué au fil du temps, mais son cœur de mission reste la gestion et le développement des infrastructures publiques : bâtiments administratifs, installations stratégiques, infrastructures de transport ou encore projets de logements sociaux, souvent en lien avec d’autres départements.
Une nomination dans le cadre du gouvernement d’unité nationale
En 2024, le paysage politique sud-africain est profondément transformé par les résultats des élections nationales. L’African National Congress (ANC), parti dominant depuis la fin de l’apartheid, voit sa majorité absolue remettre en question et est contraint de former un gouvernement d’unité nationale avec plusieurs partis, dont la Democratic Alliance. C’est dans ce contexte que le président Cyril Ramaphosa nomme Dean Macpherson ministre des Travaux publics et des Infrastructures.
Le 3 juillet 2024, Macpherson prête serment et succède à Sihle Zikalala au ministère. Son adjoint (Deputy Minister) reste Sihle Zikalala, ce qui illustre la nature de compromis et de cohabitation du gouvernement d’unité nationale, dans lequel des responsables issus de partis rivaux doivent collaborer.
Un portefeuille au cœur de la relance économique
Le ministère des Travaux publics et des Infrastructures joue un rôle central dans les stratégies de relance économique du pays. Dean Macpherson lui-même ne cesse de rappeler que l’objectif est de transformer l’Afrique du Sud en un « chantier de construction » permanent, afin de créer des emplois, de moderniser les infrastructures vieillissantes et de renforcer l’attractivité du pays pour les investisseurs.
Les missions de son département portent aussi bien sur la gestion de quelque 88 000 bâtiments publics et de plusieurs millions d’hectares de terres appartenant à l’État, que sur la contribution à des programmes comme l’Expanded Public Works Programme (EPWP), qui offre des emplois temporaires et des formations dans le secteur des infrastructures.
Dans ses interventions publiques, Macpherson insiste sur la nécessité d’attirer des investissements privés dans les projets d’infrastructures, en mettant en place des modèles de financement mixtes et des projets « bankables », capables de convaincre les marchés. Il souligne régulièrement l’importance de la transparence et de la bonne gouvernance pour instaurer la confiance et lutter contre la corruption, un problème qui mine depuis longtemps les grands chantiers publics en Afrique du Sud.
Premières mesures : rigueur budgétaire et réorientation des dépenses
Dès sa prise de fonctions, Dean Macpherson se distingue par une série de décisions visant à réduire certaines dépenses jugées injustifiées ou symboliquement problématiques dans un contexte de crise économique et sociale.
Fin annoncée des dépenses somptuaires pour les élus
Quelques jours après son entrée au gouvernement, le nouveau ministre annonce qu’il met fin aux dépenses liées à l’acquisition de nouveaux logements et de nouveaux bureaux pour les membres du Parlement et les membres du Cabinet.
Dans un pays où les inégalités sociales restent criantes et où de nombreuses infrastructures essentielles – écoles, hôpitaux, réseaux d’eau et d’assainissement – sont dégradées ou insuffisantes, cette décision est présentée comme une manière de « tourner la page » d’une ère de dépenses ostentatoires. Le ministre explique vouloir réorienter ces fonds vers des projets d’infrastructures prioritaires, capables de bénéficier directement aux populations.
Cette volonté de mettre fin à certains privilèges est relayée dans la presse, où Macpherson déclare en substance que « ces temps sont révolus » et que l’argent public doit servir en priorité à bâtir et entretenir les infrastructures dont le pays a besoin.
Utiliser les bâtiments de l’État plutôt que louer des bureaux privés
Le ministre critique également la tendance de certains organismes publics à louer des bureaux dans des immeubles privés, parfois à des prix élevés, alors même que l’État dispose de nombreux bâtiments qui pourraient être réhabilités ou mieux utilisés.
Il plaide pour que les administrations s’installent dans des édifices appartenant déjà à l’État, ce qui permettrait de réduire les coûts de location sur le long terme. Les bâtiments publics inutilisés ou en ruine doivent, dans sa perspective, être réhabilités ou réaffectés, par exemple pour du logement social ou d’autres usages publics.
Allonger l’horizon de planification budgétaire des projets d’infrastructures
Macpherson souligne également une contrainte structurelle : les cycles budgétaires, généralement limités à un an ou trois ans, ne sont pas adaptés à la durée de préparation et de réalisation des grands projets d’infrastructures, qui nécessitent souvent une visibilité sur dix ans.
Face à cette difficulté, il indique avoir proposé à ses collègues du Cabinet et au Trésor national d’envisager des horizons de planification plus longs pour les projets d’infrastructures, afin de sécuriser les financements et d’éviter les interruptions coûteuses.
Infrastructures, emploi et lutte contre la corruption
En tant que ministre des Travaux publics et des Infrastructures, Dean Macpherson se trouve à la croisée d’enjeux multiples : développement économique, création d’emplois, réduction des inégalités territoriales et moralisation de la gestion des fonds publics.
« Transformer l’Afrique du Sud en chantier de construction »
Dans plusieurs interventions publiques, Macpherson développe une formule appelée à devenir l’un de ses slogans : il affirme vouloir faire de l’Afrique du Sud un vaste « chantier de construction ».
Cette expression renvoie à une vision où les infrastructures ne se limitent pas à des travaux ponctuels, mais forment un programme continu de modernisation du pays : routes, ponts ruraux, écoles, installations d’eau potable, réseaux de transport, logements, bâtiments administratifs. Elle vise aussi à rappeler que chaque chantier est susceptible de créer de l’emploi, directement sur le site, mais aussi dans les filières industrielles et de services associées.
Le ministre insiste sur la nécessité de renforcer la coordination entre les niveaux national, provincial et local pour éviter les doublons, les retards, ou les conflits de compétences qui freinent la mise en œuvre des projets.
Lutte contre les « mafias du chantier » et les perturbations de sites
Un autre axe de sa communication concerne la lutte contre les perturbations de chantiers attribuées à des groupes structurés, parfois qualifiés de « mafias de la construction ». Selon des chiffres cités dans ses prises de parole, ces perturbations auraient coûté des dizaines de milliards de rands à l’économie et ralentiraient de nombreux projets, notamment dans les secteurs du logement, des transports et de l’eau.
Macpherson plaide pour une réponse plus ferme des autorités, associant meilleure protection des sites, coopération avec les communautés locales et application stricte de la loi. Ceux qui empêchent la réalisation des projets d’infrastructures sont, selon lui, des « ennemis » de l’intérêt général, dans un pays où ces infrastructures sont indispensables à la dignité et à la sécurité des habitants.
L’enquête sur l’Independent Development Trust
La détermination affichée par le ministre en matière de lutte contre la corruption se manifeste de manière particulièrement visible dans le dossier de l’Independent Development Trust (IDT), un organisme public impliqué dans des projets d’infrastructures.
Le 10 décembre 2024, Dean Macpherson lance une enquête indépendante de grande ampleur sur l’IDT, après des révélations de la presse concernant un appel d’offres de 836 millions de rands pour des usines d’oxygène à pression modulée (Pressure-Swing Adsorption, PSA) destinées à des hôpitaux.
Selon les investigations, une grande partie du contrat était censée revenir à une société dépourvue des accréditations nécessaires pour installer ce type d’équipement. Une enquête ultérieure, menée par PricewaterhouseCoopers, met en évidence que plusieurs entreprises sélectionnées n’avaient ni certifications adéquates, ni coordonnées vérifiables, ni capacité opérationnelle réelle.
Les conclusions de cette affaire renforcent le discours de Macpherson sur la nécessité d’une transparence accrue, de contrôles rigoureux et de sanctions contre ceux qui détournent des ressources qui devraient servir à améliorer les infrastructures, en particulier dans des secteurs sensibles comme la santé publique.
Les investissements et la planification à long terme
En mai 2025, le ministre des Finances Enoch Godongwana annonce un engagement d’un trillion de rands pour l’investissement dans les infrastructures dans le cadre du Budget 2025. Dean Macpherson se félicite publiquement de cette décision, qu’il présente comme un signal fort pour la relance économique et la création d’emplois.
Il appelle toutefois à formaliser davantage le rôle d’Infrastructure South Africa (ISA), une entité chargée de coordonner les projets structurants, et salue les progrès récents de cette structure pour accélérer la livraison d’infrastructures et attirer davantage d’investissements.
Un responsable sous le feu des projecteurs : controverses et image publique
Comme nombre de figures politiques sud-africaines, Dean Macpherson est loin d’être unanimement salué. Son parcours est marqué par des controverses qui continuent de nourrir le débat sur sa personnalité et sur la manière dont il exerce ses responsabilités.
L’affaire des affiches de Phoenix en 2021
L’un des épisodes les plus commentés de sa carrière reste la controverse autour de panneaux électoraux installés à Phoenix, dans le KwaZulu-Natal, avant les élections municipales de 2021. Ces affiches, portant les slogans « The ANC called you racists » et « The DA calls you heroes », ont été perçues par de nombreux observateurs comme racistes et insensibles, dans un contexte où la zone avait été le théâtre de violences et de tensions raciales lors des troubles de 2021, qui avaient coûté la vie à des dizaines de personnes.
Face au tollé, Macpherson présente publiquement des excuses et admet que ces affiches étaient « non autorisées » par la direction de la DA. Il ordonne leur retrait et reconnaît que la campagne a causé des blessures à certains habitants. Cet épisode continue toutefois d’alimenter les critiques, certains l’accusant d’avoir instrumentalisé les divisions raciales à des fins électorales, tandis que d’autres estiment que son mea culpa marque une prise de conscience et une volonté de corriger ses erreurs.
Pressions, critiques et défense de son action au ministère
Depuis sa nomination comme ministre des Travaux publics et des Infrastructures, Dean Macpherson fait également l’objet de critiques liées tant à sa personnalité politique qu’à certaines décisions de son département. Des voix réclament périodiquement sa démission, que ce soit pour des accusations liées à la gestion de son portefeuille ou pour des controverses plus larges touchant à la scène politique sud-africaine.
Le ministre revendique pour sa part une approche fondée sur la transparence, l’efficacité et la lutte contre la corruption, mettant en avant, par exemple, l’enquête sur l’IDT ou les mesures d’austérité concernant le logement et les bureaux des élus.
Une figure de la diversité politique
Sur le plan personnel, Dean Macpherson est également l’un des députés sud-africains ouvertement homosexuels, un aspect relevé par les médias qui s’intéressent à la représentation de la communauté LGBTQ+ dans la vie politique du pays.
Son profil, combinant un parcours sans diplôme universitaire, une expérience dans le monde des affaires et une carrière politique ascendante, nourrit les débats sur les qualités requises pour occuper des fonctions ministérielles : certains y voient une preuve que l’engagement et l’expérience peuvent compenser l’absence de diplômes formels, tandis que d’autres s’inquiètent du message envoyé dans un contexte où l’éducation supérieure est souvent valorisée comme un critère de compétence.
Un mandat à la croisée des attentes et des contraintes
Le mandat de Dean William Macpherson comme ministre des Travaux publics et des Infrastructures se déroule dans un contexte délicat : économie fragilisée, infrastructures vieillissantes, tensions sociales persistantes et défiance vis-à-vis des institutions publiques.
Les premières mesures de rigueur budgétaire, la volonté affichée de réorienter les dépenses vers les infrastructures prioritaires, la lutte contre la corruption illustrée par l’enquête sur l’IDT, ainsi que le plaidoyer pour une meilleure coordination entre les différents niveaux de l’État et pour une participation accrue du secteur privé, dessinent les contours d’une politique orientée vers la modernisation et la responsabilisation.
Reste à savoir si ces orientations pourront être traduites, à grande échelle et dans la durée, en améliorations concrètes pour les Sud-Africains : des ponts plus sûrs dans les zones rurales, des écoles sans toilettes à fosse dangereuses, des bâtiments publics réhabilités, des quartiers où les infrastructures de base – eau, assainissement, électricité – seront enfin fiables.
Dans un pays où les promesses de développement ont souvent été déçues, la capacité de Dean Macpherson à transformer l’Afrique du Sud en ce « chantier de construction » qu’il appelle de ses vœux sera un test, non seulement pour son ministère, mais aussi pour la crédibilité du gouvernement d’unité nationale auquel il appartient.



