Qui est Buti Manamela, l’homme politique ?

L’Afrique du Sud s’est dotée, en juillet 2025, d’un nouveau ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation (Department of Higher Education and Training, DHET) : Kgwaridi Buti Manamela. Figure connue de la scène politique, issu à la fois de l’ANC et du Parti communiste sud-africain, il prend les rênes d’un secteur stratégique, au croisement de la démocratisation de l’accès aux études, de la formation professionnelle et des besoins urgents de compétences dans une économie en mutation.

Né en 1979 à Phagameng, dans la province de Limpopo, Buti Kgwaridi Manamela s’est progressivement imposé comme l’un des acteurs centraux des politiques de jeunesse, d’éducation et de développement au sein du gouvernement sud-africain. Longtemps vice-ministre, tant à la Présidence qu’au ministère de l’Enseignement supérieur, il accède désormais au rang de ministre à part entière dans un contexte marqué par les tensions sur le financement des études, la question de la qualité des formations, les inégalités d’accès, ainsi que par la nécessité d’adapter le système aux défis numériques.

Cette nomination intervient alors que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Formation, créé en 2009 lors de la scission de l’ancien ministère de l’Éducation, se voit confier une mission élargie : organiser l’ensemble de l’après-scolaire, des universités aux collèges techniques, en passant par la formation professionnelle continue.

Un parcours politique forgé dans les mouvements de jeunesse

Avant de devenir ministre, Kgwaridi Buti Manamela s’est fait connaître comme militant de jeunesse et cadre du mouvement communiste. Il émerge au début des années 2000 au sein de la Young Communist League of South Africa (YCL), la Ligue de jeunesse du Parti communiste sud-africain (SACP). En 2003, il est élu secrétaire national de cette organisation, fonction qu’il occupe jusqu’en 2014.

Parallèlement, il se construit une expérience au sein des structures étudiantes et syndicales. Il a notamment été vice-président de l’organisation étudiante South African Students’ Congress (SASCO) et président de l’ancienne South African College Students Association, aujourd’hui South African TVET Student Association, ce qui l’a placé très tôt en prise directe avec les préoccupations des étudiants et des apprenants de la formation technique et professionnelle.

Dans le champ syndical, il a travaillé comme organisateur local pour le South African Commercial, Catering and Allied Workers’ Union (SACCAWU), l’un des syndicats affiliés à la centrale COSATU. Cette expérience l’a familiarisé avec les conditions de travail, les enjeux de formation continue et les attentes des salariés des secteurs commerciaux et des services.

Son ancrage dans les mouvements de jeunesse et de travailleurs se double d’un engagement partisan. Membre de longue date de l’ANC, il siège depuis 2009 à l’Assemblée nationale, le Parlement sud-africain, où il représente le parti au pouvoir. Il a également été élu au Comité central du Parti communiste sud-africain à partir de 2012, puis au Comité exécutif national de l’ANC en 2022, confirmant sa place dans la direction des deux organisations qui composent l’axe central de l’alliance gouvernementale.

Cet itinéraire le situe à la croisée de plusieurs espaces : la politique partisane, le militantisme de jeunesse, l’action syndicale. Il nourrit sa légitimité sur la question de l’éducation, non seulement par ses fonctions gouvernementales successives, mais aussi par un long travail d’organisation au cœur des mouvements étudiants et populaires.

De la Présidence à l’Enseignement supérieur : un continuum de responsabilités

L’entrée de Kgwaridi Buti Manamela au gouvernement se fait en 2014, lorsque le président Jacob Zuma le nomme vice-ministre au sein de la Présidence, chargé notamment du suivi de la planification, du suivi et de l’évaluation, ainsi que des politiques de jeunesse. Il occupe cette fonction jusqu’en 2017.

En octobre 2017, un remaniement gouvernemental le propulse à un poste plus directement lié à l’éducation : il devient vice-ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation. Il assiste successivement plusieurs ministres en charge de ce portefeuille, au moment où le système sud-africain est traversé par de fortes mobilisations étudiantes autour de la question des frais d’inscription et de l’accès à l’université.

Lorsque le président Cyril Ramaphosa succède à Jacob Zuma et recompose son équipe à l’issue des élections de 2019, Kgwaridi Buti Manamela est maintenu au gouvernement. Le portefeuille évolue alors pour intégrer un ensemble plus large : l’Enseignement supérieur, la Science et la Technologie. Dans cette configuration élargie, il occupe le poste de vice-ministre de 2019 à 2024, au côté du ministre Blade Nzimande, tout en poursuivant son travail au Parlement.

En juin 2024, il est officiellement nommé vice-ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation au sein d’une configuration gouvernementale remaniée. Cette étape constitue un pont direct vers sa promotion au rang de ministre. En juillet 2025, il est en effet désigné ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation par le président Ramaphosa, succédant à Nobuhle Nkabane. Les sites officiels du gouvernement sud-africain et du ministère confirment cette nomination à compter du 21 juillet 2025.

Ce continuum de responsabilités, d’abord à la Présidence puis au sein même du portefeuille de l’enseignement supérieur, lui donne une connaissance fine des rouages administratifs et des institutions de l’après-scolaire. Il a été associé à la fois à la planification stratégique, au suivi des politiques publiques et à la gestion quotidienne d’un secteur aux attentes considérables.

Un ministère clé dans l’architecture éducative sud-africaine

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Formation (Department of Higher Education and Training, DHET) constitue l’un des piliers de l’appareil éducatif sud-africain. Il a été créé en 2009 lorsque l’ancien ministère de l’Éducation a été scindé en deux entités distinctes : un département chargé de l’enseignement de base (Basic Education) et un département dédié à l’enseignement supérieur et à la formation.

Le DHET est responsable de l’ensemble du système post-scolaire : universités, collèges techniques et de formation professionnelle (TVET colleges), instituts de formation des enseignants, dispositifs de formation continue et d’apprentissage, ainsi que de la coordination avec les organismes de financement et d’assurance qualité. Le ministère travaille en lien étroit avec des structures statutaires comme la South African Qualifications Authority (SAQA) et le Council on Higher Education (CHE), chargés de la régulation et de l’évaluation des programmes, des diplômes et des institutions.

Basé à Pretoria, le département siège au 123 Francis Baard Street et s’appuie sur plusieurs branches administratives spécialisées : élaboration des politiques, planification, suivi et évaluation, enseignement et apprentissage, éducation et formation axées sur le marché du travail, et soutien institutionnel.

Historiquement, la création du DHET a répondu à la nécessité de mieux coordonner l’enseignement supérieur et la formation professionnelle dans un pays marqué par un héritage d’inégalités structurelles, hérité de l’apartheid. La réforme de 2009 a permis de regrouper les compétences en matière de qualifications, de développement des compétences et de post-scolaire, compétences qui étaient auparavant dispersées entre l’ancien ministère de l’Éducation et le ministère du Travail.

Le ministère est également chargé de l’application de textes clés, tels que la loi sur l’enseignement supérieur (Higher Education Act de 1997) et la loi sur le cadre national des qualifications (National Qualifications Framework Act de 2008). Ces instruments législatifs fournissent la base juridique de la régulation des établissements, de l’agrément des programmes et de la reconnaissance des diplômes au niveau national.

Dans ce paysage institutionnel, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation occupe un rôle stratégique : il fixe les grandes orientations politiques, arbitre les priorités budgétaires dans un contexte de ressources limitées, dialogue avec le Parlement, les syndicats, les organisations étudiantes et les autres départements, et représente l’Afrique du Sud dans les forums internationaux consacrés à l’enseignement supérieur et à la formation.

Les défis de l’enseignement supérieur et de la formation en Afrique du Sud

L’arrivée de Kgwaridi Buti Manamela à la tête du DHET intervient dans un contexte où l’enseignement supérieur sud-africain est confronté à une série de défis bien documentés par les rapports officiels et les débats publics. Parmi ceux-ci, la question du financement des études et de l’accès reste centrale. Les mobilisations étudiantes des années 2010, comme le mouvement #FeesMustFall, ont mis en lumière les difficultés de nombreux étudiants à assumer les frais de scolarité, de logement et de subsistance.

Le système d’aide financière, notamment à travers le National Student Financial Aid Scheme (NSFAS), a été étendu pour couvrir davantage de bénéficiaires, mais il a aussi connu des tensions liées aux retards de versement, aux contestations sur les critères d’éligibilité et aux difficultés administratives. Des travaux parlementaires et des auditions de la Commission de l’enseignement supérieur ont régulièrement souligné la nécessité d’améliorer la gouvernance et la capacité administrative de ces dispositifs.

Le réseau des universités, quant à lui, fait face à la fois à une demande croissante d’inscriptions et à des besoins d’investissement importants dans les infrastructures, les résidences étudiantes, les bibliothèques et les laboratoires. De nombreux campus sont encore marqués par des inégalités héritées de l’histoire, avec des établissements historiquement privilégiés mieux dotés en ressources que d’autres universités ou collèges issus de territoires défavorisés.

La formation professionnelle et technique constitue un autre enjeu majeur. Les collèges TVET sont considérés comme un levier essentiel pour répondre aux pénuries de compétences dans des secteurs clés comme l’industrie, la construction, les technologies de l’information, l’énergie ou les services. Pourtant, ils souffrent souvent d’un déficit d’image, de taux de réussite variables et d’un décalage entre les programmes et les besoins des entreprises. La modernisation des programmes, le renforcement de l’apprentissage en alternance et l’implication plus forte des partenaires sociaux figurent parmi les priorités récurrentes mises en avant par le DHET.

La question de la gouvernance et de la qualité traverse l’ensemble du système. Le ministère, via le CHE et la SAQA, doit veiller à ce que les établissements respectent des standards en matière de programmes, de qualifications du personnel, de gestion financière et d’environnement de travail. Des listes d’universités et de programmes accrédités sont publiées pour protéger les étudiants contre les institutions non reconnues et les formations non agréées.

Enfin, le secteur se trouve au cœur des grandes transformations technologiques. L’essor des plateformes numériques, des cours en ligne et de l’intelligence artificielle impose une réflexion approfondie sur les modalités de l’enseignement, la formation des enseignants, l’accès aux ressources numériques et la réduction de la fracture numérique entre les campus urbains bien connectés et les établissements plus isolés.

C’est dans ce paysage complexe, marqué par le poids de l’histoire et les défis du présent, que le nouveau ministre est appelé à agir.

Une trajectoire académique en lien avec les politiques publiques

Au-delà de son parcours militant et politique, Kgwaridi Buti Manamela a suivi un cursus académique centré sur les politiques publiques et le développement. Il est titulaire d’un master en politique publique et gestion du développement (Public Policy and Development Management) de l’Université du Witwatersrand, l’un des grands établissements de recherche du pays.

Auparavant, il a étudié l’électronique numérique au Mamelodi College, aujourd’hui intégré au réseau des collèges techniques et professionnels Tshwane North TVET College. Cette formation technique le relie directement à l’un des piliers du système qu’il dirige désormais : l’enseignement et la formation techniques et professionnels.

Cette double dimension – technique et politico-administrative – constitue un atout dans un ministère qui doit articuler la vision stratégique de long terme avec la compréhension des réalités concrètes des établissements. Les enjeux de transformation numérique, de modernisation des campus et d’adéquation entre formations et besoins économiques nécessitent de combiner expertise en politiques publiques et sensibilité aux questions technologiques.

En parallèle, son engagement dans le Parti communiste sud-africain et au sein de l’ANC lui confère une position singulière dans l’alliance au pouvoir. Membre du Comité central du SACP et du Comité exécutif national de l’ANC, il participe aux discussions internes sur les orientations économiques et sociales, y compris sur les questions d’éducation, de formation et d’emploi des jeunes.

Cette articulation entre formation, expérience gouvernementale et responsabilité politique permet de comprendre la façon dont il appréhende les politiques d’enseignement supérieur : comme un instrument central de transformation sociale, de lutte contre les inégalités et de développement économique.

Un mandat placé sous le signe de la continuité et de la modernisation

En accédant au poste de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation en juillet 2025, Kgwaridi Buti Manamela s’inscrit à la fois dans une dynamique de continuité et dans un agenda de modernisation. Sa longue expérience en tant que vice-ministre, d’abord dans la Présidence puis au sein du portefeuille de l’enseignement supérieur, lui donne une connaissance détaillée des réformes engagées depuis plus d’une décennie.

Cette continuité se traduit notamment par la poursuite des objectifs fixés par le DHET depuis sa création : élargir l’accès à l’enseignement supérieur, renforcer l’articulation entre universités, collèges TVET et formation continue, améliorer la qualité des établissements, et aligner les programmes sur les besoins de l’économie et de la société. Les documents de planification stratégique du ministère insistent sur la nécessité de développer un « système post-scolaire cohérent, intégré et de haute qualité ».

Dans le même temps, le contexte de 2025 oblige à accélérer certaines transformations. Les enjeux de numérisation, de formation aux compétences digitales et de réduction de la fracture numérique prennent une place de plus en plus importante dans le discours public et dans les politiques éducatives. La documentation officielle et les analyses spécialisées insistent sur le rôle des technologies numériques pour étendre l’accès aux ressources pédagogiques, soutenir l’apprentissage à distance et améliorer la gestion des établissements.

La modernisation ne concerne pas seulement l’offre de cours ou les infrastructures, mais aussi la gouvernance et la transparence. Les travaux parlementaires, les auditions des responsables du DHET et les rapports du secteur soulignent régulièrement la nécessité de renforcer les capacités administratives, de mieux suivre l’utilisation des budgets, d’améliorer les systèmes d’information, notamment en matière de données sur les inscriptions, la réussite des étudiants et l’insertion professionnelle des diplômés.

Pour Kgwaridi Buti Manamela, l’enjeu consiste donc à concilier ces deux dimensions : consolider l’héritage des politiques menées depuis la création du DHET en 2009, tout en adaptant le système aux exigences d’un monde du travail en rapide mutation, marqué par l’automatisation, l’économie numérique et la transition énergétique.

Une fonction au croisement des attentes sociales et des impératifs économiques

La position de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation place Kgwaridi Buti Manamela au cœur d’un ensemble d’attentes parfois contradictoires. D’un côté, les étudiants, leurs familles et les organisations de jeunesse demandent un accès élargi, des frais d’inscription soutenables, des aides financières efficaces et des conditions d’étude dignes, notamment en termes de logement, de restauration et de transport. De l’autre, les employeurs et les acteurs économiques insistent sur la nécessité de disposer de diplômés mieux préparés aux réalités du marché du travail, dotés de compétences techniques, numériques et transversales adaptées.

Les syndicats du personnel universitaire, les associations d’enseignants et les organisations de recherche portent, quant à eux, un discours sur la qualité de l’enseignement, la reconnaissance du travail académique, la liberté académique et les besoins en financement pour la recherche. Ils alertent régulièrement sur la pression budgétaire qui pèse sur les universités et sur la nécessité d’investir dans la recherche scientifique, considérée comme un levier essentiel pour l’innovation et la compétitivité internationale.

Le ministère doit également tenir compte des impératifs de transformation sociale. Dans un pays marqué par les profondes inégalités de l’ère de l’apartheid, les questions d’équité raciale, de représentation des femmes et des groupes historiquement marginalisés dans l’enseignement supérieur restent centrales. La composition du corps étudiant, du corps enseignant et des organes de gouvernance des universités est régulièrement scrutée à l’aune des objectifs de transformation et de justice sociale.

Dans cette perspective, l’enseignement supérieur et la formation ne sont pas seulement perçus comme un levier de croissance économique, mais aussi comme un instrument de réparation et de recomposition du tissu social. Le mandat de Kgwaridi Buti Manamela s’inscrit donc dans un cadre où l’éducation est appelée à jouer un rôle multiplicateur : réduire les inégalités, favoriser l’accès à l’emploi, soutenir l’innovation et renforcer la participation citoyenne.

En prenant la tête du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Formation, Kgwaridi Buti Manamela s’installe au centre d’un secteur où se joue une grande partie de l’avenir de l’Afrique du Sud. Sa trajectoire, des mouvements de jeunesse aux postes gouvernementaux les plus élevés dans le champ de l’éducation, s’accompagne d’une expérience solide des politiques publiques, en particulier dans le domaine des compétences et du développement.

La consolidation du système post-scolaire, la modernisation des outils numériques, l’amélioration de la gouvernance et la poursuite de la transformation sociale font partie des axes structurants dans lesquels s’inscrit son mandat. Dans un contexte de fortes attentes sociales et de pressions économiques, la capacité du nouveau ministre à articuler ces dimensions sera déterminante pour l’évolution de l’enseignement supérieur et de la formation en Afrique du Sud dans les années à venir.

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