L’accession de Mzwanele Nyhontso au portefeuille stratégique de la Land Reform and Rural Development en Afrique du Sud marque un tournant politique et symbolique majeur. Président du Pan Africanist Congress of Azania (PAC), ce vétéran de la lutte africaniste est depuis le 3 juillet 2024 le ministre chargé de l’une des questions les plus sensibles de la démocratie sud-africaine : la redistribution des terres et le développement des campagnes.
Dans un pays où les inégalités d’accès à la terre restent héritées d’un siècle de lois raciales, cette nomination intervient au moment où se met en place un gouvernement d’unité nationale, après les élections de 2024 qui ont fait perdre sa majorité absolue au Congrès national africain (ANC).
Nyhontso arrive au ministère avec un double statut inédit : celui de chef d’un petit parti d’opposition, le PAC, et celui de premier responsable non issu de l’ANC à occuper ce portefeuille depuis sa création. Dans ses interventions publiques, il présente la dépossession foncière comme l’un des péchés originels de l’Afrique du Sud moderne et fait de l’accélération de la réforme agraire un impératif politique, social et économique.
Son premier grand discours budgétaire en juillet 2024 a donné le ton : le ministère entend accélérer la restitution et la redistribution des terres, sécuriser les droits fonciers des communautés rurales et renforcer l’administration du foncier aux quatre coins du pays. Mais la tâche est immense, et le nouveau ministre se retrouve au cœur de tensions anciennes, entre attentes des communautés noires dépossédées, craintes de certains agriculteurs commerciaux et pressions internationales sur la sécurité juridique des investissements.
Un militant africaniste propulsé au cœur de l’exécutif
Né le 8 septembre 1973, Mzwanele Nyhontso est un homme politique sud-africain de 52 ans, issu de la mouvance africaniste. Il est surtout connu comme président du Pan Africanist Congress of Azania, une formation politique historique fondée à partir d’une scission de l’ANC au tournant des années 1960 et centrée sur la revendication de la terre pour les Africains. Il prend officiellement la tête du PAC en décembre 2018, à l’issue d’un congrès marqué par de fortes rivalités internes.
La direction de Nyhontso au PAC est rapidement contestée par une faction menée par Narius Moloto, qui revendique également la présidence du parti. Deux congrès concurrents se tiennent en 2018 et 2019, chacun désignant son propre chef. Cette guerre de leadership débouche sur une bataille judiciaire et politique qui durera plusieurs années. La Commission électorale indépendante finit par reconnaître Nyhontso comme chef légitime du PAC, décision confirmée par un jugement de la Haute Cour en août 2021, même si la faction opposée continue de contester cette légitimité sur le terrain politique.
Sur le plan parlementaire, Nyhontso entre pour la première fois à l’Assemblée nationale en mai 2019, à la faveur des élections qui voient le PAC conserver un seul siège au Parlement. Il devient alors l’unique député du parti et siège dans plusieurs commissions, notamment celles consacrées à la défense, à l’enseignement supérieur, à l’environnement ou encore aux ressources minérales.
Cette première expérience parlementaire est toutefois de courte durée. En 2020, à la suite d’une décision de justice liée au conflit interne du PAC, la présidente de l’Assemblée nationale suspend son mandat. Nyhontso conteste alors cette décision devant la justice. Dans un premier temps, la Haute Cour du Cap occidental ordonne sa réintégration provisoire au Parlement, avant qu’une autre décision ne l’écarte à nouveau en juin 2021, le siège étant alors attribué à Bennet Joko, un membre de la faction rivale.
L’épisode illustre la fragilité des petits partis sud-africains et la façon dont des conflits de leadership peuvent avoir des répercussions directes sur la représentation parlementaire. En août 2021, une nouvelle décision judiciaire reconnaît formellement Nyhontso comme président légal du PAC et invalide l’élection de Moloto. Quelques jours plus tard, le 2 septembre 2021, Nyhontso retrouve son siège de député, redevenant l’unique représentant du PAC à l’Assemblée nationale.
En 2024, après les élections générales du 29 mai, le PAC conserve à nouveau un seul siège au Parlement, occupé par Nyhontso. C’est en tant que chef d’un micro-parti d’opposition qu’il participe aux discussions sur la formation d’un gouvernement d’unité nationale, aux côtés de l’ANC et de plusieurs autres formations, dont la Democratic Alliance (DA). Son parti signe finalement l’accord de gouvernement et, le 30 juin 2024, le président Cyril Ramaphosa annonce publiquement sa nomination au poste de ministre de la Land Reform and Rural Development. Nyhontso prête serment le 3 juillet 2024.
Cette nomination fait de lui le premier responsable d’un parti d’opposition à occuper ce ministère, traditionnellement détenu par l’ANC ou ses alliés. Pour le PAC, dont la revendication historique porte sur la restitution de la terre à la majorité noire, il s’agit d’un succès symbolique majeur : son dirigeant prend la tête de l’appareil d’État chargé de répondre à une partie de ces revendications.
Un portefeuille façonné par un siècle de dépossession foncière
Pour comprendre la portée de la mission confiée à Mzwanele Nyhontso, il faut revenir sur l’histoire de la terre en Afrique du Sud. La question foncière, souvent désignée comme la « land question », remonte bien au-delà du régime d’apartheid et plonge ses racines dans la période coloniale.
Un moment clé de cette histoire est l’adoption du Natives Land Act de 1913. Cette loi, entrée en vigueur le 19 juin 1913, limite l’accès des Africains à environ 7 % de la superficie du pays, dans des « réserves » définies, pourcentage porté à 13 % dans les années 1930 avec le Native Trust and Land Act. Elle interdit, sauf exceptions, aux Noirs d’acheter ou de louer des terres en dehors de ces zones, de même qu’elle restreint la possibilité pour les Blancs d’acquérir des terres dans les réserves africaines. Cette architecture juridique consacre une forme de ségrégation territoriale, engrangeant un vaste transfert de terres au profit de la minorité blanche et provoquant des déplacements forcés de milliers de familles noires.
Ces mesures foncières resteront en place pendant l’essentiel du XXe siècle, renforcées par d’autres lois du régime d’apartheid après 1948. Si le Natives Land Act est finalement abrogé en 1991, les structures foncières héritées de ce siècle de dépossession restent profondément inégalitaires à l’aube de la démocratie de 1994.
Après l’arrivée au pouvoir de l’ANC, le nouveau gouvernement lance un vaste programme de réforme agraire, articulé autour de trois volets : la redistribution de terres à des personnes qui n’en ont pas ou très peu, la restitution de terres à des communautés ou familles qui en ont été dépossédées après 1913, et la réforme du régime foncier, notamment dans les zones de droit coutumier. Deux textes clés encadrent ce processus : la loi de 1994 sur la restitution des droits fonciers, qui permet aux victimes de dépossession de déposer des revendications, et diverses mesures sur la tenure, destinées à sécuriser les droits d’occupation des habitants des anciennes zones rurales dites « homelands ».
L’ANC se fixe alors un objectif politique : redistribuer 30 % des terres agricoles en faveur de la majorité noire dans les deux premières décennies de la démocratie. Plusieurs études et analyses rappellent que cet objectif est loin d’avoir été atteint, même si une partie importante des terres revendiquées a été restituée ou compensée financièrement. Certaines estimations, relayées notamment à l’occasion du centenaire du Natives Land Act en 2013 et dans des analyses ultérieures, évoquent une proportion plus proche de 10 % des terres agricoles effectivement transférées ou restituées à cette date, ce qui souligne l’écart entre les ambitions initiales et les résultats obtenus.
Sur le plan institutionnel, la question foncière a connu plusieurs configurations. Dans les années 1990, les affaires foncières sont rattachées au ministère de l’Agriculture et des Affaires foncières. En 2009, le président Jacob Zuma crée un ministère autonome du Rural Development and Land Reform, afin de signaler la priorité accordée à la lutte contre les inégalités rurales et la redistribution des terres. En 2019, son successeur Cyril Ramaphosa fusionne à nouveau ce portefeuille avec l’agriculture pour donner naissance au ministère de l’Agriculture, Land Reform and Rural Development.
En 2024, à la suite des élections et de la formation du gouvernement d’unité nationale, Ramaphosa décide de revenir à une configuration séparée : un ministère de l’Agriculture d’un côté, confié au dirigeant de la DA John Steenhuisen, et un ministère de la Land Reform and Rural Development de l’autre, confié à Mzwanele Nyhontso. Le ministère dont ce dernier a la charge assume ainsi la responsabilité politique de l’ensemble des programmes de restitution, de redistribution et de réforme de la tenure foncière, ainsi que de l’administration du foncier (géomatique, cadastre, enregistrement des actes).
Le portefeuille est d’autant plus sensible qu’il se situe à la croisée de multiples enjeux : réparation historique, justice sociale, sécurité alimentaire, stabilité du secteur agricole et attractivité des investissements. La législation récente sur l’expropriation sans compensation dans certains cas, présentée comme un outil pour accélérer la réforme, a également alimenté les débats nationaux et internationaux, certains gouvernements étrangers exprimant leur inquiétude, tandis que Pretoria insiste sur la nécessité de corriger un héritage historique d’inégalités raciales.
Les priorités affichées par Nyhontso : accélérer la réforme et sécuriser les droits
Le 16 juillet 2024, Mzwanele Nyhontso prononce son premier discours de budget au Parlement en tant que ministre de la Land Reform and Rural Development. Dans ce texte, diffusé par le gouvernement, il dresse un bilan des politiques mises en œuvre au cours des six précédentes administrations et insiste sur l’ampleur de la tâche restant à accomplir. Il rappelle que la réforme foncière doit contribuer à corriger « trois siècles et demi » de politiques coloniales et d’apartheid qui ont systématiquement privé la majorité indigène de l’accès à la terre et à un statut foncier sécurisé.
Le ministre insiste sur le caractère central de la terre comme facteur de production et comme levier pour combattre la pauvreté, le chômage et les inégalités, souvent désignés en Afrique du Sud comme la « triple menace ». Il explique que la réforme doit reposer sur trois piliers toujours jugés pertinents : la redistribution, la restitution et la sécurisation de la tenure foncière. Selon lui, l’incapacité de l’État à traiter correctement ces trois volets serait « une erreur impardonnable envers l’avenir du pays ».
Sur le plan quantitatif, Nyhontso met en avant certains résultats récents de son département. Pour l’exercice 2023-2024, le ministère dit avoir acquis et alloué environ 67 376 hectares de terres à divers bénéficiaires, dépassant ainsi un objectif initial fixé à 42 456 hectares. Pour l’année budgétaire 2024-2025, une enveloppe de 466 millions de rands est prévue pour financer l’acquisition et l’allocation de 46 767 hectares supplémentaires, avec l’objectif de cibler en priorité des terres stratégiquement situées et de renforcer la sécurité d’occupation pour les agriculteurs et les communautés rurales.
Le ministre accorde une place particulière aux Community Property Associations (CPA), ces entités juridiques qui détiennent la terre pour le compte de communautés bénéficiaires de la restitution. Il reconnaît les nombreux problèmes rencontrés par ces structures – conflits internes, difficultés de gouvernance, manque de compétences de gestion, insuffisance de soutien financier – et met en avant un programme de formation de centaines de responsables de CPA, destiné à renforcer leur capacité de gestion et à garantir le respect du cadre législatif.
Nyhontso insiste aussi sur le soutien apporté aux communautés rurales historiquement marginalisées par le biais de la Transformation of Certain Rural Areas Act (TRANCRAA). Selon les chiffres qu’il présente, près de 474 000 hectares ont été transférés en pleine propriété, principalement à des communautés dites « coloured » qui avaient été exclues de l’accès à la terre sous les régimes précédents, et ce travail doit encore être accéléré. Parallèlement, l’Inter-Ministerial Committee on Land Reform and Agriculture poursuit la conversion de baux d’occupation de terres de l’État en titres de propriété pour les agriculteurs remplissant les conditions, une mesure qui doit permettre à ces exploitants d’accéder plus facilement au crédit et aux investissements.
Sur le volet restitution, le ministre rappelle que, depuis 1998, plus de 83 000 revendications de terres auraient été réglées, combinant restitutions en nature et compensations financières, au bénéfice de plus de deux millions de personnes. Il souligne également l’importance des subventions de développement allouées aux bénéficiaires pour rendre les projets économiquement viables, qu’il s’agisse d’agriculture commerciale, de tourisme rural ou d’autres activités.
Un autre chantier majeur est celui de la législation. Nyhontso indique que son ministère travaille à l’élaboration d’un projet de loi sur la redistribution foncière, afin de donner une base légale plus claire à cette politique, jusque-là conduite principalement à travers des programmes administratifs. Il évoque aussi une future Communal Tenure Bill destinée à encadrer les droits dans les zones de tenure coutumière, ainsi qu’une attention particulière portée aux travailleurs agricoles et aux tenants de terres, notamment via la collaboration avec un « Special Master » chargé de suivre les dossiers de locataires agricoles et par le recours à l’aide juridique pour protéger les bénéficiaires contre les expulsions abusives.
Enfin, Nyhontso situe la réforme foncière dans un cadre constitutionnel précis, rappelant que l’article 25 de la Constitution impose à l’État de prendre des mesures raisonnables pour garantir un accès équitable à la terre, une sécurité de tenure et une restitution ou réparation appropriée. Cette référence vise à souligner que l’action du ministère s’inscrit dans un cadre juridique qui entend concilier correction des injustices historiques et respect de l’État de droit.
Tensions, controverses et arbitrages : un ministre sous surveillance
La visibilité de Mzwanele Nyhontso comme visage de la réforme agraire le place au centre de multiples tensions. À l’intérieur du pays, chaque décision en matière de terre est scrutée par les organisations de fermiers, les mouvements ruraux, les partis politiques et les autorités traditionnelles.
Un dossier emblématique est celui de l’Ingonyama Trust, entité qui administre de vastes terres au KwaZulu-Natal au bénéfice de la monarchie zouloue et de communautés locales. Depuis 2024, la gouvernance de ce trust fait l’objet d’une série de conflits ouverts entre le roi Misuzulu kaZwelithini, le conseil d’administration de l’Ingonyama Trust Board (ITB), le Parlement et le gouvernement central. La presse sud-africaine rapporte que le ministre Nyhontso a, à plusieurs reprises, rappelé que la nomination et la révocation des membres de ce conseil relèvent du cadre législatif national et non du pouvoir unilatéral du monarque, allant jusqu’à considérer que ce dernier avait outrepassé ses prérogatives lorsqu’il a tenté de suspendre le conseil.
Les relations entre le département de la Land Reform and Rural Development et certaines organisations de fermiers noirs sont également tendues. Un article de presse évoque par exemple un bras de fer entre le ministère et l’Izwi Labantu Forum (ILF), un lobby de fermiers noirs, autour de la gestion de dossiers de réforme foncière et de la perception d’une bureaucratie jugée lente ou peu à l’écoute sur certains litiges fonciers.
La performance du ministre et de son département est régulièrement évaluée par les médias et les instituts de recherche. Des publications sud-africaines ont ainsi consacré des analyses et des classements au nouveau cabinet formé après les élections de 2024, examinant notamment l’action de Nyhontso à la lumière des objectifs de redistribution, de restitution et de développement rural. Ces évaluations soulignent généralement la difficulté à concilier des attentes très élevées, surtout chez les communautés rurales pauvres, avec des contraintes budgétaires, administratives et politiques fortes.
Sur le plan international, la réforme foncière continue de susciter des réactions. Les discussions autour de la législation permettant, dans des cas précis, l’expropriation sans compensation, ont alimenté des critiques de la part de dirigeants étrangers et de certains investisseurs, qui y voient un risque pour la sécurité juridique des propriétés foncières. De leur côté, les autorités sud-africaines soutiennent que ces outils, encadrés par la Constitution et la loi, visent à corriger des inégalités structurelles sans remettre en cause la stabilité globale de l’ordre juridique. Dans ce contexte, le ministère de Nyhontso se trouve au cœur d’un débat qui dépasse largement les frontières nationales et implique la diplomatie, l’investissement et les relations commerciales.
Sur le terrain, les attentes restent immenses. De nombreux ruraux – anciens travailleurs agricoles, communautés expropriées, jeunes sans terre – attendent de la réforme qu’elle leur donne un accès concret à la terre, à des infrastructures, à des crédits, à des services de conseil agricole. À l’inverse, certaines organisations d’agriculteurs commerciaux expriment des inquiétudes quant aux effets des expropriations et à la capacité des nouveaux bénéficiaires à assurer la productivité des terres redistribuées, notamment dans un contexte de crises énergétique et climatique. Le ministère doit ainsi arbitrer en permanence entre exigences de justice sociale et impératifs de sécurité alimentaire et d’investissement.
Quel avenir pour la réforme agraire sous la houlette de Mzwanele Nyhontso ?
L’arrivée de Mzwanele Nyhontso au ministère de la Land Reform and Rural Development, dans le cadre d’un gouvernement d’unité nationale, ouvre une phase inédite de la réforme agraire sud-africaine. Le choix d’un leader africaniste issu de l’opposition pour conduire ce portefeuille est lu, par une partie des observateurs, comme un signal politique adressé aux électeurs déçus par la lenteur des transformations depuis 1994. Pour le PAC, c’est l’occasion de mettre en pratique, dans le cadre de l’État, une partie de son programme centré sur la restitution de la terre aux populations noires.
Pour autant, la capacité du ministre à infléchir durablement la trajectoire de la réforme dépend de plusieurs facteurs qui relèvent autant de la politique que de la technicité administrative. Il devra composer avec un cabinet hétérogène, où le portefeuille de l’Agriculture est, lui, confié à John Steenhuisen, chef de la Democratic Alliance, formation libérale et centriste. La coordination entre ces deux ministères sera déterminante pour éviter les doublons, harmoniser les politiques de soutien aux agriculteurs et assurer une cohérence entre redistribution foncière et productivité agricole.
Sur le plan interne, le ministère devra poursuivre la professionnalisation de l’administration foncière : cartographie, enregistrement des actes, gestion des banques de terres, traitement des revendications, suivi des projets de restitution. Les engagements pris par Nyhontso sur l’accélération de la conversion des baux de terres de l’État en titres de propriété, le renforcement des capacités des CPA, la finalisation de textes législatifs sur la redistribution et la tenure coutumière, ou encore la protection des travailleurs agricoles contre les expulsions illégales, constituent autant de chantiers dont l’avancement pourra être mesuré dans les prochaines années.
Le bilan de la réforme agraire sous sa houlette sera également jugé à l’aune de sa capacité à concilier réparation historique et durabilité économique. Une redistribution qui se contenterait de transférer des titres, sans accompagnement technique, financier et institutionnel, risquerait de ne pas répondre aux besoins des communautés rurales et d’alimenter de nouvelles frustrations. À l’inverse, une réforme trop prudente, cantonnée à des transferts symboliques, pourrait être perçue comme une prolongation des lenteurs observées depuis la fin de l’apartheid. Les arbitrages entre ces deux risques se joueront dans les budgets, les orientations législatives, les décisions quotidiennes de l’administration et les rapports de force au sein du gouvernement d’unité nationale.
Enfin, l’action de Nyhontso ne pourra être isolée du climat politique plus large. La coalition au pouvoir, construite après la perte de majorité de l’ANC, repose sur un équilibre fragile entre formations aux visions parfois divergentes sur l’économie, la gouvernance et la redistribution. Dans ce contexte, la réforme agraire peut devenir à la fois un terrain de coopération et de tension. La manière dont le ministre saura défendre son agenda, négocier avec ses collègues, répondre aux critiques et associer les communautés rurales à la mise en œuvre des politiques sera déterminante pour la crédibilité de l’ensemble du projet.
Plus d’un siècle après le Natives Land Act de 1913, la question de la terre reste au cœur des débats sur l’avenir de l’Afrique du Sud. En confiant à Mzwanele Nyhontso le ministère chargé de la réforme foncière et du développement rural, le pays expérimente une nouvelle configuration politique où un opposant historique au pouvoir majoritaire se retrouve chargé de piloter une partie de la réparation. Son mandat s’inscrit dans une continuité de politiques engagées depuis 1994, mais il est aussi porteur d’une promesse de renouvellement : celle de tenter de rapprocher, dans un contexte de fortes contraintes, les aspirations de justice foncière des réalités complexes du terrain.



